L’envoi de milliers de soldats américains en Afghanistan pour évacuer des civils de Kaboul, la capitale menacée par les victoires éclair des talibans, a ravivé jeudi aux États-Unis le douloureux souvenir de la chute de Saigon. La photo qui a immortalisé aux États-Unis la défaite américaine au Vietnam, qui montre des réfugiés embarquant à bord d’un hélicoptère sur le toit d’un immeuble, fleurissait sur les réseaux sociaux après l’annonce du Pentagone, qui a remobilisé jusqu’à 8 000 soldats pour sécuriser l’évacuation de civils de la capitale afghane. En raison de « l’accélération des offensives militaires des talibans » et de « la hausse de la violence et de l’instabilité », Washington a décidé de « réduire encore davantage » sa présence diplomatique à Kaboul, a annoncé le porte-parole du département d’État Ned Price. Pour mener à bien cette évacuation de diplomates américains, le Pentagone va déployer 3 000 soldats à l’aéroport international de la capitale afghane, a précisé son porte-parole John Kirby. Un millier d’autres seront envoyés au Qatar en soutien technique et logistique, tandis que 3 500 à 4 000 vont être prépositionnés au Koweït pour faire face à une éventuelle dégradation de la situation.
Le chef des républicains au Sénat américain Mitch McConnell a éreinté l’administration démocrate de Joe Biden pour ces décisions. « L’Afghanistan fonce vers un immense désastre, prévisible et qui aurait pu être évité. Et les tentatives surréalistes de l’administration pour défendre la politique dangereuse du président Biden sont franchement humiliantes », a tonné le vétéran du Sénat dans un communiqué. « Les décisions du président Biden nous précipitent vers une suite encore pire que la chute humiliante de Saigon en 1975 », a-t-il ajouté.
« Zéro » comparaison possible ?
Pourtant, depuis l’annonce à la mi-avril d’un retrait total des forces étrangères d’Afghanistan d’ici au 11 septembre, l’administration de M. Biden a tout fait pour éviter le parallèle avec le Vietnam. Récemment, le président américain affirmait qu’il y avait « zéro » comparaison possible entre le départ d’Afghanistan et la fin piteuse de la guerre au Vietnam. « Il n’y aura personne qu’il faudra évacuer par les airs du toit d’une ambassade américaine en Afghanistan. Ce n’est pas du tout comparable », assurait-il. « Je peux avoir tort, on ne peut pas prédire l’avenir, mais je ne vois pas Saigon 1975 en Afghanistan », renchérissait deux jours plus tard le chef d’état-major américain, le général Mark Milley. « Les talibans ne sont pas l’armée nord-vietnamienne », ajoutait-il avec dédain.
Pressé de questions jeudi sur la nouvelle mission des militaires américains à Kaboul, le porte-parole du Pentagone John Kirby a refusé de la qualifier d’« opération d’évacuation de non-combattants », dite NOE dans le jargon militaire américain. Il a aussi indiqué que cette opération n’avait pas de nom et évité de parler d’évacuations. La mission « NOE » la plus célèbre est l’opération « Frequent Wind », au cours de laquelle plus de 7 000 civils vietnamiens ont été évacués de Saigon les 29 et 30 avril 1975 par hélicoptère. Questionné sur l’image qu’allait donner le départ de diplomates américains sous protection militaire et l’inévitable comparaison avec la chute de Saigon, M. Kirby a tenté de souligné les différences avec le Vietnam de 1975. « Nous ne laissons pas tomber les forces afghanes. Nous n’éliminons pas complètement notre présence diplomatique sur le terrain », a-t-il répondu. « Personne n’abandonne l’Afghanistan », a-t-il ajouté. « Ce n’est pas les laisser tomber, c’est faire ce qu’il faut quand il faut pour protéger les nôtres. »
Lecture intégrale de 'Noces à Tipasa', essai dionysiaque et solaire du jeune Albert Camus, 26 ans, sur le deuxième mouvement de la symphonie pastorale de Beethoven. Toutes les photos ont été prises en 2012, (c) Amina Mettouchi.
Plinio Barbosa
Magnifique lecture et photos, une apothéose de rythmes et d'intimes regards échangés entre Nature e homme.
Quelques mots simplement qui témoignent avec ferveur tout l'amour que j'éprouve pour cette terre d'Algérie chère à mon cœur, où j'ai vu le jour et que j'ai quittée voilà maintenant bien des années.
Ce temps passé loin de toi n'a altéré en rien tous les sentiments de tendresse et de fidélité que j'ai pour toi. Il me suffit de prononcer ton nom pour me sentir aussitôt transporter tout près de toi, enveloppé par une indescriptible tiédeur où se mêlent des senteurs d'épices parfumées qui embrument mes pensées et des musiques magiques qui me donnent une furieuse envie de danser.
Je suis sur la plage et je sens le soleil brûlant parcourir ma peau. J'entends les vagues s'écraser sur les rochers puis venir ensuite mourir sur le rivage. L'air venant du large chargé d'embruns m'apporte une apaisante fraicheur. Je sens mon cœur battre plus vite dans ma poitrine, mes doigts s'enfoncent dans le sable chaud et je m'accroche avec vigueur et fermeté à cette terre de peur qu'elle ne m'échappe, de peur de la perdre. Je ferme les yeux et dans un total abandon je me laisse imprégner par toutes ces saveurs qui remplissent mon âme de bonheur et de joie de vivre. Moments divins et magiques, moments de pur bonheur, moments de communication... Je me sens bien dans ce pays magnifique et féérique qui m'a donné le meilleur de lui même. Une mer sublime et bleue comme l'horizon, un soleil permanent dont les rayons venaient très tôt le matin inonder les murs blancs des maisons.
Un ciel d'un bleu unique, lumineux dans lequel les hirondelles volaient dès les premiers jours du printemps laissant dans leur sillage ce cri strident pour annoncer la venue des beaux jours. J'aimais les regarder évoluer dans ce ciel limpide, allant et venant sans cesse, se croisant avec frénésie et délicatesse avec la détermination de découvrir le coin tranquille où elles s'installeront.
Depuis ma plus tendre enfance, je les ai regardées chaque année, attendant après leur départ le moment où elles reviendront. Un jour je les ai vu revenir mais je n'étais plus là pour assister à leur départ. Moment dramatique dans ma vie où j'ai dû quitter mon pays bien aimé pour un autre dans lequel je n'ai jamais pu trouver ma place. Triste sort pour ce peuple de "déracinés" que nous étions, jeté sur les rivages de France dans un dénuement total et une solitude écrasante.
J'ai toujours dans ma mémoire ces yeux tristes et rougis par les larmes dans lesquels on pouvait lire l'inquiétude, le désespoir et la souffrance. Il t'a fallu relever la tête et reconstruire ta vie ailleurs mais à quel prix!!! Aujourd'hui je regarde évoluer les hirondelles dans un pays différent pour moi avec une certaine nostalgie et je sens les larmes envahir mes yeux et de chaudes larmes couler sur mes joues.
Le passé ressurgit et tous mes souvenirs d'enfance arrivent intacts, se bousculant et m'interpellant sans cesse. Les promenades les soirs d'été sur les trottoirs de la rue de Constantine par cette insouciante jeunesse remplie de joie de vivre et d'espérance en l'avenir. Le petit chemin qui longeait le cimetière qu'on empruntait pour aller à la plage du piquet blanc et dans lequel le vent venant du large s'engouffrait avec violence. Le bal sur la place, le corso fleuri avec ses chars recouvert de fleurs, notre marchand de beignets en bas de l'avenue Laure. La Mouna de Pâques préparée amoureusement par nos mères ou nos grands-mères et dégustée dans la forêt de Kouba ou de Sidi-Ferruch dans une ambiance incomparable, la nôtre, celle de là-bas...
