Abdelmadjid Chikhi, le conseiller aux questions mémorielles du président Tebboune, s’est exprimé, samedi, lors d’une «Journée du savoir» et accuse la France coloniale d’avoir «éliminé les personnes qui lisaient et écrivaient» en Algérie.
Pour appuyer ses dires, Abdelmadjid Chikhi, directeur des Archives nationales, évoque des travaux «d’historiens», sans pour autant les citer. AFP/Ryad Kramdi
«La France coloniale a œuvré pour répandre l’analphabétisme» : nouvelle sortie critique en Algérie
Abdelmadjid Chikhi, le conseiller aux questions mémorielles du président Tebboune, s’est exprimé, samedi, lors d’une «Journée du savoir» et accuse la France coloniale d’avoir «éliminé les personnes qui lisaient et écrivaient» en Algérie.
Nouveau coup de blizzard dans la relation compliquée entre la France et l’Algérie. En cause, les déclarations chocs du conseiller aux questions mémorielles du président Tebboune, qui s’est exprimé samedi lors d’une « Journée du savoir », organisée au Centre national des archives, à Alger, selon lesquelles « la France coloniale a œuvré pour répandre l’analphabétisme en Algérie ».
Appuyant ses dires sur des travaux « d’historiens », Abdelmadjid Chikhi, directeur des Archives nationales, affirme qu’en 1830, à l’aube de la colonisation française, « le taux d’analphabétisme n’approchait pas les 20 % de la population ». La France, accuse-t-il, a alors « éliminé les personnes qui lisaient et écrivaient. Il s’en est suivi l’ère du pillage ».
Des propos d’autant plus inflammables qu’Abdelmadjid Chikhi, qui ne cite pas les « historiens » auxquels il se réfère, fait figure d’alter ego de l’historien Benjamin Stora, auteur d’un rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie remis au président Macron en janvier. Le chef de l’Etat, qui a engagé une démarche de réconciliation, jalonnée de gestes symboliques comme l’ouverture des archives de la guerre, en vue du soixantième anniversaire de l’indépendance algérienne en 2022, voit donc ses espoirs sérieusement contrariés.
L’exutoire d’un régime chahuté en interne
D’autant que la sortie de Chikhi, un homme proche du régime des généraux, fait suite à un tout récent camouflet infligé à Paris : l’annulation in extremis par Alger de la visite officielle de Jean Castex. Au motif que la délégation française n’était pas assez fournie, trop peu de ministres et patrons du Medef s’étant décidés à accompagner le Premier ministre, à cause notamment des impératifs sanitaires liés au Covid. Une excuse que les officiels algériens, « très susceptibles » selon le jugement en privé d’un haut diplomate, ont refusé d’entendre, préférant donc annuler cette réunion au sommet, pourtant prévue de longue date.
Extraits du livre « Torturés par Le Pen », La guerre d’Algérie (1954 - 1962) e Hamid Bousselham.
Introduction
"En 1943, rue Lauriston, des Français criaient d’angoisse et de douleur, la France entière les entendait.
En 1958, à Alger, on torture régulièrement, systématiquement, tout le monde le sait, de M. Lacoste aux cultivateurs de l’Aveyron, personne n’en parla, ou presque. "
Jean-Paul Sartre
Une Victoire
Oui, Jean Marie Le Pen a torturé en Algérie, et lui-même a admis avoir usé de la torture en déclarant notamment dans un entretien accordé au quotidien « Combat », le 9 novembre 1962 :
"Je n’ai rien à cacher. J’ai torturé parce qu’il fallait le faire. Quand on vous amène quelqu’un qui vient de poser vingt bombes qui peuvent exploser d’un moment à l’autre et qu’il ne veut pas parler, il faut employer des moyens exceptionnels pour l’y contraindre. C’est celui qui s’y refuse qui est le criminel car il a sur les mains le sang de dizaines de victimes dont la mort aurait pu être évitée".
Selon le journal officiel français du 12 juin 1957, le député parachutiste Le Pen déclarait également « J’étais à Alger officier de renseignement (...), comme tel je dois être aux yeux d’un certain nombre de mes collègues ce qui pourrait être le mélange d’un officier SS et d’un agent de la Gestapo. Ce métier, je l’ai fait... »
Tous les témoignages des Algériens torturés par Le Pen rejoignirent celui de Mohamed Louli, arrêté à Alger le 14 février 1957, et emmené par Le Pen à la villa des Roses, Boulevard Galliéni, aujourd’hui 74 boulevard Bougara :
« Le Pen m’a torturé. Oui, lui personnellement à l’électricité et à l’eau. Et je l’ai vu aussi torturer d’autres détenus ».
Le commissaire principal R. Gilles dans un rapport à M. l’inspecteur général de l’administration en mission extraordinaire, préfet d’Alger, rapportait ceci : « J’ai l’honneur de porter à votre connaissance qu’à l’issue de son arrestation et de sa détention, du 8 au 31 mars, par les parachutistes du 1erREP, le nommé Yahiaoui Abdenour, né le 3 juillet 1938, domicilié 53 avenue Lavigerie à Kouba, s’est présenté devant moi et m’a déclaré avoir été l’objet de sévices de la part du Lieutenant Le Pen, et sur son ordre. En particulier, lors de son arrestation, des fils électriques furent reliés aux lobes de ses oreilles. Le lieutenant Le Pen lui-même faisait fonctionner une magnéto à manivelles à l’aide de laquelle il envoyait des décharges électriques dans le corps. En présence de ce même officier, le jeune Yahiaoui fut frappé avec un nerf de bœuf, et y fut attaché nu sur un banc, pieds et poignets liés, et il dut y ingurgiter de force une certaine quantité d’eau.
Enfin, il reste cinq jours enfermé dans un "tombeau", trou creusé dans le sol et fermé par des barbelés, au 74 boulevard Galliéni où il était détenu. A la suite de ces cinq jours de "tombeau", il ne fut plus maltraité jusqu’à sa libération. »
Jean-Marie Le Pen doit être poursuivi pour les actes de torture qu’il a fait subir à nos compatriotes.
Tout comme le président du Front National, le tortionnaire Jean-Marie Le Pen, le général Bigeard, l’assassin de Larbi Ben M’hidi, le « Jean Moulin » algérien, le général Massu et Maurice Papon doivent être jugés comme criminels de guerre. Klaus Barbie et Papon ont été jugés en France. Il serait également juste que Le Pen, Massu, Bigeard, Papon et les autres soient jugés pour les mêmes crimes que Barbie par des tribunaux algériens et français.
Nous sommes en droit d’exiger un procès Nuremberg du colonialisme français à Alger pour les juger pour crimes contre l’humanité.
Mohamed LOULI
Né le 21 juillet 1927.
J’ai été arrêté dans la nuit du 23 au 24 février 1957, après avoir été relâché par les bérets rouges. J’avais été relâché le 21 février. On m’a repris dans la nuit du 23 au 24. C’est le lieutenant Le Pen qui est, lui-même, venu chez moi à Notre Dame d’Afrique. Il opérait beaucoup par là-bas. Il ont tout démoli chez moi. Ils ont ramassé tout ce qu’ils ont trouvé chez moi. Ils sont restés à peu près une heure chez moi. Il était 21h. On m’a attaché, on m’a mis un bandeau sur les yeux. Avec le Pen, il n’y avait que des paras Allemands. Ils m’ont fait monter dans une voiture stationnée à 100 mètres de chez moi. La voiture, c’était une dauphine neuve. On est monté à trois derrière, on était bien serrés, plus le chauffeur et le lieutenant. Le Pen devant, ils m’ont fait faire un petit voyage dans Alger. J’ai pu, pendant quelques moments, repérer les endroits où on passait, mais à un moment, ils n’ont fait qu’aller et venir, et tourner à gauche, à droite, et là, j’ai perdu le fil. On a dû arriver Boulevard Gallieni vert minuit, une heure du matin. On m’a fait descendre et on m’a fait marcher tout seul a peu près 200 m, ils étaient derrière moi, et je tâtonnais pour arriver là où on me conduisait. Et là, on m’a fait entrer dans une villa. On m’a fait monter un étage, et quand ils m’ont enlevé le bandeau, j’ai vu trois paras étrangers, le lieutenant Le Pen et le capitaine que je ne connaissais pas. Le Pen non plus, je ne le connaissais pas, je ne l’avais jamais vu auparavant. Ils ont commencé l’interrogatoire. Gentiment au départ, sans rien, et après, on m’a fait descendre dans une chambre, et c’est là que j’ai commencé à être torturé. Alors, le premier soir, c’était à l’eau et c’est Le Pen et le capitaine qui interrogeaient, il n’y avait pas de baignoire, il y avait une grande bassine remplie d’eau sale et ils m’ont attaché comme un saucisson sur un banc très long avec la tête qui dépassait de la planche, et chaque fois, quand ils voyaient que je ne disais rien, ils soulevaient, et ma tête rentrait dans la bassine d’eau. Après, je ne me rappelle plus, je sais qu’il faisait jour quand ils m’ont fait descendre avec les autres. Oui, il devait être cinq heures du matin. Quand vous êtes à la villa, vous avez en face le soleil. La lumière commençait à poindre. Ils vous prenaient à n’importe quel moment du jour ou de la nuit. Ils n’avaient pas d’heure.
Pratiquement ça ne s’est pas arrêté, si ce n’était pas moi, c’étaient d’autres, pendant tout le temps que je suis resté là-bas. Ce n’est que peut-être cinq ou six jours après, qu’ils nous ont ordonné de creuser des tombes, des tombes normales d’à peu près 1,70 m de profondeur, autant en longueur et dans les 60 cm de large. Il y en a eu dix, cinq près de la villa et cinq plus bas. Et là-dedans, ils mettaient les gens. Quand ils torturaient quelqu’un, dès qu’ils avaient besoin de lui, ils prenaient le prisonnier, ils le torturaient, puis ils le refoutaient dans la tombe. Moi, personnellement, j’ai dû passer peut-être, quatre ou cinq jours dedans. Et quant El Hadj Ali Mouloud a été liquidé, à ce moment là, pour éviter qu’il y ait des histoires pareilles, ils ont mis des barbelés jusqu’au ras du sol, ce qui fait que le prisonnier ne pouvait pas sortir. Quand ils venaient le prendre, ils levaient un peu les barbelés, puis ils le retiraient. Il était déjà à moitié liquidé avant d’être sorti, parce qu’ils le passaient entre les barbelés. L’affaire Ali Mouloud, on a dit que ce n’était pas une évasion. Il fallait deviner ce qu’il pensait à ce moment là, le malheureux. Personne ne pouvait savoir ce qu’il pensait. Ce que je peux préciser, c’est ce que j’ai vu, moi. On m’avait monté le matin à la terrasse de la villa, et ils m’ont laissé debout de 7h du matin à 18h 30 à peu près. Il commençait à faire noir. C’est à ce moment que j’ai entendu du bruit et je me suis retourné. J’étais sur le bord du parapet de la terrasse. Un petit parapet de 60 cm de hauteur. Je regardais en bas, entre les arbres, et j’ai vu Hadj Ali Mouloud, qui avait commencé à faire quelques pas vers le bas. A ce moment-là, un para étranger, il parlait allemand, a tiré sur lui dans le dos. Alors, de tous les côtés, ça commençait à tirailler. Les paras qui étaient à côté de moi, ne voyaient pas, ils étaient au milieu de la terrasse, à l’endroit où se trouvaient les appareils de transmission. Quand ils ont entendu tirer, ils sont venus, ils m’ont jeté par terre, et ils tiraillaient dans les arbres qui se trouvaient plus bas dans le jardin. Ils ne savaient pas ce qui se passait. Au même moment, il y a eu des tirs qui venaient de la rue, plus bas. C’était un groupe de C.R.S en patrouille. Ils ont tiraillé aussi de tous les côtés, pensant qu’ils devaient être attaqués ou qu’il y avait quelque chose contre eux, et ça a duré une minute peut-être. Un quart d’heure après, il devait être 19h, le lieutenant Le Pen est monté sur la terrasse et il a fait cette réflexion en me voyant : « Tiens, il est encore là, celui-là, qu’est-ce qu’il fout là ? ». Il m’avait oublié, parce que c’était lui qui m’avait monté le matin. Ils m’ont redescendre, et devant la porte d’une remise où il y avait une trentaine de prisonniers à peu près, le lieutenant Le Pen m’a fait cette réflexion, en voyant le corps de Hadj Ali Mouloud qui était nu, il avait été déshabillé : « Tu vois ce qui arrive à ceux qui tentent de fuir. Voilà un de tes amis. ». J’ai dit : « Ce n’est pas mon ami, je ne le connais pas. ». Et c’est vrai que je ne le connaissais pas du tout. Je l’ai vu mort pour la première fois. Après, ils m’ont mis dans la remise avec les autres, et Le Pen a demandé à un para de m’attacher. Le para, c’était un allemand, il ne m’a pas attaché. Il m’a mis une corde autour et il a essayé de m’expliquer de rester comme ça, de passer la nuit comme ça avec les autres, et le matin, quand on viendrait nous détacher, d’essayer de me mettre avec les autres qui venaient d’être détachés pour qu’on ne voit pas qu’on ne m’avait pas passé la corde autour des poignets. On a eu des paras, là-bas, qui étaient méchants aussi, qui torturaient les gens, mais il y en a qui ont refusé de torturer, ce sont des paras étrangers, qui s’en foutaient pas mal de ce qui se passait en Algérie. Il y avait des hongrois, un espagnol, deux italiens et tous les autres sont des Allemands. Les français, c’étaient des officiers. Le lieutenant Le Pen, en plus, nous faisait des séances de politique. C’est à dire, qu’il prenait un groupe de prisonniers, et nous disait : « Moi, je ne vous comprends pas, je suis allé dans beaucoup de foyers arabes, et j’ai vu que beaucoup de ces foyers, avaient de jolis meubles, avaient des postes radio, il y en a qui avaient la télévision. Les gens sont très bien habillés, alors qu’est-ce que vous cherchez ? ». Il était loin du problème, parce que poser ces questions à des prisonniers, dans un contexte pareil, je crois que c’est un peu déplacé, surtout qu’il était député, quand même. D’ailleurs, un prisonnier qui est mort après l’indépendance : Sassi, tailleur à Bab-El-Oued, lui a répondu : « Mais, mon lieutenant, ce qu’on cherche nous, c’est l’indépendance. »
Alors, à la suite de cette réflexion, il a passé huit jours, dans des toilettes de 1,50 m de long sur à peu près un mètre de large. On le retirait de là-bas, on le torturait, on le refoutait là-bas, et pendant huit jours, ça n’a été que ça.
Je crois qu’il était loin des problèmes, Le Pen. On ne cherchait pas à être habillé, ni à avoir des postes radio à la maison, ou avoir de jolis meubles. C’est ce qui m’a frappé le plus à l’époque, chez Le Pen. On ne fait pas des réflexions comme ça. Pour lui, c’est peut-être, je ne sais pas comment vous expliquer ça, il ne devait même pas savoir pourquoi il était là. Il s’est engagé pour le plaisir de s’engager, pour le plaisir de nous torturer, Je crois que c’est ça, parce que ce n’est pas possible autrement....
Parfois Le Pen frappait lui-même. Je peux vous citer le cas d’un prisonnier, Abdelwahab Redjini, qui avait été arrêté une journée avant moi. C’était un jeune, il devait avoir 20 ou 21 ans. Il est toujours vivant. Et Le Pen est arrivé. Après l’avoir torturé, on l’a jeté du premier étage dans le jardin. C’est Le Pen qui, lui-même, l’a jeté. Il a été assommé. Et il y a des moments où Le Pen torturait Abdelwahab devant nous. Il s’entraînait sur lui à le jeter en l’air, et l’autre retombait assommé. Il se réveillait et il riait, bien sûr, je ne sais pas comment vous dire... C’était nerveux. Et Le Pen lui disait : « Mais le salaud, il rit encore, avec tout ce qu’on lui file, il rit encore. ». Après ça, il est resté pendant trois ou quatre ans à dormir sur du dur, il avait trois vertèbres cassées et les dents aussi, il n’en a pratiquement plus. Le Pen l’appelait par son petit nom, Abdelwahab. Et il s’est acharné sur lui de cette manière, pendant quelques jours. Plus tard, je l’ai retrouvé dans le camp de transit.
Je me souviens aussi d’un jeune, Smain Aknouche, un appelé algérien qui était de Notre Dame d’Afrique. Il avait été arrêté dans sa caserne, accusé d’avoir volé des armes et de les avoir données à l’organisation, ils l’ont amené et l’on torturé. Je n’ai pas vu quand ils l’ont torturé, mais il était plein de sang et on m’a fait entrer dans la salle où il était prisonnier. J’ai vu Le Pen, qui lui ordonnait d’essuyer les traces de sang sur les murs, avec un chiffon. Il avait son pantalon de militaire, torse nu et les bras attachés derrière le dos. Avec un chiffon entre les dents, il essuyait le sang sur les murs. Après, le chiffon est tombé, et il a continué avec la langue. Et ce jeune homme, à un moment, il a parlé. Il leur a dit : « Oui, j’ai des armes, elles sont cachées dans un puits, chez moi, à Notre Dame d’Afrique. ». Le Pen et les soldats l’ont emmené à 2h du matin, ils l’ont attaché, mais quand ils l’ont mis sur la margelle du puits pour le descendre en bas, le jeune s’est jeté. C’est lui qui me l’a raconté plus tard, il a voulu se tuer... Ils l’ont remonté avec une corde. IL a été assommé, bien sûr, mais rien de cassé. Quand ils l’ont ramené à la villa, j’ai vu deux femmes qui l’attendaient, c’était sa sœur et sa mère. Je ne peux pas assurer que la jeune fille et la mère ont été frappées. Et même aujourd’hui, la fille ne veut rien dire. J’ai essayé de l’interroger très souvent, sur les nuits qu’elle avait passées là-bas, elle n’a jamais voulu dire si elle avait été torturée ou pas. Aknouche a été libéré, et en mai 1962, il a été tué par l’O.A.S avec sa femme, à Bab El Oued. Et la jeune fille, maintenant, vit seule. Elle ne veut parler à personne.
