C’est le titre d’un film que l’on trouve sur internet, il est en accès libre. Gaston Revel est né en 1913 à Laure-Minervois, un village classique de l’Aude, dans une famille de viticulteurs moyens.
Il est reçu au concours d’entrée à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Carcassonne et sa formation terminée il demande à enseigner en Algérie où après une année de préparation à l’enseignement indigène il est nommé dans une école du bled.
Il meurt à Carcassonne en 2001 et sa nièce a récupéré dans son grenier tout un tas d’archives, y compris de nombreuses photos, qui ont été confiées à Alexis Sempé et Pierre Mathiote qui les ont exploitées pour réaliser le film.
Il s’agit donc d’une biographie qui nous est exposée. Une biographie qui recoupe tout un pan de l’histoire de l’Algérie et par voie de conséquence celle de la France. Participent au déroulement des événements qui sont présentées des historiens, Alain Ruscio, Sylvie Thénaut et Jacques Cantier, qui nous éclairent sur le contexte dans lequel évolue Gaston Revel.
On assiste à la prise de conscience de la nature injuste du colonialisme qui mène à la misère de la majorité des autochtones. Cela le conduira à adhérer au PCA, le Parti Communiste Algérien dont il deviendra secrétaire pour la section de Bougie. Il sera élu conseiller municipal de cette ville dans le second collège, celui des musulmans. C’est rare pour un Européen, peut-être unique ?
Devant quitter l’Algérie avec la répression qui se manifeste en 1955 il y reviendra après l’indépendance mais sera jugé indésirable sous Ben Bella. Une situation qui s’aggravera encore après le Coup d’Etat de Boumediene en 1965.
Retourné en France il restera membre du PCF mais n’y aura pas de responsabilité particulière, sans doute en raison de divergences concernant le colonialisme et les hésitations du parti communiste à soutenir les nationalistes algériens engagés dans la lutte pour leur indépendance.
La photo que nous avons choisie pour illustrer notre article est celle de la tombe d’un Algérien tué à Paris le 14 juillet 1953 alors qu’avec d’autres Algériens il demandait la libération de Messali Hadj lors de la traditionnelle manifestation qu’organisaient à cette date la CGT et le PCF. Il y a eu ce jour-là sept morts dont un Français.
La richesse des documents photographiques sur lesquels le film a été construit est due à la passion qu’avait Gaston Revel dans ce domaine.
Le documentariste, fils d’un psychiatre qui a soigné les traumas de la guerre d’indépendance à Constantine, considère que l’Agérie est restée « enfermée dans le chiffre 1 : une histoire, un peuple, un parti ».
Le documentariste Malek Bensmaïl, le 10 décembre 2014 à Dubaï. (Gareth Cattermole/Getty Images/AFP)
« A Constantine, où je suis né, en 1966, mon père était professeur de psychiatrie. Dans le service qu’il dirigeait à l’hôpital, il avait pris en charge les traumatismes de la guerre de libération. C’était un militant de la première heure du Front de Libération nationale (FLN). Dans la famille, étudier était un luxe. Une sorte d’investissement. Cela devait “rapporter” un métier qui soit utile à la communauté. Ma tante a été désignée comme future avocate, mon oncle comme pharmacien, mon père, médecin. Il est parti étudier de l’autre côté de la Méditerranée, à la faculté de médecine de Toulouse. Il a adhéré à la Fédération française du FLN, a participé à la grève des étudiants de 1956 et a été arrêté par la DST [Direction de la Surveillance du Territoire, NDLR]. Il m’a beaucoup parlé de son engagement. Pour lui, cela passait par une bataille de la pensée.
J’essaie d’ouvrir ces fenêtres
Après l’indépendance, mon père a aussi pris en charge les traumatismes créés par le nationalisme et par l’autoritarisme de Houari Boumediene, arrivé à la présidence en 1965 par un coup d’Etat, puis ceux de la décennie noire. Ce sont des points noirs de notre histoire. On parle beaucoup de la guerre, peu de la période de la décolonisation, de la violence de l’islamisme. J’essaie, avec mon travail de documentariste, d’ouvrir aussi ces fenêtres. En Algérie, on ne questionne jamais les failles contemporaines, on a l’impression d’être dans un musée dédié à la grande guerre d’indépendance. On se réfère toujours aux héros de la révolution, l’Algérien d’aujourd’hui n’existe pas. Comme si les vivants étaient quasiment morts. On nous a enfermés dans le chiffre 1 − une histoire, un peuple, un parti. Il est vrai que les mythes provoquent une sorte de maladie.
Il est important que l’histoire soit écrite avec les témoins encore vivants. Il faut aller sur le terrain, faire parler, enregistrer, filmer, laisser la porte ouverte, sans censure. La question de la terre, par exemple. Les Algériens ont été exilés de leurs terres, leurs fermes ont été réquisitionnées, utilisées par l’armée pendant la guerre. La terre a été malmenée de façon tragique. Cette question est un prisme fondamental de la colonisation, peu connu en France, évidemment, mais aussi peu étudié en Algérie. Il y a toujours eu, des deux côtés, une utilisation politique de l’histoire. Et aujourd’hui, pour la France, il y a clairement un enjeu électoral autour des mémoires de la colonisation et de la guerre, avec la présidentielle dans un an. »
Malek Bensmaïl, né en 1966 à Constantine, a réalisé près de vingt documentaires, dont « La Chine est encore loin » en 2010, « Guerres secrètes du FLN en France » en 2012, et « “La Bataille d’Alger”, un film dans l’Histoire » en 2017.
Ce lundi 8 mars, commence le procès de Derek Chauvin, le policier accusé d’avoir provoqué de la mort de George Floyd le 25 mai 2020. Il est historique… et à haut risque. Première étape : la délicate sélection des jurés.
Ce lundi 8 mars, le panneau d’une station-service Speedway du sud de Minneapolis (Minnesota), près de l’endroit où George Floyd est mort, annoncera : « George Floyd - Procès aujourd’hui. » Il a tenu le compte à rebours depuis des jours, à l’image d’une ville qui attend ce procès avec autant d’impatience que d’appréhension. Comme l’a confié au « New York Times » Paul Butler, professeur à l’université Georgetown et expert des violences policières :
« C’est le procès pour brutalité policière le plus fameux de l’histoire des Etats-Unis. »
Exagéré ? Un test rapide, pour ceux qui douteraient encore. Qui a dit, après avoir vu la vidéo de la mort de George Floyd le 25 mai 2020, asphyxié pendant près de 9 minutes sous le genou du policier Derek Chauvin : « Quand vous la regardez et imaginez que c’est l’un de vos proches qui est traité ainsi, qui supplie qu’on épargne sa vie, il est impossible pour tout être humain normalement constitué de ne pas être saisi d’effroi » ? Pas un gauchiste, pas un activiste des droits civiques. Non, il s’agit de William Barr, alors ministre de la Justice de Donald Trump et l’un des conservateurs les plus virulents qui existent.
La mort lente de George Floyd a choqué la planète et bouleversé l’Amérique, non seulement dans la communauté noire et à gauche comme à l’accoutumée, mais à tous les niveaux de la société. Et c’est ce moment fondateur que l’on va juger, à partir de ce lundi : le jour où tout a changé. Où l’histoire raciale de tout un pays a définitivement refait surface et ne pourra plus être ignorée. Où le pays a collectivement reconnu que les sparadraps, les esquives et les faux-semblants ne marchaient plus. Pour guérir de sa vieille blessure raciale, l’Amérique doit se soigner.