Dans nos quartiers les visites régulières des "Baba Salem" paraissant venir d'un autre monde avec leur musique magique et endiablée. Les marchands ambulants de glace pour la glacière, de sardines avec son plateau sur la tête, et des fruits et légumes.
Resté au bord du chemin, j'attends le magicien muni de sa baguette magique qui viendra me chercher et m'entraîner dans une folle farandole. Les femmes au regard profond bordé de krol et parées de leur plus beau costume somptueusement décoré agiteront leurs foulards de soie aux couleurs vives et chatoyantes. Elles entreront dans la danse aux sons d'une musique orientale, langoureuse, envoûtante, où se mêlent harmonieusement le son du tambour et de la flute.
Ça et là, un parfum puissant de jasmin, de fleur d'oranger et de menthe viendront embaumer l'atmosphère légère comme une coulée de miel. Je me souviendrai avoir parcouru les grands espaces du désert fait de pierres, de rochers et de sable sous une chaleur écrasante et m'être rafraîchi dans le décor somptueux et presque irréel des palmeraies. Pays magique qui offre à notre regard émerveillé toute sa beauté sauvage et exaltante qui nous forcent à reconnaître la chance que nous avons d'être nés sur cette terre d'Algérie. C'est auprès de toi que j'aurais voulu rester, mais la vie et certains comportements humains en ont décidé autrement.
Quel dommage, quel dommage!...... Une fois de plus, je vais refermer avec une certaine nostalgie mêlée d'amertume mon album de souvenirs si cher à mon cœur et le ranger ici ou là, mais toujours à portée de main pour qu'il puisse être à tous moments ouvert.
Serge Molinès
Que d’années à attendre, que d’années à espérer, à me demander quand viendrait le temps de te revoir et de t’aimer. J’attends ce renouveau qui viendra inonder mon cœur de joie , qui me rendra cette espérance engloutie dans les brumes de ma mémoire, là où les souvenirs s’estompent pour laisser place à l’amertume ..La tristesse m’envahit, m’ oppresse et me désole car je t’ai perdu .Une perte cruelle, inimaginable et tenace qui s’éternise sans que je puisse faire le moindre geste pour l’atténuer. Je me sens totalement dévoré par tout ce temps passé à essayer de faire le deuil de ce pays magnifique sans jamais y parvenir. Les rues de mon enfance sont inondées de soleil, les murs des maisons d’un blanc immaculé m’obligent à plisser les yeux et j’aperçois sur les balcons et terrasses modestement fleuris du linge qui sèche dans le vent qui vient de la mer avec un peu de fraîcheur ou de l’arrière pays avec cette chaleur pesante des jours d’Été.. Agités par le vent , les grands arbres qui bordent la place , se balancent et leurs ombres solitaires et inquiétantes se projettent sur le route. Je passe devant ma maison et j’aperçois le balcon et les volets bleus qui apparaissent derrières les branches entrelacées de l’oranger, du jasmin et du bougainvilliers . Je suis né ici.. Je m’arrête un instant, une angoisse m’envahit vite dissipée par le flots de souvenirs merveilleux vécus ici..
Les volets sont clos et semblent attendre que je revienne les ouvrir et que la vie que j’ai autrefois quittée recommence comme par magie .Il me vient à l’esprit cette nécessité de clore les fenêtres en Été pour empêcher la chaleur de pénétrer dans les maisons ., où sont les bouteilles posées sur le bord de la fenêtre et soigneusement enveloppées de chiffons copieusement mouillés qui allaient nous permettre de boire frais ?.Je croule sous le bonheur, celui d’avoir retrouvé mes racines , celles qui lient à l’Algérie depuis 4 générations et qui avaient disparu « comme ça » par un bel Été voilà 48 ans.. Je me souviens des dimanches où nous allions à la ferme de Louis et Camille au FIGUIER . Dans l’après midi nous partions tous à la plage nous baigner et pour y accéder , nous empruntions un large et long sentier bordé de roseaux d’une hauteur extraordinaire . Au bout une grande plage de sable gris et une mer tiède sous un soleil éblouissant nous attendaient. Tante Camille avait un grand chapeau en paille, maman une superbe robe de couleur verte qui faisait ressortir la blondeur de ses cheveux et le bleu de ses yeux.. Assises sur le sable, elles parlaient et leur conversation était ponctuée de larges éclats de rire.. Algérie notre terre, celle du bonheur et de la joie de vivre !. Pour atténuer la souffrance qui me taraude continuellement, je pense à tous les moments délicieux que j’ai vécus sur cette belle terre d’Algérie. Aussitôt, baigné dans cette atmosphère des jours heureux , je me sens bien , apaisé, l’esprit serein, le cœur léger dans ce bond en arrière salutaire . Comme il est difficile de vivre loin de son pays. Laissez moi regarder ce soleil radieux, réconfortant et admirer cette mer si bleue , y tremper ma main et porter à mes lèvres ce breuvage aux effets magiques et instantanés qui mettront fin à mes interrogations. Laissez moi enfin caresser cette terre merveilleuse , y poser ma joue et échanger dans la complicité la plus totale un long baiser passionné, sous les chauds rayons de soleil ou sous un ciel constellé d’étoiles toutes à portée de main. Regarde moi ma terre, parle moi. A tous les instants de ma vie et dans toutes circonstances, je t’ai cherchée pour me réfugier prés de toi et trouver le réconfort et le courage de poursuivre cette vie monotone qui m’a progressivement enveloppé de ses tentacules étouffantes et obsédantes qui m’ ont retenu loin de toi. Oh ! merveilleuse Algérie, tu as su nous faire tomber sous ton charme , et déposer dans le cœur de chacun d’entre nous des milliers de souvenirs indéfectibles précieusement dissimulés dans nos bagages au moment du départ que je croyais provisoire mais qui est vite devenu définitif. Ils allaient durant des années nous permettre de renaître et tenter de sourire. Moment tragique et douloureux de notre existence , les longues files d’attente sur le port dans l’espoir d’obtenir d’hypothétiques billets de transport , les embarquements au milieu des cris et des pleurs .Sur nos visages ravagés par les larmes pouvaient se lire le désespoir et l’incertitude du lendemain. La mode à l’époque n’était pas à l’intervention de psychologues ou autres et dieu sait combien nous en avions besoin, mais à celle des panneaux insultants , dégradants et hostiles à notre arrivée.. Toi le pied noir, part avec ta famille , ton baluchon et tes maigres économies .Quitte tes racines ,franchit la mer et parcours les routes, les villes et les villages à la recherche d’un coin pour poursuivre ta vie et y finir tes jours. Au plus fort de ta douleur, quand les difficultés de la vie se feront cruelles et exigeantes , sans aucune honte laisse couler tes larmes. Tu vas souffrir mais au bout du compte tu auras peut-être la chance de trouver le bonheur et la sérénité que tu recherchais pour partir vers l’avenir et tes souvenirs d’Algérie quand tu auras besoin de retrouver le passé..