A la villa, ils faisaient aussi une sorte de tribunal, entre eux seulement. Un capitaine para, un lieutenant para, un adjudant et d’autres paras étrangers, et puis parmi eux, il y avait deux Européens d’Algérie (des policiers habillés en paras). Je ne les connais pas, parce que je ne connais pas tout le monde. Et là, ils décidaient facilement, en deux, trois minutes. Ils discutaient, le prisonnier ne pouvait rien entendre, parce qu’ils étaient loin et ils parlaient doucement. Le capitaine faisait un geste, et le prisonnier est, soit libéré, soit liquidé, soit encore ramené dans un camp de transit, dans les environs d’Alger, à Béni Messous, Ben Aknoun... Personnellement, j’ai été amené là-bas, au camp de Béni Messous. En fait, c’était une justice illégale, parce qu’ils ne discutaient pas avec nous. Deux paras nous faisaient entrer, c’était une grande salle, on était peut-être à une vingtaine de mètres de la table très longue, quelques tables collées les unes aux autres, et derrière, étaient assis tous les officiers et ces policiers habillés en paras. La discussion était menée par le capitaine, et dès qu’il faisait un geste, les paras nous sortaient. Alors que certains d’entre nous étaient regroupés sous un arbre, d’autres sortaient par l’arrière de la villa, et se voyaient embarqués sur des 4x4 ou sur des GMC.
Lakhdari KHELIFA
Né le 28 janvier 1923. Il était un des responsables de l’Union Générale des Travailleurs Algériens (UGTA), lorsqu’il a été arrêté.
J’ai connu Le Pen un soir du mois de février 1957. Je sortais de mon travail, je suis passé rue Montaigne pour voir un ami, M. Sassi, tailleur ; je suis rentré, j’ai dit : « Bonsoir, M. Sassi », et un bonhomme m’a mis un revolver dans le dos. C’était un guet-apens, voilà. Ils m’ont fait monter, et j’ai trouvé en haut, dans la soupente, deux personnes arrêtées avant moi. On était trois. J’avais trouvé le rideau ouvert, je ne savais pas que Sassi était en état d’arrestation. Quand il n ’y a plus eu de gibier, il faisait nuit, ils ont fermé le rideau, ils sont montés, un lieutenant et un capitaine que je ne connaissais pas.
Ils nous ont demandé les papiers. J’avais une carte de recensement. Alors, ils ont commencé à interroger le premier. « Qu’est-ce que tu es venu faire ici ». Il a dit : « Moi, j’avais une facture pour M. Sassi ». Ils ont vu la facture, ils ont vu le nom de Sassi, ils l’ont mis de côté. Le deuxième leur a dit qu’il venait faire un deuxième essayage. Ils ont vu le calepin de M. Sassi, et ils ont trouvé son nom, ils l’ont mis de côté. Ils sont arrivés à moi. J’ai dit : « Moi, je suis venu faire un pantalon, parce que M. Sassi est renommé dans la gabardine ». Ils se sont regardés entre eux. Alors le capitaine et le lieutenant m’ont fait descendre par un petit escalier, et je leur ai demandé : « Pourquoi vous m’arrêtez, qu’est-ce que j’ai fait ? ». Le lieutenant Le Pen m’a donné un coup au ventre. Après, ils m’ont attaché les mains, m’ont mis dans une voiture et m’ont bandé les yeux. On a roulé. Quant ils m’ont enlevé le bandeau des yeux, j’étais assis dans un champ. Il était peut-être 10 heures ou 11 heures du soir. Ils m’ont laissé dans ce champ, trois ou quatre heures. Je ne sais pas combien. Je voyais des camions arriver, pleins de suspects. En fait, le champ dans la nuit, je ne pouvais pas voir, mais c’était le jardin d’une villa. Il y avait le rez-de-chaussée, des escaliers, et au bout de ces escaliers, une petite pièce. C’est là, qu’ils faisaient les tortures, tout à fait en haut. Alors, ils ont commencé les interrogatoires. Moi, je suis monté, j’ai vu la scène. Ils étaient quatre dans la petite pièce, et Le Pen lui-même, a dit : « C’est pas celui-là, c’est pas celui-là ». Ils m’ont fait descendre, ils ont amené un autre à ma place. Et je n’ai pas vu ce qu’ils lui ont fait. On a entendu des cris, mais on ne savait pas qui le torturait. Après, ils m’ont remonter, et ils m’ont interrogé. Ils m’ont demandé si je connaissais Ali Moulai, j’ai dit non. « Et qu’est-ce que tu es venu faire chez Sassi ? », « Je suis venu faire un pantalon », « Qu’est-ce que tu fais, toi ? « Je travaille à la société Job, je suis syndicaliste », « Tu ne travailles pas avec le F.L.N », « Non, je ne travaille pas avec lui, je suis syndicaliste, oui ». Alors, ils m’ont mis sur un sommier plein d’électricité. Ils m’ont mis un chiffon dans la bouche. Et quand je voulais parler, je devais faire un signe. Ils m’ont torturé pendant dix minutes. C’était Le Pen qui m’interrogeait. Et puis, ils m’ont fait descendre, parce qu’il y avait beaucoup de monde qui attendait en bas. Toute la nuit, on a entendu des gens crier, toute la nuit. Vous ne pouvez pas vous imaginer... Vous entendez des gens qui crient, et vous, vous êtes là...
Le lendemain, nous, les gens suspects, on nous a mis en bas, dans un hangar, il y en avait qu’un seul qui avait un lit de camp, c’était à un type paralysé, Aïssa Cheikh Laïd Boubekeur. Ils l’avaient arrêté avec son fils. Ils torturaient le fils devant le père, et le père devant le fils. Le fils, on ne l’a jamais revu. Un soir, j’étais dans le garage, ils ont attaché ensemble Aissi et Zouaoui Mokhtar et ils les ont mis comme ça, dans une fosse. Ils restaient jour et nuit là-dedans. Un après-midi, Le pen a crié au gardien : « Va détacher Aissi et Zouaoui Mokhtar ». Il les a détachés. Il leur a dit : « Allez vous débarbouiller ». Il y avait une fontaine dans le jardin. Ils y ont été, ils se sont débarbouillés. Je me rappelle Aissi, c’était un beau garçon, il avait une jacquette marron, je m’en rappellerai toute ma vie. Ils se sont habillés, ils les ont mis dans une voiture, et depuis ce jour là, on ne les a plus revus. Un autre soir, on sortait du hangar pour prendre un peu d’air dans le champ. Il y avait des sentinelles, Ils nous avaient fait une fosse pour faire nos besoins. Le frère qui a été abattu, Hadj Ali Mouloud, je ne peux pas confirmer, qu’il a voulu se sauver, mais je suis sûr qu’il était parti pour faire ses besoins Parce qu’il n’allait pas vite. Moi, je n’ai pas vu Le Pen , parce que j’étais en bas, mais je l’ai entendu crier, et le militaire qui était en bas, a mitraillé Mouloud. C’est là que Le Pen est descendu et nous a dit : « Voilà ce que mérite celui qui veut se sauver ». Le Pen, c’était un parleur, il faisait de la psychologie : « Pourquoi vous faites la guerre, qu’est-ce qui vous manque en Algérie ? Moi, je suis un député, je suis venu ici pour la pacification ». Je me souviens quand le frère Rouchai a voulu se suicider. Je l’ai vu comme un mouton égorgé. Ils l’ont pris dans une Jeep, et tout de suite ils l’ont emporté à l’hôpital. Et quand Le Pen est revenu, il nous a dit : « C’est mois le bon Dieu, quand je veux que quelqu’un crève, il crève. Quand je veux sauver quelqu’un parce qu’on a besoin de lui, on le sauve ». Voilà , je suis resté dix-sept ou dix-huit jours chez Le Pen. Et j’ai été libéré. Le premier que je suis allé voir, c’était Ali Moulai. Je lui ai dit : « Il faut faire très attention, ils sont entrain de te chercher ». Et on continué nos activités, jusqu’en août 57. Là, j’ai été arrêté de nouveau par les pars bérets verts, mais pas par Le Pen.
Mme Vve Mouloud MESSAOUD
70 ans. Mère de Hadj Ali Moulai, lâchement assassiné.
En 1957, deux années après la mort de mon mari Mouloud Messaoud dit Lounès, ancien combattant de la première Guerre Mondiale, et mobilisé entre 1939 et 1945, le lieutenant Jean Marie Le Pen et ses militaires ont débarqué chez moi, au 22, rue d’Amourah, à Belcourt, sans aucun motif. Jean Marie Le Pen a donné des ordres à ses paras, pour qu’on m’attache avec du fil de fer, de 10h du matin à 16h, dans la cour de ma maison. J’ai reçu des coups de crosses sur la tête, derrière la nuque, dont je garde jusqu’à présent des séquelles. Ma pauvre fille de 19 ans qui était cardiaque, et qui se faisait soigner par des religieuses dans le quartier du ruisseau, près de mon habitation, voyait sa pauvre mère se faire torturer sous ses yeux. Après un choc terrible, un an après, elle était décédée. Pendant la perquisition à mon domicile, le carnet militaire de mon mari, le carnet de pension et quatre médailles de la première Guerre Mondiale m’ont été dérobés. La maison a été entièrement saccagée. Un de mes fils, Hadj Ali Mouloud, a été embarqué par les militaires du lieutenant Le Pen, à la villa des Roses, à El-Biar (Alger). Après avoir subi des tortures, il a été lâchement assassiné. D’autres témoins qui étaient avec mon fils Hadj Ali Mouloud, à la villa des Roses, le centre de torture de Le Pen, m’ont confirmé que mon fils Hadj Ali a été lâchement assassiné, et que le Pen leur aurait dit : « Voilà ce qui arrive à ceux qui tentent de m’échapper, je suis prêt à me farcir un bougnoule à chaque petit déjeuner, vous les ratons, vous ne comprenez qu’un seul langage, l’insulte, les coups, et quand vous ne voulez pas comprendre que vous êtes à ma botte, je vous élimine. ». Mon fils Mustapha, alors âgé de 15 ans, quand le lieutenant Le Pen est venu chez moi, ayant appris que sa mère avait été tabassée et torturée, et que son frère Hadj Ali était mort sous les tortures, mon fils en a perdu la raison. Retrouvé errant près de la frontière tunisienne en 1963, il est décédé à l’hôpital psychiatrique de Blida en 1980, après 17 ans d’hospitalisation. Dire que ce tortionnaire de Le Pen est aujourd’hui un homme politique français influent, à tête d’un parti, et qu’il n’a jamais été jugé pour ses crimes racistes qui sont de véritables crimes contre l’humanité. Je suis en tout cas prête, de mon vivant, et bien que j’ai 70 ans et que je souffre encore des séquelles de la torture, à venir en France témoigner contre la barbarie de Le Pen et de ses comparses.
Cherki Ali ROUCHAI
Né le 29 mars 1931 à Alger. Il était, pendant la guerre, agent de liaison d’Ali Moulai.
Mon premier contact avec le lieutenant Le pen , c’était le jour de mon arrestation. La date, je ne peux pas vous la dire exactement, mais ça doit être autour du 21 ou 22 février 1957. J’avais commencé mon travail vers les 8 heures, comme d’habitude. Une demi-heure après, à peu près, ou trois quarts d’heure, un véhicule s’est arrêté devant le local où je travaillais, et un groupe de parachutistes a fait irruption dans le magasin. Ils ont demandé après moi. Parce qu’ils avaient le nom Dahmane. C’était mon surnom de guerre. Le patron leur a répondu qu’il n ’y avait pas de Dahmane. Alors ils ont dit : « Nous voudrions bien voir les ouvriers que vous avez ici. ». Le patron nous a appelés, nous étions trois ouvriers à l’intérieur, trois algériens. Ils ont commencé par nous questionner, et moi, j’étais le troisième à être interrogé. Dès que j’ai ouvert la bouche, ils m’ont dit : « C’est toi ». Parce qu’à cette époque-là, je n’avais pas de dents. Celui qui m’avait dénoncé avait donné tout le signalement. Ensuite, ils m’ont ligoté avec des menottes. Ils m’ont jeté dans un véhicule, je crois que c’était une Peugeot 203, et moi j’étais à même le plancher. Il y avait des parachutistes qui sont monté derrière. Ils ont mis leurs pieds sur moi, ils ont démarré et nous somme arrivés au boulevard Gallieni (aujourd’hui, il s’appelle boulevard Bougara). Là, ils m’ont fait rentrer dans une villa et ça a commencé par des questions. Ils m’ont ordonné de me déshabiller d’abord. Je me suis déshabillé. Je suis resté tout nu. Ils ont amené quelqu’un derrière moi que je n’ai pas vu. Le lieutenant Le Pen lui a demandé : « C’est celui-là ? ». L’autre lui a dit : « Oui mon lieutenant, c’est lui ». Et là , ça a commencé les tortures. Le Pen donnait les ordres, mais pour vous dire qu’il m’a torturé, ça je ne peux pas le dire, parce que ça serait un mensonge. J’étais nu, ils m’ont mis la gégène, une sorte de magnéto. Elle avait des pinces et des petits fils qui étaient reliés à cet appareil. Ils m’ont accroché les pinces ici, et ils ont commencé à lâcher des décharges d’électricité. De temps en temps, ils s’arrêtaient pour me demander si je voulais parler, ce que j’avais à dire, et tout ça. Moi je disais : « Non, je ne connais rien, je ne connais rien ». ça a duré presque toute une journée. Ils ont ramené celui qui m’avait dénoncé. Là, le lieutenant Le Pen lui a dit : « Ecoute mon bonhomme, je crois que je suis entrain de massacrer un innocent ». L’autre a dit : ’Non mon lieutenant, je vous jure que c’est lui . ». En fait, je n’avais pas de responsabilités, mais j’étais un élément du F.L.N. J’appartenais à un groupe armé, un commando. Alors, les tortures ont repris. Là, ça était plus dur qu’au commencement. Le lieutenant Le Pen était là. Il ne sortait pas pendant l’interrogatoire, il ordonnait à ses hommes de me torturer. Sans leur préciser comment. C’était à eux de choisir. Ils sont même arrivés à me mettre à même le sol et m’imbiber d’eau, me mouiller complètement, et me mettre l’électricité. Vous savez ce que c’est quant on est sur l’eau, l’électricité ça donne sur tout le corps. Ça a duré pendant deux ou trois jours. Tous les jours, ils faisaient des séances d’une demi-heure, trois-quarts d’heure. Une fois, qu’ils voient que je vais lâcher, ils s’arrêtent. Ils me mettent dans une pièce. Il y avait une pièce dans laquelle il y avait une chaudière, et ils me mettaient à l’intérieur. Dès que je récupérais un petit peu, ils me remontaient. Mais entre temps, ils ne chômaient pas. Il y en avait d’autres qui passaient. Moi, j’étais dans la pièce pour récupérer, de façon à ce que je puisse résister encore. Donc, les trois premiers jours, ils m’ont fait l’électricité et l’eau également. L’eau, c’est un bassin, genre de lavoir. Celui qui a construit la villa des Roses, il avait prévu un lavoir dans le garage, pour laver le linge. Ce lavoir était plein d’eau, et c’est dans ce lavoir-là, qu’on nous trempait la tête. Le lieutenant Le Pen assistait. Les seuls coups que m’a portés le lieutenant Le Pen, c’était la boxe. Là, vraiment, il m’a donné une série, je ne peux pas vous dire, si c’est huit ou dix coups de poing. Pour me montrer sa force. Il était costaud, vraiment, il faisait à peu près dans les 85/90 kg. Il m’a frappé à l’estomac, même à la figure. Mais je ne me suis pas évanoui, parce que j’étais vraiment un bon encaisseur. Voilà, ça a duré trois ou quatre jours, c’est sûr, parce que la notion du temps, je ne l’avais plus à cette époque-là, jusqu’au jour où ils m’ont emmené dans la même pièce où est la chaudière. Je ne sais pas qui est passé avant moi dans cette pièce. Je ne sais pas si c’est un détenu ou un parachutiste qui a oublié la bouteille. Dés qu’ils ont refermé la porte derrière moi, j’ai remarque la bouteille, et l’idée de me suicider m’est venue automatiquement. J’ai pris la bouteille, je l’ai tapée contre la chaudière. Le goulot m’est resté entre les mains et là, j’ai commencé à me taillader la gorge. Dès qu’ils ont entendu le coup du verre brisé, les parachutistes sont accourus, et il y a un parachutiste qui a tenté de m’enlever le goulot de la bouteille des mains. Je crois l’avoir blessé. J’étais torse nu, je me suis porté plusieurs coups de verre au cou. Alors, le lieutenant Le Pen a demandé un véhicule en toute urgence, et on m’a emmené à l’hôpital Mustapha. J’ai été directement mis entre les mains du professeur Goinard. Je crois que la salle où on m’a mis s’appelait « Bichat ». Là, j’ai vu que le lieutenant a demandé au professeur quelque chose, je ne sais pas quoi. Et le professeur a fait plusieurs fois « Non » avec la tête. Mais il a dit : « Je vais tenter l’impossible ». Il m’a opéré. Il m’a recousu. Jusqu’à présent, je ne sais pas ce que j’ai à l’intérieur, si c’est ma vraie gorge, ou s’il m’a mis quelque chose d’autre à la place. Il m’a sauvé la vie, je lui tire mon chapeau. Il savait que j’étais torturé, et même, on est arrivé à un point où, après l’opération, on m’a mis dans une sorte de prison, une petite salle avec des grilles, à l’intérieur de l’hôpital, on appelait ça l’isolement. Et là, tous les jours, les parachutistes cherchaient à me récupérer. Les policiers qui étaient de garde refusaient de me remettre aux parachutistes sans ordre écrit du professeur. Il leur avait dit : « Ce malade ne doit sortir que sur mon ordre ». Alors, je voyais les parachutistes derrière les grilles qui venaient pour me reprendre. A l’hôpital, je n’ai pas vu le lieutenant Le Pen. Je l’ai vu le jour où ils sont venus me sortir, une fois qu’ils ont eu l’autorisation du professeur. C’était à peu près 25 ou 30 jours après l’opération. Ils m’ont emmené et là, ils ont essayé de pratiquer d’autres tortures sur moi : l’électricité encore. Le lieutenant Le Pen était là, ainsi que l’officier de la compagnie, qui était à l’époque, le capitaine Martin. Ils ont essayé, mais dès qu’ils ont vu que ma gorge commençait à saigner, le capitaine Martin a dit : « C’est pas la peine, arrêtez. ». Ma gorge n’était pas complètement guérie, j’avais des pansements. Ils ont arrêté et m’ont descendu avec le copain qui était en bas. Et là, nous avons rencontré pas mal de frères que nous n’avons plus revu depuis ce jour-là. C’est là, que j’ai rencontré Zouaoui Mokhtar, il dormait avec moi, c’est-à-dire le soir. Quand on dormait, il mettait sa tête contre ma poitrine. Et il était vraiment dans un état lamentable, il était très mal en point. Le soir, il ne faisait que tousser. Alors, le matin, quand on se levait, j’avais la chemise pleine de sang. En toussant, il crachait du sang. La dernière fois où j’ai vu Mokhtar, c’était le 12 avril, le jour où on m’a mis entre les mains de la police judiciaire, pour être placé en mandat de dépôt. Une fois l’interrogatoire terminé chez les parachutistes, on nous a remis, avec un autre camarade, Aissi, entre les mains de la police civile. Ils nous ont emmené au commissariat central. Là, ils ont préparé le procès-verbal et ils nous ont placés en mandat de dépôt, moi et Aissi. Et depuis ce jour-là, on ne les a plus revus, ni Mokhtar, ni Aissi. Il était acharné le lieutenant. Il est arrivé jusqu’à me dire : « Tu cracheras le morceau, sinon je ne m’appelle pas Le Pen. Je me souviens aussi qu’ils m’ont fait sortir à deux reprises de la villa, pour leur servir d’appât. Tout le groupe s’était habillé en civil. Ils m’ont fait marcher sur la rue Bab El Oued, la rue Bab Azzou, et je crois même vers l’avenue Bouzaréah. Il y avait deux parachutistes en civil devant, les autres derrière, et d’autres qui étaient sur d’autres trottoirs, et malheur à celui qui me touchait la main ou qui me disait bonjour, ou qui me faisait un signe. La seule personne que j’ai rencontrée le premier jour, c’était mon responsable, Ali Moulai. Mais lui ne m’a pas vu. Alors j’ai continué à marcher, comme si je ne l’avais pas vu. Lui, il s’était arrêté au square Bresson, il était en train d’attacher ses chaussures. Je suis passé. Et une autre fois, ils m’ont fait sortir avec la camion de mon patron. C’était marqué dessus « Piles Wonder ». Ils m’ont mis dans mon camion, et j’ai circulé dans la ville. Les paras étaient à l’intérieur et en civil, tous armés, mais en civil. Parmi eux, il y avait le lieutenant Le Pen. Mais là encore, personne ne m’a rencontré, heureusement.
