Mohand-Rachid Zeggagh...
Mohand-Rachid Zeggagh, en recueillant précieusement ces articles, et en les commentant avec une admirable lucidité, a conscience qu’il participe activement à un travail de mémoire.
Exposition du quotidien des historiens de l’immédiat érigée en re-configuration de la mémoire algérienne et française durant la période de transition. Dossier spécial archives et contribution à la mémoire historique du peuple algérien (1961/1962 )
De 1957 à 1962, Rachid Zeggagh est prisonnier en France. Il quitte la prison de Loos, peu après la publication du décret d’Amnistie du 22 mars 1962 contemporain des « Accords d’Evian ». Rachid Zeggagh est transféré de France en Algérie, à la prison de Lambèse. Il est libéré, le lendemain de son arrivé à Batna, le 8 avril 1962. Après Prisonniers politiques FLN en France, ouvrage hautement instructif concernant les trois longues grèves de la faim dans les prisons françaises durant la guerre d’Algérie (1954/1962), Mohand-Rachid Zeggagh présente Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie qui relate le terrorisme des groupe Delta de l’OAS, pendant et après l’indépendance.
A sa libération, le combat de Mohand-Rachid Zeggagh, pour la dignité et la liberté ne fait que commencer. Après toutes ses années de prison en France accompagnées des trois grèves de la faim pour obtenir la reconnaissance du statut de prisonnier politique, il n’a pas le temps de souffler. Sa fonction de commissaire de police à Alger, dès avril 1962, le place, comme il le signale lui-même, « aux premières loges de l’action de sécurisation des populations conduites par le ZAA ». Frère de cellule et compagnon d’armes dans la lutte contre la barbarie, Laïd Lachgar, souligne, dans la Préface du « livre-documents » de Rachid Zeggagh ceci : « à la suite des accords d’Evian et du cessez-le feu du 19 mars 1962 (…) Nous nous sommes retrouvés à Alger, dès la première création, le 3 avril 1962, de la « Zone Autonome d’Alger » (ZAA). Cette structure était dirigée par le commandant Azzedine, Omar Oussedik et le capitaine Moktar. La Zone était chargée par le GPRA et le FLN d’assurer la sécurité physique et sanitaire ainsi que l’approvisionnement des populations pendant la période de transition entre le cessez-le-feu et l’indépendance ».
Des récits sur la guerre d’Algérie existent, et les moyens de rendre visible ce passé sont possibles malgré les décrets d’Amnisties. Mais l’histoire ignore encore le peuple algérien martyrisé. Est-ce le passage des Algériens à l’aveu par la torture et par des français qui coupe le souffle aux historiens du souci de toute représentation ? Au-delà de mes présuppositions, il y a ce qui a eu lieu, et qui ignoré, s’est reproduit. Les assassinés algériens et européens sont encore les grands absents du champ social et politique français et algérien. Nommer l’indicible, nommer cet égorgé Algérien carbonisé qui fait fonction de réverbère et qui se balance sur un fil de linge entre deux immeubles à Alger, amusant certains Européens d’Algérie. Nommer le jeu de tirs sur la nuque des Algériens, dans la rue, en toute liberté. Nommer des charniers et des charniers de cadavres sans possibilité d’identifier les victimes. Nommer toujours, au delà de toutes les amnisties, pour construire l’avenir, relève de l’ordre d’une nécessité.
Vérité sur les crimes de l’OAS en Algérie de Rachid Zeggagh s’attache précisément à l’objectivité de la presse française et étrangère de l’époque. C’est à elle qu’il confie le soin de relater un terrorisme journalier pendant cette fameuse période de transition. Quatre cent articles de presses, trente-cinq journalistes français, anglais, américain, italien, lui permettent de retracer, de juin 1961 à juin 1962, une histoire, qui, sans tomber dans l’événementielle, met en relief, les tueries de l’OAS. Douze quotidiens nationaux français de tout bord politique décrivent des crimes qui défient l’entendement. La presse reste une traçabilité historique qu’il offre pour déchiffrer ces nuits bleues d’horreur commises par l’OAS. Ce témoin et cet allié de l’historien répertorient donc jour après jour dans la presse de l’opinion, les assassinats, les incendies, les hold-up etc. en confrontant les journaux (La Croix, l’Aurore, Le Populaire, le monde, Libération, L »Humanité, Le Figaro, Paris Jour, Combat, Paris-Presse, Témoignages et Documents, Le Parisien, etc.).
Ici, la dimension du récit ne passe pas par la subjectivité d’un ancien prisonnier FLN mais par des commentateurs de la presse nationale et internationale. L’histoire ne peut s’affranchir totalement de ces « historiens de l’immédiat » qui relataient quotidiennement la mort.
Témoigner seul aurait été une véritable gageure. Un livre fondé sur son unique témoignage aurait été disqualifié par la presse actuelle. Ancien primo-adhérent du FLN, son propre témoignage aurait été décrédibilisé, mais comment décrire les crimes horribles des membres des groupes Delta, même pendant cette période de cessez-le-feu, entre la France et l’Algérie, le 19 mars 1962 ?
Laïd Lachgar écrit : « Comment dire que des Algériens étaient suspendus au travers d’une rue de Bab El Oued et imbibés d’essence pour les transformer en torches humaines ? » « Comment rendre-compte, à 50 ans de distance, de crimes ordonnés et exécutés par les tueurs des groupes Delta de l’OAS, dans la principale et chic avenue d’Alger, rue Michelet à l’époque, qui assassinaient plusieurs algériens tous les cinquante mètres, d’une seule balle dans la nuque, comme s’il s’agissait d’un concours de tir ? Comment dire et être cru aujourd’hui) que les cortèges funéraires algériens se rendant au cimetière d’El Kattar étaient soumis à des fusillades par l’OAS à partir de terrasses d’immeubles de Bab El Oued ? Comment parler des enseignants exécutés » ?