Des allures de Fort Knox
Mais d’abord, il faut juger Derek Chauvin. Peu avant Noël dernier, un questionnaire a été envoyé à un groupe de jurés potentiels de la ville. Il fait 14 pages et contient des questions telles que :
« Avez-vous vu la vidéo de la mort de George Floyd, ou la nouvelle de sa mort sur internet ? Si oui, combien de fois ? »
Ou encore :
« Estimez-vous que votre communauté a été négativement ou positivement affectée par toute protestation ayant eu lieu dans les Twin Cities [les villes jumelles de Minneapolis et Saint Paul, NDLR] depuis la mort de George Floyd ? »
En temps normal, la constitution d’un jury ne prend généralement pas plus d’une journée ou deux ; dans ce procès, elle pourrait bien durer deux à trois semaines.
Le tribunal a des allures de Fort Knox. Une salle d’audience spéciale, numéro 1856, y a été aménagée. Y seront admises une trentaine de personnes, dont deux reporters, une quarantaine d’autres journalistes étant installés dans un bâtiment de l’autre côté de la rue relié par un lien vidéo. Mais, en réalité, c’est tout le pays qui pourra suivre le procès : il sera retransmis en direct.
Minneapolis se prépare depuis des mois. Jacob Frey, le maire, a multiplié les contacts en amont avec les représentants des différentes communautés de la ville, tandis que le gouverneur Tim Walz a sollicité la Garde nationale. Humvee, uniformes militaires… Tout le monde a bien compris qu’il ne s’agissait pas d’un procès comme les autres. Le gouverneur a budgété 4,2 millions de dollars pour la sécurité, ainsi qu’un fonds de 35 millions de dollars pour rembourser les forces de police locales dans l’hypothèse où elles seraient mobilisées en cas de troubles.
« Je ne peux pas respirer », 28 fois
Personne ne peut dire quelle tournure prendront les audiences. Derek Chauvin, 44 ans, est accusé de meurtre au deuxième degré sans préméditation, un crime qui peut lui valoir jusqu’à quarante ans de prison. Le plan, à l’origine, était de le juger en compagnie des trois autres policiers de sa patrouille, J. Alexander Kueng, Thomas Lane et Tou Thao. Eux sont inculpés de meurtre au troisième degré, une peine passible de vingt-cinq ans de prison maximum dans le Minnesota.
On pouvait compter sur leurs avocats pour charger Chauvin au maximum afin de les dédouaner, mais le Covid-19 en a jugé autrement : ils seront jugés plus tard. Du coup, les trois ne sont plus incités à charger Derek Chauvin mais, au contraire, à l’innocenter, sachant que son acquittement aurait toutes les chances d’entraîner l’annulation de leur propre procès.
Pourrait-il être blanchi ? L’hypothèse paraît incroyable, tant les images filmées sont accablantes. Neuf minutes environ (il y a débat sur la durée exacte), pendant lesquelles George Floyd appelle sa mère, indique à au moins 28 reprises « Je ne peux pas respirer » et finit par ne plus bouger sans que le policier, pendant encore de longues minutes, ne retire son genou.
Que demander de plus ? Le rapport du médecin-légiste attribue clairement sa mort à « un arrêt cardio-pulmonaire tandis qu’il était maintenu physiquement par un représentant des forces de l’ordre », il ne mentionne « une maladie cardiaque artério-sclérotique et hypertendue, une intoxication au fentanyl et une consommation récente de méthamphétamine » que parmi d’« autres conditions significatives ». La défense, au contraire, défend l’idée que George Floyd est mort de sa consommation de fentanyl (un opioïde) et cherchera à semer le doute sur sa personne.
Des condamnations rarissimes
Derek Chauvin, qui compte dix-neuf années de service dans la police de Minneapolis, n’en était pas à sa première bavure. Il a été mentionné, par le passé, dans plus d’une douzaine de plaintes, n’écopant que d’une lettre de réprimande. Le procureur général du Minnesota qui dirige l’accusation a cherché à inscrire plusieurs de ces affaires au dossier, pour mettre en évidence un passé d’usage excessif de la force. Les jurés pourraient se voir décrire l’un de ces cas, l’arrestation de Zoya Code en 2017. Elle avait été jetée à terre et bloquée par le genou de Chauvin, comme George Floyd.
La condamnation du policier reste l’issue la plus probable, mais elle n’est pas certaine. La sanction judiciaire des abus policiers reste rarissime aux Etats-Unis, du fait des lois, de la jurisprudence de la Cour suprême et de jurys souvent trop rapides à conclure à l’innocence des forces de l’ordre. Pour ne prendre que quelques cas récents :
le policier qui a tiré sur Michael Brown à Ferguson (Missouri) en 2014 n’a pas été poursuivi ;
celui responsable de la mort d’Eric Garner la même année à New York a été relaxé ;
et les deux policiers ayant criblé de balles Breonna Taylor dans son appartement à Louisville (Kentuckyà, deux mois avant la mort de George Floyd, ont échappé aux poursuites judiciaires.
On imagine facilement l’appréhension de la communauté noire, et sa rage si Chauvin venait à être acquitté. Elle risquerait d’enflammer toutes les grandes métropoles. Mais même s’il est condamné, tout reste à faire. Depuis 2015, selon les données compilées par le « Washington Post », il y a eu 5 000 tirs d’officiers de police en service ayant provoqué la mort, et les violences policières ne diminuent pas. Une vaste réforme est plus que jamais nécessaire.
Le 25 mai 2020, à Minneapolis. Derek Chauvin a maintenu son genou sur le cou de George Floyd malgré les suppliques de ce dernier. (CAPTURE D’ECRAN)
« Voyous »
Depuis la mort de George Floyd, la volonté de changer les pratiques de la police a connu des hauts et des bas. Dans les premières semaines, la répulsion devant le crime avait créé un début de consensus national sur la nécessité de « faire quelque chose », mais la polarisation a vite repris le dessus. D’abord du fait de Donald Trump, qui, dans les jours ayant suivi les premières manifestations, avait tweeté qu’elles étaient le fait de « voyous » et menacé : « Quand les pillages démarrent, les tirs commencent », reprenant une phrase utilisée en 1967 par le chef de la police de Miami en pleine lutte pour les droits civiques. A gauche, le mouvement « Defund the Police » (« couper les fonds de la police »), minoritaire, avait également créé des tensions.
Dix mois plus tard, le président pyromane ayant été chassé du pouvoir, où en est-on ? Au niveau fédéral, une « loi George Floyd », dont l’objet est de lutter contre « les mauvaises pratiques et les biais raciaux systémiques dans la police », a été votée par la Chambre des Représentants, par 220 voix contre 212. Elle supprime entre autres « l’immunité qualifiée », une doctrine légale validée par la Cour suprême qui protège de facto les auteurs de bavures. La loi doit maintenant surmonter l’obstacle du Sénat, mission quasi-impossible tant qu’existera la règle du « filibuster » qui permet à une minorité de 40 sénateurs de bloquer la plupart des lois.
Du côté de l’administration, Merrick Garland, le nouveau ministre de la Justice (Attorney General), l’a répété en février lors de son audience de confirmation au Sénat :
« Le président Biden a indiqué qu’il n’était pas favorable à l’idée de réduire les budgets de la police, et je ne le suis pas non plus. »
Mais il est bien décidé à réactiver certaines pratiques abandonnées par Trump, notamment le fait de « policer la police » quand, dans une ville ou un comté, elle se conduit d’une façon qui « viole la Constitution et les lois ».