Makhlouf ABDELBAKI
Né le 3 octobre 1934.
J’ai été arrêté le 22 février 1957, vers minuit ou deux heures du matin. J’étais caché à la Casbah, 9 rue du Roc d’or. On a cassé la porte et on m’a arrêté. Les militaires m’ont couché dans un 4x4, ils ont mis leurs pieds sur moi et m’ont emmené dans un camp. Ça s’appelait Sdi-Ferruch. Il y avait une baraque et beaucoup de gens, là-bas. Ils m’ont laissé deux jours, sans rien me dire. Et un jour, ils m’ont appelé : « Allez , c’est à vous ». On m’a dit : « Vous avez jeté des grenades. ». c’est vrai, j’étais un terroriste. Je travaillais avec Yacef Saadi et Ali Moulai, c’étaient eux les responsables. Alors ils m’ont demandé : « Combien d’attentats avez-vous fait ? Où sont vos amis ? ». C’est le lieutenant Le Pen qui m’interrogeait. Moi j’ai dit : « Je ne connais pas. ». Ils m’ont déshabillé. Il y avait une table très grande, ils m’ont attaché les poignets et les jambes et ils m’ont enlevé le tricot de peau. Je me rappelle, ils l’ont mouillé, ils me l’ont mis sur les yeux, et ils ont commencé la gégène. C’était un soldat de Le Pen qui tournait la gégène. Le lieutenant recommençait : « Où sont tes amis ? . Moi je disais : « Je ne suis pas un terroriste ». en même temps que l’électricité, u militaire me frappait avec une brosse métallique. La deuxième fois, ils m’ont fait la baignoire. Le Pen, lui, commandait. Les soldats m’ont plongé la tête dans l’eau. Je levais le doigt, ils me sortaient la tête et je faisais ma prière : « Dieu est grand. ». Et ça recommençait, ils m’ont interrogé pendant dix-huit jours. Je crois que j’étais torturé pendant dix ou douze jours. Quand le lieutenant Le Pen a fait sortir tout le monde de la baraque, il a dit : « Vous allez voir une exécution . ». C’était la nuit, il devait être 22h, Il nous a fait mettre tous debout, et ils ont amené Moussa. Ils l’ont mis à genoux. Il avait été interrogé avant. Il était rouge, plein de sang sur la cage thoracique, sur la figure. Il a dit : « Moussa, tu as jeté des bombes, tu as fait le con, tu as menacé les camarades qui ne supportaient pas la torture.... ». Le Pen marchait de long en large devant Moussa à genoux, il a sorti son revolver de l’étui, il l’a mis sur la tempe de Moussa et il a tiré. Moussa est tombé, et Le Pen a crié : « Tout le monde dedans, allez, rentrez, c’est fini. ». Je vous jure, je l’ai vu de mes yeux. C’est la seule exécution que j’ai vu en dix-huit jours. Mais après, Le Pen m’a dit : « Si tu ne parles pas, je vais te tuer comme celui-là, je vais te tuer ! Il faut parler, où sont tes amis ? ». Après les 18 jours, on m’a emmené à Béni Messous, à Paul Cazelles, c’était un camp de concentration. J’ai été libéré le 12 novembre 1961.
Abdenour YAHIAOUI
Né le 2 juillet 1938 à Alger.
J’ai été arrêté le 8 mars 1957 par des hommes du 1er régiment étranger de parachutistes. Ils recherchaient un de mes cousins, dont le frère avait été arrêté. A l’interrogatoire, il leur avait dit l : « Moi, je ne suis pas au courant de l’endroit où est mon frère, mais Abdenour le sait. » Ils sont arrivés peut-être vers minuit. Nous habitions à Kouba, dans une villa. Cette nuit-là, je n’étais pas à la maison. Après qu’ils aient maltraité mes parents, l’un de mes frères les a accompagnés là où je me trouvais, à Notre Dame d’Afrique. C’est un quartier, et j’ai de la famille qui habitait là-bas. Ils sont venus avec trois voitures. Il y avait deux tractions et un Jeep. Dès que je suis monté dans la voiture, directement on m’a mis des pinces électriques aux oreilles ; il y avait un magnéto militaire dans la voiture. Sur le champ, je ne savais pas que l’officier qui menait l’opération était Le Pen. Après, j’ai eu le malheur de le connaître. Il a donc commencé l’interrogatoire dans la voiture. De là, il s’est dirigé vers Belcourt, dans l’espoir de trouver mon cousin dans l’endroit qu’ils pensaient être le bon. Ensuite, après on est entré à la villa des Roses.
L’interrogatoire à commencé. Là, j’ai été plus ou moins maltraité, et puis ils m’ont mis dans le tombeau. Chez eux, il n’y avait pas de cachot, ni d’isolement. C’étaient des tombes creusées dans la terre sur lesquelles il y avait du fil barbelé, et on était mis à l’intérieur de la tombe. J’y ai passé 21 jours, dans la tombe. J’étais quand même assez grand, et dans le tombeau, je n’arrivais pas à me mettre debout, j’avais des fils barbelés qui me grattaient dans le dos. Je passais la journée assis, on avait un seul endroit pour sortir la tête, dans la journée. Les interrogatoires étaient menés le soir. Je peux même vous certifier que le lieutenant Le Pen s’est assis, avec ses 85 kilos, sur mes jambes. J’étais attaché sur un banc, un soldat m’avait mis le tuyau d’eau, et quand j’ai fait un soubressaut ou deux pour tomber avec le banc, Le Pen s’est assis carrément sur mes jambes pour me maintenir assis. Il était acharné, il voulait savoir où était mon cousin. Je me suis contenté de dire : « Mon cousin est venu me voir, il était sans travail, il m’a demandé de l’aider et je l’ai fait, mais je ne savais pas ce qu’il faisait ». C’est ça que j’ai répété pendant tout le temps. C’était le lieutenant qui menait les interrogatoires. Il leur ordonnait de continuer les tortures ou de les arrêter. A l’époque, les moyens qu’il utilisait étaient connus. Il y avait la gégène, le tuyau d’eau et la baignoire. Pour la gégène, ils me l’ont faite pendant toute la durée du 3 mars au 30 mars. Tous les soirs, tous les soirs, tous les soirs.... Le tuyau, peut-être sept ou huit fois. Et une fois, une série de coups de nerf de bœuf sur les jambes. Je suis arrivé à un moment où je ne réagissais plus ; j’avais les cuisses qui étaient bleues. Et ce qu’ils nous faisaient aussi, c’est que pendant la séance d’électricité, ils nous coupaient là, sur les bras, avec un couteau. Je ne sais pas à quoi ça servait, mais j’avais les bras tout striés. complètement...enfin, un jour ils m’ont coupé les cheveux et me les ont fait manger. Le Pen assistait à tous les interrogatoires. Ça se passait dans une buanderie, une chambre, il y avait un bureau, une chaise métallique, sur laquelle on était attachés, deux projecteurs et une machine à écrire. Dans un coin, il y avait un tuyau, un bac d’eau, plus un banc de bois d’à peu près deux mètres de long. Sur le banc, on était attachés ; soit, on vous mettait au tuyau directement, soit on vous amenait vers la baignoire, alors là, on vous attachait les jambes et les pieds en même temps, et on vous faisait basculer la tête dans la baignoire. Moi, je ne suis pas passé à la baignoire. Avec Le Pen, il y avait des légionnaires, un groupe de cinq ou six, spécialement attachés à cela, et en permanence, deux gardes mobiles ou quelque chose comme ça, pour le côté administratif. Ils assistaient aux tortures et ils faisaient les procès-verbaux. C’étaient eux l’administration : quand le procès-verbal était fait, l’interrogatoire était fini. Il y avait quand même des dossiers qui étaient établis. Je crois que le lieutenant Le Pen avait beaucoup de haine pour nous. Il était, si je puis dire, méchant, ou plutôt, agressif et hargneux. Le dernier jour de mon interrogatoire surtout. Il m’avait posé l’éternelle question : « Où est-ce qu’il se trouve ton cousin ? Quand est-ce qu’il est venu ? Qu’est-ce que tu a fait avec lui ? ... etc ». Et comme je ne répondais pas, il m’a ri au nez : « Tu sais où il est ? ». J’ai dit : « ça fait vingt jours que vous me posez la même question, et je réponds toujours la même chose. » Alors il a dit : « Et bien, moi je sais où il est. Il est au Djebel ». Là, j’ai répondu : « Du moment que vous le savez, pourquoi vous n’allez pas le chercher, vous qui avez tous les moyens.. ? ». Alors là, il a commencé par me gifler, puis il m’a frappé à grands coups de poing dans le ventre, et puis je suis tombé dans les pommes. D’habitude, les « tabassages », c’était avant chaque interrogatoire. Ils nous prenaient entre trois ou quatre militaires, et on était une poupée de chiffon au milieu. Chaque fois, c’étaient quelques claque, d’un côté ou de l’autre, ou des coups de poing, pour vous enlever un peu l’émotion, et après seulement, le courant électrique, et ça va progressivement. Le Pen, dans ses cas-là, il criait et il se vantait : « On vous écrasera, les fellouzes », ou encore : « Dis à ton FLN qu’il vienne te sortir de là. ». Après ça, on retournait dans les tombeaux. Ils avaient creusé huit ou dix tombes dans le jardin. Dans la journée, il y avait le soleil, mais en mars, vous savez, les nuits sont fraîches sans couverture. On descendait parfois mouillés. Après la baignoire ou le tuyau, ils nous remettaient dans cet état dans la tombe. Il y avait la sentinelle qui marchait au dessus, et de temps en temps, elle nous jetait un peu de terre. On n’avait pas le droit de communiquer entre nous. Le Pen, lui, il nous voyait de la terrasse parce qu’il y avait une terrasse en haut de la villa. Il ne descendait pas jusqu’aux tombes.
Pour manger, ils nous donnaient dans la tombe, et on dormait dans la tombe. On ne pouvait pas sortir sauf si on avait un besoin naturel. Alors, il fallait appeler la sentinelle et elle nous accompagnait jusqu’à la porte des toilettes et nous attendait, puis nous remettait dans la tombe. Je me souviens d’un homme qui a été fusillé comme ça. Il s’appelait El Hadj Ali Mouloud. On ne sait pas s’il s’est dirigé vers les toilettes ou s’il a voulu se rapprocher de la guérite pour fuir. La sentinelle lui a tiré dessus. Il a été abattu d’une rafale. Par la suite, le soldat nous a dit qu’il ne voulait pas le tuer. C’était un allemand, celui qui a tiré, il s’appelait Yalta. Martin et le lieutenant Le Pen, la majorité, c’étaient des Allemands, et deux Espagnols.
A la fin, le lieutenant Le Pen nous a pris en photo, - la majorité des détenus à la villa des Roses – et il nous avait même conviés, si on avait l’occasion de passer à Paris, de demander après M. Le Pen, à l’Assemblée nationale.
P.-S.
Le livre Torturés par Le Pen de Hamid Bousselham est édité par Rahma en 2000 à Alger, co-édition Rahma-Anep.
La France qui se prévaut d’être un pays démocratique et qui n’hésite pas à dénoncer les exactions commises dans les autres pays, oublie qu’en temps de guerre elle a utilisé les mêmes procédés décriés à grands cris aujourd’hui.
Les français ont pratiqué la torture qu’ils ont utilisé comme une arme de guerre pour faire parler les plus récalcitrants.
Bien avant la guerre d’Algérie, la torture est institutionnalisée et largement exploitée par les forces coloniales françaises contre des centaines de milliers d’Algériens.
En bon gestionnaire de la crise, le gouvernement français a assuré ses arrières en votant le 31 juillet 1968 une loi d’amnistie qui va couvrir l’ensemble des infractions commises en Algérie. Celle-ci prévoit notamment que « Sont amnistiées de plein droit toutes infractions commises en relation avec les événements d’Algérie ». Cette loi s’oppose aux principes mêmes du droit international qui ne concède pas la possibilité de soustraire les auteurs de violations des droits de l’homme à la justice. Et pourtant le régime français empêchera toute victime de le poursuivre après la guerre.
En 1961, un article paru dans le journal Vérité-Liberté donne un aperçu d’un des lieux mythiques des renseignements français qui a servi à torturer des milliers d’Algériens, la ferme Ameziane.
Un extrait de l’article donne toute l’étendue du calvaire vécu par la population, hommes, femmes et enfants.
À la ferme Ameziane, centre de renseignement et d’action (C.R.A.) de Constantine, elle se pratique à l’échelle quasi industrielle.(…) C’est à la ferme Ameziane que sont conduits tous les suspects pris par les unités de l’Est algérien. L’arrestation des « suspects » se fait par rafles, sur renseignements, dénonciation, pour de simples contrôles d’identité. Un séjour s’effectue dans les conditions suivantes : à leur arrivée à la « ferme », ils sont séparés en deux groupes distincts : ceux qui doivent être interrogés immédiatement et ceux qui « attendront », à tous on fait visiter les lieux et notamment les salles de tortures « en activité » : électricité (gégène), supplice de l’eau, cellules, pendaisons, etc. Ceux qui doivent attendre sont ensuite parqués et entassés dans les anciennes écuries aménagées ou il ne leur sera donné aucune nourriture pendant deux à huit jours, et quelquefois plus encore.
Les interrogatoires,(…) sont menés systématiquement de la manière suivante : dans un premier temps, l’Officier de renseignement pose ses questions sous la forme « traditionnelle » en les accompagnant de coups de poing et de pied : l’agent provocateur, ou l’indicateur, est souvent utilisé au préalable pour des accusations précises et… préfabriquées. Ce genre d’interrogatoire peut être renouvelé.
On passe ensuite à la torture proprement dite, à savoir : la pendaison (…), le supplice de l’eau (…), l’électricité (électrodes fixées aux oreilles et aux doigts), brûlures (cigarettes, etc.) (…) les cas de folies sont fréquents (…) les traces, cicatrices, suites et conséquences sont durables, certaines même permanentes (troubles nerveux par exemple) et donc aisément décelables.
Plusieurs suspects sont morts chez eux le lendemain de leur retour de la « ferme ». Les interrogatoires-supplices sont souvent repris à plusieurs jours d’intervalle. Entre-temps, les suspects sont emprisonnés sans nourriture dans des cellules dont certaines ne permettent pas de s’allonger. Précisons qu’il y a parmi eux de très jeunes adolescents et des vieillards de 75, 80 ans et plus.
À l’issue des interrogatoires et de l’emprisonnement à la ferme, le « suspect » (…) sera considéré comme « disparu » (lorsqu’il est mort des suites de l’interrogatoire ou abattu).
Aujourd’hui la France se targue d’être un pays qui défend les droits de l’homme, des minorités et des opprimés partout dans le monde.