Comment, en effet, ne pas être discrédité par la presse actuelle française même et par le public, lorsque l’on raconte à titre individuel des crimes d’une telle intensité ? Mohand-Rachid Zeggagh fait donc le choix de la presse de l’époque pour narrer l’indicible barbarie d’une histoire qui hésite encore à divulguer des mots. Les figures de malheur qui ont répandu le sang de femmes et d’hommes » ont fait erreur sur leur prédication en croyant que les Algériens se vautreraient dans la douleur vengeresse. La vengeance contre les Européens d’Algérie n’a pas eu lieu après l’indépendance. Le souci de justice n’est pas le désir de vengeance. Dans ce répertoire de crimes, il n’y a aucun désir de vengeance mais l’acte même d’une volonté de mettre à nue le réel. Il y a cette mémoire qui inscrit dans l’histoire ce qu’il y a comme Vérités à y déposer. Aucune figure de malheur n’a repris la place des criminels. Il y a, dans ce courageux « livre-document » un travail de mémoire. Il y a à découvrir les tueries et les attentats. Il y a à mettre le contenu du réel dans la fin d’une guerre sans nom, au nom précisément du pacte de vérité que la grande histoire doit entretenir avec le passé.
Créée le 11 janvier 1961 à Madrid, l’Organisation Armée Secrète (OAS) est divisée en trois branches. Son but est principalement de créer la terreur, de détruire la raison par la violence extrême, chez les Européens qui ne les suivraient pas, et parmi la population algérienne :
« Le temps des assassins (Gérard Marin : Le Figaro du 21 novembre 1961) ». « Alger la Blanche est devenue capitale de la série noire. La nouvelle mafia ne frappe plus seulement ses ennemis déclarés ou les policiers coupables d’accomplir leur mission. Elle impose définitivement silence à ceux baptisés traîtres pour la circonstance qui se refusent à penser ou à agir selon ses goûts, qu’ils soient Européens ou Musulmans, pilote de ligne, médecin, officiers, homme politique, ou encore cafetier et chauffeur de taxi… Les assassins ont quitté les bas-fonds. La menace est partout. Psychose, oui, qui se fait vite tragédie. Le temps d’une rafale. Rares sont les nuits où le claquement rageur des mitraillettes ne se mêle pas aux explosions qui secouent la ville. Rares les journées qui n’apportent leur fournée de cadavres. L’autre matin, on a trouvé un corps nu et torturé dans un caniveau. Jeté parmi les ordures. Ce soir, la peur rôde malgré les rondes incessantes des patrouilles casquées ».
Les drames se poursuivent… (Voir articles du livre). La chasse à l’arabe est un bal meurtrier ordinaire. Les Enfers sont fabriqués même après l’instauration du cessez-le-feu. Pourtant les Accords d’Evian accorde des garanties aux Européens :
Le 17 mars 1962, Combat : – « Issu du scrutin d’autodétermination, le futur gouvernement algérien sera habilité à signer avec la France les garanties accordées aux Européens. Selon les sources très bien informées, les 140 000 israélites seront réputés français. L’ensemble de la population européenne disposerait d’un délai de 5 ans pour opter pour la nationalité algérienne ».
Le 19 mars 1962, L’Humanité : (…). Bien des larmes se mêlent à la joie dans les yeux qui se font face. Français pensant aux 23 jeunes de Nanterre tombés dans cette sale guerre, Algériens qui songent en cet instant à tous les martyrs ».
Mais la puissance vengeresse de l’OAS, une hideuse figure de malheur, règne encore en Algérie, et la liste de ses crimes que j’extrais du livre-document, n’est pas exhaustive :
La Croix du 28 mars 1962 : « Alors que les musulmans gardent un calme presque absolu, et que l’on ne signale plus une seule opération militaire, l’OAS multiplie les provocations. Contre les militaires, on le sait assez, en utilisant la foule européenne qui est « poussée dans la rue en tant que masse et marée humaine », comme l’indiquait Salan dans sa directive du 23 février. Contre les musulmans aussi, comme s’il n’y avait pas assez de victimes inutiles, des commandos de tueurs ont assassinés hier après-midi 10 musulmans dans le quartier algérois de Belcourt, tandis qu’à Aïn Temouchent, dans l’ouest orantes, un autre commandos en voiture mitraillait la foule musulmane ». (…) « Attentats et Hold-up à Alger. 8 morts et 1é blessés. 32 millions d’AF volés » (…) « Les locaux d’Air France dévastés par une explosion ».
Libération, fin mars 1962 : deux hold-up à Alger, cinq hold-up à Oran (…). Parmi les attentats commis dans la journée d’hier, 18 blessés), les attentats à Oran (5 attentats, 5 morts, 8 blessés) et Alger (18 attentats, 6 morts, 18 blessés), les attentats commis par l’OAS contre les musulmans, mais aussi contre des Européens, et notamment contre un déménageur algérois) ont été de loin, les plus nombreux.
Le Figaro, 3 avril 1962, « Six obus de mortier tirés par l’OAS tombent sur la Casbah – Sept blessés musulmans. (…) près de 30 millions d’AF ont été enlevés dans les banques et bureaux de poste. Les attentats individuels et fusillades ont fait sept morts dont 2 Européens et 8 blessés, tous musulmans..
Le Parisien, le 4 avril 1962, « Alger : un groupe de quinze tueurs de l’OAS mitraille les malades musulmans d’une clinique de la Bouzareah » « Dix morts, dont un vieillard (…) et six blessés, tous musulmans ». « De son côté, l’agence France-Presse : « Quelques-uns des malades qui ont eu le temps de sauter par les fenêtres courent éperdument en tous sens. les tueurs se lancent à leur poursuite. L’une des victimes s’écroule, la tête éclatée, sous un massif de glycines, au pied d’un mur. Des brassées de fleurs arrachées par les balles le recouvrent en partie. Un autre sera découvert à trente mètres de la clinique au milieu d’un carré de petits pois. C’est trop moche… venez voir ça », dit les larmes aux yeux, un petit sergent rouquin. Sur le seuil de la chambre 3, une flaque de sang s’étale. Sur les trois lits, des draps sanglants. Dans la chambre 4, même vision de cauchemar (…) ». Le Monde, du 4 avril 1962 « Tandis que l’exécutif provisoire se met lentement en place : l’OAS commet en Algérie de nouveaux crimes : 1) neuf musulmans tués dans une clinique à Alger – 2) deux officiers d’intendance assassinés à Oran ».