Cocher la case Chauvin
La quasi-totalité des forces de police, aux Etats-Unis, dépendent des collectivités territoriales. C’est donc là, en grande partie, que se jouera la réforme. A Minneapolis, justement, où la volonté initiale de couper les fonds de la police a rapidement été abandonnée, le conseil municipal vient d’adopter une réforme éliminant le département de la Police pour le remplacer par un nouveau département de la Sécurité publique, au sein duquel la police ne serait qu’une division. D’autres seraient en charge de la prévention de la violence et des troubles de la santé mentale. Ce n’est encore qu’un canevas, et les habitants de la ville seront appelés à le ratifier.
Dans de nombreuses villes, les pratiques ont changé. Certaines ont banni les prises d’étranglement, d’autres rendent publics les dossiers disciplinaires de leurs agents. La formation et la sensibilisation ont été renforcées. En Californie, Berkeley va limiter les contrôles routiers pour éviter les risques de bavures et de contrôles au faciès. Certaines municipalités ont tempéré leur enthousiasme initial de réforme, comme à New York, où le milliard de dollars de coupes budgétaires envisagées a fondu comme neige au soleil.
Mais les choses bougent : sous la pression publique, les budgets des polices, globalement, ont été réduits de 840 millions de dollars, tandis qu’au moins 160 millions de dollars supplémentaires étaient affectés aux services communautaires, selon une analyse d’Interrupting Criminalization [PDF]. Dans 25 villes, comme Denver ou Oakland, la police a été retirée des écoles, permettant une économie supplémentaire de 34 millions de dollars.
La réforme, donc, avance. Mais, pour qu’elle change durablement le pays, il faudra d’abord cocher une énorme case : la condamnation de Derek Chauvin.
Publié le 08 mars 2021 à 07h00 Mis à jour le 08 mars 2021 à 09h46
En octobre 1870, sous l’impulsion du ministre de la Justice, Adolphe Crémieux, la France décide de naturalier les 35 000 juifs de sa colonie algérienne, jusqu’alors considérés comme des « indigènes ».
Adolphe Crémieux, en 1856. (Artokoloro / Quint Lox / Aurimages via AFP)
Quand les troupes françaises du roi Charles X débarquent dans la bne fois par mois, en partenariat avec RetroNews, le site de presse de la Bibliothèque nationale de France (BNF), « l’Obs » revient sur un épisode de l’histoire coloniale en Afrique raconté par les journaux français. Aujourd’hui, retour sur le décret Crémieux.aie de Sidi-Ferruch (aujourd’hui Sidi-Fredj), située à une trentaine de kilomètres à l’ouest d’Alger, en juin 1830, il y a 25 000juifs en Algérie, berbères et sépharades, organisés en « nation ». Avec un « roi », un mokadem, responsable des impôts, et des tribunaux rabbiniques chargés de la justice. Ce sont essentiellement des petits artisans, tailleurs, cordonniers, menuisiers, des boutiquiers, des colporteurs et quelques bourgeois enrichis par le commerce.
Cela fait trois siècles que la régence turque, un Etat autonome de l’Empire ottoman, est installée dans le nord de l’Algérie et impose aux juifs le statut de dhimmis (« sujets protégés »), comme aux chrétiens, autre religion du Livre. Pas le droit de porter du vert, la couleur réservée aux musulmans, mais du noir ; pas le droit de posséder des armes ou de circuler avec un falot allumé la nuit, ni de monter un cheval, animal trop noble, mais uniquement sur un mulet ou un âne, et sans selle… La plupart des juifs d’Algérie se jettent dans les bras de la France. L’intégration va se mettre en marche. Elle démarrera quarante ans plus tard.
Il faut les civiliser tous ces « indigènes israélites » qui vivent si chichement, qui comprennent mal le français et parlent arabe en famille, qui ont des bicoques délabrées en guise de synagogues et qui pratiquent leur religion de façon si peu orthodoxe, avec des superstitions, des amulettes pour éloigner les sorciers, des cris et des pleurs pendant les cérémonies. La communauté juive française, qui se structure peu à peu (l’Alliance israélite universelle est créée en 1860), dépêche des émissaires de l’autre côté de la Méditerranée pour étudier ces drôles de coreligionnaires et voir comment les faire « évoluer ». Ils reviennent abasourdis d’avoir entendu des femmes juives pousser, comme les musulmanes, des youyous stridents aux mariages et aux enterrements et des hommes évoquer leur peur du diable.
Leur conviction est faite : les juifs d’Algérie doivent suivre le chemin de leurs homologues français, eux qui se sont pliés aux lois de leur pays et se sont assimilés. Le sénatus-consulte (décision émanant du Sénat et ayant valeur de loi) de juillet 1865, sous le Second Empire, prévoit des possibilités de naturalisation à titre individuel pour les indigènes juifs et musulmans. Mais devenir citoyen français est rendu compliqué par d’interminables procédures administratives et reste l’apanage des plus aisés. Un homme de 74 ans, franc-maçon né dans une famille juive provençale, avocat, député de la gauche républicaine et président de l’Alliance israélite universelle, va faire de la naturalisation des juifs algériens un des derniers combats de sa vie. Il s’appelle Isaac Moïse Crémieux, mais est resté dans l’histoire sous le nom d’Adolphe Crémieux.
Adolphe Crémieux déploie tous ses talents d’avocat pour convaincre ses collègues parlementaires et les élites métropolitaines. Partout, il multiplie les lettres ouvertes, les tribunes et les prises de parole. « Quelques mots sur la naturalisation qu’il faut accorder aux israélites algériens, écrit-il dans les colonnes du “Siècle” le 7 juillet. […] Les juifs mâles ont, d’après la loi mosaïque, le droit de répudiation et le droit d’héritage ; les époux juifs ont le droit de divorcer. Au moment où notre chère Algérie voit commencer les réparations qui lui sont si légitimement dues, au moment surtout qui voit naître pour elle le droit électoral, faut-il décréter leur naturalisation qui va les soumettre à la loi française, les privant et du droit de répudiation, et du droit d’ héritage, et du droit au divorce ? Les israélites de l’Algérie réclament la naturalisation, leur assimilation aux Français, le titre de citoyens français, c’est leur vœu le plus ardent. »
Le 24 octobre 1870, alors que Napoléon III a abdiqué et que les troupes prussiennes campent autour de Paris, Adolphe Crémieux, alors ministre de la Justice, soumet neuf décrets au gouvernement de la Défense nationale. Le plus célèbre porte le numéro 136 : « Les israélites indigènes des départements de l’Algérie sont déclarés citoyens français. En conséquence, leur statut réel et leur statut personnel seront, à compter de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française ; tous droits acquis jusqu’à ce jour restent inviolables. Toute disposition législative, tout sénatus-consulte, décret, règlement ou ordonnance contraires sont abolis. » Du jour au lendemain, les juifs ne sont plus des « indigènes », ils deviennent français et tombent sous les lois de la République. Ils votent désormais aux élections, n’ont plus le droit d’être polygames ou de divorcer, les garçons font leur service militaire, les filles héritent de leurs parents, et plus seulement les fils.
Le décret est pris à Tours en Conseil du gouvernement de la Défense nationale. Il est signé d’Adolphe Crémieux, de Léon Gambetta, ministre de l’Intérieur, de Léon Martin Fourichon, à la Marine et aux Colonies, et d’Alexandre Glais-Bizoin, député des Côtes-du-Nord. Le « Bulletin de la République française » en fait, le 30 octobre, une très brève mention de deux lignes, avec une faute de frappe : « Un Décret du même jour, déclare citoyens français lss Israélites indigènes des départements de l’Algérie. » Il est publié dans son intégralité au « Bulletin officiel de la ville de Tours » le 7 novembre 1870.
