Quelques mots simplement qui témoignent avec ferveur tout l'amour que j'éprouve pour cette terre d'Algérie chère à mon cœur, où j'ai vu le jour et que j'ai quittée voilà maintenant bien des années.
Ce temps passé loin de toi n'a altéré en rien tous les sentiments de tendresse et de fidélité que j'ai pour toi. Il me suffit de prononcer ton nom pour me sentir aussitôt transporter tout près de toi, enveloppé par une indescriptible tiédeur où se mêlent des senteurs d'épices parfumées qui embrument mes pensées et des musiques magiques qui me donnent une furieuse envie de danser.
Je suis sur la plage et je sens le soleil brûlant parcourir ma peau. J'entends les vagues s'écraser sur les rochers puis venir ensuite mourir sur le rivage. L'air venant du large chargé d'embruns m'apporte une apaisante fraicheur. Je sens mon cœur battre plus vite dans ma poitrine, mes doigts s'enfoncent dans le sable chaud et je m'accroche avec vigueur et fermeté à cette terre de peur qu'elle ne m'échappe, de peur de la perdre. Je ferme les yeux et dans un total abandon je me laisse imprégner par toutes ces saveurs qui remplissent mon âme de bonheur et de joie de vivre. Moments divins et magiques, moments de pur bonheur, moments de communication... Je me sens bien dans ce pays magnifique et féérique qui m'a donné le meilleur de lui même. Une mer sublime et bleue comme l'horizon, un soleil permanent dont les rayons venaient très tôt le matin inonder les murs blancs des maisons.
Un ciel d'un bleu unique, lumineux dans lequel les hirondelles volaient dès les premiers jours du printemps laissant dans leur sillage ce cri strident pour annoncer la venue des beaux jours. J'aimais les regarder évoluer dans ce ciel limpide, allant et venant sans cesse, se croisant avec frénésie et délicatesse avec la détermination de découvrir le coin tranquille où elles s'installeront.
Depuis ma plus tendre enfance, je les ai regardées chaque année, attendant après leur départ le moment où elles reviendront. Un jour je les ai vu revenir mais je n'étais plus là pour assister à leur départ. Moment dramatique dans ma vie où j'ai dû quitter mon pays bien aimé pour un autre dans lequel je n'ai jamais pu trouver ma place. Triste sort pour ce peuple de "déracinés" que nous étions, jeté sur les rivages de France dans un dénuement total et une solitude écrasante.
J'ai toujours dans ma mémoire ces yeux tristes et rougis par les larmes dans lesquels on pouvait lire l'inquiétude, le désespoir et la souffrance. Il t'a fallu relever la tête et reconstruire ta vie ailleurs mais à quel prix!!! Aujourd'hui je regarde évoluer les hirondelles dans un pays différent pour moi avec une certaine nostalgie et je sens les larmes envahir mes yeux et de chaudes larmes couler sur mes joues.
Le passé ressurgit et tous mes souvenirs d'enfance arrivent intacts, se bousculant et m'interpellant sans cesse. Les promenades les soirs d'été sur les trottoirs de la rue de Constantine par cette insouciante jeunesse remplie de joie de vivre et d'espérance en l'avenir. Le petit chemin qui longeait le cimetière qu'on empruntait pour aller à la plage du piquet blanc et dans lequel le vent venant du large s'engouffrait avec violence. Le bal sur la place, le corso fleuri avec ses chars recouvert de fleurs, notre marchand de beignets en bas de l'avenue Laure. La Mouna de Pâques préparée amoureusement par nos mères ou nos grands-mères et dégustée dans la forêt de Kouba ou de Sidi-Ferruch dans une ambiance incomparable, la nôtre, celle de là-bas...
Dans nos quartiers les visites régulières des "Baba Salem" paraissant venir d'un autre monde avec leur musique magique et endiablée. Les marchands ambulants de glace pour la glacière, de sardines avec son plateau sur la tête, et des fruits et légumes.
Resté au bord du chemin, j'attends le magicien muni de sa baguette magique qui viendra me chercher et m'entraîner dans une folle farandole. Les femmes au regard profond bordé de krol et parées de leur plus beau costume somptueusement décoré agiteront leurs foulards de soie aux couleurs vives et chatoyantes. Elles entreront dans la danse aux sons d'une musique orientale, langoureuse, envoûtante, où se mêlent harmonieusement le son du tambour et de la flute.
Ça et là, un parfum puissant de jasmin, de fleur d'oranger et de menthe viendront embaumer l'atmosphère légère comme une coulée de miel. Je me souviendrai avoir parcouru les grands espaces du désert fait de pierres, de rochers et de sable sous une chaleur écrasante et m'être rafraîchi dans le décor somptueux et presque irréel des palmeraies. Pays magique qui offre à notre regard émerveillé toute sa beauté sauvage et exaltante qui nous forcent à reconnaître la chance que nous avons d'être nés sur cette terre d'Algérie. C'est auprès de toi que j'aurais voulu rester, mais la vie et certains comportements humains en ont décidé autrement.