Il faut oublier dit-on, il faut regarder vers l’avenir mais peut-il y avoir un avenir sans qu’il y ait un passé ?......Algérie ma belle, Algérie éternelle, Algérie que j’aime, je te l’ai dit et te le dis encore, ne me quitte pas ..
T'as pas de quoi prendre un avion, ni même un train Tu pourrais pas lui offrir un aller Melun Mais tu l'emmènes puisque tu l'aimes Sur des océans dont les marins n'ont jamais jamais vu la fin
Tu as le ciel que tes carreaux t'ont dessiné Et le soleil sur une toile de ciné Mais tu t'en fiches, mais tu es riche Tu l'es puisque vous vous aimez
Venise n'est pas en Italie Venise, c'est chez n'importe qui Fais-lui l'amour dans un grenier Et foutez-vous des gondoliers Venise n'est pas là où tu crois Venise aujourd'hui c'est chez toi C'est où tu vas, c'est où tu veux C'est l'endroit où tu es heureux
Vous n'êtes plus dans cette chambre un peu banale Ce soir vous avez rendez-vous sur le canal Feux d'artifices, la barque glisse Vous allez tout voir, tout découvrir Y compris le pont des Soupirs Ca durera un an ou une éternité Le temps qu'un Dieu vienne vous dire « assez chanté » Quelle importance, c'est les vacances Tout ça parce que vous vous aimez
Venise n'est pas en Italie Venise, c'est chez n'importe qui Fais-lui l'amour dans un grenier Et foutez-vous des gondoliers Venise n'est pas là où tu crois Venise aujourd'hui c'est chez toi C'est où tu vas, c'est où tu veux C'est l'endroit où tu es heureux
Venise n'est pas en Italie Venise, c'est chez n'importe qui C'est n'importe où, c'est important Mais ce n'est pas n'importe quand Venise c'est quand tu vois du ciel Couler sous des ponts mirabelle C'est l'envers des matins pluvieux C'est l'endroit où tu es heureux
Les armes se sont tues il y a plus de soixante ans, et pourtant le souvenir de ce conflit, emblématique de la décolonisation, ne cesse de hanter la France. Chez les anciens combattants, la parole se libère, âpre, amère, impérieuse aussi : comment, au temps des yéyés et à l’aube de la vie, accomplir son devoir tout en menant une guerre « sans nom », une sale guerre qui n’en finit pas d’étaler son absurdité et ses horreurs ? Pour ce numéro spécial sur l’Algérie, Historia a confié à Tramor Quemeneur, spécialiste de ce sujet, le soin de piocher, dans la correspondance de jeunes appelés et de leurs proches, des expériences et des témoignages qui rendent compte du vécu de ce conflit auquel nul n’était préparé. Émouvants, éclairants, présentés tels qu’ils furent écrits, ils tentent de donner un sens à ce qui fut, pour beaucoup, l’épreuve de leur vie. Nous dédions ce dossier à la mémoire de Bernard Bourdet, pour son amitié, et à celle de Pierre Genty et de Noël Favrelière, pour leur gentillesse.
Après avoir laissé une bonne part de leur innocence là-bas, dans des combats que la métropole a vite oubliés, les conscrits français se sont longtemps murés dans le silence.
Les soldats de la guerre d'Algérie représentent la dernière « génération du feu ». Les conflits où s'est engagée la France n'ont depuis impliqué qu'un nombre limité de militaires de carrière. De plus, le nombre élevé de jeunes gens qui y ont participé (1,2 million de conscrits, auxquels il faut ajouter 200 000 « rappelés », ceux qui avaient déjà effectué leur service et que les autorités françaises ont envoyés en Algérie) s'explique par la longueur ddu conflit. En tout, environ 2 millions de soldats ont servi dans l'armée française pendant la guerre d'Algérie.
Deux générations précédentes avaient participé aux guerres mondiales. La contribution avait été plus massive, les combats s'étaient en grande partie déroulés sur le territoire métropolitain et avec un front bien établi. Rien de comparable avec la guerre d'Algérie, où c'est tout le territoire qui est devenu le lieu de combats - dont le modus vivendi , sauf en de rares occasions, était celui de la guérilla. De plus, les gouvernements successifs ont cherché à minimiser la situation en niant l'état de guerre et en qualifiant le conflit de simples « opérations de maintien de l'ordre ». Les combattants algériens étaient, eux, des « hors-la-loi » dans une « guerre sans nom ».
Un retour laborieux et hanté de cauchemars
Tous ces facteurs ont contribué à ce que les appelés du contingent se retrouvent confrontés à des discours de leur famille et de leurs proches dénigrant la gravité des combats auxquels ils participaient. Ainsi, les anciens combattants leur disaient parfois que ce n'était en rien comparable avec ce qu'ils avaient vécu. En outre, à leur retour, les appelés ressentaient un profond décalage par rapport à ce qu'ils vivaient en Algérie. La société de consommation bouleversait de plus en plus la société française, les loisirs se faisaient de plus en plus prégnants - autant de préoccupations pouvant paraître frivoles pour ceux qui baignaient dans la peur et la mort des embuscades et des opérations. Pendant ce temps, leurs amis s'amusaient, les surprises-parties battaient leur plein, notamment avec le succès de l'émission Salut les copains ! sur Europe 1, à partir de 1959.
Parfois, aussi, leur fiancée s'éloignait, creusant un vide sentimental et émotionnel autour d'eux. Tout cela a contribué à ce que les appelés se murent dans le silence dès leur retour. La peur accumulée pendant des mois d'accrochages, le choc des combats et des horreurs vues et vécues ont contribué à ce que de nombreux soldats soient atteints de troubles de stress post-traumatique (post-traumatic stress disorder, terme développé par les Américains après la guerre du Vietnam). Des réflexes conditionnés pendant des mois de guerre conduisent à ce que beaucoup d'anciens appelés cherchent leur arme à leur réveil ou plongent au sol pour se protéger en croyant entendre une explosion dans la rue...
La famille pouvait aussi constater un changement d'humeur, un caractère dépressif, une irascibilité, voire une violence chez les ex-appelés, conduisant parfois à ce que les proches ne les interrogent pas sur les raisons de leur mal-être. Enfin, les cauchemars ont commencé à peupler les nuits des anciens appelés, réapparaissant par séries dès qu'un événement faisait resurgir le souvenir de la guerre. C'est pourquoi de nombreux anciens appelés ont évité de lire ou de regarder des films qui évoquaient cette période, afin de ne pas raviver les traumatismes.
Certains ont réussi à se réadapter très vite. Ils ont repris leur travail dès leur retour et sont parvenus à oublier rapidement la guerre. Parfois même, la guerre leur a permis de faire des rencontres ou d'acquérir des savoirs qu'ils ont réinvestis ensuite dans le domaine professionnel. Une partie des appelés a mis plusieurs mois avant de reprendre un travail, du fait des syndromes de stress post-traumatique qui les handicapaient. D'autres, enfin, n'ont jamais pu se réadapter. Certains ont basculé dans la folie et passé leur vie dans des hôpitaux psychiatriques : les statistiques des hôpitaux militaires sont sur ce point encore inconnues.
Des dégâts sous-estimés
Il est évident que les 60 000 blessés reconnus officiellement du côté français sont largement sous-estimés, les problèmes psychologiques n'ayant pour une large part pas été comptabilisés. De même, certains soldats qui n'ont pas supporté le poids de ce qu'ils avaient vécu en Algérie se sont suicidés à leur retour. Ce sujet est évoqué par le romancier Vladimir Pozner dans Le Lieu du supplice, un recueil de nouvelles tirées de faits réels publié en 1959 chez Julliard.