Le Monde du 5 avril 1962 : « Alger, 4 avril. – Le bombardement » de la Casbah lundi soir, le massacre de la clinique Beau-Fraisier mardi matin (vont-ils ouvrir les yeux des Européens d’Alger) on n’ose l’espérer. cette fois encore, comme il y a quinze jours lors de l’exécutions de Ben-Aknoum, les uns parlent de « provocations », les autres affirment, comme si c’était « une excuse », qu’il y a des membres du FLN parmi les victimes du Beau-Fraisier. C’est cela l’intoxication.
L’Aurore du 6 avril 1962 : Alger : beaucoup de musulmans s’abstiennent encore de reprendre le travail ». (…) Les attentats individuels contre les musulmans se poursuivent en différents points de la ville ». Cependant les coups de feu ont été tirés à midi 25 contre des Européens en plein centre commercial, rue Mogador, (…).
Le Parisien du 7 avril 1962 : « ce devait être la journée des drapeaux, ce fut celle du sang (…). En début de soirée, le bilan de ces attentats était, selon l’AFP, de 24 agressions, 23 morts, dont quatre français de souche et de 12 blessés, dont deux Français de souche. (…). Chacun de ces attentats a été commis par l’OAS. « L’humanité du 7 avril 1962 : Trente-huit morts hier à Alger où l’on a compté un attentat OAS toutes les dix minutes ». (…) Il ressemblait à un Algérien : il est tué ». Le Figaro du 7 avril 1962 : « Vague de terrorisme OAS (23 morts, 12 blessés) (…) « L’organisation subversive, après ses échecs récents, cherche à provoquer un soulèvement des musulmans contre les Européens ». (…) « Alger, 6 avril. – 10 h 50 rue d’Isly (…)Un musulman d’une trentaine d’année est allongé sur le trottoir, tué net d’une balle dans la tête. Il a encore les deux mains dans les poches de son bleu de travail. (…) « La foule se tait ». L’Aurore du 7 avril 1962 : « Nouvelle journée sanglante : un cadavre tous les 50 mètres, rue Michelet, ce matin ». (…) en fin de soirée, un premier bilan faisait état déjà de 27 attentats ayant fait 23 morts, dont 5 Européens, et 18 blessés, dont 2 Européens. Ce matin, entre 8 h et 11 h, ces attentats ont été perpétrés à un rythme effrayant et – note le correspond du pays. – Dans la rue Michelet les cadavres jonchaient les trottoirs de 50 mètres en 50 mètres ». (…) La plupart des victimes sont des musulmans (…) ».
Libération du 10 avril 1962 « La chasse à l’arabe d’hier a fait 14 morts et 9 blessés Algériens ». (…) Nouvelles arrestations au seine l’OAS : trois dans l’Ouarsenis, vingt-sept à Alger ». Combat du 10 avril 1962 : « Ce sont trois bombes qui ont éclaté presque simultanément dimanche soir, vers 22 h35, dans l’Université d’Alger. (…) L’un des engins – une charge de trois kilos – a explosé dans le laboratoire de chimie biologie. Le second à l’intérieur de l’Institut d’énergie solaire et le troisième devant la porte des professeurs de droit. (…) Au total dans la journée d’hier, le bilan des attentats, tous imputables à l’OAS, s’élève à 12 morts et 8 blessés ». Paris-Presse du 10 avril 1962 : « En se manifestant ainsi, au coeur des Facultés, (…), il semble qu’ils soient bien décidés à « tout faire sauter » plutôt que de laisser les plus belles des réalisations techniques de la France passer sous le contrôle du futur gouvernement algérien ». « Ils ont fait hier, à Alger, 18 morts dont 17 musulmans et 54 blessés dont 16 militaires ».
Libération du 11/12 avril 1962 : « A Alger : encore 9 musulmans victimes de l’OAS ». (…) « Encore des attentats à l’explosion contre l’Université d’Alger ». Le Monde du 12 avril 1962 « Alger : neuf gendarmes blessés l’autre nuit par un tir de mortier sur le palais d’été. Attentats et mitraillages se sont poursuivis hier. Quatorze membres de l’OAS arrêtés au cours de perquisitions ». (…) Ce matin, entre 9 h et midi, 6 musulmans ont été tués et 9 autres blessés en plein centre ville. (…) Cela se passe chaque fois de la même façon. On entend une détonation, rarement deux : un musulman s’écroule dans une mare de sang. C’est du travail de spécialiste. Le commando comprend généralement trois hommes : le tueur et ses deux gardes du corps… ». La Croix du 12 avril 1962 : « (…) le bilan quotidien de la « chasse aux musulmans » reste régulier et lourd. (…) il n’y a plus une société, une entreprise qui n’enregistre chaque jour de nouvelles absences parmi le personnel musulman ».
Le Figaro du 13 avril 1962 : »Un officier supérieur assassiné par l’OAS – L’autorité militaire : vingt-deux officiers déserteurs arrêtés entre le 6 février et le 7 février ». L’Aurore du 13 avril 1962 « Installations détruites à la tour de contrôle de Maison-Blanche ».