En cette fin de XIXe siècle, la naturalisation des juifs d’Algérie est suivie d’une vague d’antisémitisme sans précédent chez les Européens installés dans la colonie. Emeutes, pogroms, pillages de magasins, interdictions aux juifs de pénétrer dans certains lieux publics… Le point culminant, amplifié par l’affaire Dreyfus, est atteint en mai 1898 avec l’élection des « quatre mousquetaires gris », des militants antisémites, dans les fauteuils de députés d’Alger, d’Oran et de Constantine. Parmi eux, Edouard Drumont, l’auteur du pamphlet « la France juive », le best-seller de l’époque.
Le décret Crémieux va attiser aussi la désunion entre les communautés juives et musulmanes. Il met un terme au destin commun des deux populations indigènes, juive et musulmane, elles qui vivaient jusqu’alors dans les mêmes quartiers, parlaient la même langue et pratiquaient les mêmes coutumes. La séparation ainsi installée ne fera que croître jusqu’à l’indépendance. Le décret 136 est complété par un autre, le numéro 137, qui reprend la disposition du sénatus-consulte de 1865 et permet aux musulmans de plus de 21 ans de devenir citoyens français, à condition de renoncer au droit coutumier. Mais les accessions à la citoyenneté française restent difficiles. Des émeutes musulmanes éclatent trois mois après le décret Crémieux. Elles sont vite qualifiées d’« antijuives » par la presse qui préfère ne pas voir d’autres causes, comme les revendications liées à la répression, à la faim, aux conditions de vie des musulmans et à la reconnaissance de leurs droits.
« Nous avons eu une petite émeute à Alger, écrit ainsi “la Liberté” le 10 mars 1871, le sang a coulé ; il y a eu quelques morts parmi les indigènes arabes. Si la municipalité avait pris des précautions, cet orage aurait pu être conjuré. M. Crémieux ayant décrété la naturalisation en masse de tous les israélites indigènes, les Arabes sont furieux : ils disent que depuis plus de trente années ils mêlent leur sang au nôtre sur tous les champs de bataille et qu’aujourd’hui, pour prix de leurs sacrifices, ils sont bien moins traités que les juifs qui n’ont fait autre chose que du commerce à nos dépens et aux leurs. Depuis leur naturalisation, les juifs sont devenus insolents à l’égard de tout le monde et particulièrement des Arabes. […] Les Arabes, qui ont toujours considéré la race juive avec mépris, se sont révoltés à l’idée qu’ils avaient été jugés par le gouvernement supérieurs en droits à eux-mêmes ; leur dignité et leur orgueil s’en sont offensé. Samedi 25 février, les tirailleurs israélites de la garde nationale ont maltraité quelques musulmans ; l’affaire a été portée devant le tribunal de police correctionnelle, et, à tort ou à raison, deux Arabes ont été condamnés à 16 francs d’amende. Cette condamnation a été le signal de l’émeute. Un millier […] de portefaix, de Kabyles se sont répandus dans les rues vers quatre heures du soir, en poussant des hurlements et en brandissant d’énormes bâtons. Ils se sont rués sur tous les malheureux disciples de Moïse qu’ils ont rencontrés. Les coups retentissaient d’un bout d’une rue à l’autre sur le dos de ces infortunés. Bientôt ils ont enfoncé les devantures des magasins juifs et se sont livrés au pillage avec un ensemble et un enthousiasme parfaits. »
En fait, comme plus tard, au lendemain des Première et Seconde guerres mondiales, la supposée supériorité de la France et de son armée a été sérieusement ébranlée par le conflit franco-allemand de 1870. La chute du Second Empire, la Commune de Paris et les problèmes de récolte dans les campagnes algériennes ont également attisé la révolte. Le printemps 1871 est le théâtre del’une des plus importantes insurrections depuis le début de la conquête militaire : la révolte dite des Mokrani, menée par le cheikh El Mokrani et son frère Boumezrag, dont la famille détient depuis le XVIe siècle la citadelle de la Kalâa, dans les Bibans, en Kabylie. Deux-cent-cinquante tribus se soulèvent à travers toute l’Algérie.
En métropole, les opposants, nombreux, à la naturalisation des juifs d’Algérie vont vite se saisir de l’opportunité de la rébellion algérienne pour accuser le décret Crémieux d’en être responsable et réclamer son abrogation. Les pétitions se succèdent. En juillet, Félix Lambrecht, tout juste nommé ministre de l’Intérieur, dépose un projet d’abrogation à l’Assemblée nationale. Adolphe Crémieux monte de nouveau au front pour défendre son décret. Il s’insurge contre les théories qui le rendent seul responsable de la révolte musulmane.
« Je ne cache pas que l’honneur de donner le titre de citoyens français à trente milles de mes coreligionnaires a été une des plus grandes joies de ma vie, écrit-il dans “le Temps”, en réponse à une pétitition anti-décret déposée par Charles du Bouzet, le préfet d’Oran, que le journal vient de publier. […] Tous les juifs éclairés de la France et de l’Algérie, les consistoires en tête, disaient au gouvernement : faites 33000 Français des 33000 israélites indigènes. Ne leur dites pas : “Soyez Français si vous le voulez” car, volontairement, ils n’abdiqueront pas la loi de Dieu. Déclarez qu’ils sont Français par la loi, ils obéiront, ils seront Français, ils suivront la loi française. »
« Et, poursuitAdolphe Crémieux, n’ est-ce pas une déplorable objection que l’objection fondamentale contre ce décret ? Les musulmans se voyant traités en inférieurs des juifs, se révolteront !… Quoi ? L’empire n’avait pas même eu la pensée de cette révolte ? Quoi ? Les musulmans se révolteront parce qu’on ne les fait pas Français par force quand on impose aux juifs cette qualité ! Ils se regarderont comme inférieurs à ceux à qui l’ont ordonne d’être Français, eux qui conserveront leur liberté entière, à qui on donne le droit sans imposer l’obligation ! Mais les musulmans veulent rester complètement musulmans. Ils veulent leurs lois, leurs tribunaux, leur état civil, leurs statuts, leurs habitudes religieuses […]. Tous les musulmans se regardent comme supérieurs à vous : leur naturalisation, ils la regardent comme une atteinte à leur religion bien supérieure à la vôtre. Non, les musulmans ne s’occupent pas des juifs, devenus Français. En voici la preuve décisive. Le décret existait depuis trois mois, quand éclata, vers la fin de janvier, cette insurrection. […] Tout marchait en Algérie sans le moindre trouble. […] Misérable prétexte que vous invoquez contre un décret qui vous blesse, parce que vous êtes imbu des préjugés contre les juifs […]. Nous aurions moins insisté ; mais nous avons vu dans certains journaux de l’Algérie, malheureusement aussi dans quelques autres journaux mal inspirés, l’insurrection rattachée au décret de naturalisation des juifs. Quand finiront ces indignes attaques contre l’émancipation des juifs ? Ils sont, nous répète-t-on sans cesse, en dehors de la civilisation. Mais dans quel pays ? Dans ceux où l’émancipation leur est refusée. Dans tous les Etats qui les ont accueillis comme citoyens, faut-il le redire encore, dans notre chère France, ne se sont-ils pas élevés au niveau des chrétiens ? Manquons-nous des vertus civiques? Quels sacrifices refusons-nous à notre patrie bien-aimée? Finissons. Notre décret du 24 octobre donne à la France trente-trois mille citoyens qui ne susciteront pas le moindre trouble à notre chère Algérie. […] Quelques années encore et la fusion complète de cet élément nouveau produira en Algérie, comme nous l’avons vu en France, ses excellents résultats.»