Pour d'autres conscrits, les problèmes psychologiques ont été masqués par un alcoolisme dans lequel ces soldats avaient commencé à sombrer pendant le conflit. Ce sujet apparaît dans le roman de Laurent Mauvignier, Des hommes (publié en 2009 aux Éditions de Minuit). Il est impossible de quantifier les cas d'alcoolisme imputables à la guerre d'Algérie, tout comme il est impossible de savoir dans quelle mesure les actes de violence pratiqués par d'anciens appelés sont dus à la guerre. Un autre phénomène qui a gangrené la société française après 1962 est le racisme. Celui-ci existait bien évidemment avant la guerre. Mais, pendant et après celle-ci, il a pris pour cible les « Arabes », c'est-à-dire presque exclusivement les Maghrébins et, encore plus, les Algériens. Leur rejet trouve notamment son origine dans les épisodes douloureux que les soldats ont vécus en Algérie, par le racisme colonial qui existait en Algérie et que certains pieds-noirs ont rapporté en métropole, mais aussi par la propagande du 5e Bureau, chargé de l'« action psychologique » - notamment à destination des soldats -, qui véhiculait des préjugés raciaux sur la population algérienne. Ce racisme a trouvé à partir des années 1970 une expression politique avec la création du Front national.
Une reconnaissance tardive du statut de combattant
Dès la fin de la guerre d'Algérie, les faits commis pendant les hostilités ont commencé à être amnistiés à la suite des accords d'Évian. Des décrets puis des lois d'amnistie ont été adoptés en 1962, en 1964, en 1966 et en 1968 - cette dernière ne concernant quasi exclusivement que les membres de l'OAS. Les officiers sanctionnés pour leur action contre les institutions françaises (participation au putsch des généraux en 1961 et à l'OAS) ont même été réintégrés dans leur carrière, notamment afin qu'ils bénéficient de leur pleine retraite. Parallèlement, les appelés du contingent luttaient pour leur reconnaissance en tant qu'anciens combattants d'une guerre qui, officiellement, n'en était pas une. Plusieurs associations existaient avant même la guerre d'Algérie, en particulier l'Union nationale des combattants et l'Association républicaine des anciens combattants - toutes deux issues de la Première Guerre mondiale.
Dès la guerre d'Algérie sont créées des associations d'anciens d'Algérie, qui ont formé ensemble une première fédération en 1958. Celle-ci est devenue la Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc (Fnaca) en 1963. Elle est alors présidée par le directeur de L'Express, Jean-Jacques Servan-Schreiber. Cette association a pris de l'ampleur, jusqu'à comprendre plus de 300 000 membres et devenir la première association d'anciens combattants. Ce terme de « combattant » revêtait une importance particulière, car les « anciens d'Algérie » n'étaient justement pas reconnus comme ayant participé à des combats, mais seulement à des « opérations de maintien de l'ordre ». Leur première revendication concernait donc le fait qu'ils avaient participé à une guerre et en avaient subi toutes ses conséquences. Leur lutte aboutit plus de dix ans plus tard, en 1974, et encore de manière restrictive : il faut avoir été dans une unité combattante en Algérie pendant plus de cent vingt jours. Il a encore fallu attendre la loi du 18 octobre 1999 pour qu'enfin les autorités françaises reconnaissent que les « opérations de maintien de l'ordre » étaient une véritable guerre.
Se souvenir, mais quand ?
Une autre lutte de la Fnaca a été (et reste encore) la reconnaissance du 19 mars comme jour officiel de commémoration de la guerre d'Algérie. En 2013, le 5 décembre est devenu par décret la journée officielle de commémoration, mais ce jour a été choisi car il ne correspond à aucun événement de la guerre d'Algérie (il serait donc « neutre »). La date du 19 mars réclamée par la Fnaca est récusée par d'autres associations portant une mémoire pied-noire et harkie, lesquelles affirment (à juste titre) qu'il y a eu de nombreux morts après le 19 mars. Mais cette date apparaît comme la seule à posséder un sens symbolisant la fin de la guerre. D'ailleurs, depuis la loi du 6 décembre 2012, elle a été officialisée, bien que des associations nostalgiques de l'« Algérie française » continuent de s'y opposer. Les commémorations se déroulent devant les monuments aux morts locaux ainsi que devant des monuments départementaux - le premier a été inauguré à Troyes en 1977. En 2002, un monument national, composé de trois colonnes sur lesquelles défilent les noms des morts en Algérie, a été érigé au quai Branly, à Paris, tout près de la tour Eiffel.
Plus de cinquante-six ans après la fin de la guerre, les appelés en Algérie arrivent au terme de leur vie. Se pose alors la question de la transmission de leur mémoire aux générations suivantes. Dans leur très grande majorité, leurs enfants ont été marqués par leur silence, par les non-dits autour de cette guerre - même s'ils ont vécu indirectement avec elle, par les cauchemars et les traumatismes des pères. Aujourd'hui, toutefois, la guerre d'Algérie est plus étudiée dans les collèges et les lycées ; d'anciens appelés interviennent dans les établissements scolaires pour raconter leur guerre, et les jeunes, plus réceptifs à cette question, interrogent leurs grands-pères sur ce qu'ils ont vécu en Algérie.
Le poids du silence des mémoires se déleste peu à peu. On pourra ainsi mieux saisir la complexité de cette guerre des deux côtés de la Méditerranée et les tensions entre les groupes « porteurs de mémoire » pourront s'estomper. Alors, seulement, une mémoire sereine, familiale et collective, pourra se transmettre et sera à même d'éviter que de lourds secrets ne continuent à hanter nos sociétés.
Certains appelés ont réussi à se réadapter rapidement
Ils ont repris leur travail dès leur retour et sont parvenus à oublier rapidement la guerre. Parfois même la guerre leur a permis de faire des rencontres ou d’acquérir des savoirs qu’ils ont réinvesti dans le domaine professionnel ensuite.
Une partie des appelés ont mis plusieurs mois avant de reprendre un travail du fait des syndromes de stress post-traumatique qui les handicapaient. D’autres enfin n’ont jamais pu se réadapter. Certains ont basculé dans la folie et ont passé leur vie dans des hôpitaux psychiatriques : les statistiques des hôpitaux militaires sont sur ce point encore inconnues. Il est évident que les 60 000 blessés reconnus officiellement du côté français sont largement sous-estimés, les problèmes psychologiques n’ayant pour une large part pas été comptabilisés. De même, certains soldats qui n’ont pas supporté le poids de ce qu’ils avaient vécu en Algérie se sont suicidés à leur retour. Ce sujet est notamment évoqué par le romancier Vladimir Pozner dans Le lieu du supplice, recueil de nouvelles tirées de faits réels.
Pour d’autres soldats, les problèmes psychologiques ont été masqués par un alcoolisme dans lequel les soldats avaient commencé à sombrer dès la guerre d’Algérie. Ce sujet apparaît dans le roman de Laurent Mauvignier, Des hommes (2009). Il est impossible de quantifier les cas d’alcoolisme imputables à la guerre d’Algérie, tout comme il est impossible de savoir dans quelle mesure les actes de violence pratiqués par d’anciens appelés sont dus à la guerre.