Au delà de cette prose Il y a des mots ,des larmes et j'ose A vous soldats appelés qui partiez sur cette terre Où seul dieu pouvait connaître O! combien des vies allaient elles le payer très cher!!....... A vous combattants de l'Algérie Que le respect de ce poème fasse de vous Les héros d'une drôle de guerre Om sur cette terre,d'autres héros sont morts et même en martyrs A toi l 'ancien qui connaît la douleur de ton âme Où sous le drapeau de ta patrie et aux ordres de cette grande dame....... O! France.....te souviens tu de tes fils tués Qui sous les yeux de leurs frères au plus profond de leur chaire furent touchés. Devant vous soldats ,devant nos morts de respect je m 'incline !! Juste pour le souvenir et qu 'a jamais on ne l 'oublie ........ Il y a des mots ,des larmes et j 'ose" Au delà de cette prose Vous rendre ce bel hommage.. Souvenez vous soldats le sang qui coulait de vos larmes.... Sur cette terre l 'Algérie car maudite fût elle sous la force des armes. Anciens ton souvenir reste dans un profond silence Mais reste à ce jour ta fierté et le fruit de ta propre délivrance . O! France te souviens tu de tes fils tués Qui sont aujourd'hui les héros et les fantômes d'une autre liberté!!!!
Je dédie ce poème à tous les anciens et les fantômes de la guerre d'Algérie
De Marie Quilichini
Fellagha mon frère,
Fellagha, mon frère, je te reverrai toujours Dans la faible clarté du petit jour ! S'annonçait un beau jour d'hiver Près du village de Zérizer. C'était, si ma mémoire ne flanche, Au lieu-dit de la « ferme blanche ». Ô Fellagha, mon frère, je te revois tous les jours Dans la faible lueur du petit jour ! Les chasseurs de Morritz t'ont tiré hors de la Jeep Où tu gisais, mains liées dans le dos Et le nez contre les rangers des soldats. A quoi pensais-tu, pendant cet ultime voyage ? A tes soeurs, à tes frères, à tes parents, A ton épouse, à tes enfants Restés seuls là - bas dans la mechta ? Pensais-tu à tes compagnons d'infortune Aux vies sauvées par ton mutisme, Ou bien priais-tu, Allah ton Dieu ? Un des soldats t'a bousculé jusqu'au milieu de la cour. Le P.M a aussitôt craché sa salve mortelle. Tu t'es affaissé sans un cri. Dans un gourbi proche, des enfants, Dérangés dans leur sommeil, se mettent à pleurer. Une à une les étoiles s'éteignent Dans le ciel sans nuage La journée sera belle ! Ô Fellagha, mon frère, je te reverrai toujours Gisant au milieu de la cour Dans la faible clarté du petit jour.
A. Roulet, appelé du contingent.
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extrait de « La vie de soldats bretons dans la guerre d'Algérie »
Mohand-Rachid Zeggagh, en recueillant précieusement ces articles, et en les commentant avec une admirable lucidité, a conscience qu’il participe activement à un travail de mémoire.
Exposition du quotidien des historiens de l’immédiat érigée en re-configuration de la mémoire algérienne et française durant la période de transition. Dossier spécial archives et contribution à la mémoire historique du peuple algérien (1961/1962 )
De 1957 à 1962, Rachid Zeggagh est prisonnier en France. Il quitte la prison de Loos, peu après la publication du décret d’Amnistie du 22 mars 1962 contemporain des « Accords d’Evian ». Rachid Zeggagh est transféré de France en Algérie, à la prison de Lambèse. Il est libéré, le lendemain de son arrivé à Batna, le 8 avril 1962. Après Prisonniers politiques FLN en France, ouvrage hautement instructif concernant les trois longues grèves de la faim dans les prisons françaises durant la guerre d’Algérie (1954/1962), Mohand-Rachid Zeggagh présente Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie qui relate le terrorisme des groupe Delta de l’OAS, pendant et après l’indépendance.
A sa libération, le combat de Mohand-Rachid Zeggagh, pour la dignité et la liberté ne fait que commencer. Après toutes ses années de prison en France accompagnées des trois grèves de la faim pour obtenir la reconnaissance du statut de prisonnier politique, il n’a pas le temps de souffler. Sa fonction de commissaire de police à Alger, dès avril 1962, le place, comme il le signale lui-même, « aux premières loges de l’action de sécurisation des populations conduites par le ZAA ». Frère de cellule et compagnon d’armes dans la lutte contre la barbarie, Laïd Lachgar, souligne, dans la Préface du « livre-documents » de Rachid Zeggagh ceci : « à la suite des accords d’Evian et du cessez-le feu du 19 mars 1962 (…) Nous nous sommes retrouvés à Alger, dès la première création, le 3 avril 1962, de la « Zone Autonome d’Alger » (ZAA). Cette structure était dirigée par le commandant Azzedine, Omar Oussedik et le capitaine Moktar. La Zone était chargée par le GPRA et le FLN d’assurer la sécurité physique et sanitaire ainsi que l’approvisionnement des populations pendant la période de transition entre le cessez-le-feu et l’indépendance ».
Des récits sur la guerre d’Algérie existent, et les moyens de rendre visible ce passé sont possibles malgré les décrets d’Amnisties. Mais l’histoire ignore encore le peuple algérien martyrisé. Est-ce le passage des Algériens à l’aveu par la torture et par des français qui coupe le souffle aux historiens du souci de toute représentation ? Au-delà de mes présuppositions, il y a ce qui a eu lieu, et qui ignoré, s’est reproduit. Les assassinés algériens et européens sont encore les grands absents du champ social et politique français et algérien. Nommer l’indicible, nommer cet égorgé Algérien carbonisé qui fait fonction de réverbère et qui se balance sur un fil de linge entre deux immeubles à Alger, amusant certains Européens d’Algérie. Nommer le jeu de tirs sur la nuque des Algériens, dans la rue, en toute liberté. Nommer des charniers et des charniers de cadavres sans possibilité d’identifier les victimes. Nommer toujours, au delà de toutes les amnisties, pour construire l’avenir, relève de l’ordre d’une nécessité.
Vérité sur les crimes de l’OAS en Algérie de Rachid Zeggagh s’attache précisément à l’objectivité de la presse française et étrangère de l’époque. C’est à elle qu’il confie le soin de relater un terrorisme journalier pendant cette fameuse période de transition. Quatre cent articles de presses, trente-cinq journalistes français, anglais, américain, italien, lui permettent de retracer, de juin 1961 à juin 1962, une histoire, qui, sans tomber dans l’événementielle, met en relief, les tueries de l’OAS. Douze quotidiens nationaux français de tout bord politique décrivent des crimes qui défient l’entendement. La presse reste une traçabilité historique qu’il offre pour déchiffrer ces nuits bleues d’horreur commises par l’OAS. Ce témoin et cet allié de l’historien répertorient donc jour après jour dans la presse de l’opinion, les assassinats, les incendies, les hold-up etc. en confrontant les journaux (La Croix, l’Aurore, Le Populaire, le monde, Libération, L »Humanité, Le Figaro, Paris Jour, Combat, Paris-Presse, Témoignages et Documents, Le Parisien, etc.).
Ici, la dimension du récit ne passe pas par la subjectivité d’un ancien prisonnier FLN mais par des commentateurs de la presse nationale et internationale. L’histoire ne peut s’affranchir totalement de ces « historiens de l’immédiat » qui relataient quotidiennement la mort.
Témoigner seul aurait été une véritable gageure. Un livre fondé sur son unique témoignage aurait été disqualifié par la presse actuelle. Ancien primo-adhérent du FLN, son propre témoignage aurait été décrédibilisé, mais comment décrire les crimes horribles des membres des groupes Delta, même pendant cette période de cessez-le-feu, entre la France et l’Algérie, le 19 mars 1962 ?
Laïd Lachgar écrit : « Comment dire que des Algériens étaient suspendus au travers d’une rue de Bab El Oued et imbibés d’essence pour les transformer en torches humaines ? » « Comment rendre-compte, à 50 ans de distance, de crimes ordonnés et exécutés par les tueurs des groupes Delta de l’OAS, dans la principale et chic avenue d’Alger, rue Michelet à l’époque, qui assassinaient plusieurs algériens tous les cinquante mètres, d’une seule balle dans la nuque, comme s’il s’agissait d’un concours de tir ? Comment dire et être cru aujourd’hui) que les cortèges funéraires algériens se rendant au cimetière d’El Kattar étaient soumis à des fusillades par l’OAS à partir de terrasses d’immeubles de Bab El Oued ? Comment parler des enseignants exécutés » ?
Comment, en effet, ne pas être discrédité par la presse actuelle française même et par le public, lorsque l’on raconte à titre individuel des crimes d’une telle intensité ? Mohand-Rachid Zeggagh fait donc le choix de la presse de l’époque pour narrer l’indicible barbarie d’une histoire qui hésite encore à divulguer des mots. Les figures de malheur qui ont répandu le sang de femmes et d’hommes » ont fait erreur sur leur prédication en croyant que les Algériens se vautreraient dans la douleur vengeresse. La vengeance contre les Européens d’Algérie n’a pas eu lieu après l’indépendance. Le souci de justice n’est pas le désir de vengeance. Dans ce répertoire de crimes, il n’y a aucun désir de vengeance mais l’acte même d’une volonté de mettre à nue le réel. Il y a cette mémoire qui inscrit dans l’histoire ce qu’il y a comme Vérités à y déposer. Aucune figure de malheur n’a repris la place des criminels. Il y a, dans ce courageux « livre-document » un travail de mémoire. Il y a à découvrir les tueries et les attentats. Il y a à mettre le contenu du réel dans la fin d’une guerre sans nom, au nom précisément du pacte de vérité que la grande histoire doit entretenir avec le passé.
Créée le 11 janvier 1961 à Madrid, l’Organisation Armée Secrète (OAS) est divisée en trois branches. Son but est principalement de créer la terreur, de détruire la raison par la violence extrême, chez les Européens qui ne les suivraient pas, et parmi la population algérienne :
« Le temps des assassins (Gérard Marin : Le Figaro du 21 novembre 1961) ». « Alger la Blanche est devenue capitale de la série noire. La nouvelle mafia ne frappe plus seulement ses ennemis déclarés ou les policiers coupables d’accomplir leur mission. Elle impose définitivement silence à ceux baptisés traîtres pour la circonstance qui se refusent à penser ou à agir selon ses goûts, qu’ils soient Européens ou Musulmans, pilote de ligne, médecin, officiers, homme politique, ou encore cafetier et chauffeur de taxi… Les assassins ont quitté les bas-fonds. La menace est partout. Psychose, oui, qui se fait vite tragédie. Le temps d’une rafale. Rares sont les nuits où le claquement rageur des mitraillettes ne se mêle pas aux explosions qui secouent la ville. Rares les journées qui n’apportent leur fournée de cadavres. L’autre matin, on a trouvé un corps nu et torturé dans un caniveau. Jeté parmi les ordures. Ce soir, la peur rôde malgré les rondes incessantes des patrouilles casquées ».
Les drames se poursuivent… (Voir articles du livre). La chasse à l’arabe est un bal meurtrier ordinaire. Les Enfers sont fabriqués même après l’instauration du cessez-le-feu. Pourtant les Accords d’Evian accorde des garanties aux Européens :
Le 17 mars 1962, Combat : – « Issu du scrutin d’autodétermination, le futur gouvernement algérien sera habilité à signer avec la France les garanties accordées aux Européens. Selon les sources très bien informées, les 140 000 israélites seront réputés français. L’ensemble de la population européenne disposerait d’un délai de 5 ans pour opter pour la nationalité algérienne ».
Le 19 mars 1962, L’Humanité : (…). Bien des larmes se mêlent à la joie dans les yeux qui se font face. Français pensant aux 23 jeunes de Nanterre tombés dans cette sale guerre, Algériens qui songent en cet instant à tous les martyrs ».
Mais la puissance vengeresse de l’OAS, une hideuse figure de malheur, règne encore en Algérie, et la liste de ses crimes que j’extrais du livre-document, n’est pas exhaustive :
La Croix du 28 mars 1962 : « Alors que les musulmans gardent un calme presque absolu, et que l’on ne signale plus une seule opération militaire, l’OAS multiplie les provocations. Contre les militaires, on le sait assez, en utilisant la foule européenne qui est « poussée dans la rue en tant que masse et marée humaine », comme l’indiquait Salan dans sa directive du 23 février. Contre les musulmans aussi, comme s’il n’y avait pas assez de victimes inutiles, des commandos de tueurs ont assassinés hier après-midi 10 musulmans dans le quartier algérois de Belcourt, tandis qu’à Aïn Temouchent, dans l’ouest orantes, un autre commandos en voiture mitraillait la foule musulmane ». (…) « Attentats et Hold-up à Alger. 8 morts et 1é blessés. 32 millions d’AF volés » (…) « Les locaux d’Air France dévastés par une explosion ».
Libération, fin mars 1962 : deux hold-up à Alger, cinq hold-up à Oran (…). Parmi les attentats commis dans la journée d’hier, 18 blessés), les attentats à Oran (5 attentats, 5 morts, 8 blessés) et Alger (18 attentats, 6 morts, 18 blessés), les attentats commis par l’OAS contre les musulmans, mais aussi contre des Européens, et notamment contre un déménageur algérois) ont été de loin, les plus nombreux.
Le Figaro, 3 avril 1962, « Six obus de mortier tirés par l’OAS tombent sur la Casbah – Sept blessés musulmans. (…) près de 30 millions d’AF ont été enlevés dans les banques et bureaux de poste. Les attentats individuels et fusillades ont fait sept morts dont 2 Européens et 8 blessés, tous musulmans..
Le Parisien, le 4 avril 1962, « Alger : un groupe de quinze tueurs de l’OAS mitraille les malades musulmans d’une clinique de la Bouzareah » « Dix morts, dont un vieillard (…) et six blessés, tous musulmans ». « De son côté, l’agence France-Presse : « Quelques-uns des malades qui ont eu le temps de sauter par les fenêtres courent éperdument en tous sens. les tueurs se lancent à leur poursuite. L’une des victimes s’écroule, la tête éclatée, sous un massif de glycines, au pied d’un mur. Des brassées de fleurs arrachées par les balles le recouvrent en partie. Un autre sera découvert à trente mètres de la clinique au milieu d’un carré de petits pois. C’est trop moche… venez voir ça », dit les larmes aux yeux, un petit sergent rouquin. Sur le seuil de la chambre 3, une flaque de sang s’étale. Sur les trois lits, des draps sanglants. Dans la chambre 4, même vision de cauchemar (…) ». Le Monde, du 4 avril 1962 « Tandis que l’exécutif provisoire se met lentement en place : l’OAS commet en Algérie de nouveaux crimes : 1) neuf musulmans tués dans une clinique à Alger – 2) deux officiers d’intendance assassinés à Oran ».
Le Monde du 5 avril 1962 : « Alger, 4 avril. – Le bombardement » de la Casbah lundi soir, le massacre de la clinique Beau-Fraisier mardi matin (vont-ils ouvrir les yeux des Européens d’Alger) on n’ose l’espérer. cette fois encore, comme il y a quinze jours lors de l’exécutions de Ben-Aknoum, les uns parlent de « provocations », les autres affirment, comme si c’était « une excuse », qu’il y a des membres du FLN parmi les victimes du Beau-Fraisier. C’est cela l’intoxication.
L’Aurore du 6 avril 1962 : Alger : beaucoup de musulmans s’abstiennent encore de reprendre le travail ». (…) Les attentats individuels contre les musulmans se poursuivent en différents points de la ville ». Cependant les coups de feu ont été tirés à midi 25 contre des Européens en plein centre commercial, rue Mogador, (…).
Le Parisien du 7 avril 1962 : « ce devait être la journée des drapeaux, ce fut celle du sang (…). En début de soirée, le bilan de ces attentats était, selon l’AFP, de 24 agressions, 23 morts, dont quatre français de souche et de 12 blessés, dont deux Français de souche. (…). Chacun de ces attentats a été commis par l’OAS. « L’humanité du 7 avril 1962 : Trente-huit morts hier à Alger où l’on a compté un attentat OAS toutes les dix minutes ». (…) Il ressemblait à un Algérien : il est tué ». Le Figaro du 7 avril 1962 : « Vague de terrorisme OAS (23 morts, 12 blessés) (…) « L’organisation subversive, après ses échecs récents, cherche à provoquer un soulèvement des musulmans contre les Européens ». (…) « Alger, 6 avril. – 10 h 50 rue d’Isly (…)Un musulman d’une trentaine d’année est allongé sur le trottoir, tué net d’une balle dans la tête. Il a encore les deux mains dans les poches de son bleu de travail. (…) « La foule se tait ». L’Aurore du 7 avril 1962 : « Nouvelle journée sanglante : un cadavre tous les 50 mètres, rue Michelet, ce matin ». (…) en fin de soirée, un premier bilan faisait état déjà de 27 attentats ayant fait 23 morts, dont 5 Européens, et 18 blessés, dont 2 Européens. Ce matin, entre 8 h et 11 h, ces attentats ont été perpétrés à un rythme effrayant et – note le correspond du pays. – Dans la rue Michelet les cadavres jonchaient les trottoirs de 50 mètres en 50 mètres ». (…) La plupart des victimes sont des musulmans (…) ».
Libération du 10 avril 1962 « La chasse à l’arabe d’hier a fait 14 morts et 9 blessés Algériens ». (…) Nouvelles arrestations au seine l’OAS : trois dans l’Ouarsenis, vingt-sept à Alger ». Combat du 10 avril 1962 : « Ce sont trois bombes qui ont éclaté presque simultanément dimanche soir, vers 22 h35, dans l’Université d’Alger. (…) L’un des engins – une charge de trois kilos – a explosé dans le laboratoire de chimie biologie. Le second à l’intérieur de l’Institut d’énergie solaire et le troisième devant la porte des professeurs de droit. (…) Au total dans la journée d’hier, le bilan des attentats, tous imputables à l’OAS, s’élève à 12 morts et 8 blessés ». Paris-Presse du 10 avril 1962 : « En se manifestant ainsi, au coeur des Facultés, (…), il semble qu’ils soient bien décidés à « tout faire sauter » plutôt que de laisser les plus belles des réalisations techniques de la France passer sous le contrôle du futur gouvernement algérien ». « Ils ont fait hier, à Alger, 18 morts dont 17 musulmans et 54 blessés dont 16 militaires ».