Quel dommage, quel dommage!...... Une fois de plus, je vais refermer avec une certaine nostalgie mêlée d'amertume mon album de souvenirs si cher à mon cœur et le ranger ici ou là, mais toujours à portée de main pour qu'il puisse être à tous moments ouvert.
Serge Molinès
Les volets sont clos et semblent attendre que je revienne les ouvrir et que la vie que j’ai autrefois quittée recommence comme par magie .Il me vient à l’esprit cette nécessité de clore les fenêtres en Été pour empêcher la chaleur de pénétrer dans les maisons ., où sont les bouteilles posées sur le bord de la fenêtre et soigneusement enveloppées de chiffons copieusement mouillés qui allaient nous permettre de boire frais ?.Je croule sous le bonheur, celui d’avoir retrouvé mes racines , celles qui lient à l’Algérie depuis 4 générations et qui avaient disparu « comme ça » par un bel Été voilà 48 ans.. Je me souviens des dimanches où nous allions à la ferme de Louis et Camille au FIGUIER . Dans l’après midi nous partions tous à la plage nous baigner et pour y accéder , nous empruntions un large et long sentier bordé de roseaux d’une hauteur extraordinaire . Au bout une grande plage de sable gris et une mer tiède sous un soleil éblouissant nous attendaient. Tante Camille avait un grand chapeau en paille, maman une superbe robe de couleur verte qui faisait ressortir la blondeur de ses cheveux et le bleu de ses yeux.. Assises sur le sable, elles parlaient et leur conversation était ponctuée de larges éclats de rire.. Algérie notre terre, celle du bonheur et de la joie de vivre !. Pour atténuer la souffrance qui me taraude continuellement, je pense à tous les moments délicieux que j’ai vécus sur cette belle terre d’Algérie. Aussitôt, baigné dans cette atmosphère des jours heureux , je me sens bien , apaisé, l’esprit serein, le cœur léger dans ce bond en arrière salutaire . Comme il est difficile de vivre loin de son pays. Laissez moi regarder ce soleil radieux, réconfortant et admirer cette mer si bleue , y tremper ma main et porter à mes lèvres ce breuvage aux effets magiques et instantanés qui mettront fin à mes interrogations. Laissez moi enfin caresser cette terre merveilleuse , y poser ma joue et échanger dans la complicité la plus totale un long baiser passionné, sous les chauds rayons de soleil ou sous un ciel constellé d’étoiles toutes à portée de main. Regarde moi ma terre, parle moi. A tous les instants de ma vie et dans toutes circonstances, je t’ai cherchée pour me réfugier prés de toi et trouver le réconfort et le courage de poursuivre cette vie monotone qui m’a progressivement enveloppé de ses tentacules étouffantes et obsédantes qui m’ ont retenu loin de toi. Oh ! merveilleuse Algérie, tu as su nous faire tomber sous ton charme , et déposer dans le cœur de chacun d’entre nous des milliers de souvenirs indéfectibles précieusement dissimulés dans nos bagages au moment du départ que je croyais provisoire mais qui est vite devenu définitif. Ils allaient durant des années nous permettre de renaître et tenter de sourire. Moment tragique et douloureux de notre existence , les longues files d’attente sur le port dans l’espoir d’obtenir d’hypothétiques billets de transport , les embarquements au milieu des cris et des pleurs .Sur nos visages ravagés par les larmes pouvaient se lire le désespoir et l’incertitude du lendemain. La mode à l’époque n’était pas à l’intervention de psychologues ou autres et dieu sait combien nous en avions besoin, mais à celle des panneaux insultants , dégradants et hostiles à notre arrivée.. Toi le pied noir, part avec ta famille , ton baluchon et tes maigres économies .Quitte tes racines ,franchit la mer et parcours les routes, les villes et les villages à la recherche d’un coin pour poursuivre ta vie et y finir tes jours. Au plus fort de ta douleur, quand les difficultés de la vie se feront cruelles et exigeantes , sans aucune honte laisse couler tes larmes. Tu vas souffrir mais au bout du compte tu auras peut-être la chance de trouver le bonheur et la sérénité que tu recherchais pour partir vers l’avenir et tes souvenirs d’Algérie quand tu auras besoin de retrouver le passé..
Il faut oublier dit-on, il faut regarder vers l’avenir mais peut-il y avoir un avenir sans qu’il y ait un passé ?......Algérie ma belle, Algérie éternelle, Algérie que j’aime, je te l’ai dit et te le dis encore, ne me quitte pas ..
Serge Molinès Septembre 2010
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