Peu de temps après, les « Archives israélites de France » renchérissent :
« Les israélites algériens seront victimes, si le rapport du décret du 24 octobre est décidé, d’un acte qui n’a guère de précédent dans l’histoire de la France. Il est triste de voir de pareils faits s’accomplir en plein XIXe siècle dans un pays éclairé et civilisé comme la France. »
L’Assemblée nationale décide finalement de ne pas se prononcer sur l’abrogation du décret Crémieux. Adolphe Crémieux arrivera à convaincre le président Adolphe Thiers d’enterrer le projet. Ami de Victor Hugo, de l’abbé Grégoire et de la tragédienne Rachel, il meurt dix ans après la publication du décret qui porte son nom et a droit à des funérailles nationales. C’est bien plus tard, le 7 octobre 1940, sous le régime de Vichy, que les juifs d’Algérie perdent la citoyenneté française. Ils retrouvent leur vieux statut d’indigène. Les enseignants et les élèves sont chassés des écoles. La haute fonction administrative, la magistrature, la direction d’entreprises publiques et le journalisme leur sont désormais interdits. Ils n’ont plus droit non plus d’être commerçants, agents immobiliers, exploitants forestiers, gardiens de nuit dans les théâtres… Les soldats, revenus du front, mais devenus des étrangers au sein des unités des forces françaises d’Afrique du Nord, sont internés près de Sidi-Bel-Abbès, en Oranie, dans le camp de Bedeau dont le fronton porte l’inscription : « Entrez lions, sortez moutons ». Le retour à l’indigénat dure trois ans, jusqu’à ce qu’en octobre 1943, le Comité français de la libération nationale rétablisse le décret Crémieux.
A l’indépendance de l’Algérie, en 1962, les quelque 150 000 juifs sont français depuis moins de cent ans. Mais ils choisissent de quitter leur terre. Ils traversent la Méditerranée, débarquent en métropole, un territoire parfaitement inconnu pour la majorité d’entre eux, et se fondent dans la masse des pieds-noirs − Français d’origine, Espagnols, Italiens, Maltais… − désormais uniformisée sur l’autre rive. « En moins d’un siècle, ils sont sortis par trois fois de ce qui était jusque-là leur univers familier, écrit l’historien Benjamin Stora, dans « les Trois exils. Juifs d’Algérie » (Stock, 2006). Ils se sont éloignés de leur vie en terre d’islam, quand le décret Crémieux de 1870, faisant d’eux des citoyens français, les a mis sur la voie de l’assimilation. Ils ont été rejetés hors de la communauté française de 1940 à 1943 avec les lois de Vichy. Et ils ont quitté les rives algériennes avec l’exode de 1962. »
Pendant plus d’un siècle, le « code de l’indigénat » a soumis les sujets coloniaux à une répression particulière échappant aux garanties du droit commun.
Pour circuler en Algérie, les autochtones devaient obtenir un permis de voyage. Ici, en 1903, une caravane, avec femmes et enfants, dans le désert du sud-algérien. (MEPL/Rue des Archives)
Interdiction de quitter sa commune sans permis de voyage, obligation d’obéir aux ordres de corvées, de transport, de réquisition d’animaux et d’hébergement des agents du gouvernement… On l’a appelé le « code de l’indigénat ». Un régime réservé aux seules populations autochtones. Aux « indigènes ».
Amendes, séquestre, internement
Des infractions spéciales punissables sans enquête, sans défense, sans procès, sans passer par la case justice. Des sanctions qui n’étaient même pas délivrées par des professionnels du droit jusqu’en 1874 : amendes collectives, séquestre des biens, internement administratif… Pendant plus d’un siècle, le régime de l’indigénat a dérogé « aux principes républicains, en soumettant les sujets coloniaux à une répression particulière échappant aux garanties du droit commun », écrit l’historienne Sylvie Thénault, dans « Histoire de l’Algérie à la période coloniale » (La Découverte, 2012).
Les premières législations « spéciales » sont mises en place dès le début de la conquête. En 1834, quatre ans après le débarquement des troupes françaises à Sidi-Ferruch, le commandement militaire et le gouverneur général se voient attribuer des pouvoirs de « haute police ». Ils peuvent désormais prononcer internements, amendes ou séquestres comme bon leur semble.
Dix ans plus tard, le maréchal Bugeaud, devenu gouverneur général, établit une première liste des infractions et de leurs sanctions, comme le refus d’accepter de la monnaie française ou la voie de fait contre un chaouch. Le soulèvement en Kabylie en 1871 et le passage à un pouvoir davantage administratif que militaire pousse la Troisième République à renforcer le dispositif.
600 000 jours de travail forcé par an
Au printemps 1881, un projet de loi arrive au Parlement : il « confère aux administrateurs des communes mixtes en territoire civil [communes gérées par un administrateur et des adjoints indigènes et où vivent la majorité des Algériens, NDLR] la répression, par voie disciplinaire, des infractions spéciales à l’indigénat ». Le texte est promulgué le 28 juin, applicable pour une durée initiale de sept ans et sera plusieurs fois renouvelé.
Le nombre d’infractions est fixé à 41. Au sein de la longue liste, on trouve la réunion sans autorisation pour un pèlerinage ou un repas public et le rassemblement de plus de 25 personnes de sexe masculin.
Sylvie Thénault écrit ainsi :
« Un homme s’obstinant à labourer une parcelle de terre que les lois foncières lui avaient retirée écopa, entre 1889 et 1894, de sept peines, notamment pour “inexécution des ordres donnés à propos des opérations relatives à l’application des lois du 26 juillet 1873 et du 28 avril 1887” mais aussi pour “tapage et scandale”. Au total, il s’acquitta de 125 francs d’amende et fut emprisonné trente-neuf jours, avant d’être interné par le gouverneur général pour sa persévérance. »
Entre 1898 et 1910, il y aura, d’après l’historienne, une moyenne de 20 000 punitions par an et un total de 600 000 journées de travail forcé (à la place d’amendes ou de peines de prisons « reconverties » par l’administration).
Une clémence due à la victoire
L’ampleur des sanctions diminue après 14-18. Les Algériens sont de plus en plus réfractaires à ce régime qui leur est réservé et la France se montre plus clémente en raison de la contribution des soldats indigènes à la victoire. La loi d’exception cesse d’être renouvelée en 1927 et ne résistera pas à la Seconde Guerre mondiale.
Le 7 mars 1944, cent dix ans après la mise en place des premières législations « spéciales », le Comité français de Libération nationale (CFLN) met fin au régime de l’indigénat en Algérie, puis dans le reste de l’empire. C’est l’une des premières mesures du gouvernement provisoire.
Notre dossier « Quand la France occupait l’Algérie »
Retrouvez les articles de notre dossier « Quand la France occupait l’Algérie » publié dans « l’Obs » du 15 août 2019 :
En 1830, Charles X décidait de prendre Alger aux Turcs. Les débuts de cette conquête marqueront à jamais l’imaginaire collectif algérien. Retour sur l’histoire méconnue de la colonisation du plus grand pays d’Afrique.