Libération du 11/12 avril 1962 : « A Alger : encore 9 musulmans victimes de l’OAS ». (…) « Encore des attentats à l’explosion contre l’Université d’Alger ». Le Monde du 12 avril 1962 « Alger : neuf gendarmes blessés l’autre nuit par un tir de mortier sur le palais d’été. Attentats et mitraillages se sont poursuivis hier. Quatorze membres de l’OAS arrêtés au cours de perquisitions ». (…) Ce matin, entre 9 h et midi, 6 musulmans ont été tués et 9 autres blessés en plein centre ville. (…) Cela se passe chaque fois de la même façon. On entend une détonation, rarement deux : un musulman s’écroule dans une mare de sang. C’est du travail de spécialiste. Le commando comprend généralement trois hommes : le tueur et ses deux gardes du corps… ». La Croix du 12 avril 1962 : « (…) le bilan quotidien de la « chasse aux musulmans » reste régulier et lourd. (…) il n’y a plus une société, une entreprise qui n’enregistre chaque jour de nouvelles absences parmi le personnel musulman ».
Le Figaro du 13 avril 1962 : »Un officier supérieur assassiné par l’OAS – L’autorité militaire : vingt-deux officiers déserteurs arrêtés entre le 6 février et le 7 février ». L’Aurore du 13 avril 1962 « Installations détruites à la tour de contrôle de Maison-Blanche ».
Libération du 14 avril 1962 : « Dimanche soir à 19 h 30, à l’émission « Dix millions d’auditeurs » de Radio-Luxembourg, M. Raymond Cartier, de « Paris-Match faisait un éditorial : il commentait le monstrueux attentats d’Issy-les-Moulineau. Pour condamner les assassins de l’OAS ? Pas du tout : M. Raymond Cartier tenait à dire qu’il « voulait espérer » que les auteurs de l’attentat étaient les « extrémistes du FLN ». Cinq musulmans en voiture qui s’étaient enfuis après avoir provoqué un accident rue Michelet à Alger, ont été pris en chasse par des Européens qui ont ouvert le feu. Un musulman a été tué et trois autres blessés ». (…) Bilan de la journée en Algérie : 30 attentats : 17 morts, 38 blessés« . Le Figaro du 14 avril 1962 : « Alger, 13 avril. – Attentats et fusillades ont repris une nouvelle fois à Alger, après le calme relatif de la journée d’hier. L’incident le plus violent et le plus spectaculaire – si pareil fait mérite d’être qualifié de spectacle » ! – s’est déroulé cet après-midi dans le centre ville. Cinq musulmans, à bord d’une traction noire, descendaient la rue Michelet lorsqu’ils heurtèrent et renversèrent, à la hauteur de la rue Hoche,un scooter monté par un jeune Européen. (…) Les cinq occupants prirent la fuite en courant. Des passants se jetèrent alors à leur poursuite. D’autres Européens en voiture, dressèrent des barrages avec leur véhicule pour bloquer les fuyards. Des coups de feu partirent. Quatre des musulmans s’écroulèrent frappés par des balles ». (…) Série d’attentats dans la rue Michelet (…) bilan des victimes 10 morts, tous musulmans et 1é blessés dont 3 Européens (…). « A 16 h 20 (…) voie (…) vers l’aéroport de Maison-Blanche, cinq Européens à bord d’une voiture ont tiré plusieurs rafales de mitraillette sur un groupe de musulmans qui attendaient un autobus (…) La Croix du 14 avril 1962 « C’est un jeune Européen qui a assassiné le commandant Bourgogne du 2ème bureau ».
L’Aurore du 23 avril 1962 « Alger : pas de grève Pascale, près de 70 morts et blessés ». « Alger, 22 avril. (…) Alger est le seul pays au monde sans doute où le sang a coulé pour ces fêtes Pascales. Le bilan des victimes est un des plus lourds depuis le début de la rébellion (…) ».
Libération du 25 avril 1962 « Le stupeurs de l’OAS se déchaînent – Nouvelles et sanglantes « ratonnades » à Alger : 14 morts ». L’Aurore du 25 avril 1962 « Alger : 18 morts hier et 14 blessés ».
La Croix du 27 avril 1962 « Nouvelle journée de violence (…) On y a enregistré 23 attentats, presque tous commis par des Européens et dirigés contre des musulmans. (…) Fusillades (…) Deux marchands de légumes musulmans (…) ont été tués à 13 h (…) dans le quartier du champ de manoeuvres ». Le Figaro du 27 avril 1962 « Alger : nombreux attentats individuels hier-onze morts, 17 blessés (…).
Le Monde du 2 mai 1962 : « Huit morts et près de trente attentats à l’explosif dimanche dans l’agglomération algéroise ». (…) 164 morts, 269 blessés du 1er au 15 avril ». Le Figaro du 2 mai 1962 « Attentats à Alger : 21 morts en 48 heures ».
Le Populaire du 4 mai 1962 » Après la journée d’Alger (bombe du port d’Alger contre les dockers, 60 morts et 130 blessés.
Le Monde du 6 mai 1962 : « L’explosion du camion d’essence (…) Les morts – il y en a deux, un musulman et une Européenne (…) et les blessés, une vingtaine (…). Trois Européennes sauvées par un musulman (…).
Le Monde du 8 mai 1962 : « Cinq attentats ont été commis avant 8 h lundi matin, à Alger (…) un terroriste a mortellement blessé de deux balles dans la tête une vieille femme musulmane (…). Un Européen tué à un barrage de musulmans (…).
Libération du 9 mai 1962 : « Hier matin, un musulman tué tous les quarts d’heure » « Hier, le bilan des attentats individuels, à Alger, s’élevait à 36 morts (34 musulman dont 2 femmes et 2 Européens), 23 blessés (21 musulmans, 2 Européens). (…) Toutes les dix minutes, des attentats ont été commis durant toute la matinée, d’un bout à l’autre de la ville. Les terroristes se sont attaqués une fois encore, aux musulmans circulant dans la rue, se rendant à leur travail ou sur les lieux même de leur travail. Depuis quelques jours, il ne s’agit plus, comme cela agit été longtemps le cas, de la part de l’OAS, d’attentats sélectifs visant surtout des cadres musulmans dont la disparition devait fatalement influer sur les conditions de vie de tous les quartiers musulmans. Il semble que les tueurs se laissent aller à une espèce de folie sanguinaire qui fait de chaque Algérien -homme ou femme – rencontré à portée de tir, une cible de choix. La plupart des victimes ont été tuées grièvement blessées par des terroristes circulant à pied et qui ont tiré des coups de revolver dans la tête. Cependant, des voitures, des camions et même, comme cela s’est produit encore lundi, des autocars transportant des musulmans ont été mitraillés. D’autres commandos circulant en voiture, ont mitraillé également les abords des cités musulmanes ou les magasins et ateliers où sont employés des musulmans. Hier matin, dues employés de station-service ont été tués de cette façon, l’un à Maison-Carré, à 9 h30, l’autre avenue Pasteur ». Paris-Presse du 9 mai 1962« Pour achever d’affamer les quartiers musulmans : l’OAS abat les dernières Fatma, qui se risquent encore dans les quartiers Européens (…) ». « Alger, 8 mai. – 8 femmes de ménage musulmanes ont été abattues hier à Alger et à Oran par l’OAS. (…) « Vers la fin de l’après-midi, un nouvel attentat venait surexciter un peu plus les esprits. Une 403 occupée par quatre Européens dont une femme circulait rue Thibaudier. On entendit soudain deux coups de feu, la portière arrière de la voiture s’ouvrir et le corps d’un musulman tomba sur la chaussée : il venait d’être exécuté. Deux femmes musulmanes qui passaient étaient blessées (…) ».
Le Figaro du 10 mai 1962 « (…) Quand l’OAS ne laissa plus d’autre choix aux travailleurs musulmans de la ville européenne que le chômage ou la balle dans la nuque, les hommes de Bab El-Oued avaient dit à leur « bon-arabe » : ‘Toi, tu peux continuer à venir travailler ici. Dans le quartier tu ne risques rien. Absolument rien. Tu es presque un pied-noir. On sait que tu as toujours été, comme nous, pour l’Algérie-française. Tu peux avoir confiance en nous. Nous répondrons de ta vie. Pour toi, il n’y a rien de changé… Tu sais boien qu’on n’est pas raciste ». « L’autre matin, on l’a retrouvé étendu en travers d’un trottoir, le dernier musulman de Bab El-Oued. Baignant dans une flaque sanglante, les bras en croix, les yeux fixes, à jamais tournés vers des rêves d’amitié ». (Gérard Marin)
L’OAS pousse le FLN à la négociation pour briser le cadre juridique et politique des Accords d’Evian. Cette organisation terroriste veut être la légitimante exclusive de la parole politique de la France.
Le 5 juin 1962, La croix : « L’OAS a fait le point des négociations avec les autorités de Rocher-Noir au cours d’une courte émission pirate diffusée dimanche soir à 20 h 45 à Alger. Le speaker qui se réclame de l’OAS déclare : Tant qu’il n’y aura pas de réponses positives aux Européens et aux musulmans fidèles, l’OAS déclare : 1) d’interdire aux Européens les contacts avec les autorités du Rocher-Noir, sauf au niveau le plus élevé (…) ».
Le FLN répond, dans un premier temps, qu’il n’est pas question de négocier avec les assassins.
5 juin 1962, journal La Croix : « S’adressant à des journalistes, dans le quartier de Belcourt, le capitaine Boualem Taïbi de l’ALN, a annoncé que le commandement de la Zone Autonome d’Alger (ZAA) ne voulait pas de compromis avec les extrémistes européens ».
La Dépêche d’Algérie publie une édition pirate de l’OAS. Et les atrocités se poursuivent.
7 juin 1962, Bibliothèque de la Faculté d’Alger incendiée par l’OAS.
Extrait du journal La Croix du 7 juin 1962
» A 12 h 36 trois grenades au phosphore sont lancées à l’intérieur de la faculté. Aussitôt un gigantesque incendie se déclare tandis que les hautes flammes – visibles à une quinzaine de km de la ville (…) A El Biar, localité faisant partie du Grand-Alger, la mairie et la grande poste avaient été aussi la proie des flammes. » (…) A 17 h 40, une grenade incendiaire est lancée dans les bureaux de la taxe unique (…). En fin de soirée, à 19 h 40, deux explosions retentissent dans le quartier de Belcourt. C’est le bureau de poste de Champ-de Manoeuvres (…) ».
L’OAS tente toujours de contraindre, en vain, l’Armée, à remettre en cause les Accords d’Evian, en créant un climat de terreur.
Le Populaire du 9 juin 1962 : « (…) ses deux chefs enfin capturés ont bénéficié jusqu’ici d’une mansuétude qu’explique la raison d’Etat et une solidarité de caste mais qui indigne et inquiète la nation. Aujourd’hui, après quelques jours de répit au cours desquels elle a tenté par un odieux chantage de remettre en cause les termes d’un contrat accepté par l’immense majorité des français, l’OAS reprend et intensifie son action criminelle : ses hommes de main détruisent aveuglément les bâtiments administratifs, les installations portuaires et industrielles, les Facultés, les Ecoles et jusqu’aux livres, toute une infrastructure économique et culturelle (…) ». « dans le même temps l’OAS s’acharne à affoler les Européens d’Algérie et leur enjoint de fuir, dans un dénuement extrême une terre où la plupart sont nés ».
France-soir du 10 juin 1962 : « Alger (…) Des Ecoles se sont écroulées, quelques mitraillades (…). Deux fusées de bazooka ont démoli un studio de la RTF, peu après la diffusion du discours de de Gaulle. Elles ont été lancées, croit-on, des immeubles proches de l’immense et moderne gratte-ciel où sont logés les services de radio et de télévision ».
L’Aurore du 11 juin 1962 : l’OAS incendie un puits de gaz au Sahara (…) sabotage du puits de TG-3 sur le gisement d’Hasch-Touareg, à cent km d’Hasch-Messaoud (…) ».
Il semblerait que l’OAS arrive à entrer en contact avec le gouvernement exécutif algérien par le truchement d’un homme d’origine marocaine.
16 juin 1962 Combat : « A l’origine l’entrevue Farès-Susini est rendue possible grâce à un notable algérien d’origine marocaine (…) ». « M. Mostefaï (…) dément l’existence de contacts ». L’humanité du 16 juin 1962 « Poursuivant sa politique de la « terre brûlée » : l’OAS a détruit au plastic le plus grand hôpital d’Alger, les malades ont du être évacués, les trois blocs opératoires ont été saccagés ».
L’Aurore, 18 juin 1962 : « Alger, 17 juin (AFP). – Les contacts entre représentants de l’OAS et personnalités de l’Exécutif provisoire remontent à la fin mai. Dès le début de ce mois, M. Abderahmane Farès avait, dans une interview 1, repris l’expression fameuse d’un premier ministre britannique en déclarant que « pour ramener la paix en Algérie il était prêt à s’allier avec le diable ». Le Figaro, 18 juin 1962 « le 17 juin marquera un tournant capital dans la vie de l’Algérie. (…) Avec un réalisme politique assez remarquable, le Dr Mostefaï, parlant à la fois au nom du FLN et de l’Exécutif provisoire, a accepté une certaine reconnaissance de fait de l’OAS, pour être entendu par les Européens d’Algérie ». De son côté, Susini (…) a marqué sans ambages son accord à ces propos, et (…) évoqué la patrie algérienne comme la sienne propre ». (…) l’OAS avait parlé de pourparlers destinés à remplir les blancs d’Evian ». Le Monde, 18 juin 1962 : « L’OAS a donc obtenu satisfaction pour ses trois principales revendications (…), les résultats s’inscrivent dans le cadre des Accords d’Evian ». (…) Seul l’ex-colonel Godard, dont les actions sont loin d’être négligeables, refuseraient encore d’arrêter la lutte ». (…) c’est avec l’accord de M. Belkacem Krim, vice président du GPRA que l’entente a été conclue. L’ancien négociateur d’Evian (…). Il aurait eu mandat du GPRA (…) pour en finir avec cette affaire ».
18 juin 1962, New York Herald Tribune : « Une entente entre Européens et musulmans aurait pu être conclue plus tôt si l’OAS n’avait pas pendant des mois répandu sang et terreur ». The New York Times du 18 juin 1962 : « Ce serait trop espérer que des hommes, qui montrent si peu d’attachement aux nobles traditions française qu’ils prétendent défendre, vont tous accepter immédiatement de cesser leur campagne de feu et de sang ». The Times du 18 juin 1962, « Les accords de Rocher-Noir seront accueillis avec un soulagement (…). Cet espoir de paix ne fait que mettre l’accent sur l’inutilité des violences qui l’ont précédé. L’OAS n’a atteint aucun des objectifs pour lesquels elle avait ouvertement lutté. Les accords OAS-Exécutif provisoire pourront servir à enrayer le mouvement de panique qui avait poussé les Européens à fuir en masse l’Algérie, mais ce mouvement de panique a été provoqué dans une large mesure par l’OAS elle-même ». (…) En ouvrant des pourparlers directs avec le FLN, ils ont montré leur mépris des autorités officielles et cela au prix d’une reconnaissance du FLN. Si le résultat final ne fait donc qu’entériner les accords d’Evian pourtant si détestés, l’OAS peut prétendre maintenant les avoir en quelque sorte négociés à nouveau pour son propre compte ». Deutsche Zeitung, de Cologne le 18 juin 1962 : « Il est clair que la lucidité des chefs importants du FLN a contribué à ce revirement. Ce changement pourrait contribuer à faire disparaître la haine accumulée entre Algériens et Français et à guérir les blessures d’une guerre qui a duré plus de huit ans ».
A Tunis, le clan de Ben Bella s’insurge. Mais l’OAS opère son chantage en brandissant l' »apocalypse de la terre brûlée« . L’accord OAS/FLN change le cours de l’histoire. Mais une politique sensée peut-elle être possible avec des criminels ?
19 juin 1962, La Croix : « Docteur Chawki Mostefaï, principal représentant du FLN au sein de l’Exécutif provisoire, a rendu public, dimanche, sur les antennes de France V, l’accord auquel ont abouti les Européens d’Algérie – dont l’OAS – l’Exécutif provisoire et le FLN ». Extrait de son discours : « Que ce soir, que demain, cessent les dernières violences, les derniers meurtres, les dernières destructions, qu’enfin la paix et la sécurité pour tous, de nouveaux assurées, reviennent et alors l’amnistie qui sera prononcée dès (…) ». 19 juin 1962, Le Monde : « (…) le délégué aux affaires générales publiquement reconnu la représentativité de l’OAS, annoncé que des Européens pourraient entrer dans les unités de la force locale et que l’amnistie, presque conditionnelle dans la mesure où elle semble liée à la cessation définitive du terrorisme, sera prononcée par le futur gouvernement algérien ». 19 juin 1962, Journal France-soir : « Décidément tout y est possible. Un accord entre le FLN et l’OAS, on avait beau en parler depuis quelques jours, cela paraissait impensable ». « Elle (L’OAS) accepte le cadre des Accords d’Evian, elle admet l’Algérie indépendante, elle renonce à l’Apocalypse de la terre brûlée ». 19 juin 1962, Le Figaro : « C’est l’examen de ces contre-propositions qui fait l’objet, le 1er juin, d’une réunion dans la villa de M. Chevalier, à El Biar, à laquelle assistent une douzaine de personnes dont M. Farès, et, pour l’OAS, Susini et l’ex-colonel Gardes. En fait le président de l’Exécutif provisoire s’en tient strictement aux Accords d’Evian et propose seulement que, dans le cadre de ceux-ci, soient prévus notamment une amnistie et l’intégration d’Européens au sein de la force locale algérienne ».