Libération du 14 avril 1962 : « Dimanche soir à 19 h 30, à l’émission « Dix millions d’auditeurs » de Radio-Luxembourg, M. Raymond Cartier, de « Paris-Match faisait un éditorial : il commentait le monstrueux attentats d’Issy-les-Moulineau. Pour condamner les assassins de l’OAS ? Pas du tout : M. Raymond Cartier tenait à dire qu’il « voulait espérer » que les auteurs de l’attentat étaient les « extrémistes du FLN ». Cinq musulmans en voiture qui s’étaient enfuis après avoir provoqué un accident rue Michelet à Alger, ont été pris en chasse par des Européens qui ont ouvert le feu. Un musulman a été tué et trois autres blessés ». (…) Bilan de la journée en Algérie : 30 attentats : 17 morts, 38 blessés« . Le Figaro du 14 avril 1962 : « Alger, 13 avril. – Attentats et fusillades ont repris une nouvelle fois à Alger, après le calme relatif de la journée d’hier. L’incident le plus violent et le plus spectaculaire – si pareil fait mérite d’être qualifié de spectacle » ! – s’est déroulé cet après-midi dans le centre ville. Cinq musulmans, à bord d’une traction noire, descendaient la rue Michelet lorsqu’ils heurtèrent et renversèrent, à la hauteur de la rue Hoche,un scooter monté par un jeune Européen. (…) Les cinq occupants prirent la fuite en courant. Des passants se jetèrent alors à leur poursuite. D’autres Européens en voiture, dressèrent des barrages avec leur véhicule pour bloquer les fuyards. Des coups de feu partirent. Quatre des musulmans s’écroulèrent frappés par des balles ». (…) Série d’attentats dans la rue Michelet (…) bilan des victimes 10 morts, tous musulmans et 1é blessés dont 3 Européens (…). « A 16 h 20 (…) voie (…) vers l’aéroport de Maison-Blanche, cinq Européens à bord d’une voiture ont tiré plusieurs rafales de mitraillette sur un groupe de musulmans qui attendaient un autobus (…) La Croix du 14 avril 1962 « C’est un jeune Européen qui a assassiné le commandant Bourgogne du 2ème bureau ».
L’Aurore du 23 avril 1962 « Alger : pas de grève Pascale, près de 70 morts et blessés ». « Alger, 22 avril. (…) Alger est le seul pays au monde sans doute où le sang a coulé pour ces fêtes Pascales. Le bilan des victimes est un des plus lourds depuis le début de la rébellion (…) ».
Libération du 25 avril 1962 « Le stupeurs de l’OAS se déchaînent – Nouvelles et sanglantes « ratonnades » à Alger : 14 morts ». L’Aurore du 25 avril 1962 « Alger : 18 morts hier et 14 blessés ».
La Croix du 27 avril 1962 « Nouvelle journée de violence (…) On y a enregistré 23 attentats, presque tous commis par des Européens et dirigés contre des musulmans. (…) Fusillades (…) Deux marchands de légumes musulmans (…) ont été tués à 13 h (…) dans le quartier du champ de manoeuvres ». Le Figaro du 27 avril 1962 « Alger : nombreux attentats individuels hier-onze morts, 17 blessés (…).
Le Monde du 2 mai 1962 : « Huit morts et près de trente attentats à l’explosif dimanche dans l’agglomération algéroise ». (…) 164 morts, 269 blessés du 1er au 15 avril ». Le Figaro du 2 mai 1962 « Attentats à Alger : 21 morts en 48 heures ».
Le Populaire du 4 mai 1962 » Après la journée d’Alger (bombe du port d’Alger contre les dockers, 60 morts et 130 blessés.
Le Monde du 6 mai 1962 : « L’explosion du camion d’essence (…) Les morts – il y en a deux, un musulman et une Européenne (…) et les blessés, une vingtaine (…). Trois Européennes sauvées par un musulman (…).
Le Monde du 8 mai 1962 : « Cinq attentats ont été commis avant 8 h lundi matin, à Alger (…) un terroriste a mortellement blessé de deux balles dans la tête une vieille femme musulmane (…). Un Européen tué à un barrage de musulmans (…).
Libération du 9 mai 1962 : « Hier matin, un musulman tué tous les quarts d’heure » « Hier, le bilan des attentats individuels, à Alger, s’élevait à 36 morts (34 musulman dont 2 femmes et 2 Européens), 23 blessés (21 musulmans, 2 Européens). (…) Toutes les dix minutes, des attentats ont été commis durant toute la matinée, d’un bout à l’autre de la ville. Les terroristes se sont attaqués une fois encore, aux musulmans circulant dans la rue, se rendant à leur travail ou sur les lieux même de leur travail. Depuis quelques jours, il ne s’agit plus, comme cela agit été longtemps le cas, de la part de l’OAS, d’attentats sélectifs visant surtout des cadres musulmans dont la disparition devait fatalement influer sur les conditions de vie de tous les quartiers musulmans. Il semble que les tueurs se laissent aller à une espèce de folie sanguinaire qui fait de chaque Algérien -homme ou femme – rencontré à portée de tir, une cible de choix. La plupart des victimes ont été tuées grièvement blessées par des terroristes circulant à pied et qui ont tiré des coups de revolver dans la tête. Cependant, des voitures, des camions et même, comme cela s’est produit encore lundi, des autocars transportant des musulmans ont été mitraillés. D’autres commandos circulant en voiture, ont mitraillé également les abords des cités musulmanes ou les magasins et ateliers où sont employés des musulmans. Hier matin, dues employés de station-service ont été tués de cette façon, l’un à Maison-Carré, à 9 h30, l’autre avenue Pasteur ». Paris-Presse du 9 mai 1962« Pour achever d’affamer les quartiers musulmans : l’OAS abat les dernières Fatma, qui se risquent encore dans les quartiers Européens (…) ». « Alger, 8 mai. – 8 femmes de ménage musulmanes ont été abattues hier à Alger et à Oran par l’OAS. (…) « Vers la fin de l’après-midi, un nouvel attentat venait surexciter un peu plus les esprits. Une 403 occupée par quatre Européens dont une femme circulait rue Thibaudier. On entendit soudain deux coups de feu, la portière arrière de la voiture s’ouvrir et le corps d’un musulman tomba sur la chaussée : il venait d’être exécuté. Deux femmes musulmanes qui passaient étaient blessées (…) ».
Le Figaro du 10 mai 1962 « (…) Quand l’OAS ne laissa plus d’autre choix aux travailleurs musulmans de la ville européenne que le chômage ou la balle dans la nuque, les hommes de Bab El-Oued avaient dit à leur « bon-arabe » : ‘Toi, tu peux continuer à venir travailler ici. Dans le quartier tu ne risques rien. Absolument rien. Tu es presque un pied-noir. On sait que tu as toujours été, comme nous, pour l’Algérie-française. Tu peux avoir confiance en nous. Nous répondrons de ta vie. Pour toi, il n’y a rien de changé… Tu sais boien qu’on n’est pas raciste ». « L’autre matin, on l’a retrouvé étendu en travers d’un trottoir, le dernier musulman de Bab El-Oued. Baignant dans une flaque sanglante, les bras en croix, les yeux fixes, à jamais tournés vers des rêves d’amitié ». (Gérard Marin)
L’OAS pousse le FLN à la négociation pour briser le cadre juridique et politique des Accords d’Evian. Cette organisation terroriste veut être la légitimante exclusive de la parole politique de la France.