Un autre phénomène qui a gangrené la société française après 1962 est le racisme. Celui-ci préexistait bien évidemment à la guerre. Mais pendant et après celle-ci, il a pris pour cible les « Arabes », c’est-à-dire presque exclusivement les Maghrébins et encore plus les Algériens. Leur rejet trouve notamment son origine dans les épisodes douloureux que les soldats ont pu vivre en Algérie, par le racisme colonial qui existait en Algérie et que certains « pieds noirs » ont ramené en métropole, mais aussi par la propagande du 5e Bureau, chargé de « l’action psychologique » (notamment à destination des soldats français), qui véhiculait des préjugés raciaux et racistes sur la population algérienne. Ce racisme a trouvé à partir des années 1970 une expression politique avec la création puis l’essor du Front national.
Le terme de « combattant »
Il revêtait ici une importance particulière car les « anciens d’Algérie » n’étaient justement pas reconnus comme ayant participé à des combats mais seulement à des « opérations de maintien de l’ordre ». Leur première revendication concernait donc le fait d’avoir participé à une guerre et à toutes ses conséquences. Leur lutte aboutit plus de dix ans plus tard, en 1974, et encore de manière restrictive : il faut avoir été dans une unité combattante en Algérie pendant plus de 120 jours. Il a encore fallu attendre la loi du 18 octobre 1999 pour qu’enfin les autorités françaises reconnaissent que les « opérations de maintien de l’ordre » étaient en fait une guerre.
Une autre lutte de la FNACA a été (et est encore) la reconnaissance du 19 mars comme jour officiel de commémoration de la guerre d’Algérie. En 2013, le 5 décembre est devenu par décret la journée officielle de commémoration, mais ce jour a été choisi car il ne correspond à aucun événement de la guerre d’Algérie (il serait donc « neutre »). La journée du 19 mars réclamée par la FNACA est combattue par d’autres associations portant une mémoire pied noire et harkie qui affirment (à juste titre) qu’il y a eu de nombreux morts après le 19 mars. Mais cette date apparaît comme la seule à posséder un sens symbolisant la fin de la guerre. D’ailleurs, depuis la loi du 6 décembre 2012, elle a été officialisée, bien que des associations nostalgiques de « l’Algérie française » continuent de s’y opposer.
Les commémorations se déroulent devant les monuments aux morts locaux ainsi que devant des monuments départementaux dont le premier a été inauguré à Troyes en 1977. En 2002, un monument national, composé de trois colonnes sur lesquelles défilent les noms des morts en Algérie, a été érigé au quai Branly à Paris, tout près de la tour Eiffel.
Femmes d'appelés
Des appelés se sont mariés avant leur départ en Algérie, surtout s'ils étaient rappelés (ils avaient déjà terminé leur temps de service). Quelquefois, c'est au cours d'une permission que ce mariage s'est effectué. Mais le plus souvent, les appelés étaient célibataires, voire fiancés, leur union étant repoussée au retour d'Algérie. Parfois, le promis n'est jamais revenu, laissant une blessure indélébile pour ces « veuves blanches », puisqu'elles n'étaient pas encore mariées. L'éloignement et le temps ont pu faire s'envoler l'amour, laissant alors les soldats dans un terrible vide sentimental. Quelquefois, au contraire, l'amour est né sous les drapeaux, avec la rencontre d'une femme en Algérie ou lors de la correspondance avec une « marraine de guerre ». Au retour, certaines épouses et fiancées ont constaté combien la guerre avait transformé leur compagnon, ce qui a conduit à des séparations difficiles. Pour les autres, il a fallu apprendre à vivre ensemble, avec les cauchemars qui pouvaient hanter les nuits des époux, sans savoir ce qu'ils avaient vécu ni ce qu'ils avaient fait là-bas. Parfois, l'historien qui interroge le mari en sait davantage sur son parcours en Algérie que l'épouse... Et pourtant, les femmes d'appelés ont souvent été essentielles à l'équilibre psychique de ceux qui ont été traumatisés par la guerre. T. Q.
Réconcilier et transmettre
En 2004, la petite Association des anciens appelés en Algérie contre la guerre (4ACG) a été créée. Ses membres reversent leur retraite d’ancien combattant pour une action importante : la réconciliation entre Français et Algériens. Enfin, l’Espace national guerre d’Algérie (ENGA) créé en 2017 a pour but de collecter des témoignages, de sauvegarder et de transmettre l’histoire et les mémoires de la guerre d’Algérie.
Sous la plume de l’historien Fabrice Riceputi et d’autres, la mémoire de Paul Teitgen est très souvent évoquée depuis quelques semaines. Paul Teitgen, c’est l’histoire d’un grand commis de l’État qui avait dit non à la torture en Algérie. Il est décédé en 1991 dans le plus strict anonymat à Colombe-lès-Vesoul.
Parce qu’il avait connu lui-même la torture, l’internement et l’arbitraire pendant la guerre, Paul Teitgen a dit non. Devenu secrétaire général de la préfecture d’Alger, il a refusé, en son nom, de cautionner ce qui était en train de se mettre en place en Algérie.
La figure de Paul Teitgen apparaît en filigrane dans toute l’histoire des « événements » d’Algérie. Cet habitant du village d’Essernay, près de Colombe-lès-Vesoul, n’a jamais voulu être un héros. Il est d’ailleurs décédé en Haute-Saône en toute discrétion sans jamais avoir réellement fait parler de lui. Et pourtant le personnage continue à fasciner. On retrouve forcément son nom au moment où Emmanuel Macron reconnaît l’implication de l’État français dans le meurtre de Maurice Audin. Plusieurs articles s’intéressent de très près au personnage. Un sculpteur a même voulu prendre au mot l’auteur de « L’art français de la guerre », Alexis Jenni, qui a écrit : « Il ne paie pas de mine, son acte est modeste, mais je voudrais élever une statue à Paul Teitgen ».
Fabrice Riceputi, l’historien bisontin, a consacré plusieurs articles à ce personnage étonnant, aussi discret que charismatique. « Et puis aussi plein d’humour et formidable orateur, comme le disait Pierre Vidal-Naquet, son grand ami. Mais c’est surtout son geste qui est admirable. Il a refusé de cautionner la torture, il a dit non. Et travailler sur Paul Teitgen donne un éclairage essentiel sur l’enchaînement des faits et la folie collective qui s’est alors emparée de l’État. Son témoignage décrit comment on a organisé la torture ».
Lui-même ancien déporté, il n’a pas pu fermer les yeux
Paul Teitgen était né à Colombe-lès-Vesoul, mais il a grandi à Nancy dans une famille de démocrates chrétiens. Dès 1940, d’ailleurs, son propre père Henri et son frère Pierre Henri (plusieurs fois ministre de la IVe République) se sont engagés comme lui dans la Résistance au nom des valeurs de la famille. Ils ont d’ailleurs été déportés tous les trois. Paul Teitgen a, de plus, subi les interrogatoires et la torture avant d’être envoyé au Struthof puis à Dachau dans un état épouvantable.
Et c’est seulement 13 ans après qu’il se retrouvera secrétaire général de la police à Alger. Très vite, il met en place un système de contrôle des prisonniers faits par l’armée mais se rend vite compte qu’on lui ment. C’est alors qu’il choisit de démissionner, se rendant compte qu’il est en train d’échouer dans sa mission. Il était impossible pour lui, qui avait subi le pire quelques années auparavant, de cautionner les mêmes méthodes au niveau de responsabilités où il était parvenu. Il est alors devenu la bête noire de l’armée qui lui promettait le pire. Il a été renvoyé à Paris avec toute sa famille puis à Brasília pour qu’il y soit oublié.