Mais sur quel pouvoir l’Algérie nouvelle se reposera-t-elle ? Qu’est-ce qu’un pouvoir politique qui intègre dans sa force armée des criminels ? Des politiques n’ont pas d’autres capacités de résistance que celles de négocier avec des terroristes, se résignant à l’idée que la mémoire de tout un peuple pourrait passer tout simplement à la trappe au nom de l’Algérie nouvelle. Du côté de certains hommes politiques français, ce mariage forcé est partagé.
20 juin 1962, Le Monde : « M. Maurice Faure, Président du parti radical » : « Notons enfin qu’ils (Accords OAS/FLN) ont été conclus en dehors de l’Etat dont ils soulignent la faiblesse et dont ils traduisent la double impuissance à maintenir l’ordre légal, d’abord contre le FLN puis contre l’OAS. Si les violences seules qualifient les interlocuteurs valables, il faut en conclure que la démocratie est bien malade ». 22 juin 1962, l’Aurore : « A Paris, aucune fausse note dans cette harmonie algérienne. Les accords passés entre le FLN et l’OAS à Alger sont considérés comme le ralliement souhaité des Européens aux accords d’Evian ». « M. Peyrefitte, ministre de l’information, déclarait : « (…) Ce ralliement s’est fait dans le cadre et dans l’esprit et également dans l’application la plus stricte des accords d’Evian (…) ».
21 juin 1962, Le Populaire ; « Les chances de la réconciliation » par Gérard Jaquet : « Il y a quelques heures, je faisais chez un ami commun la connaissance d’un « pied-noir », qui avait été contraint, il y a quelques mois, de se replier sur Paris. Il n’avait jamais participé en Afrique du Nord aux luttes politiques, mais il était connu pour ses opinions libérales. Pourchassé par l’OAS, il avait pris finalement la décision déchirante de quitter sa terre natale. Et, comme j’exprimais l’espoir que ses épreuves allaient enfin se terminer, il me répondit brutalement : « certainement pas. L’accord entre le FLN et l’OAS m’interdit désormais tout retour en Algérie. Certes, je comprends le FLN, qui veut à tout prix arrêter les destructions, avant d’accéder au pouvoir, mais à votre tour, comprenez mon attitude. C’est l’OAS qui a négocié au nom des Européens, et son influence tyrannique va subsister« .
22 juin 1962, l’Aurore : « Quatre chefs FLN pour la conciliation (…). Boussouf : c’est l’éminence grise du FLN. Il en serait devenu, dit-on, le véritable maître grâce aux réseaux de communications qu’il a établis dans la clandestinité. (…). « Krim » (…). Boudiaf : compagnon de détention de Ben Bella. (…) Avec Ben Bella, il avait, avant son arrestation, établi de nombreux contacts au Caire et plus particulièrement avec Nasser ». « Mostefaï : jusqu’à ce qu’il soit appelé au poste clé de délégué du FLN au sein de l’Exécutif provisoire, il a été « ambassadeur » du GPRA au Maroc (…) ».
« Du côté de l’OAS, on met sur le compte d’une mauvaise liaison le bombardement au mortier du dépôt de carburant de l’avenue Victor Hugo et la destruction de la station de détendage du gaz d’Hassil R’Mel. Le speaker de l’OAS a tenu à préciser que ces opérations avaient été effectuées quelques instants avant que le contre-ordre fût parvenu au commando ». Mais le 22 juin 1962, des attentats se poursuivent.
Libération du 22 juin 1962 : « (…) des commandos OAS ont attaqué au bazooka et au mortier les casernes de gendarmerie : hier c’est le cantonnement mixte CRS et gendarmes mobiles de la rue Dumont-d’Urville, dans la banlieue est, qui a été la cible de l’OAS (…). On ignore s’il y a des victimes ».
24 juin 1962, Combat : « Et déjà, pour la France, l’OAS n’est plus un monstre à abattre. Une bonne conscience nationale s’installe » (Philippe Tesson). « L »humanité : « Une organisation qui, par-delà les proclamations pacifiques, poursuit sa sanglante entreprise, comme le prouvent le meurtre de notre camarade Pierre Verger, poignardé hier à Paris par l’OAS, et la reprise des attentats au plastic. Malgré sa conversion tardive, Salan reste ce qu’il est, c’est-à-dire le chef du gang d’assassins. Même s’il continue à bénéficier de singuliers égards de la part du pouvoir (…) ».
Salan exige la paix et la fraternité. Il l’exprime dans une lettre adressée à la presse.
« Paris-Jour : un langage stupéfiant. Le chef suprême de l’OAS approuvant les initiatives de Susini, donne enfin aux membres de son organisation des consignes précises : cesser les combats, souscrire sans réserves, de Bône à Oran aux engagement pris à Rocher-Noir, (…). Un tel langage est proprement stupéfiant, dans la bouche de celui qui avait pris la responsabilité effroyable de jeter les uns contre les autres ces Européens et ces musulmans qu’il adjure, aujourd’hui, de se réconcilier. (Bernard Lefort) ».
Mais dans le journal le Figaro du 25 juin 1962, revirement total de situation. Gardy annonce dans une émission pirate : « Il est urgent, il est vitale, pour tout ceux qui ne veulent pas subir la vengeance du FLN, qu’ils partent dans les plus brefs délais possibles. Nos espoirs d’une solution positive (…) ont été déçus. (…). Nous n’avons jamais reconnu les accords d’Evian et nous disons qu’ils vont être dénoncés. Aucune des clauses de ces accords n’a été mise en application. Oranais, vous allez vivre des instants très durs et très douloureux. L’heure de la vengeance sonnera ».
26 juin 1962, Libération : « Alger – de notre envoyé spécial Claude Estier. – Au coeur de la Casbah, une porte étroite à côté d’un ancien bar maure. Un escalier sombre. Au premier étage, trois bureaux encombrés de tracts et d’affiches : c’est un des PC de la Zone Autonome d’Alger (ZAA). Sans arrêt des responsables entrent et sortent, apportent des nouvelles, repartent pour une mission : ultime préparatifs avant le vote de dimanche prochain ».
Mais des divergences règnent chez les terroristes. Susini, clame dans une émission pirate le 28 juin 1962, rapporté par Le Figaro : » Européens, restez ! Rien ne peut remettre en cause les accords du 17 juin »
30 juin 1962, l’Aurore, « Fuite inattendue de Gardy ». « Les commandos de Micheletti continuaient d’agir : ce matin, vers 11 h, un musulman était encore tué près de la gare. Fait curieux à signaler en passant ; le FLN démentit cette exécution, alors que les témoins sont formels ».
Le calme s’installe enfin.
Le Parisien du 30 juin 1962 : « Oran, où le couvre-feu sera levé ce soir, sera resté jusqu’à la fin énigmatique et inquiétant. Autour de la fumée des derniers attentats, on a construit à la hâte un fragile édifice que les autorités nomment réconciliation. Que valent ces accords de la dernière heure ? Ils sont inestimables, s’il est exact, qu’ils ont empêché la destruction totale de la ville. (…). Une nouvelle réunion de réconciliation s’est tenue jeudi soir à la préfecture d’Oran. Quatorze notables européens et quatorze musulmans pour la plupart FLN ont parlé de l’avenir. (…) Oran est depuis quelques jours et jusqu’à dimanche un mélange de ville sud-américaine en révolution et de cité sinistrée par un effroyable cataclysme ». 30 juin 1962, Le Figaro : « Oran 29 juin. – Jour « J » de la réconciliation à Oran. Depuis ce matin, des équipes de jeunes musulmans ont envahi le boulevard du Maréchal-Joffre, (…). Armés de pots de peinture et de colle, ils ont inscrits de grands « OUI » (…) et (…) « la révolution en marche vaincra la misère ».
L’armée française s’est repliée dans les quartiers européens.
30 juin 1962, Le Figaro : « Dans aucun pays (dit le responsable FLN) aucune organisation n’aurait pu contrôler totalement une population soumise aux attentats, aux meurtres de femmes et d’enfants. – Mais en temps de paix, insista l’Evêque (de la ville d’Oran) ? -En temps de paix, je réponds des musulmans, répondit l’officier qui proposa alors la constitution d’une Comité de réconciliation. » Paris-Presse du 30 juin 1962 : « Maintenant que les acharnés ont quitté la ville : les orantes, européens et musulmans, redécouvrent la fraternité » (Robert Buchard). La Croix du 30 juin 1962 : « Tout le monde, a ensuite déclaré l’armateur Ambrosino, a une peur panique du 1er juillet. Quand le 3 juillet les rapatriés s’apercevront qu’il ne s’est rien passé, ils verront qu’on leur a monté la tête. Il faut que, bientôt, ils fassent la file à Marseille pour leur retour ».
5 juillet 1962, c’est l’indépendance de l’Algérie après 132 ans de colonisation française.
Le 9 juillet 1962, Le Figaro : « Des personnes sont enlevés sans qu’on sache très bien par qui, hier, cinq musulmans, quatre employés municipaux (…) et un malade (…). Hier aussi, une famille européenne (…) a disparu (…). Le fait le plus grave reste l’inconnu qui plane sur le sorto des soixante-trois disparus européens enlevés par les ATO ou des jeunes musulmans armés pendant l’émeute du 5 juillet. Il y a parmi eux des fonctionnaires des PTT, du trésor public, d’autres administrations (…) ». « Le 5 juillet, l’ALN par son action énergique, a empêché le massacre de centaines de personnes ». « (…) On cite le chiffre de 49 personnes fusillées ou pendues pour pillages, vols, usurpation d’autorité, etc. ».
13 juillet 1962, Le Figaro : « A la suite d’une longue et patiente enquête de sa brigade politique, la police genevoise vient de décapiter le premier réseau du prétendu « Conseil national de la résistance », présidé par Geoges Bidault, découvert à l’étranger. Plusieurs activistes, dont cinq français, ont été appréhendés puis expulsés du territoire hélvétique ». (…). « Nous ne reconnaissons pas les accords d’Evian. Notre but est de renverser le gouvernement français » ont avoué les membres du « CNR ».
24 juillet 1962 : « Madrid (AFP, AP). – « Le gouvernement espagnol a annoncé hier qu’ »en raison des circonstances existant actuellement entre la France et l’Algérie », les « activistes » français maintenus depuis octobre dernier en résidence surveillée retrouvaient leur liberté de mouvement ».
28 juillet 1962 : « Un commando OAS attaque un camp de militaires et s’enfuit vers l’Espagne. »
Le dossier spécial archives et contribution nous fait part des 6000 attentats qui ont été perpétrés par l’OAS en Algérie. Il présente l’organigramme de l’OAS, ses généraux, colonels, civils qui occupaient des positions à Alger, Madrid et en France métropolitaine. « Ces trois groupes étaient complétés par la mise en place d’une direction en France sous l’autorité des ex-généraux Vanuxem et Crève-coeur, qui dirigeaient les groupes d’action en métropole en liaison directe avec l’ex-général Salan à Alger », écrit Mohand-Rachid. (…) Il souligne que « les nostalgiques de l’Algérie française devraient plutôt reconnaître qu’ils se ont fourvoyés en soutenant l’OAS au lieu de raviver plus d’un demi-siècle après les politiques excluantes et xénophobes qui appauvrissent et risquent de préparer, hélas, d’autres tensions entre les diverses population en France ».
Le terme « amnistie » vient du grec « amnistia qui veut dire : « pardon », de « amnistos » « oublié ». Qui peut amnistier qui ? De quel droit l’Etat français peut-elle amnistier des terroristes français ayant commis des actions criminelles dans un pays qui n’était plus le sien à partir du cessez-le-feu ? Ici qui prend la place de qui ? Par une aberrante logique, les successives amnisties de l’Etat français, révèlent un grand mépris à l’égard des torturés et des tués de la guerre d’Algérie et de l’après-guerre (OAS /FLN). L’amnistie du 22 mars 1962 a été réalisée avec la délégation algérienne et la délégation française pour sortir les Algériens de la famine et de la misère. Après, lors de la toute naissante libération ? Qui peut en toute légitimité amnistier les crimes de l’OAS ? Que racontent même ces successives amnisties de la France ? Si des accords secrets existent, je l’ignore, et quant bien même ils existeraient, seul ce peuple martyrisé serait autorisé ou non à pardonner.
Il ne s’agit pas de faire de toutes ces victimes un fond de commerce ni même de dresser la liste d’exploits morbides de certains terroristes réintégrés dans l’Armée française mais de construire l’histoire. Une mémoire collective vivante contient du réel et non du déni. Sans elle, pas de projet d’avenir, mais le risque de répétition des grandes tragédies. Elle a déjà eu lieu lors de la tragédie noire. Le pouvoir algérien en singeant politiquement ses vis-à-vis, a amnistié lui aussi ses propres terroristes sans se soucier de rendre la justice, comme si le peuple algérien avait une dose insuffisante de martyrs.
Mohand-Rachid Zeggagh, en recueillant précieusement ces articles, et en les commentant avec une admirable lucidité, a conscience qu’il participe activement à un travail de mémoire.
Un lien est un bien commun. Et un bien n’est pas un bourdonnement inutile de mots répétés réduisant à l’indigence l’humain. Bien au contraire, sans lien, pas de bonheur pour la communauté, pas de possibilité de construction heureuse d’une histoire pour les collectivités. Le devoir de mémoire reconnaît la dette contractée du présent à l’égard de ce qui a eu lieu en retenant un contenu de perception sensible à travers une persévérance de vie en commun. Cette obligation morale à l’endroit du vécu sensible est valable pour tous les peuples, et l’Algérie n’échappe pas à cette nécessité. Mais il n’est pas question dans ce remarquable dossier, d’un devoir de mémoire mais d’un travail de mémoire. Ce que recueille Mohand-Rachid Zeggagh dans Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie est un matériau indispensable pour entreprendre l’histoire de la guerre et l’après guerre en Algérie.
L’Algérie doit se construire à partir de ses souffrances et de sa douleur. Il y a de la noblesse sur les rides des victimes, il y a de la vérité. C’est avec elles qu’elle édifiera son plus bel avenir.
Mohand-Tahar Zeggagh, Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie Dossier spécial archives et contribution à la mémoire historique du peuple algérien (1961/1962), Editions ANEP, 2ème semestre
La Franco-Algérienne Amel Boubekeur, porte-voix du Hirak version FIS. D. R.
Les médias dominants français, c’est connu, ont toujours recouru à des procédés détournés pour déformer la vérité sur l’Algérie. Dans les années 1990 déjà, Canal+ et d’autres chaînes multipliaient les reportages produits sur place par des «mains algériennes» qui faisaient parler de faux terroristes et de faux militaires déserteurs pour accabler l’armée et les services de sécurité. Vingt ans plus tard, rien n’a changé. La recette est la même, à laquelle a été ajouté un nouvel ingrédient : les réseaux sociaux et leur lot de désinformation érigés en sources crédibles et sûres sous l’appellation d’«observateurs».
S’agissant de la couverture «impartiale» et «professionnelle» du mouvement de contestation en Algérie, dévoyé et récupéré de façon flagrante par les islamistes du FIS et de Rachad – des échanges téléphoniques entre Mourad Dhina et un de ses éléments en Algérie révèlent comment le chef terroriste du FIDA installé à Genève donne ses instructions aux exécutants à Alger à la sortie de la mosquée Rahma, point de départ des marches –, une des porte-voix de ce Hirak est une informatrice franco-algérienne de la DGSE, dont des sources informées révèlent la fonction de «taupe intellectuelle» des services français de l’action extérieure. Elle, c’est Amel Boubekeur, «soi-disant chercheuse spécialiste du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord», constatent nos sources.
«Cette dernière ne rate aucune occasion sur les plateaux des chaînes officielles françaises TV5 et France 24 pour parler du Hirak et ses avancées en Algérie», relèvent nos sources, selon lesquelles cette Française d’origine algérienne «est en réalité membre du Centre de recherches Jacques-Berque, situé dans la ville de Rabat, au Maroc». «Ce centre est officiellement une section du ministère des Affaires étrangères français, mais la DSGE française l’utilise comme couverture pour des objectifs politiques et des attaques contre l’Algérie», précisent nos sources.
«Amel Boubekeur est, par ailleurs, membre active à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP) situé à Berlin, un institut qui conseille le gouvernement allemand sur les pays d’Afrique du Nord, dont l’Algérie», indiquent nos sources, qui font savoir, en outre, que «cette taupe de la DGSE, qui mène une attaque virulente contre l’Etat algérien, était présente lors des débats avec les acteurs et défenseurs d’une période de transition en Algérie que la France officielle avait évoquée». Débats auxquels étaient «conviés», à ses côtés, Akram Belkaïd du Monde diplomatique, Nasser Djabi, Louisa D. Aït-Hamadouche, El-Kadi Ihsan de Radio M et Hacène Ouali, poche de l’ancien ambassadeur français à Alger, Xavier Driencourt. «Cet orchestre était présidé par le Franco-Tunisien Pierre Haski de France Inter», rappellent nos sources.
«C’est dans le cadre de la nouvelle guerre dite de quatrième génération que la DGSE française a recruté ces chercheurs dans le but d’exercer des pressions politiques, économiques et sociales contre l’Algérie par le biais de campagnes médiatiques ciblées», assurent nos sources.
Emmanuel Macron a militarisé plus la France durant son mandat . D. R.
La France doit sa grandeur essentiellement à son armée. Absolument pas à son industrie. Historiquement, la France s’est bâtie par la force de ses baïonnettes et de ses navires de guerre. Non à la force du poignet industrieux de ses entreprises. Elle n’a jamais brillé par sa haute technologie industrielle. Mais par ses hauts faits de guerres de conquêtes, de rapines, de pillages.