Le 5 juin 1962, La croix : « L’OAS a fait le point des négociations avec les autorités de Rocher-Noir au cours d’une courte émission pirate diffusée dimanche soir à 20 h 45 à Alger. Le speaker qui se réclame de l’OAS déclare : Tant qu’il n’y aura pas de réponses positives aux Européens et aux musulmans fidèles, l’OAS déclare : 1) d’interdire aux Européens les contacts avec les autorités du Rocher-Noir, sauf au niveau le plus élevé (…) ».
Le FLN répond, dans un premier temps, qu’il n’est pas question de négocier avec les assassins.
5 juin 1962, journal La Croix : « S’adressant à des journalistes, dans le quartier de Belcourt, le capitaine Boualem Taïbi de l’ALN, a annoncé que le commandement de la Zone Autonome d’Alger (ZAA) ne voulait pas de compromis avec les extrémistes européens ».
La Dépêche d’Algérie publie une édition pirate de l’OAS. Et les atrocités se poursuivent.
7 juin 1962, Bibliothèque de la Faculté d’Alger incendiée par l’OAS.
Extrait du journal La Croix du 7 juin 1962
» A 12 h 36 trois grenades au phosphore sont lancées à l’intérieur de la faculté. Aussitôt un gigantesque incendie se déclare tandis que les hautes flammes – visibles à une quinzaine de km de la ville (…) A El Biar, localité faisant partie du Grand-Alger, la mairie et la grande poste avaient été aussi la proie des flammes. » (…) A 17 h 40, une grenade incendiaire est lancée dans les bureaux de la taxe unique (…). En fin de soirée, à 19 h 40, deux explosions retentissent dans le quartier de Belcourt. C’est le bureau de poste de Champ-de Manoeuvres (…) ».
L’OAS tente toujours de contraindre, en vain, l’Armée, à remettre en cause les Accords d’Evian, en créant un climat de terreur.
Le Populaire du 9 juin 1962 : « (…) ses deux chefs enfin capturés ont bénéficié jusqu’ici d’une mansuétude qu’explique la raison d’Etat et une solidarité de caste mais qui indigne et inquiète la nation. Aujourd’hui, après quelques jours de répit au cours desquels elle a tenté par un odieux chantage de remettre en cause les termes d’un contrat accepté par l’immense majorité des français, l’OAS reprend et intensifie son action criminelle : ses hommes de main détruisent aveuglément les bâtiments administratifs, les installations portuaires et industrielles, les Facultés, les Ecoles et jusqu’aux livres, toute une infrastructure économique et culturelle (…) ». « dans le même temps l’OAS s’acharne à affoler les Européens d’Algérie et leur enjoint de fuir, dans un dénuement extrême une terre où la plupart sont nés ».
France-soir du 10 juin 1962 : « Alger (…) Des Ecoles se sont écroulées, quelques mitraillades (…). Deux fusées de bazooka ont démoli un studio de la RTF, peu après la diffusion du discours de de Gaulle. Elles ont été lancées, croit-on, des immeubles proches de l’immense et moderne gratte-ciel où sont logés les services de radio et de télévision ».
L’Aurore du 11 juin 1962 : l’OAS incendie un puits de gaz au Sahara (…) sabotage du puits de TG-3 sur le gisement d’Hasch-Touareg, à cent km d’Hasch-Messaoud (…) ».
Il semblerait que l’OAS arrive à entrer en contact avec le gouvernement exécutif algérien par le truchement d’un homme d’origine marocaine.
16 juin 1962 Combat : « A l’origine l’entrevue Farès-Susini est rendue possible grâce à un notable algérien d’origine marocaine (…) ». « M. Mostefaï (…) dément l’existence de contacts ». L’humanité du 16 juin 1962 « Poursuivant sa politique de la « terre brûlée » : l’OAS a détruit au plastic le plus grand hôpital d’Alger, les malades ont du être évacués, les trois blocs opératoires ont été saccagés ».
L’Aurore, 18 juin 1962 : « Alger, 17 juin (AFP). – Les contacts entre représentants de l’OAS et personnalités de l’Exécutif provisoire remontent à la fin mai. Dès le début de ce mois, M. Abderahmane Farès avait, dans une interview 1, repris l’expression fameuse d’un premier ministre britannique en déclarant que « pour ramener la paix en Algérie il était prêt à s’allier avec le diable ». Le Figaro, 18 juin 1962 « le 17 juin marquera un tournant capital dans la vie de l’Algérie. (…) Avec un réalisme politique assez remarquable, le Dr Mostefaï, parlant à la fois au nom du FLN et de l’Exécutif provisoire, a accepté une certaine reconnaissance de fait de l’OAS, pour être entendu par les Européens d’Algérie ». De son côté, Susini (…) a marqué sans ambages son accord à ces propos, et (…) évoqué la patrie algérienne comme la sienne propre ». (…) l’OAS avait parlé de pourparlers destinés à remplir les blancs d’Evian ». Le Monde, 18 juin 1962 : « L’OAS a donc obtenu satisfaction pour ses trois principales revendications (…), les résultats s’inscrivent dans le cadre des Accords d’Evian ». (…) Seul l’ex-colonel Godard, dont les actions sont loin d’être négligeables, refuseraient encore d’arrêter la lutte ». (…) c’est avec l’accord de M. Belkacem Krim, vice président du GPRA que l’entente a été conclue. L’ancien négociateur d’Evian (…). Il aurait eu mandat du GPRA (…) pour en finir avec cette affaire ».