Nés des deux côtés de la Méditerranée, le maréchal vénéré par ses soldats et le père du nationalisme algérien se sont affrontés pendant plus de dix ans au cours de la conquête.
En 1881, le quotidien « le Gaulois » envoie Guy de Maupassant couvrir un soulèvement anti-Français qui agite l’Algérie. Ses « Lettres d’Afrique » dénonceront la colonisation.
Eclairé et influent, le théologien musulman, qui est considéré comme l’un des pères du nationalisme algérien, a joué un rôle décisif dans le chemin vers l’indépendance.
Des disciples du socialiste Charles Fourier ont créé dans la région d’Oran la communauté agricole collectiviste la plus aboutie. Retour sur une utopie.
Ecoles séparées, manque d’établissements, enseignement discriminants... A la veille de l’indépendance, le taux de scolarisation des enfants arabes reste faible.
En 1930, plus de six mois de festivités sont organisés des deux côtés de la Méditerranée pour célébrer le centenaire du débarquement des troupes françaises à Sidi-Ferruch.
Laurent Beccaria, directeur des éditions Les Arènes, a publié une biographie de son grand-oncle, ancien participant au putsch des généraux de 1961. Il dit avoir « appris une histoire en noir et blanc ».
« En 1985, j’avais 22 ans. Je suis tombé sur des coupures de presse sur un oncle de ma mère. L’enchaînement de son destin m’a frappé : la Résistance, Buchenwald, l’Indochine, l’Algérie et le putsch. J’avais grandi dans une famille de chrétiens de gauche, opposés à la guerre d’Algérie et à la torture. J’ai récupéré le numéro de téléphone d’Hélie de Saint Marc. Je l’ai appelé. “Pourquoi s’intéresser à mon cas ?” “Parce que vous êtes une couche géologique de l’histoire de France.” Il a ri. C’est comme cela que tout a commencé.
A l’époque, beaucoup de témoins étaient encore vivants. J’avais appris une histoire en noir et blanc, et je voyais les méandres des vies individuelles, les reconstructions a posteriori. J’ai découvert aussi la part de tragédie de la guerre d’Algérie : tout le monde avait des raisons d’avoir raison. Le miracle d’un destin kaléidoscopique comme celui d’Hélie de Saint Marc, c’est que chacun y trouve un reflet de son histoire. J’en ai fait un livre. J’ai eu beaucoup de témoignages de personnes qui avaient renoué avec leur père après l’avoir lu.
Pourquoi la mémoire de l’histoire franco-algérienne est-elle douloureuse ? Parce qu’en Algérie, la République a créé une exception à l’universalisme français. Dans les trois départements algériens, des millions de citoyens n’avaient pas les mêmes droits que les autres, parce qu’ils étaient “musulmans” et régis par le “code de l’indigénat”. Alors que les pieds-noirs et les juifs (dès 1870 avec le décret Crémieux), eux, étaient considérés comme des citoyens à part entière, à l’égal des habitants de la Creuse.
Les notions de “français de souche européenne” ou de “français musulmans” étaient utilisées par l’administration en Algérie entre 1945 et 1958. Pour Slimane Zéghidour, cette exception à l’universalisme est “le secret de famille de la République”. On n’a pas encore réglé cela : la vision de la nation française d’Eric Zemmour est un décalque de celle des Français d’Algérie à l’époque coloniale. »
Laurent Beccaria est né à Boulogne-Billancourt en 1963. Fondateur et directeur des éditions Les Arènes, il a publié en 1989 une biographie de son grand-oncle Hélie de Saint Marc, ancien participant au putsch des généraux de 1961.
Tiraillé entre sa « part de Gaulois » et sa « part de Sarrasin », le chanteur et romancier Magyd Cherfi raconte que la guerre d’Algérie a été « un carnage identitaire ».
Magyd Cherfi en 2016. (JOEL SAGET / AFP)
A l’approche du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, une semaine après la remise du rapport Stora, « l’Obs » publie une trentaine de témoignages de personnalités dont l’histoire s’entremêle avec celle du pays. L’album complet « Nos mémoires d’Algérie », en kiosque le 28 janvier, est à consulter ici. Lisez les souvenirs de Faïza Guène, Alice Zeniter, Arnaud Montebourg. Ou de Magyd Cherfi, qui décrit l’ambivalence d’une enfance française, bercée par l’idéal d’un « chez nous » et le racisme des quartiers.
« L’Histoire, elle est tronquée des deux côtés. Du côté algérien, on nous a toujours enfoncé dans la tête que nous étions un peuple hors norme, un peuple héroïque. Tous nos oncles étaient des héros, on les imaginait avec une épée et une mitraillette dans la montagne, le drapeau algérien flottant au vent. Dans chaque famille, il y avait une victime de la guerre d’Algérie. Un amjahed, comme on disait en kabyle, un sacrifié. J’ai grandi avec ça. Avec tous ces anciens, morts et vivants, auréolés de leur gloire d’anciens combattants. Enfin, c’est ce qu’ils disaient. On les croisait dans le quartier, ces vieux oncles. Cupides, sans envergure, qui battaient parfois leur femme, leurs enfants, nous interdisaient tout, à nous, les jeunes, baiser, vivre, danser. Ou boire, alors qu’eux-mêmes buvaient. Et on s’interrogeait : “Mais c’est ça nos héros ?” On nous répétait que nous étions, nous, les Algériens, grands et forts. Les Français étaient les salauds, les impies, les mécréants, les colons. Et pourtant, dans la rue, c’était nous, les pseudo-héros qui tremblions de trouille devant la police. Alors, gamins, on ne comprenait pas.
Ah, il y avait bien les harkis. Ils avaient été relégués dans des camps comme celui de Bias [dans le Lot-et-Garonne]. Ceux qui avaient échappé au ghetto étaient venus dans le quartier, vivaient un peu à l’écart. On savait par les on-dit qu’ils étaient “harkis”, c’était dit avec beaucoup de mépris, ça signifiait qu’ils étaient lâches, qu’ils avaient poignardé leurs frères dans le dos. Mon père n’était pas un idéologue. Il ne pigeait pas trop ces enjeux politiques de la colonisation et de la guerre. Alors il se laissait aller à des rapports amicaux avec eux. Mais restait l’idée que les harkis, c’était les traîtres. Je l’entendais, au détour de conversations volées. Untel avait “collaboré avec l’ennemi”. L’ennemi, c’était les Français. Les “roumis”. Bref, les Blancs.
Les Français faisaient les médicaments, nous, les routes
A l’école, côté français, dans les cours d’histoire-géographie, tout était inversé. Je me souviens de Charles Martel, le vainqueur de la bataille de Poitiers. Dans mon manuel, les méchants, c’étaient les Arabes. Alors, forcément, ça disjoncte dans la tête. Car toi, tu as plus envie de t’identifier à Charles Martel qu’aux Sarrasins. Finalement, la nation française, on la définit toujours comme blanche et catholique. Les gens comme moi n’existent pas dans l’histoire de France. On est effacés. J’ai appris allègrement “Nos ancêtres les Gaulois”. Mais j’étais content. Des ancêtres, on n’en avait pas ! Alors des Gaulois, oui, j’étais preneur ! Nous n’avions aucune conscience de notre propre histoire, l’histoire du monde musulman, du monde arabe. Mes parents ne savaient pas qui était Abd el-Kader [père du nationalisme algérien et incarnation de la résistance à la conquête coloniale], ils savaient à peine qui étaient leurs grands-parents ! J’avais l’impression que notre histoire commençait et s’arrêtait avec la guerre d’Algérie. La lutte était inégale. D’un côté, un carnage de plus de sept ans. De l’autre 2 000 ans, avec des rois en veux-tu, en voilà. C’est pourquoi je suis devenu gaulois, inconsciemment. Le carnage de la guerre est devenu un carnage identitaire, fracassant l’âme, l’intime. Quand vous avez un bourreau, vous finissez par l’envier, parce qu’il a le pouvoir, parce qu’il domine. A force d’être vulnérable et vaincu, vous finissez par dire : “OK, les Français vous êtes les meilleurs, je vais être Français, en fait.”