Contrairement à l’Allemagne, fondée sur la grandeur de sa puissante industrie. Si la puissance de cette dernière s’appuie sur la défense de son industrie, la France érige sa puissance sur l’industrie de sa défense, autrement dit de son armée, par extension de son complexe militaro-industriel. L’Etat français se fonde sur une perpétuelle conquête territoriale. Dès sa naissance dans le petit périmètre parisien, il s’est lancé dans une permanente entreprise d’extension territoriale, une politique de guerre d’occupation. D’abord, par la conquête des territoires du sud, l’Occitanie, ensuite les autres régions hexagonales, notamment la Bretagne. Plus tard, sa politique impérialiste s’est étendue à l’échelle internationale, par ses entreprises esclavagistes et conquêtes coloniales.
Ainsi, la France s’est toujours distinguée par le surdéveloppement de son industrie militaire (aujourd’hui septième puissance mondiale, cependant classée troisième exportatrice d’armes), sur laquelle repose sa puissance. Son industrie nucléaire, civile et militaire renforce également son hégémonie. Ce faisant, l’industrie militaire et le nucléaire demeurent ainsi le fondement du régime contemporain.
Ironie de l’histoire, la nation des «droits de l’Homme» demeure le pays impérialiste le plus militarisé du monde. Force donc est de relever que, depuis des siècles, le militarisme de la France a toujours constitué une expression d’une politique de compensation, par la violence militaire, de ses faiblesses économiques. La force brute de ses conquêtes coloniales anciennes comme celle de ses interventions impérialistes contemporaines lui servent d’adjuvants pour maintenir son rang de puissance mondiale, préserver ses intérêts économiques, notamment dans ses chasses gardées.
Nul doute, la politique agressive interventionniste française a pour dessein de compenser sa faiblesse économique. En proie à une très forte désindustrialisation, au déclassement économique, la France est réduite à s’octroyer par la force armée les moyens de ses ambitions impérialistes. Tout se passe comme si les engagements militaires de la France constituent l’unique programme politique pour préserver ses positions géostratégiques, son rang de puissance mondiale.
Aujourd’hui, la France se prépare-t-elle à de nouvelles guerres de conquêtes pour surmonter son déclassement économique, sa décadence politique et culturelle ? A lire les déclarations des hauts gradés militaires français, tout indique que la France fourbit ses armes pour des interventions impérialistes de grande ampleur.
Comme l’a déclaré le chef des armées françaises, Thierry Burkhard, au journal The Economist, la France mobilise son armée en vue «de conflits de haute intensité». Autrement dit, des conflits d’Etat à Etat. Son confrère, le général Vincent Desportes, dans une interview accordée au journal numérique Atlantico, confirme ces orientations militaristes : «Je crois qu’aujourd’hui il serait déraisonnable de ne pas imaginer une guerre beaucoup plus vaste et beaucoup plus violente, engageant beaucoup plus de moyens que les conflits que nous conduisons depuis la fin de la Guerre froide.» (…). «Les guerres de demain ne seront pas les guerres du terrorisme, c’est une parenthèse qui va se refermer et les guerres de demain seront probablement des guerres interétatiques qui pourront être extrêmement violentes, même si probablement pas très longues ; il faut donc que l’armée française s’y prépare. (…)» «Il faut que l’armée française retrouve des capacités d’engagement beaucoup plus massives. Aujourd’hui, l’armée française serait incapable d’engager une division – pas un corps d’armée – capable de manœuvrer, et c’est pour ça que cet exercice (Orion, ndlr) vise à redonner à l’armée française l’habitude à engager et commander des moyens sur de vastes espaces et des durées longues.»
Des exercices de combat de grande ampleur sont déjà à l’œuvre, notamment au travers de l’opération «Orion» visant à préparer l’hypothèse d’un engagement majeur (HEM), selon la terminologie polémologique française. L’exercice Orion se caractérise par le déploiement de toutes les capacités militaires françaises à une échelle inégalée depuis des décennies. L’opération compte mobiliser plusieurs milliers de soldats. Outre les troupes au sol, l’armée de l’air et la marine participeront également aux exercices de combat. Actuellement, la France dispose de 5 100 soldats au Sahel dans le cadre de l’opération Berkhane. Or, pour assurer le succès des futures opérations militaires, la France compte augmenter ses forces armées pour atteindre 25 000 soldats.
Si, au cours des dernières décennies, pour justifier ses interventions militaires, la France invoquait le prétexte de la lutte contre le terrorisme, désormais, avec l’épuisement de cet alibi devenu inopérant à force d’instrumentalisation outrancière, d’autres mobiles seront allégués pour légitimer ses guerres de conquêtes.
Sans attendre, pour ces préparatifs de guerre, l’Etat français a constitué plusieurs groupes d’experts pour étudier toutes les éventualités. Notamment la question de l’acceptabilité par les citoyens d’un nombre élevé de morts, jamais égalé depuis la Seconde Guerre mondiale. A cet égard, les pays ciblés par cette «guerre de haute intensité» ne sont pas nommément désignés. Cependant, tous les experts s’accordent pour citer la Russie, la Turquie ou un pays d’Afrique du Nord (serait-ce l’Algérie : intervention militaire française épaulée par des troupes supplétives marocaines, aidée en arrière par Israël, nouvel allié du roi VI ?).
Curieusement, d’aucuns vantent le pacifisme de Macron. Or, sous sa présidence, les dépenses militaires auront augmenté de 46%, passant de 32 milliards en 2017 à plus de 50 milliards d’euros à l’issue de son mandat. Bien éloigné du prétendu renouvellement démocratique claironné par Macron, ce dernier a imprimé une dimension militariste à son régime, par l’augmentation exponentielle du budget de l’armée (confirmant la préservation de la centralité du complexe militaro-industriel, fleuron de l’impérialisme français) et le durcissement autoritaire du pouvoir, matérialisé par la militarisation de la société, inaugurée par la répression sanglante du mouvement des Gilets jaunes, parachevée par la dictature sanitaire instaurée à la faveur de l’apparition de la pandémie du Covid-19. L’ère de la guerre totale est ouverte. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Hitler avait déclaré, en guise de justification de l’entrée en guerre de l’Allemagne étranglée par le blocus économique imposé par les Alliés, assoiffée d’espace vital lucratif : «L’Allemagne doit exporter ou périr.» La France semble renouer avec cet agenda militariste : «La France doit conquérir ou périr.»
La sottise, l'erreur, le péché, la lésine, Occupent nos esprits et travaillent nos corps, Et nous alimentons nos aimables remords, Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ; Nous nous faisons payer grassement nos aveux, Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux, Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.
Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste Qui berce longuement notre esprit enchanté, Et le riche métal de notre volonté Est tout vaporisé par ce savant chimiste.
C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent ! Aux objets répugnants nous trouvons des appas ; Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas, Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.
Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange Le sein martyrisé d'une antique catin, Nous volons au passage un plaisir clandestin Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.
Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes, Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons, Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie, N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins Le canevas banal de nos piteux destins, C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie.
Mais parmi les chacals, les panthères, les lices, Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents, Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants, Dans la ménagerie infâme de nos vices,
II en est un plus laid, plus méchant, plus immonde ! Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris, Il ferait volontiers de la terre un débris Et dans un bâillement avalerait le monde ;
C'est l'Ennui ! L'œil chargé d'un pleur involontaire, II rêve d'échafauds en fumant son houka. Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat, - Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère !
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Baudelaire, Charles, « Au lecteur », Les fleurs du mal, Paris, Le livre de poche classique, 1999 [1857].
Pas d'excuses de la France à l'Algérie, mais des actes symboliques forts, comme la création d'une commission « Mémoires et Vérité ». C'est de cette façon qu'Emmanuel Macron espère apaiser le conflit mémoriel sur la guerre d'Algérie et rapprocher les deux pays. Le président français s'inspire du rapport que lui a remis hier mercredi l'historien Benjamin Stora. Mais ces actes symboliques suffiront-ils ? Il y a quelques années, l'essayiste Akram Belkaïd a publié au Seuil « Un regard calme sur l'Algérie ». Aujourd'hui, il écrit dans Le Monde diplomatique et le Quotidien d'Oran. Il répond à Christophe Boisbouvie
Le devoir de mémoire est la principale motivation qui a poussé Tayeb Amrouche, ancien moujahid, à témoigner et nous restituer dans le moindre détail son parcours de militant chevronné comme infirmier au maquis...
Aujourd'hui, âgé de plus de 82 ans, il décide de rendre publique son expérience dans la guerre d'Algérie. C'est en passant avec sa famille par Hammam Melouane il y a une vingtaine d'années que tout s'est enclenché en lui, tou ses souvenirs restés intacts sont remontés à la surface. Avec moult détails, l'homme qui a tôt été mû par l'envie de monter au djebel raconte ses mésaventures ou comment il a été sensibilisé à la cause nationaliste pour défendre l'honneur de son pays et partant, soigner ses camarades d'armes. Il n'a, en effet, que 17 ans lorsqu'il rejoignit les moudjahidine en activant d'abord dans les réseaux clandestines jusqu'à son arrestation et sa condamnation à trente-six mois de prison à Serkadji- Barberousse. Entré pour se soigner pour cause de problèmes aux poumons, il en ressort formé comme aide-soignant. Au lieu de retourner pointer à la gendarmerie tous les jours, comme il lui aura été signifié par la police française, Il décide alors de partir sur le champ au maquis. Ainsi, à sa sortie, il prit le chemin du maquis pour combattre comme infirmier, jusqu'à la fin de la guerre. Dans ce livre témoignage intitulé « De Barberousse aux casemates du maquis. À peine 17 ans et, déjà, dans les réseaux de la révolution», l'auteur témoigne avec de menus détails ce qui va lui arriver, comment il est accueilli, comment il arrive à déjouer les plans de l'armée française, comment il sera amené à sauver des vies avec peu de moyens.
Hommage aux anonymes Il n'omettra jamais de rendre hommage à ces gens anonymes des douars qui ont consentis des sacrifices énormes pour prendre soin des moudjahidine et participer comme ils pouvaient à la guerre d'indépendance. Tayeb Amrouche aura aussi une pieuse pensée pour sa mère et sa soeur qui l'ont aidé dans sa mission au départ, avant de partir au maquis, conscience du devoir que Tayeb accomplissait ainsi que ses amis moudjahidine qu'il ramenait à la maison. Avec un oeil plutôt objectif, Tayeb aura à décrire le caractère psychologique de ses compagnons de fortune, du bon au moins bon, du mauvais au plus dangereux, tout en égayant souvent son récit de nombreuses, anecdotes sur le geste héroïque qu'accomplissaient ces moujahidine, mais regrettant parfois le dépassement de certains d'entre eux et leur caractère. Cependant, il aura à toujours souligner leur sens irréprochable du patriotisme et leur dévouement exemplaire pour la patrie. Ainsi, l'auteur parvient à «humaniser» tous ces personnages comme dans un véritable film de fiction, nous les rendant encore plus proches. Et dire que tout ceci n'est en fait que la réalité! En effet, doué d'un sens aigu de la narration, l'auteur réussit à capter notre attention avec la description de tous ces combattants dont il se rappelle encore le nom pour beaucoup d'entre eux, la description de ces paysages, douars et kacemate, jusqu'au visage de ces malades dont il fera un devoir de soigner et de soulager les maux.
Un travail d'anthropologie Tayeb Amrouche nous invite ainsi à le suivre dans son parcours de militant chevronné, déterminé à poursuivre son chemin de combat et ne jamais fléchir ou revenir en arrière. Ainsi, il se révèle sous sa plume comme un vaillant soldat mû par une véritable noble cause, celle de sauver des vies humaines pour que ces derniers puissent, à leur tour, sauver et libérer le pays du joug colonial. Tayeb Amrouche aura toujours ce sentiment de compassion et parfois d'admiration envers ses amis, sa famille, ses femmes, vieux et enfants des hameaux voisins qui donnaient tout ce qu'ils avaient pour que vivent les moudjahidine. Ainsi, nous réalisons combien la vie dans les montagnes et les régions isolées était si difficile et rude, ajouté à cela la pauvreté extrême de ces populations et leur dénuement total. Partant de cette démarche, Tayeb Amrouche, réussit à établir un vrai travail d'investigation et d'anthropologie à lui tout seul. Son livre se veut un document précieux pour l'inscription de notre histoire dans les annales et sa transmission pour les jeunes d'aujourd'hui, y compris les générations futures. Son récit se veut imagé et profondément touchant qu'on ne peut que prêter attention à toute cette armada de personnages qui reprennent vie sous l'écriture de Tayeb Amrouche. Des individus qui nous sont restitués avec précision tel dans un film de guerre qui se passe sous nos yeux.
Un engagement sans faille Un livre nécessaire qui aura été sans doute bien douloureux à son auteur, mais qui l'aura aidé sans doute à se libérer peut être d'un lourd fardeau, celui de porter à lui seul, ce passé, ses épaules et ne pas le partager avec autrui. En soi, un acte, un véritable acte de générosité doublé de bravoure. Un acte utile, salvateur et salutaire. Un livre des plus essentiels donc! Tayeb Amrouche est né le 23 octobre 1939 au Gué de Constantine, un quartier situé dans la commune de Kouba. Le jeune Tayeb prendra très tôt conscience de la nécessité de s'entraider quand on est une famille nombreuse. Composé de sept garçons et une fille, sa famille était loin d'être aisée. Son père travaillait comme ouvrier dabs une briqueterie, Axiak, appartenant à un colon, du nom de Caryol, qui était en même temps maire de Kouba. Apres de longues années d'épargnes, son père réussit à acheter un bout de terrain et bâtir une petite maison au lotissement Michel, aujourd'hui Haï El Badr. C'est juste à cette période, âgé de 17 ans, que son engagement indéfectible pour le pays se mettra en marche, pour continuer à s'accroitre et ne jamais fléchir...
« Coup de force militaire à Alger, l’armée prend le pouvoir… », pouvait-on lire à la une des quotidiens il y a tout juste soixante ans.La situation politique française, au matin du 22 avril 1961, est aussi confuse que dramatique. Trois ans après le « coup » du 13 mai qui a permis au général De Gaulle de prendre en main les destinées du pays, de mettre à bas la Quatrième République et d’instaurer un régime autoritaire, les militaires se soulèvent à nouveau. Pour une armée qui n’est pas familière du pronunciamiento, c’est beaucoup !
Pour comprendre les raisons du putsch de 1961, il faut revenir à celui de 1958. Les militaires d’Algérie et les civils pieds-noirs étaient las des atermoiements des politiciens, de la valse des cabinets ministériels et de l’absence de politique algérienne cohérente. Ils ont profité de la désignation à la présidence du Conseil de Pierre Pflimlin, réputé favorable à la négociation avec le FLN, pour, le 13 mai, prendre d’assaut le Gouvernement général à Alger et instaurer un comité de salut public. C’était un coup d’Etat en bonne et due forme. Poussés par des activistes gaullistes qui complotaient depuis plusieurs mois, ils en avaient appelé au retour du général De Gaulle pour diriger le pays. Si celui-ci n’y parvenait pas par les voies légales, un plan insurrectionnel était prévu. Baptisé « Résurrection », il devait lui permettre de s’emparer du pouvoir, quitte à s’engager dans une guerre civile.
Ce ne sera pas nécessaire, le président Coty appelle De Gaulle pour diriger le dernier cabinet de la Quatrième. Celui-ci va alors faire montre d’une duplicité hors du commun. Il donne des gages aux partisans de l’Algérie française et multiplie les déclarations tonitruantes sur son maintien pour, peu à peu, glisser vers une politique d’abandon qui va inévitablement laisser le champ libre aux assassins du FLN. Le tout d’ailleurs en donnant à l’armée les moyens d’écraser la rébellion, ce que fera avec talent le général Challe en 1959-1961.
Les militaires qui ont porté De Gaulle au pouvoir se rendent compte qu’ils ont été bernés, que le « grand homme » n’avait d’autre but que d’instaurer en France un pouvoir personnel et que profiter de la crise algérienne était le moyen le plus simple d’y parvenir. Pendant que, sur le terrain, nos soldats recrutent et arment des supplétifs musulmans, pendant qu’ils promettent aux populations que la France ne les abandonnera pas au couteau des égorgeurs, le pouvoir gaulliste entame des négociations avec un ennemi déjà vaincu et dont la réputation de cruauté est tout sauf usurpée. Les militaires conscients d’avoir été dupés s’agitent, ils conspirent dans un secret très relatif et sondent le terrain pour estimer leurs forces. Beaucoup de cadres d’active s’engagent verbalement à les soutenir. Massu, approché par les conspirateurs, refuse de prendre la tête du putsch qui se prépare.
Debré, hâve et hagard
C’est dans la nuit du 21 au 22 avril 1961 que le Rubicon est franchi. Les parachutistes du 1er REP, aux ordres du chef de bataillon Denoix de Saint Marc, chef de corps par intérim, les commandos de l’air et les commandos parachutistes s’emparent facilement d’Alger. On déplore un seul tué : un sergent qui a ouvert le feu sur les légionnaires du REP, les prenant pour des fellaghas, est abattu à la station radio d’Ouled-Fayet. C’est le général Challe, l’ancien commandant en chef, qui a pris la tête de la rébellion. Avec lui, deux généraux : André Zeller et Edmond Jouhaud. Le général Salan va quitter Madrid où il s’est exilé et les rejoindre le lendemain.
Les premières heures se révèlent cruciales, on va compter les ralliements et les reniements. Si les civils européens sont enthousiastes, beaucoup d’officiers supérieurs et de généraux restent dans l’expectative, attendant de voir comment tourne le vent. Certains se rallient au soulèvement, puis se rétractent, d’autres sont opportunément partis en permission et demeurent injoignables… D’une manière générale, l’armée ne suit pas. La Royale reste fidèle au gouvernement, hormis quelques individualités comme le commandant Guillaume, plus connu sous son surnom de « Crabe Tambour », l’armée de l’air demeure loyaliste et, en métropole comme en Allemagne, les soutiens aux généraux d’Alger sont quasi inexistants. En Algérie même, les putschistes ne contrôlent qu’une petite partie du pays.