18 juin 1962, New York Herald Tribune : « Une entente entre Européens et musulmans aurait pu être conclue plus tôt si l’OAS n’avait pas pendant des mois répandu sang et terreur ». The New York Times du 18 juin 1962 : « Ce serait trop espérer que des hommes, qui montrent si peu d’attachement aux nobles traditions française qu’ils prétendent défendre, vont tous accepter immédiatement de cesser leur campagne de feu et de sang ». The Times du 18 juin 1962, « Les accords de Rocher-Noir seront accueillis avec un soulagement (…). Cet espoir de paix ne fait que mettre l’accent sur l’inutilité des violences qui l’ont précédé. L’OAS n’a atteint aucun des objectifs pour lesquels elle avait ouvertement lutté. Les accords OAS-Exécutif provisoire pourront servir à enrayer le mouvement de panique qui avait poussé les Européens à fuir en masse l’Algérie, mais ce mouvement de panique a été provoqué dans une large mesure par l’OAS elle-même ». (…) En ouvrant des pourparlers directs avec le FLN, ils ont montré leur mépris des autorités officielles et cela au prix d’une reconnaissance du FLN. Si le résultat final ne fait donc qu’entériner les accords d’Evian pourtant si détestés, l’OAS peut prétendre maintenant les avoir en quelque sorte négociés à nouveau pour son propre compte ». Deutsche Zeitung, de Cologne le 18 juin 1962 : « Il est clair que la lucidité des chefs importants du FLN a contribué à ce revirement. Ce changement pourrait contribuer à faire disparaître la haine accumulée entre Algériens et Français et à guérir les blessures d’une guerre qui a duré plus de huit ans ».
A Tunis, le clan de Ben Bella s’insurge. Mais l’OAS opère son chantage en brandissant l' »apocalypse de la terre brûlée« . L’accord OAS/FLN change le cours de l’histoire. Mais une politique sensée peut-elle être possible avec des criminels ?
19 juin 1962, La Croix : « Docteur Chawki Mostefaï, principal représentant du FLN au sein de l’Exécutif provisoire, a rendu public, dimanche, sur les antennes de France V, l’accord auquel ont abouti les Européens d’Algérie – dont l’OAS – l’Exécutif provisoire et le FLN ». Extrait de son discours : « Que ce soir, que demain, cessent les dernières violences, les derniers meurtres, les dernières destructions, qu’enfin la paix et la sécurité pour tous, de nouveaux assurées, reviennent et alors l’amnistie qui sera prononcée dès (…) ». 19 juin 1962, Le Monde : « (…) le délégué aux affaires générales publiquement reconnu la représentativité de l’OAS, annoncé que des Européens pourraient entrer dans les unités de la force locale et que l’amnistie, presque conditionnelle dans la mesure où elle semble liée à la cessation définitive du terrorisme, sera prononcée par le futur gouvernement algérien ». 19 juin 1962, Journal France-soir : « Décidément tout y est possible. Un accord entre le FLN et l’OAS, on avait beau en parler depuis quelques jours, cela paraissait impensable ». « Elle (L’OAS) accepte le cadre des Accords d’Evian, elle admet l’Algérie indépendante, elle renonce à l’Apocalypse de la terre brûlée ». 19 juin 1962, Le Figaro : « C’est l’examen de ces contre-propositions qui fait l’objet, le 1er juin, d’une réunion dans la villa de M. Chevalier, à El Biar, à laquelle assistent une douzaine de personnes dont M. Farès, et, pour l’OAS, Susini et l’ex-colonel Gardes. En fait le président de l’Exécutif provisoire s’en tient strictement aux Accords d’Evian et propose seulement que, dans le cadre de ceux-ci, soient prévus notamment une amnistie et l’intégration d’Européens au sein de la force locale algérienne ».
Mais sur quel pouvoir l’Algérie nouvelle se reposera-t-elle ? Qu’est-ce qu’un pouvoir politique qui intègre dans sa force armée des criminels ? Des politiques n’ont pas d’autres capacités de résistance que celles de négocier avec des terroristes, se résignant à l’idée que la mémoire de tout un peuple pourrait passer tout simplement à la trappe au nom de l’Algérie nouvelle. Du côté de certains hommes politiques français, ce mariage forcé est partagé.
20 juin 1962, Le Monde : « M. Maurice Faure, Président du parti radical » : « Notons enfin qu’ils (Accords OAS/FLN) ont été conclus en dehors de l’Etat dont ils soulignent la faiblesse et dont ils traduisent la double impuissance à maintenir l’ordre légal, d’abord contre le FLN puis contre l’OAS. Si les violences seules qualifient les interlocuteurs valables, il faut en conclure que la démocratie est bien malade ». 22 juin 1962, l’Aurore : « A Paris, aucune fausse note dans cette harmonie algérienne. Les accords passés entre le FLN et l’OAS à Alger sont considérés comme le ralliement souhaité des Européens aux accords d’Evian ». « M. Peyrefitte, ministre de l’information, déclarait : « (…) Ce ralliement s’est fait dans le cadre et dans l’esprit et également dans l’application la plus stricte des accords d’Evian (…) ».
21 juin 1962, Le Populaire ; « Les chances de la réconciliation » par Gérard Jaquet : « Il y a quelques heures, je faisais chez un ami commun la connaissance d’un « pied-noir », qui avait été contraint, il y a quelques mois, de se replier sur Paris. Il n’avait jamais participé en Afrique du Nord aux luttes politiques, mais il était connu pour ses opinions libérales. Pourchassé par l’OAS, il avait pris finalement la décision déchirante de quitter sa terre natale. Et, comme j’exprimais l’espoir que ses épreuves allaient enfin se terminer, il me répondit brutalement : « certainement pas. L’accord entre le FLN et l’OAS m’interdit désormais tout retour en Algérie. Certes, je comprends le FLN, qui veut à tout prix arrêter les destructions, avant d’accéder au pouvoir, mais à votre tour, comprenez mon attitude. C’est l’OAS qui a négocié au nom des Européens, et son influence tyrannique va subsister« .