Les crevettes Bigeard évoquées par Paul Teitgen
Paul Teitgen n’a jamais refusé de témoigner même s’il n’a jamais cherché à le faire. Il est par la suite entré au Conseil d’État où il a terminé sa carrière.
« C’est le seul haut fonctionnaire qui ait dénoncé les crimes de l’Armée française en Algérie », résume Fabrice Riceputi. « On sait aujourd’hui grâce à lui que Maurice Audin a été assassiné. Et il n’y a pas une rue en France qui porte son nom. Ce serait quand même la moindre des choses. Et peut-être en Haute-Saône d’ailleurs, ce département qu’il aimait tant ».
de Haute-Saône, qui a refusé la torture en Algérie
Il est le seul haut-fonctionnaire a avoir dit "non" à la torture en Algérie en 1957. Paul Teitgen, a grandi en Haute-Saône. C'est d'ailleurs là aussi qu'il repose dans le petit cimetière de Colombe-les-Vesoul. Si son nom ne vous est pas connu, il mérite pourtant d'être inscrit dans les manuels. Voici son histoire racontée par l'historien Fabrice Riceputi, qui a consacré plusieurs articles à Paul Teitgen et travaille sur la guerre d'Algérie. Il a créé le site 1000autres.org, qui répertorie les personnes enlevées, détenues clandestinement, torturées et parfois assassinées par l'armée française - des Maurice Audin par milliers.
Ebauche de mémorial pour Paul Teitgen
et tous les disparus d’Algérie
Par Michaël Duperrin, photographe et écrivain
Torturé par la Gestapo, puis déporté à Dachau, cet ancien résistant fut nommé secrétaire général de la préfecture d’Alger en 1957. Il démissionna pour protester contre les actes de torture pratiqués par l’armée française. Mort en 1991, il aurait eu 100 ans le mercredi6 février 2019.
Tribune. Le 6 février 1919 naissait Paul Teitgen. On l’aurait oublié si Alexis Jenni n’avait écrit, dans l’Art français de la guerre : «Il ne paie pas de mine, son acte est modeste, mais je voudrais [lui] élever une statue, […] une belle statue en bronze.» Teitgen était secrétaire général de la préfecture d’Alger en 1957, durant la bataille d’Alger. A l’époque, les bombes du FLN tuaient leur lot quotidien de civils, et il pleuvait des morts, les «Crevettes Bigeard», indépendantistes jetés à la mer d’un hélicoptère, les pieds pris dans le béton. Teitgen découvrit que l’armée, dotée des «pouvoirs spéciaux» par le Parlement, avait systématisé le recours à la torture pour faire parler la population et démanteler le réseau FLN. Près de 24 000 Arabes d’Alger furent arrêtés et soumis à un «interrogatoire approfondi» ; Teitgen recensa parmi eux 3 024 disparus. Tenant de la légalité républicaine, ancien résistant torturé par la Gestapo et à Dachau, il jugeait la torture déshonorante pour la France et dégradante pour tous. Il fit cette chose simple mais hautement symbolique : il demanda aux militaires de signer une assignation à résidence pour chaque personne arrêtée, et ce qu’il était advenu de chaque disparu. Les réponses restaient évasives, et son action ne changeait rien. Teitgen démissionna. Mais l’important était là : affirmer que ces vies comptaient, et demander des comptes pour les disparus. Ces actes de Paul Teitgen ne sont pas héroïques. Ils n’en sont peut-être que plus importants, non entachés de l’éclat suspect de la gloire. Il n’y a là qu’une exigence humaine de justice.
Faudrait-il prendre au pied de la lettre la proposition d’Alexis Jenni ? Près de soixante ans après, la mémoire de la guerre d’Algérie reste douloureuse et conflictuelle. Les blessures des groupes concernés (pieds-noirs, harkis, Algériens immigrés, appelés), souvent silencieuses, n’en continuent pas moins d’avoir des effets. Comme, plus largement, la plaie du colonial a des effets dans le corps social. Si la figure de Paul Teitgen paraît inattaquable, ses actes peuvent-ils fédérer les multiples protagonistes de la guerre d’Algérie ? On pressent déjà le reproche : «Ce ne sont pas les seuls disparus.» Il y a les dizaines d’Européens tombés sous les balles françaises lors d’une manifestation rue d’Isly à Alger le 26 mars 1962, les victimes des attentats de l’OAS comme du FLN, les dizaines de milliers de harkis assassinés à l’indépendance, les civils européens disparus durant le conflit et jusqu’après l’indépendance, comme le 5 juillet 1962 à Oran, mais aussi bien plus tôt, les «enfumades», par l’armée française, en 1844-1845, de centaines d’hommes, femmes, vieillards et enfants retranchés dans des grottes. Et le 1,5 million de morts indigènes, les expropriations, exactions, brimades et humiliations permanentes durant cent trente-deux ans d’Algérie coloniale.
Sans doute faudrait-il une statue dédiée à tous ces disparus. Elle ne serait pas en bronze, matériau trop chargé d’héroïsme viril. Sa forme, sobre, dirait à la fois la justesse de Paul Teitgen, la douleur de chacun et l’hommage rendu aux disparus. J’imagine ceci : une plaque verticale, dans laquelle serait découpée la silhouette en creux de Paul Teitgen et, à l’intérieur de celle-ci, une trame grillagée composée de 3 024 cases, autant que de disparus de la bataille d’Alger, 3 024 cases qui vaudraient aussi bien pour tous les morts de l’Algérie coloniale, qui diraient à la fois leur absence et la douleur des vivants. La sculpture serait en fer, matériau qui rouille et se décompose, comme tombent en poussière les souvenirs lorsqu’un jour ils cessent d’être traumatiques, de hanter les vivants et finissent par s’effacer de la mémoire transmise entre les générations. Dans les creux des 3 024 cases, chacun pourrait venir déposer sa peine, ses morts, ses disparus, sa nostalgie, sa honte, son remords, sa rancune, sa colère…
Ce mémorial pourrait être érigé à Colombe-lès-Vesoul, où Paul Teitgen est né. On pourrait rêver que cette sculpture soit aussi installée sur le port de Marseille, qui a vu débarquer tous les acteurs de la guerre d’Algérie. Poussons le rêve plus loin encore, et imaginons qu’elle ait son double exact sur l’autre rive, à Alger. Il faudrait pour cela que les pouvoirs politiques acceptent, au moins un temps, de cesser d’instrumentaliser l’histoire à des fins partisanes et clientélistes, et de commémorer les Justes et les victimes, de quelque bord qu’ils soient. C’est aujourd’hui encore impossible, et c’est pourquoi il faut le demander… Et le faire.
De la fumée s'élève dans les montagnes après les incendies qui ont frappé le village de Larbaa Nath Irathen, près de Tizi Ouzou, en Kabylie, mercredi 11 août 2021. La wilaya de Tizi-Ouzou se trouve, en outre, en alerte rouge canicule.
Comme la Turquie et le Grèce, l'Algérie lutte contre les incendies depuis ce lundi 9 août. En plus des feux, le nord du pays étouffe sous une vague de chaleur qui frappe l'ensemble du Maghreb. Des températures records ont d'ores et déjà été enregistrées en Tunisie tandis que le mercure va grimper sensiblement au Maroc dans les prochains jours.