Malgré tout, c’est l’affolement en France, les syndicats demandent qu’on arme la population, Malraux, le pseudo-combattant de la guerre d’Espagne, se livre aux envolées lyriques dont il est coutumier pour appeler à défendre la République et Michel Debré apparaît, hâve et hagard, aux téléspectateurs pour leur faire partager la panique dont il semble atteint. De Gaulle se tait, laissant faire les seconds couteaux. Ce n’est qu’un répit. Le soir du 23 avril, il se montre à la télévision, revêtu de sa tenue de général. Son discours est resté dans toutes les mémoires : « Un pouvoir insurrectionnel s’est établi en Algérie par un pronunciamiento militaire […]. Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. » Il appelle les soldats et les fonctionnaires en poste en Algérie à désobéir aux officiers putschistes : « J’interdis à tout Français, et d’abord à tout soldat, d’exécuter aucun de leurs ordres. » S’appuyant sur l’article 16 de la Constitution, il s’octroie les pleins pouvoirs pour écraser le soulèvement.
Dès lors, les deux jours qui vont suivre verront la défection de nombreux soutiens aux généraux rebelles alors même que les appelés, noyautés par les communistes, manifestent clairement leur opposition au putsch. Challe comprend qu’il a perdu la partie, il se rend le 25 avril, Zeller suivra peu après tandis que Jouhaud et Salan entrent dans la clandestinité. Le putsch est un échec, il aura duré moins de cent heures.
Challe ne voulait pas faire couler le sang
Les raisons de l’échec sont multiples. L’impréparation, l’amateurisme y sont pour beaucoup, car les généraux d’Alger n’étaient pas de vrais conspirateurs, ils n’avaient pas de véritable projet politique, au contraire des généraux espagnols de 1936. S’ils se sont soulevés, c’est parce qu’ils ne voulaient pas abandonner à un ennemi vaincu une large portion du territoire national et se parjurer. C’est honorable, mais cela ne constitue en rien un projet. Les généraux ont échoué aussi parce qu’ils n’ont pas pris l’exacte mesure de leur adversaire. S’en prendre à De Gaulle était autrement plus difficile qu’affronter les politiciens de la IVe République ; c’était attaquer un homme qui avait tenu tête à Churchill et Roosevelt, qui avait éliminé Giraud sans la moindre difficulté et qui, en 1958, avait imposé à la France un nouveau régime, quasiment par la force. « Le putsch a échoué parce qu’il s’est heurté à un homme doté de qualités exceptionnelles », a écrit le colonel Argoud dans ses Mémoires.
Notons encore la faiblesse de caractère des officiers d’active qui, en dépit des assurances données, ont préféré assurer leur carrière, D’autre part, Challe ne voulait pas faire couler le sang et avait refusé d’impliquer les civils d’Algérie dans le soulèvement, se privant d’un apport considérable de renforts. Enfin, l’opinion de métropole approuvait massivement la politique gaulliste d’abandon, elle était lasse de cette guerre et avait fait son deuil de l’Algérie française.
Soixante ans plus tard, il est permis de se poser la question de la pertinence du maintien de notre souveraineté sur l’Algérie, ce pays que nous avions créé. Si l’indépendance était sans doute à terme inéluctable, elle n’aurait jamais dû consister à transférer notre souveraineté à des terroristes qui ne représentaient aucunement les populations indigènes, vaincus militairement et animés d’une haine inextinguible de la France qui est aujourd’hui encore leur fonds de commerce. L’abandon de l’Algérie par De Gaulle est une manœuvre criminelle qui témoigne, chez l’homme du 18 Juin, d’un mépris total des populations et révèle son esprit retors et dénué de scrupules. Les putschistes, s’ils n’avaient qu’une vision imprécise du devenir de l’Algérie, incarnaient en revanche ce qui caractérise le soldat : l’honneur et la fidélité. Fidèle à la parole donnée, la poignée de militaires qui s’est soulevée en 1961, à défaut de sauver l’Algérie française, a sauvé l’honneur de l’armée française.
Michel Vial
Michel Vial est un collaborateur du magazine Raids. Il fut, à l’âge de 20 ans, l’un des participants à l’épopée des volontaires français, pendant la première guerre du Liban, au cours de laquelle il fut d’ailleurs sérieusement blessé (1976). Il a publié un album remarquable sur Otto
https://present.fr/2021/04/16/sauver-lhonneur/
Le Putsch d'Alger du 21 avril 1961. Cette tentative de coup d'état de 4 généraux et de militaires de carrière de l'armée française en Algérie est menée en réaction à la politique du président de Gaulle considérée comme une politique d'abandon de l'Algérie française. La CIA a-t-elle joué un rôle ?
Le président Charles de Gaulle était la bête noire des Américains, on le sait. Il provoque leur incompréhension, voire leur hostilité, ce qui a exacerbé la tension entre nos deux pays.
Une question reste encore sans réponse : En 1961, les généraux putschistes d'Alger, ce quarteron de généraux, comme disait de Gaulle avec mépris, ont-ils été encouragés et soutenus par Washington ?
L'histoire est très complexe et dissimule encore bien des obscurités...
En Algérie, dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, quatre généraux français du cadre de réserve : Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller, essayent de prendre le pouvoir. Ils tentent de soulever les militaires stationnés en Algérie et les Pieds-noirs dans un effort désespéré pour maintenir l'Algérie à l'intérieur de la République française. C'est le putsch d'Alger. Il va piteusement échouer en quatre jours.
Challe y critique alors la "trahison et les mensonges" du gouvernement envers les Algériens qui lui ont fait confiance et annonce que : "Le commandement réserve ses droits pour étendre son action à la métropole et reconstituer un ordre constitutionnel et républicain gravement compromis par un gouvernement dont l'illégalité éclate aux yeux de la nation."
► VOIR I Le 23 avril 1961 à 20h, dans une allocution télévisée, le général de Gaulle dénonce le putsch des quatre généraux aussi surnommé "le quarteron des généraux" (document INA).
Le général de Gaulle appelle les Français à la rescousse : "Un pouvoir insurrectionnel s'est établi en Algérie sous la forme d'un pronunciamiento militaire..." On garde tous en mémoire la suite fameuse, sur le "quarteron de généraux en retraite", formule gaullienne ponctuée par un appel final et dramatique : "Françaises, Français, aidez-moi !"
Le même jour, à 23h45, toujours à la télé, Michel Debré, Premier ministre, exhorte les Français à "aller à pied ou en voiture" pour dissuader les soldats de se rallier au putsch, qui menacerait de gagner aussi la France. D'énormes manifestations de gauche comme de droite se sont alors déroulées dans un Paris en quasi-état de siège et les appelés, convaincus par le discours du général de Gaulle, ont fait échouer le putsch en Algérie.
Dates-clés
1er juin 1958 : le général de Gaulle devient le dernier président du Conseil de la IV° République.
21 décembre 1958 : de Gaulle élu président de la V° République par un collège de 80 000 membres.
Janvier 1960 : "Semaine des barricades" à Alger.
21 avril 1961 : le 1er REP s'empare des points stratégiques d'Alger. Début du putsch.
23 avril : discours de De Gaulle à la télévision.
26 avril : le général Challe se rend. Fin du putsch.
28 octobre 1962 : référendum sur l'élection au suffrage universel du président de la République.
La version de Monsieur X.
La CIA envisageait-elle de monter un complot contre le pouvoir gaulliste, ou quelques francs tireurs ?
"Non. Je pense qu'Allen Dulles, alors patron de l'agence américaine, et qui sera maintenue par le président, a vraiment pesé de tout son poids dans cette affaire. C'était un homme résolument anticommuniste qui n'a pas porté le général dans son cœur. De Gaulle va surtout s'efforcer de mener une politique équilibrée entre l'Est et l'Ouest. Une politique qui ne pouvait pas avoir l'assentiment de Washington. C'est pour cela qu'Allen Dulles, qui était un dur, n'apprécie pas du tout le général. D'autre part, il a dû prendre très au sérieux les informations que Jacques Soustelle a communiqué à ses subordonnés sur le rapprochement entre le FLN et Moscou."
Cela veut-il dire que le gouvernement américain était sur la même longueur d'ondes que le patron de la CIA ?
"C'est un peu plus délicat. La CIA était devenue un État dans l'État, elle pouvait agir de son propre chef. C'est arrivé maintes fois et le président américain, dans ces cas-là, a été mis devant le fait accompli et a dû couvrir après, comme on dit. Le président était parfaitement au courant des agissements de la CIA, mais il feignait de ne pas le savoir pour ne pas être impliqué personnellement en cas d'échec."
Comment se traduit l'intervention américaine ?
"Après avoir commandé avec succès en Algérie, Challe est nommé à la tête du secteur Centre-Europe de forces armées en Algérie, a pratiquement anéanti les capacités militaires du FLN, le fameux "plan Challe". Il estime que Paris a arrêté prématurément cette grande offensive, et qu'il était possible de pacifier définitivement les départements algériens. Mais son obsession est la question des harkis, ces dizaines de milliers de supplétifs musulmans qu'il a engagés et dont il se sent responsable. Nul doute que le sort des Harkis, que la France abandonnera dans des conditions scandaleuses, compte dans l'engagement de Challe. Son autre obsession est le communisme."
Après avoir commandé avec succès en Algérie, Challe est nommé à la tête du secteur Centre-Europe de l'OTAN à Fontainebleau. Il est en contact avec ses homologues américains et occidentaux de l'Alliance. Il note que les généraux américains sont exaspérés par de Gaulle qui paralyse le fonctionnement de l'OTAN : la défense de l'Europe face à la menace soviétique. Des récréminations qui se traduisent par une seule phrase : "Pour assurer la défense du monde libre, il faut se débarrasser du général de Gaulle". Challe est sensible à ce discours..."
"Il commence à penser lui aussi que la présence du général à la tête de l'État est nuisible à cause de sa politique algérienne, mais aussi à cause de son hostilité vis à vis de l'OTAN. En décembre 1960, décision lourde de conséquences, le général Challe démissionne de l'armée et quitte l'OTAN. Challe est très populaire, très respecté, sa décision fait beaucoup de bruit dans l'armée, l'une des raisons qui précipitera dans les bras des futurs putschistes, bon nombre d'officiers supérieurs. Challes n'a pas encore choisi la dissidence et la rébellion mais la CIA va sûrement l'encourager à aller plus loin. A l'évidence, on lui a donné des assurances... mais cette affirmation est toujours controversée."
Les Américains ne vont-ils pas tenir les promesses faites au général Challe ?
"La CIA a réussi un premier coup en persuadant Challe de se lancer dans l'aventure mais elle attend avant de s'engager plus, avant de savoir comment les choses vont tourner. Cela tourne mal pour les généraux putschistes et les Américains vont faire marche arrière. Le président Kennedy, le premier, va faire savoir au général de Gaulle qu'il lui apporte son soutien militaire au besoin. Un soutien que de Gaulle rejettera avec mépris. La CIA ne s'est pas contenté d'influencer le général Challe, peut-être à son insu... il a toujours nié avoir eu le moindre rapport avec une puissance étrangère."
Les agents de la CIA ont suivi de très près tous les activistes qui s'agitent en Algérie et en métropole...
Le Putsch d'Alger du 21 avril 1961. Cette tentative de coup d'état de 4 généraux et de militaires de carrière de l'armée française en Algérie est menée en réaction à la politique du président de Gaulle considérée comme une politique d'abandon de l'Algérie française. La CIA a-t-elle joué un rôle ?
Le président Charles de Gaulle était la bête noire des Américains, on le sait. Il provoque leur incompréhension, voire leur hostilité, ce qui a exacerbé la tension entre nos deux pays.
Une question reste encore sans réponse : En 1961, les généraux putschistes d'Alger, ce quarteron de généraux, comme disait de Gaulle avec mépris, ont-ils été encouragés et soutenus par Washington ?
L'histoire est très complexe et dissimule encore bien des obscurités...
En Algérie, dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, quatre généraux français du cadre de réserve : Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller, essayent de prendre le pouvoir. Ils tentent de soulever les militaires stationnés en Algérie et les Pieds-noirs dans un effort désespéré pour maintenir l'Algérie à l'intérieur de la République française. C'est le putsch d'Alger. Il va piteusement échouer en quatre jours.
Challe y critique alors la "trahison et les mensonges" du gouvernement envers les Algériens qui lui ont fait confiance et annonce que : "Le commandement réserve ses droits pour étendre son action à la métropole et reconstituer un ordre constitutionnel et républicain gravement compromis par un gouvernement dont l'illégalité éclate aux yeux de la nation."
► VOIR I Le 23 avril 1961 à 20h, dans une allocution télévisée, le général de Gaulle dénonce le putsch des quatre généraux aussi surnommé "le quarteron des généraux" (document INA).
Le général de Gaulle appelle les Français à la rescousse : "Un pouvoir insurrectionnel s'est établi en Algérie sous la forme d'un pronunciamiento militaire..." On garde tous en mémoire la suite fameuse, sur le "quarteron de généraux en retraite", formule gaullienne ponctuée par un appel final et dramatique : "Françaises, Français, aidez-moi !"
Le même jour, à 23h45, toujours à la télé, Michel Debré, Premier ministre, exhorte les Français à "aller à pied ou en voiture" pour dissuader les soldats de se rallier au putsch, qui menacerait de gagner aussi la France. D'énormes manifestations de gauche comme de droite se sont alors déroulées dans un Paris en quasi-état de siège et les appelés, convaincus par le discours du général de Gaulle, ont fait échouer le putsch en Algérie.
Dates-clés
1er juin 1958 : le général de Gaulle devient le dernier président du Conseil de la IV° République.
21 décembre 1958 : de Gaulle élu président de la V° République par un collège de 80 000 membres.
Janvier 1960 : "Semaine des barricades" à Alger.
21 avril 1961 : le 1er REP s'empare des points stratégiques d'Alger. Début du putsch.
23 avril : discours de De Gaulle à la télévision.
26 avril : le général Challe se rend. Fin du putsch.
28 octobre 1962 : référendum sur l'élection au suffrage universel du président de la République.
La version de Monsieur X.
La CIA envisageait-elle de monter un complot contre le pouvoir gaulliste, ou quelques francs tireurs ?
"Non. Je pense qu'Allen Dulles, alors patron de l'agence américaine, et qui sera maintenue par le président, a vraiment pesé de tout son poids dans cette affaire. C'était un homme résolument anticommuniste qui n'a pas porté le général dans son cœur. De Gaulle va surtout s'efforcer de mener une politique équilibrée entre l'Est et l'Ouest. Une politique qui ne pouvait pas avoir l'assentiment de Washington. C'est pour cela qu'Allen Dulles, qui était un dur, n'apprécie pas du tout le général. D'autre part, il a dû prendre très au sérieux les informations que Jacques Soustelle a communiqué à ses subordonnés sur le rapprochement entre le FLN et Moscou."
Cela veut-il dire que le gouvernement américain était sur la même longueur d'ondes que le patron de la CIA ?
"C'est un peu plus délicat. La CIA était devenue un État dans l'État, elle pouvait agir de son propre chef. C'est arrivé maintes fois et le président américain, dans ces cas-là, a été mis devant le fait accompli et a dû couvrir après, comme on dit. Le président était parfaitement au courant des agissements de la CIA, mais il feignait de ne pas le savoir pour ne pas être impliqué personnellement en cas d'échec."
Comment se traduit l'intervention américaine ?
"Après avoir commandé avec succès en Algérie, Challe est nommé à la tête du secteur Centre-Europe de forces armées en Algérie, a pratiquement anéanti les capacités militaires du FLN, le fameux "plan Challe". Il estime que Paris a arrêté prématurément cette grande offensive, et qu'il était possible de pacifier définitivement les départements algériens. Mais son obsession est la question des harkis, ces dizaines de milliers de supplétifs musulmans qu'il a engagés et dont il se sent responsable. Nul doute que le sort des Harkis, que la France abandonnera dans des conditions scandaleuses, compte dans l'engagement de Challe. Son autre obsession est le communisme."
Après avoir commandé avec succès en Algérie, Challe est nommé à la tête du secteur Centre-Europe de l'OTAN à Fontainebleau. Il est en contact avec ses homologues américains et occidentaux de l'Alliance. Il note que les généraux américains sont exaspérés par de Gaulle qui paralyse le fonctionnement de l'OTAN : la défense de l'Europe face à la menace soviétique. Des récréminations qui se traduisent par une seule phrase : "Pour assurer la défense du monde libre, il faut se débarrasser du général de Gaulle". Challe est sensible à ce discours..."
"Il commence à penser lui aussi que la présence du général à la tête de l'État est nuisible à cause de sa politique algérienne, mais aussi à cause de son hostilité vis à vis de l'OTAN. En décembre 1960, décision lourde de conséquences, le général Challe démissionne de l'armée et quitte l'OTAN. Challe est très populaire, très respecté, sa décision fait beaucoup de bruit dans l'armée, l'une des raisons qui précipitera dans les bras des futurs putschistes, bon nombre d'officiers supérieurs. Challes n'a pas encore choisi la dissidence et la rébellion mais la CIA va sûrement l'encourager à aller plus loin. A l'évidence, on lui a donné des assurances... mais cette affirmation est toujours controversée."
Les Américains ne vont-ils pas tenir les promesses faites au général Challe ?
"La CIA a réussi un premier coup en persuadant Challe de se lancer dans l'aventure mais elle attend avant de s'engager plus, avant de savoir comment les choses vont tourner. Cela tourne mal pour les généraux putschistes et les Américains vont faire marche arrière. Le président Kennedy, le premier, va faire savoir au général de Gaulle qu'il lui apporte son soutien militaire au besoin. Un soutien que de Gaulle rejettera avec mépris. La CIA ne s'est pas contenté d'influencer le général Challe, peut-être à son insu... il a toujours nié avoir eu le moindre rapport avec une puissance étrangère."
Les agents de la CIA ont suivi de très près tous les activistes qui s'agitent en Algérie et en métropole...
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