22 juin 1962, l’Aurore : « Quatre chefs FLN pour la conciliation (…). Boussouf : c’est l’éminence grise du FLN. Il en serait devenu, dit-on, le véritable maître grâce aux réseaux de communications qu’il a établis dans la clandestinité. (…). « Krim » (…). Boudiaf : compagnon de détention de Ben Bella. (…) Avec Ben Bella, il avait, avant son arrestation, établi de nombreux contacts au Caire et plus particulièrement avec Nasser ». « Mostefaï : jusqu’à ce qu’il soit appelé au poste clé de délégué du FLN au sein de l’Exécutif provisoire, il a été « ambassadeur » du GPRA au Maroc (…) ».
« Du côté de l’OAS, on met sur le compte d’une mauvaise liaison le bombardement au mortier du dépôt de carburant de l’avenue Victor Hugo et la destruction de la station de détendage du gaz d’Hassil R’Mel. Le speaker de l’OAS a tenu à préciser que ces opérations avaient été effectuées quelques instants avant que le contre-ordre fût parvenu au commando ». Mais le 22 juin 1962, des attentats se poursuivent.
Libération du 22 juin 1962 : « (…) des commandos OAS ont attaqué au bazooka et au mortier les casernes de gendarmerie : hier c’est le cantonnement mixte CRS et gendarmes mobiles de la rue Dumont-d’Urville, dans la banlieue est, qui a été la cible de l’OAS (…). On ignore s’il y a des victimes ».
24 juin 1962, Combat : « Et déjà, pour la France, l’OAS n’est plus un monstre à abattre. Une bonne conscience nationale s’installe » (Philippe Tesson). « L »humanité : « Une organisation qui, par-delà les proclamations pacifiques, poursuit sa sanglante entreprise, comme le prouvent le meurtre de notre camarade Pierre Verger, poignardé hier à Paris par l’OAS, et la reprise des attentats au plastic. Malgré sa conversion tardive, Salan reste ce qu’il est, c’est-à-dire le chef du gang d’assassins. Même s’il continue à bénéficier de singuliers égards de la part du pouvoir (…) ».
Salan exige la paix et la fraternité. Il l’exprime dans une lettre adressée à la presse.
« Paris-Jour : un langage stupéfiant. Le chef suprême de l’OAS approuvant les initiatives de Susini, donne enfin aux membres de son organisation des consignes précises : cesser les combats, souscrire sans réserves, de Bône à Oran aux engagement pris à Rocher-Noir, (…). Un tel langage est proprement stupéfiant, dans la bouche de celui qui avait pris la responsabilité effroyable de jeter les uns contre les autres ces Européens et ces musulmans qu’il adjure, aujourd’hui, de se réconcilier. (Bernard Lefort) ».
Mais dans le journal le Figaro du 25 juin 1962, revirement total de situation. Gardy annonce dans une émission pirate : « Il est urgent, il est vitale, pour tout ceux qui ne veulent pas subir la vengeance du FLN, qu’ils partent dans les plus brefs délais possibles. Nos espoirs d’une solution positive (…) ont été déçus. (…). Nous n’avons jamais reconnu les accords d’Evian et nous disons qu’ils vont être dénoncés. Aucune des clauses de ces accords n’a été mise en application. Oranais, vous allez vivre des instants très durs et très douloureux. L’heure de la vengeance sonnera ».
26 juin 1962, Libération : « Alger – de notre envoyé spécial Claude Estier. – Au coeur de la Casbah, une porte étroite à côté d’un ancien bar maure. Un escalier sombre. Au premier étage, trois bureaux encombrés de tracts et d’affiches : c’est un des PC de la Zone Autonome d’Alger (ZAA). Sans arrêt des responsables entrent et sortent, apportent des nouvelles, repartent pour une mission : ultime préparatifs avant le vote de dimanche prochain ».
Mais des divergences règnent chez les terroristes. Susini, clame dans une émission pirate le 28 juin 1962, rapporté par Le Figaro : » Européens, restez ! Rien ne peut remettre en cause les accords du 17 juin »
30 juin 1962, l’Aurore, « Fuite inattendue de Gardy ». « Les commandos de Micheletti continuaient d’agir : ce matin, vers 11 h, un musulman était encore tué près de la gare. Fait curieux à signaler en passant ; le FLN démentit cette exécution, alors que les témoins sont formels ».
Le calme s’installe enfin.
Le Parisien du 30 juin 1962 : « Oran, où le couvre-feu sera levé ce soir, sera resté jusqu’à la fin énigmatique et inquiétant. Autour de la fumée des derniers attentats, on a construit à la hâte un fragile édifice que les autorités nomment réconciliation. Que valent ces accords de la dernière heure ? Ils sont inestimables, s’il est exact, qu’ils ont empêché la destruction totale de la ville. (…). Une nouvelle réunion de réconciliation s’est tenue jeudi soir à la préfecture d’Oran. Quatorze notables européens et quatorze musulmans pour la plupart FLN ont parlé de l’avenir. (…) Oran est depuis quelques jours et jusqu’à dimanche un mélange de ville sud-américaine en révolution et de cité sinistrée par un effroyable cataclysme ». 30 juin 1962, Le Figaro : « Oran 29 juin. – Jour « J » de la réconciliation à Oran. Depuis ce matin, des équipes de jeunes musulmans ont envahi le boulevard du Maréchal-Joffre, (…). Armés de pots de peinture et de colle, ils ont inscrits de grands « OUI » (…) et (…) « la révolution en marche vaincra la misère ».
L’armée française s’est repliée dans les quartiers européens.
30 juin 1962, Le Figaro : « Dans aucun pays (dit le responsable FLN) aucune organisation n’aurait pu contrôler totalement une population soumise aux attentats, aux meurtres de femmes et d’enfants. – Mais en temps de paix, insista l’Evêque (de la ville d’Oran) ? -En temps de paix, je réponds des musulmans, répondit l’officier qui proposa alors la constitution d’une Comité de réconciliation. » Paris-Presse du 30 juin 1962 : « Maintenant que les acharnés ont quitté la ville : les orantes, européens et musulmans, redécouvrent la fraternité » (Robert Buchard). La Croix du 30 juin 1962 : « Tout le monde, a ensuite déclaré l’armateur Ambrosino, a une peur panique du 1er juillet. Quand le 3 juillet les rapatriés s’apercevront qu’il ne s’est rien passé, ils verront qu’on leur a monté la tête. Il faut que, bientôt, ils fassent la file à Marseille pour leur retour ».