Le nord de l’Algérie lutte, depuis lundi 9 août, contre des incendies dévastateurs dans le nord du pays. Pompiers et militaires sont sur le pied de guerre pour tenter d’enrayer l’avancée des multiples feux qui ont déjà fait au moins 65 morts dont 28 soldats.
Selon le ministre de l’Intérieur, Kamel Beldjoud, le départ, lundi 9 août au soir, d’une cinquantaine d’incendies serait « d’origine criminelle ». Ces incendies sont également attisés par les conditions météorologiques.
Le Nord algérien dans le rouge
Les incendies constituent un phénomène récurrent dans le Nord algérien, qui s'amplifie toutefois au fil des ans. Cette année, les flammes se propagent au moment où un dôme de chaleur s’abat sur le nord de l’Afrique.
Généré par un vaste anticyclone d’altitude, qui devrait atteindre la France dans les jours à venir, notamment le sud-est, il facilite le départ des feux dans les endroits déjà touchés par des hausses de températures et une baisse des précipitations.
Mercredi 11 août, la quasi-totalité du nord algérien se trouvait en alerte canicule, à divers niveaux selon les territoires. Le niveau 2 concernaient encore, à la mi-journée, 13 wilayas dont ceux de Sidi-Bel-Abbès, Bouira, Constantine, Ain Defla ou l’Ouest de Batna. Selon Météo Algérie, le mercure pourrait grimper de 44°C jusqu’à 47°C selon les divisions administratives. Une prévision qui prévaut jusqu’à jeudi 12 août à 21h « au moins ».
Le niveau maximal de l’alerte concerne les wilayas de Tizi-Ouzou, Bejaïa, Jijel, Skikda, Annaba et El-Tarf. Dans ces zones, « des températures maximales exceptionnelles atteindront localement 48°C durant cette après-midi (le 11 août) », indique Météo Algérie.
Records de chaleur partout en Tunisie
Les températures s’envolent également en Tunisie voisine tandis que les records de chaleur tombent un à un. A Kairouan, selon les données de l’Institut national de la météorologie, elles culminent, le 11 août, à 48,8 °C, soit presqu’un degré de plus qu’en 1968 où 48,1°C avaient été enregistrés. Idem à Sfax, où le mercure a atteint 45,8°C (45,7°C en 2005).
La veille, des records avaient également été dépassés à Tunis (49°C), Bizerte (48°C) et Monastir (47°C). Selon le service météorologique, le 10 août, à 18h, les six villes les plus chaudes d’Afrique étaient d’ailleurs tunisiennes. Avec ses 48,9°C, Beja était même la quatrième localité la plus chaude à l’échelle mondiale.
En ces circonstances, le Ministère de la Santé et l’agence météorologique insistent sur la « nécessité d’éviter l’exposition directe au soleil pendant de longues périodes. »
Vent chaud venu du Sahara au Maroc
Le Maroc n’échappe pas non plus à cette vague de chaleur. Dans l’un de ses derniers bulletin météorologiques, relayé par des médias marocains, la Direction générale de la météorologie (DGM) indique qu’elle devrait frapper plusieurs provinces du royaume de jeudi 12 août à lundi 16 août. Elle sera accompagnée de « chergui », un vent chaud en provenance du Sahara.
La DGM table ainsi sur des thermomètres affichant jusqu’à 47°C, jeudi, dans les provinces de Béni Mellal, Berkane, Jerada ou encore Nador, entre autres.
Ils pourraient même s’élever jusqu’à 49°C dans les provinces d’Agadir-Ida-Ou Tanane, Guelmim, ou Sidi Ifni. Une hausse notable des températures est également attendue sur les plaines Atlantique Nord dès vendredi 13 août.
La Méditerranée, "point chaud" du changement climatique
Selon le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la Méditerranée, sera, à l'avenir, touchée par des canicules, sécheresses et feux de forêt aggravés par le réchauffement climatique. Les spécialistes qualifient la zone de «"point chaud" du changement climatique. »
« Les raisons d'inquiétude comprennent des risques liés à la hausse du niveau de la mer, à la perte de la biodiversité terrestre et marine, des risques liés aux sécheresses, feux de forêt et altérations du cycle de l'eau, la production alimentaire menacée, des risques pour la santé dans des agglomérations urbaines et rurales liées aux canicules » et aux moustiques vecteurs de maladies.
D'après le texte, les températures grimperont plus rapidement autour de la Méditerranée qu'au niveau mondial au cours des prochaines décennies, pesant sur l'agriculture, la pêche et le tourisme.
La climatologue allemande, Friederike Otto, directrice associée de l'Institut du changement environnemental de l'Université d'Oxford, estime que les chaleurs extrêmes représentent la plus grande menace pour la Méditerranée car elles sont « de loin les événements (climatiques) extrêmes les plus mortels en Europe. »
En outre, selon Matthew Jones, du Tyndall Centre for Climate Change Research, le nombre moyen de jours où la région méditerranéenne fait face à des conditions favorables à des incendies extrêmes, a déjà doublé depuis les années 1980.
Selon un archéologue, le grand désert africain serait un des premiers exemples de changement climatique d'origine humaine.
Il y a de cela 10.000 à 11.000 ans, il pleuvait sur le Sahara. Ce qui est aujourd'hui le plus grand désert chaud du monde accueillait une végétation riche, des lacs, une faune variée avec des éléphants, des girafes... Nos ancêtres ont habité ces savanes et forêts sahariennes, vivant de chasse et de cueillette.
Une "période sèche" de 1.000 ans
"C'était dix fois plus humide qu'aujourd'hui", explique Jessica Tierney, spécialiste en géosciences à l'université de l'Arizona, qui vient de publier une étude sur cette période verdoyante de la région saharienne dans la revue "Science Advances". En comparaison, aujourd'hui, la pluviométrie est de 35 à 100 millimètres par an...
En examinant des sédiments marins, l'équipe du professeur Tierney a pu retranscrire la pluviométrie de la région en remontant jusqu'à 25.000 ans en arrière. De quoi mettre en relief un lien entre les migrations d'Homo sapiens et l'humidité du lieu. En effet, certains scientifiques suggèrent que les populations humaines ont quitté le Sahara au fur et à mesure qu'il se désertifiait. Or, selon les résultats recueillis par cette équipe, les migrations se seraient produites il y a 8.000 ans... au milieu de la période dite du "Sahara vert".
L'explication ? Une période d'environ 1.000 ans, durant laquelle le Sahara serait devenu plus sec. Le millénaire de sécheresse (relative) aurait poussé les humains à émigrer. Une fois cette période terminée, les humains seraient revenus, mais dans d'autres circonstances.
"Ce qui est intéressant, c'est que les gens qui sont revenus après la période sèche étaient différents, la plupart étaient des éleveurs. La période sèche sépare deux cultures différentes. Nos enregistrements fournissent un contexte climatique pour ce changement dans l'occupation et le mode de vie de l'ouest du Sahara."
L'oscillation de la Terre, cause de la désertification ?
La fin définitive de cette période verdoyante, connue des spécialistes sous le nom de "subpluviale néolithique", se situerait aux environs de 3.000 ans avant notre ère. La cause de ce changement divise encore les scientifiques. Certains la font remonter à 7 millions d'années, avec la disparition progressive d'un grand océan qui aurait donné naissance à la Méditerranée, la mer Noire et la mer Caspienne, et aurait ensuite causé les variations climatiques de la région.