Les Français, ils faisaient les médicaments, nous les Arabes, les routes. Nous nous sommes identifiés à la défaite, au fait d’être des esclaves, c’est l’héritage de la colonisation. Je me rappelle d’une expression de ma mère, elle disait : “Il est beau comme un Français.” Au quotidien, tout rappelait cette allégeance à la puissance blanche, via nos gestes, nos mots, nos réflexes. Je voyais bien qu’il y avait les Blancs et les autres. Quand j’accompagnais ma mère à la poste, à la préfecture, je remarquais bien qu’on la tutoyait, toujours. Et cette peur, chez elle, de l’autorité. Mes parents vivaient dans la terreur perpétuelle d’être expulsés. Il ne fallait pas moufter. Courber la tête.
On attirait le facho comme le miel la mouche
J’ai grandi dans cette ambivalence. Ça a été pire, quand je suis sorti du quartier : j’avais été pris dans un lycée général de centre-ville, et là, il n’y avait plus d’Arabes. J’étais avec 600 Français. Tous Blancs ! C’est là que j’ai commencé à militer, à l’extrême gauche, je me suis trouvé dans les manifestations anti-Le Pen. Je me rappelle avoir pris un coup de matraque. Quand je suis rentré à la maison, ma mère m’a cogné. Elle était furieuse parce que je m’étais montré. J’allais attirer les flics à la maison. Ça a continué après, quand j’ai commencé dans la musique. On jouait dans les bars. Avec Zebda, on attirait le facho comme le miel la mouche. Un jour, on s’est fait tabasser par des types au crâne rasé. Ma mère ne comprenait pas que je me mette dans ces situations.
Le racisme ? Il était partout. Toute la France voulait qu’on rentre au bled ! Je me souviens de Valéry Giscard d’Estaing qui donnait 10 000 francs pour le retour. Il y avait toujours cette idée que si vous dégagiez, vous, les immigrés, la France n’en ferait pas une maladie. Quarante ans plus tard, j’ai encore ce sentiment. On nous dit : “OK pour l’intégration, le métissage, la société multiculturelle, mais si vous pouviez partir quand même, ce serait pas mal.”
Alors, bien sûr, dans la famille, on a toujours été bercés par cette idée d’un “chez nous”. Le rêve de revenir là-bas, en Algérie. Je me souviens très bien de ces premières vacances, en 1970, j’avais 8 ans. Je rencontre les cousins de mon âge, mes grands-parents, toute la famille du bled. Ils nous répétaient que la vraie famille, ce n’était pas la France, c’était eux. Il y avait ce lien du sang, très fort. Et en même temps, cette illégitimité. Nous étions les Français, sans algérianité, les faux, les bâtards, ceux qui ne parlaient même plus l’arabe. Alors qu’eux, ils étaient les purs. Les vrais Algériens. Et on avait l’impression que la vie, la vraie, elle était là-bas, en Algérie. On continuait à y aller, à la recherche de cet Eden. J’y vais encore. Je ne me suis pas libéré de cette mélancolie, quasi mythologique, que nous a infusée ma mère, toute notre vie. Cette idée qu’elle ne serait jamais heureuse parce qu’on l’avait arrachée à l’Algérie.
Cette nostalgie, elle pèse des tonnes sur les enfants. Nous, la génération d’après, on a voulu recoudre le tissu. Sur nos épaules, il y avait la tâche impossible de refaire l’histoire, nous ramener au point de départ. Mais c’était illusoire. Parce qu’on a perdu la langue. Très tôt à la maison, on a cessé de parler kabyle, on ne parlait plus que français. Pourtant, aujourd’hui, ma mère assure qu’elle a oublié le français. Elle s’est mise à ne plus parler qu’en kabyle. Désormais, ensemble, quand nous dialoguons, nous baragouinons. La famille a perdu son socle. Ma mère a l’impression que ses enfants, ses petits-enfants, sont devenus Blancs. Il n’y a plus la langue. Il n’y a plus la religion. Pour elle, c’est terrible ! Tous ses enfants ont réussi, sont devenus des intellectuels, des universitaires, mais ça les a décrochés de la religion. C’est la fin du monde, d’avoir des enfants mécréants. Elle a peur qu’on l’entraîne en enfer. Même nos comportements l’interpellent. Qu’elle me voie, moi, un homme, faire la vaisselle ou porter un couffin, elle est choquée. Elle a l’impression que ma virilité est partie !
On me traite de sale Arabe, de traître
J’incarne cette deuxième génération, écartelée, aliénée dans son identité. Nous avons cru à la République, à la gauche. Ah, c’était joli, les potes, l’égalité… Mais on a vite vu que ces principes de la République, ce n’était pas pour les banlieues. La troisième génération, elle nous dit désormais : “Vous vous êtes fait baiser par les Blancs.” Ils sont dans le repli identitaire. Le rejet. C’est compréhensible.
Mes livres, je sais très bien qu’ils sont lus par des Blancs de gauche, pas par les Arabes des banlieues. Je dis les choses crûment, que ce soit sur les Blancs ou sur les Arabes. Alors, désormais, on me traite de sale Arabe, de traître. Je n’ose plus rentrer au quartier. J’ai été poursuivi en diffamation je ne sais combien de fois. On dit que je maltraite les Arabes, les immigrés, l’islam. C’est compliqué pour ma mère. Elle ne sait pas lire. Les Français lui disent : “Votre fils est un auteur.” Les Arabes : “C’est un mécréant, il dit des choses dégueulasses.”
Je m’attendais à ces réactions violentes. On est averti dès l’enfance. Même quand on réussit, on garde son quant-à-soi, on se dit “je me tiens à carreau”. On se tait. C’est peut-être ça le plus grand échec de l’intégration. Il nous est interdit de dire ce que la France ne veut pas entendre. On est coincé. Soit on devient l’ennemi de notre tribu. Soit on est l’ennemi de la République. »
Propos recueillis par Doan Bui
Magyd Cherfi, né en 1962 à Toulouse, est chanteur dans le groupe Zebda, acteur et romancier. Il a écrit « Ma Part de Gaulois » (Actes Sud, 2016) et « La Part du Sarrasin » (Actes Sud, 2020).
La question de la récupération des fonds et des biens issus de la corruption d’hommes d’affaires, de militaires et des politiciens véreux ainsi que des parties influentes incarcérés pour corruption était une promesse de campagne du président mal élu Abdelmadjid Tebboune.
Aujourd’hui le bonhomme s’en remet à ses bons souvenirs et relance ce va-t-en guerre à la recherche de Dinars perdus dilapidés dans le cadre de la récupération des fonds dissimulés frauduleusement à l’étranger ou même en Algérie à travers des biens éparpillés çà et là. C’est d’ailleurs de l’un de ceux-là d’où est repartie cette affaire. Dimanche dernier, effectivement, le chef d’état lors du Conseil des ministres tenu sous sa présidence, avait sommé ses troupes d’accélérer la remise en production de l’usine des huiles végétales de Jijel, qui appartenait aux frères Kouninef, actuellement en détention pour corruption, lançant ainsi la première étape d’un début du processus de récupération.