5 juillet 1962, c’est l’indépendance de l’Algérie après 132 ans de colonisation française.
Le 9 juillet 1962, Le Figaro : « Des personnes sont enlevés sans qu’on sache très bien par qui, hier, cinq musulmans, quatre employés municipaux (…) et un malade (…). Hier aussi, une famille européenne (…) a disparu (…). Le fait le plus grave reste l’inconnu qui plane sur le sorto des soixante-trois disparus européens enlevés par les ATO ou des jeunes musulmans armés pendant l’émeute du 5 juillet. Il y a parmi eux des fonctionnaires des PTT, du trésor public, d’autres administrations (…) ». « Le 5 juillet, l’ALN par son action énergique, a empêché le massacre de centaines de personnes ». « (…) On cite le chiffre de 49 personnes fusillées ou pendues pour pillages, vols, usurpation d’autorité, etc. ».
13 juillet 1962, Le Figaro : « A la suite d’une longue et patiente enquête de sa brigade politique, la police genevoise vient de décapiter le premier réseau du prétendu « Conseil national de la résistance », présidé par Geoges Bidault, découvert à l’étranger. Plusieurs activistes, dont cinq français, ont été appréhendés puis expulsés du territoire hélvétique ». (…). « Nous ne reconnaissons pas les accords d’Evian. Notre but est de renverser le gouvernement français » ont avoué les membres du « CNR ».
24 juillet 1962 : « Madrid (AFP, AP). – « Le gouvernement espagnol a annoncé hier qu’ »en raison des circonstances existant actuellement entre la France et l’Algérie », les « activistes » français maintenus depuis octobre dernier en résidence surveillée retrouvaient leur liberté de mouvement ».
28 juillet 1962 : « Un commando OAS attaque un camp de militaires et s’enfuit vers l’Espagne. »
Le dossier spécial archives et contribution nous fait part des 6000 attentats qui ont été perpétrés par l’OAS en Algérie. Il présente l’organigramme de l’OAS, ses généraux, colonels, civils qui occupaient des positions à Alger, Madrid et en France métropolitaine. « Ces trois groupes étaient complétés par la mise en place d’une direction en France sous l’autorité des ex-généraux Vanuxem et Crève-coeur, qui dirigeaient les groupes d’action en métropole en liaison directe avec l’ex-général Salan à Alger », écrit Mohand-Rachid. (…) Il souligne que « les nostalgiques de l’Algérie française devraient plutôt reconnaître qu’ils se ont fourvoyés en soutenant l’OAS au lieu de raviver plus d’un demi-siècle après les politiques excluantes et xénophobes qui appauvrissent et risquent de préparer, hélas, d’autres tensions entre les diverses population en France ».
Le terme « amnistie » vient du grec « amnistia qui veut dire : « pardon », de « amnistos » « oublié ». Qui peut amnistier qui ? De quel droit l’Etat français peut-elle amnistier des terroristes français ayant commis des actions criminelles dans un pays qui n’était plus le sien à partir du cessez-le-feu ? Ici qui prend la place de qui ? Par une aberrante logique, les successives amnisties de l’Etat français, révèlent un grand mépris à l’égard des torturés et des tués de la guerre d’Algérie et de l’après-guerre (OAS /FLN). L’amnistie du 22 mars 1962 a été réalisée avec la délégation algérienne et la délégation française pour sortir les Algériens de la famine et de la misère. Après, lors de la toute naissante libération ? Qui peut en toute légitimité amnistier les crimes de l’OAS ? Que racontent même ces successives amnisties de la France ? Si des accords secrets existent, je l’ignore, et quant bien même ils existeraient, seul ce peuple martyrisé serait autorisé ou non à pardonner.
Il ne s’agit pas de faire de toutes ces victimes un fond de commerce ni même de dresser la liste d’exploits morbides de certains terroristes réintégrés dans l’Armée française mais de construire l’histoire. Une mémoire collective vivante contient du réel et non du déni. Sans elle, pas de projet d’avenir, mais le risque de répétition des grandes tragédies. Elle a déjà eu lieu lors de la tragédie noire. Le pouvoir algérien en singeant politiquement ses vis-à-vis, a amnistié lui aussi ses propres terroristes sans se soucier de rendre la justice, comme si le peuple algérien avait une dose insuffisante de martyrs.
Mohand-Rachid Zeggagh, en recueillant précieusement ces articles, et en les commentant avec une admirable lucidité, a conscience qu’il participe activement à un travail de mémoire.
Un lien est un bien commun. Et un bien n’est pas un bourdonnement inutile de mots répétés réduisant à l’indigence l’humain. Bien au contraire, sans lien, pas de bonheur pour la communauté, pas de possibilité de construction heureuse d’une histoire pour les collectivités. Le devoir de mémoire reconnaît la dette contractée du présent à l’égard de ce qui a eu lieu en retenant un contenu de perception sensible à travers une persévérance de vie en commun. Cette obligation morale à l’endroit du vécu sensible est valable pour tous les peuples, et l’Algérie n’échappe pas à cette nécessité. Mais il n’est pas question dans ce remarquable dossier, d’un devoir de mémoire mais d’un travail de mémoire. Ce que recueille Mohand-Rachid Zeggagh dans Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie est un matériau indispensable pour entreprendre l’histoire de la guerre et l’après guerre en Algérie.
L’Algérie doit se construire à partir de ses souffrances et de sa douleur. Il y a de la noblesse sur les rides des victimes, il y a de la vérité. C’est avec elles qu’elle édifiera son plus bel avenir.
Mohand-Tahar Zeggagh, Vérités sur les crimes de l’OAS en Algérie Dossier spécial archives et contribution à la mémoire historique du peuple algérien (1961/1962), Editions ANEP, 2ème semestre
http://fadela-hebbadj.com/verites-sur-les-crimes-de-loas-en-algerie-de-mohand-rachid-zeggagh/
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