Pour d'autres, le changement viendrait de l'oscillation de l'orbite de la Terre. L'axe de notre planète n'est en effet pas fixe, il effectue un mouvement de rotation qui dure environ 26.000 ans, un phénomène connu sous le nom de précession des équinoxes. Mais ce mouvement n'est pas fluide. Sous l'influence d'autres facteurs, comme la présence de la Lune, il connaît aussi quelques oscillations.
La rotation de l'axe de la Terre, ou précession des équinoxes. (NASA)
Selon certaines études, lorsque le Sahara était couvert par la végétation, l'ensoleillement de l'hémisphère sud était plus important l'été, ce qui renforçait la mousson d'Afrique de l'ouest, et amenait des pluies abondantes sur le Sahara. Les changements dans l'orbite auraient affaibli la mousson, et asséché la région.
Et si c'était l'humanité ?
Une nouvelle théorie vient aujourd'hui offrir une explication différente à la désertification : la présence des humains. Le professeur David Wright, archéologue de l'université nationale de Séoul, vient de la publier dans la revue "Frontiers in Earth Science".
En comparant les données archéologiques sur l'apparition de l'élevage dans la région saharienne avec l'évolution sur la durée de certains types de végétation associés à une région désertique, l'archéologue a pu bâtir sa théorie.
Voici environ 8.000 ans, les premières communautés pastorales se seraient installées dans la région du Nil, et auraient commencé à se répandre vers l'ouest. Et cette progression serait synchrone avec l'augmentation de la végétation désertique.
Comment cela a-t-il pu se produire ? L'arrivée de tribus dont la ressource principale est l'élevage a eu des conséquences sur l'environnement. Ces civilisations ont aménagé l'espace, incendié des zones qu'ils souhaitaient dédier à leurs animaux, et plus globalement procédé à une déforestation. Le changement dans la végétation, et notamment la disparition de zones de forêts et de savanes, a pu changer la quantité de lumière solaire reflétée par le sol, qui a son tour aurait influencé la circulation atmosphérique. Les moussons, qui irriguaient le Sahara, auraient alors faibli, poussant la région sur le chemin de la désertification.
Ne niant pas l'influence de l'oscillation de l'orbite terrestre, le professeur Wright estime toutefois que l'action humaine a été un facteur déterminant dans l'évolution du climat saharien. Il cite de nombreux exemples de changements écologiques et climatiques dus aux humains dans le monde.
"En Asie de l'est, il y a des théories bien établies sur la manière dont les populations néolithiques ont changé le paysage de manière si profonde que les moussons ont cessé de pénétrer loin dans les terres", explique-t-il.
Pour lui, un scénario similaire s'appliquerait au Sahara. Dans un contexte fragilisé par les changements dans l'orbite de la planète, l'humanité aurait fait basculer la région dans la désertification, qui ne se serait peut-être pas produite sans son intervention.
L'anthropocène, cette époque de l'histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur la Terre, aurait donc débuté dans la préhistoire, et la période de la révolution industrielle, actuellement considérée comme le début de "l'âge des humains", ne serait qu'une sorte de "grande accélération" de l'influence de l'humanité sur le climat
Le temps n'est plus au règlement de comptes ni à la recherche de savoir à qui profite le crime. L'Algérie brûle. Nos monts et montagnes se calcinent avec effroi et lourde émotion nationale. Il y a des morts cette fois-ci. Beaucoup de traumatisme, de dommage. Quand on est dans la fournaise en plein âtre de l'enfer, il est inutile de crier au mal qui nous rongeait avant la férocité meurtrière du feu. On n'a de salut, à cet instant vital, que de sauver les vies humaines. Les complications qui nous divisaient ou les épreuves qui nous suppliciaient, les questions qui nous divergeaient, au nom de l'urgence, doivent être mises sous cloche. Une halte à la mémoire de tous les défunts. L'heure est à l'action unanime et solidaire. De nombreux départs d'incendie de forêts ont été enregistrés ces derniers jours à travers plusieurs wilayas. Peu importe leur géographie, l'essentiel c'est que ces régions victimes sont sur le territoire national. La Kabylie en était la plus touchée, plusieurs villages et hameaux ont été les proies aux flammes irrésistibles d'un feu outrageusement dévorant.
Ces feux, qui ne semblent pas s'habiller d'une innocence hasardeuse ou d'une vengeance providentielle, n'ont pas seulement détruit le patrimoine forestier et végétal; le feu s'est étendu à des personnes humaines, des citoyens, des soldats. On ne combat pas la fournaise avec seulement du courage et l'amour du pays comme l'ont fait les braves éléments de l'Armée nationale qui ont péri à côté de leurs nombreux concitoyens. Ils n'avaient, Allah yarham'hom, que leur vaillance et nationalisme à aligner à la terreur des flammes gigantesques. Désolation et consternation, assistance et traitement, aide et appui doivent suppléer aux colères et exacerbations.
Chaque cri de victime est légitime, chaque revendication de sinistré est juste. Les pouvoirs publics sont dans l'impératif de prendre les mesures qui s'imposent et surtout comprendre le désarroi de la population. Non pas celles consistant en des dédommagements, ce qui est à la base garanti moralement, mais l'anticipation, afin d'éliminer la reproduction de tels malheurs. Ces événements atroces qualifiés le plus souvent de catastrophes naturelles, alors qu'en majorité ils ne sont pas l'œuvre de la tranquille dame nature quand elle n'est pas bousculée ni violée dans ses empires. L'origine criminelle est toujours derrière la première flammèche. La pyromanie n'est pas uniquement une perversion pathologique, elle a aussi ses desseins maléfiques. Le trouble, le désordre, la scission sociale. Le peuple en est conscient. Il s'est pris debout à son accoutumée et a spontanément réagi. Ce qui blesse davantage la fierté nationale, en contrepartie de son entière symbiose en disponibilité et engagement en pareils cas, c'est cette inattention, voire paresse des responsables à anticiper les événements. Ceux-ci sont toujours en retard d'une guerre. Les générateurs d'oxygène, les stations de dessalement de l'eau de mer et l'acquisition des canadairs ne sont plus des contingences de luxe ou d'équipement secondaires. C'est à l'identique d'un arsenal de guerre. Faudrait-il penser déjà à d'autres catastrophes d'une autre nature ? Oui, toutes ces défections ne sont pas à mettre dans l'immédiat sur la table. Cela n'empêchera pas de les inscrire dans leurs tables de commandements. Creuser la nécessité, peser la conséquence.
A quoi sert, sans moyens appropriés, cette délégation nationale de lutte contre les catastrophes naturelles et prévention des risques majeurs institutionnalisée auprès du ministère de l'Intérieur depuis très longtemps ? Quand on s'exprime dans une solennité émotionnelle à chaud que « l'État déploiera tous les moyens nécessaires » pour faire face à ces faits, l'on ne pense pas, qu'en face d'un feu aussi dangereux, on n'en use pas de mains nues, de pelles et de pioches et de surcroît sans masque adapté. Les moyens nécessaires sont tout indiqués car l'usage est universelle et adéquat. Les canadairs. Et puis, actionner le dispositif conventionnel de la solidarité internationale pour circonscrire ce sinistre dramatique ne traduit nullement autre chose que l'apport d'un effort humanitaire. On a bel et bien participé à cet effort ailleurs. C'est une question qui n'égratigne aucune facette de notre souveraineté. Cette douloureuse épreuve vient encore réaffirmer la cohésion citoyenne et l'abnégation de nos jeunes militaires que le pays a besoin de tous ses enfants. Clémence et miséricorde à leurs âmes.
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