C’est que l’histoire va chercher loin elle couterait au bas mot estiment les experts, plus de 7,5 milliards d’euros et 600 milliards de DA, un joli pactole pour des caisses assoiffées. Si pour ce qui est de récupérer l’argent volé et dissimulé à l’étranger, autant en faire son deuil tant les procédures complexes prendraient du temps pour le rapatrier, les démarches à entamer, se déroulant sous la houlette diplomatique. Au Bled c’est un autre son de cloche et cela semble plus envisageable. Mais dans cette histoire du voleur volé, et entre nous, le vrai pactole est en devises fortes et donc entre de bonnes mains chez les autres. Ce qui reste au pays va avec les pertes et profits. Et l’Exécutif algérien en ces temps durs est tout aise de rencontrer le fameux « limaçon » de la fable.
Sauf que là, la problématique de la récupération des biens et fortune des richissimes oligarques et hauts responsables du régime Bouteflika ne pourrait se faire, qu’après que toutes les voies de recours eussent été épuisées. D’ailleurs, seule la cour d’Alger « une voix de son maître sans équivoque », où se déroulent les procès en appel des accusés concernées par la confiscation de biens mal acquis, est apte ou non de confirmer les demandes de la partie civile, qui est le Trésor public en ordonnant donc la confiscation de biens précisément identifiés et localisés. Ce qui toutefois peut prendre parfois plusieurs mois, voire des années mais bien moins que pour l’autre opération de rapatriement.
Ces grands dossiers qui s’élèvent à 7,5 milliards d’euros, ont pour hommes d’affaires des sommités comme, Ali Haddad, Mahieddine Tahkout , Mourad Eulmi, Abdelghani Hamel, les frères Kouninef ainsi que des accusés de parts et d’autres, notamment ceux dont les biens ont fait l’objet d’un ordre de saisie dans l’affaire du montage automobile. La majorité de ces biens à confisquer se trouve dans la capitale Alger et ses environs, il s’agit de terrains, usines, sièges de sociétés ou bureaux… L’opération est, sauf retournement de situation comme c’est souvent le cas en Algérie, certes, des plus plausibles sur le plan juridique car la justice est toute acquise à l’exécutif qui n’est autre que l’uniforme en Algérie, mais elle restera dans le temps complexe à appliquer. Mais qu’on se le dise ! dans l’état actuel des choses ce n’est qu’une passation de mains ou de pouvoir. Les nouveaux « ayant droit » se bousculent déjà aux portillons de la bonne fortune que partage volontiers le parrain. C’est comme ça en Algérie depuis plus de six décennies. Les bonnes habitudes ne se perdent pas.
Dix ans après la chute du président tunisien Ben Ali, qui marque la première «victoire» des Printemps arabes, le renouveau espéré n’a pas eu lieu et l’espoir est retombé. Pourtant, la contestation sociale demeure. Du Maroc au Yémen, en passant par l’Algérie ou le Liban, les peuples aspirent toujours à des changements radicaux. Et la conclusion que l’on peut tirer aujourd’hui ne peut être que temporaire.
Questions posées à notre journaliste Jean-Dominique Merchet :
Dix ans après les événements au Maghreb,quels sont les premiers enseignements que l’on peut tirer sur la capacité du monde arabe à se débarrasser de ses régimes autoritaires ?
La Tunisie semble être l’un des seuls pays touchés par la contestation à avoir fait l’expérience d’une vie politique démocratique depuis 2011. Dans quelle mesure les principes de la révolution de jasmin ont-ils été appliqués ?
Dans d’autres pays comme en Egypte ou au Barhein, la junte militaire n’a pas tardé à reprendre le pouvoir après l’élection du leader des Frères musulmans Mohammed Morsi. Ce retour de l’armée était-il inexorable ?
Dix ans après les contestations, des pays comme la Syrie, le Yémen et la Libye sont toujours plongés dans le chaos. Les nombreuses puissances étrangères qui prennent part à ces conflits sont-elles le problème ou la solution ?
Beaucoup de choses ont bougé en Algérie, en Irak, au Liban ou en Arabie Saoudite ces dernières années. Faut-il y voir la conséquence de l’onde de choc créée en 2011 ?
À la date anniversaire de son assassinat, nous rappelons au reste du monde la manière abjecte avec laquelle le sinistre système colonial français s'en est servi pour venir à bout d'un grand stratège de la guerre de Libération Nationale du 1er novembre 1954, en la personne de Larbi Ben M'hidi.
Larbi Ben M'hidi, est natif de Aïn M'lila dans l'actuelle wilaya d'Oum El Bouaghi, en 1923. Un militant nationaliste algérien, membre du PPA, puis du MTLD, et un des membres fondateurs du FLN en 1954.
En 1956, il se voit désigné membre du conseil national de la Révolution. Il délégua le commandement de la Wilaya V dans l'Oranais à son Lieutenant Abdelhafid Boussouf, avant d'être nommé au courant de la même année à la tête de la Zone Autonome d'Alger (ZAA)
ll participe à l'organisation des premiers attentats dans la capitale notamment ceux du 30 septembre 1956.
En janvier 1957, Robert Lacoste gouverneur général d'alors, lance la bataille d'Alger, et attribua aux parachutistes du général Massu les pleins pouvoirs de police dans la Zone Alger-Sahel.
Il est arrêté en février 1957, et exécuté sans jugement par l'armée française dans des conditions obscures en pleine bataille d’Alger, en dépit des règlements interdisant le recours à la liquidation systématique déjà en vigueur à cette époque.
Pour avoir nargué l'ordre colonial établi par son calme, sa sérénité, son silence et surtout sa façon de mettre en dérision ses bourreaux rien qu'avec un sourire aux coins des lèvres, ont eu raison de l'homme, brave guerrier qu'il était.
Refusant de parler, il est tué par un groupe de soldats français aux ordres du futur général tortionnaire Paul Aussaresses, dans la nuit du 3 au 4 mars 1957.
Témoignage du lieutenant Jacques Allaire à l'endroit de Ben M'hidi lors de sa capture par celui-ci :
« Si je reviens à l’impression qu’il m’a faite, à l’époque où je l’ai capturé, et toutes les nuits où nous avons parlé ensemble, j’aurais aimé avoir un patron comme ça de mon côté, j’aurais aimé avoir beaucoup d’hommes de cette valeur, de cette dimension, de notre côté.
Parce que c’était un seigneur Ben M’hidi. Et Ben M’hidi était impressionnant de calme, de sérénité, et de conviction. Lorsque je discutais avec lui et que je lui disais: « Vous êtes le chef de la rébellion, vous voilà maintenant entre nos mains, la bataille d’Alger est perdue », et j’extrapolais un peu : « La guerre d’Algérie, vous l’avez perdue maintenant ! ».
Il dit : « Ne croyez pas ça ! » Et il me rappelait les chants de la résistance, le chant des Partisans: un autre prendra ma place. Voilà ce qu’il m’a dit. Ben M’hidi. Ça m’a fait de la peine de le perdre».
Allah yarham chouhadas qui se sont sacrifiés pour la libération du pays le 5 juillet 1962. D'autres par contre me rétorqueront : « Heureux les martyrs qui n'ont rien vu».
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