Pour Monsieur le Président de la République, Emmanuel Macron.
J’ai aimé avec passion cette terre où je suis né, j’y ai
puisé tout ce que je suis, et je n’ai jamais séparé dans
mon amitié aucun des hommes qui y vivent, de quelque
race qu’ils soient. Bien que j’aie connu et partagé les
misères qui ne lui manquent pas, elle est restée pour
moi la terre du bonheur, de l’énergie et de la création. "
Albert Camus, ! Appel pour une trêve civile en Algérie ".
22 janvier 1956
!Le pays se réveille aveuglé par la colère et plein de
pressentiments ; une force confuse monte en lui
doucement. Il est tout effrayé encore mais bientôt il en
aura pleinement conscience. Alors, il s'en servira et
demandera des comptes à ceux qui ont prolongé son
sommeil "
Mouloud Feraoun, Journal, 1955-1962, .
Le Président de la République m’a confié en juillet 2020 une mission pour la rédaction
d’un rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation, et la guerre
d’Algérie. Il écrivait, dans la lettre de mission : ! Je souhaite m’inscrire dans une volonté
nouvelle de réconciliation des peuples français et algériens. Le sujet de la colonisation
et de la guerre d’Algérie a trop longtemps entravé la construction entre nos deux pays
d’un destin commun en Méditerranée. Celles et ceux qui détiennent entre leurs mains
l’avenir de l’Algérie et de la France n’ont aucune responsabilité dans les affrontements
d’hier et ne peuvent en porter le poids. Le devoir de notre génération est de faire en
sorte qu’ils n’en portent pas les stigmates pour écrire à leur tour leur histoire. Ce
travail de mémoire, de vérité et de réconciliation, pour nous-mêmes et pour nos liens
avec l’Algérie, n’est pas achevé et sera poursuivi. Nous savons qu’il prendra du temps
et qu’il faudra le mener avec courage, dans un esprit de concorde, d’apaisement et de
respect de toutes les consciences. Aussi, conscient et respectueux de vos
engagements, je souhaite pouvoir compter sur votre expérience et votre connaissance
intime et approfondie de ces enjeux pour nourrir nos réflexions et éclairer nos
décisions, en vous confiant une mission de réflexion ".
Cette initiative intervenait après que le Président eut critiqué le système colonial, lors
d’un déplacement à Alger en février 2017. D’autres initiatives avaient suivi. Il y avait
eu, en 2018, la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat français dans la mort du
mathématicien Maurice Audin, disparu en 1957 à Alger. Et plus récemment, le
Président français a honoré sa promesse de restituer à Alger les crânes des Algériens
tués en 1849 lors de la conquête du pays, et dont les restes avaient été conservés au
Musée de l’homme, à Paris.
Ce rapport aborde plusieurs questions. D’abord, les traces, survivances, effets des
mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie sur la société française. De
l’installation de l’oubli à la séparation des mémoires. Puis, seront exposés, et discutés,
les différents discours des chefs d’Etat français à propos de l’Algérie, du passage des
indépendances à nos jours ; avec un bref inventaire des initiatives prises par les
sociétés civiles, entre les deux pays. Dans une dernière partie sont traitées les
questions relatives aux archives en général, celle des personnes disparues en
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particulier, de la connaissance et reconnaissance du fait colonial et de la guerre
d’Algérie. Le rapport présente enfin différentes préconisations à mettre en œuvre
pour une possible réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie.
Au moment où la rédaction de ce rapport touchait à sa fin, des attentats meurtriers
ont frappé la France, la décapitation du Professeur d’histoire Samuel Paty, et
l’assassinat à Nice de trois fidèles dans une Eglise, victimes du terrorisme islamiste. Ces
questions, en particulier le rapport entre le travail d’éducation et le surgissement de
la violence, sont abordées à la fin de ce travail. A l’heure de la compétition victimaire
et de la reconstruction de récits fantasmés, on verra que la liberté d’esprit et le travail
historique sont des contre-feux nécessaires aux incendies de mémoires enflammées,
surtout dans la jeunesse.
Algérie, l’impossible oubli.
Les effets de mémoires.
! Ne peut-on pas dire que certains peuples souffrent d’un
trop de mémoire, comme s’ils étaient hantés par le souvenir
des humiliations subies lors d’un passé et aussi par celui des
gloires lointaines? Mais ne peut-on pas dire au contraire que
d’autres peuples souffrent d’un défaut de mémoire comme
s’ils fuyaient devant la hantise de leur propre passé. " Paul
Ricœur, ! Le pardon peut-il guérir ? "
Esprit 3-4 (1995), 7.
! Ce sont des âmes d'ancêtres qui nous occupent,
substituant leur drame éternisé à notre juvénile attente, à
notre patience d'orphelins ligotés à leur ombre de plus en
plus pâle, cette ombre impossible à boire ou à déraciner, –
l'ombre des pères, des juges, des guides que nous suivons à
la trace, en dépit de notre chemin ".
Nedjma, de Kateb Yacine, 1956.
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