De Frantz Fanon aux Black Panthers... La capitale algérienne a été durant un temps le pôle d’attraction de toutes les causes révolutionnaires. A 91 ans, la journaliste et militante américaine Elaine Mokhtefi raconte enfin cette époque d’effervescence.
Les Black Panthers dans les rues d’Alger pour le premier festival panafricain de la culture, en 1969. L’événement regroupe 60 000 participants, 31 pays africains représentés, et une dizaine de mouvements de libération présents.
De 1962 à 1974, Elaine Mokhtefi travaille comme journaliste et traductrice à Alger. Arrivée en Algérie en pleine effervescence post-indépendance, la jeune militante américaine est prise dans le tourbillon de l’histoire. Dans les coulisses, à l’ONU, et aux côtés des grands hommes qui ont marqué cette époque, elle devient un pilier des mouvements révolutionnaires qui se rejoignent ici. De cet itinéraire exceptionnel, elle a fait un livre remarqué, « Alger, la capitale de la révolution. De Fanon aux Black Panthers », publié en mai aux éditions La Fabrique.
Alors qu’on célèbre aujourd’hui la fête de l’indépendance algérienne et que les manifestations contre le pouvoir battent leur plein, la pasionaria de la cause algérienne Elaine Mokhtefi s’est livrée à « l’Obs ». Rencontre.
Militante antiraciste aux Etats-Unis, vous partez en Europe à l’âge de 23 ans. C’est à Paris que vous vivez votre première rencontre avec la cause algérienne, écrivez-vous. En 1952, vous assistez à un défilé du 1er-Mai, où vous voyez des ouvriers algériens marcher en queue de cortège. Ceux-ci vous évoquent alors les Noirs américains de votre pays dont vous aviez défendu la cause…
Oui, ils avançaient en cadence, les bras tendus, cherchant à rattraper le défilé auquel ils n’avaient pas eu le droit de participer. Ils étaient jeunes, sombres, maigres et pauvrement vêtus. Ces hommes me faisaient en effet penser aux Noirs que j’avais observés, lorsque j’étais étudiante en Géorgie dans les années 1940, errant sur les routes poussiéreuses du Sud, rejetés et désespérés. J’avais vu la ségrégation de près, je l’ai retrouvée ici. Dans certains quartiers, on donnait aux Algériens un certain type de travail, ils étaient casés dans des appartements à huit ou dix par chambre et subissaient le même genre de racisme que j’avais vu dans mon pays. La police, dans le métro et dans la rue, les harcelaient. Ce jour-là, j’ai réalisé que les Français n’étaient pas aveugles à la couleur de peau. C’était la première d’une série d’étincelles qui allaient soulever et aiguiser ma rage.
Vous arrivez à Alger peu de temps après l’indépendance. Quel souvenir en gardez-vous?
J’étais surprise de trouver une ville très moderne. Je me suis promenée et je me suis rendue compte très vite que la ville était divisée en deux : d’un côté la ville des Européens, de l’autre celle des Algériens. A cette époque, Alger accueillait tous les mouvements de libération et les gouvernements d’opposition. Il y avait les représentants de ceux qui luttaient contre Franco et Salazar, les Palestiniens, les Vietnamiens qui étaient en guerre contre les Etats-Unis, les Canadiens-Français, les organisations qui représentaient les guérillas d’Amérique centrale, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua. A tous les coins de rue, on rencontrait les représentants de l’ANC, de la Rhodésie. Et finalement, il y avait aussi les Noirs américains à travers les Black Panthers ! L’autre ville importante, c’était La Havane, mais Alger était plus facile à atteindre.
L’Algérie a-t-elle finalement raté quelque chose dans son histoire ? Alger aurait pu devenir une capitale importante pour l’Afrique en général.
Elle l’a été. Le premier festival panafricain de la culture en 1969 a été un événement qui dépassait l’imagination : 60 000 participants, 31 pays africains représentés, une dizaine de mouvements de libération présents, des délégations venues du Vietnam, de la Palestine, de Cuba, de la diaspora noire du Brésil et des Etats-Unis. Les chanteuses Nina Simone et Miriam Makeba, le saxophoniste et le pianiste de jazz Archie Shepp et Oscar Peterson avaient fait le déplacement. C’était mieux que Woodstock, m’a-t-on dit un jour. Et c’est vrai !
A quel moment la militante que vous étiez est devenue activiste de la cause algérienne ?
Lorsque j’ai rencontré Frantz Fanon à Accra, au Ghana, en 1960. J’avais 32 ans. J’avais organisé une réunion pour un sommet panafricain et j’étais déjà en faveur de l’indépendance de l’Algérie. A l’époque, on ne pouvait pas ne pas prendre position. Je me suis engagée à tout faire pour qu’il puisse passer une résolution en faveur de l’indépendance de l’Algérie et des colonies africaines en général. Après cette réunion, quand je suis allée voir mes parents aux Etats-Unis, je suis passée à New York où j’ai rencontré le chef du bureau de la délégation du FLN. Il m’a tout de suite demandé si je voulais rester. J’ai dit oui et je me suis engagée.
Qu’est-ce qui, chez le Martiniquais Frantz Fanon, vous a éveillée à cette cause ?
Il était le représentant du GPRA, le gouvernement provisoire de la république algérienne. Il s’occupait de la politique africaine de l’Algérie. Il parlait donc au nom de ce pays et se sentait lui-même très algérien. Je le respectais comme le représentant de l’Algérie.
Frantz Fanon était un homme éminemment politique, il pensait et discutait politique à longueur de journée. Il était par ailleurs psychiatre et avait une fine connaissance de l’être humain. Il nous parlait de l’Afrique qui allait se soulever, de l’homme nouveau en devenir. Il imaginait réellement l’avenir. Petit et chétif, il donnait l’impression d’être tout le temps pressé et ils nous répétaient : « En avant ! »
Quand il est reparti aux Etats-Unis, il était très malade et se savait condamné. Au bureau algérien, j’étais la seule personne à le connaître, c’est pourquoi on m’envoyait régulièrement à Washington pour que je m’assure qu’il soit bien traité et qu’il avait tout ce qu’il fallait. Il est mort six mois avant l’indépendance.
Vous avez également rencontré beaucoup d’hommes qui sont devenus ensuite des personnages politiques de premier plan en Algérie...
C’est vrai. Au siège des Nations unies, dans le petit bureau du FLN de New York où je travaillais, j’ai croisé la route de Mohamed Seddik Benyahia, Ahmed Taleb Ibrahimi, Krim Belkacem, Ahmed Boumendjel, ou Lakhdar Brahimi, qui deviendront tous des membres éminents de la hiérarchie algérienne. Ils venaient à l’ONU pour tenter d’influencer les Etats en faveur d’une résolution pour l’indépendance de l’Algérie. J’étais très admirative ; ils avaient réalisé des actes politiques et militaires pendant et avant la guerre. Ils venaient à cinq ou six à l’ONU et militaient auprès des différentes délégations, et notamment auprès de celles des anciennes colonies qui avaient tendance à suivre la France, pour les convaincre de voter en faveur de cette résolution. La pression de la France, qui combattait la résolution ardemment, était très forte, vous imaginez bien.
Ce travail en coulisses, dont vous avez été l’une des premiers témoins, était au fond aussi important que ce qui se passait sur le terrain militaire.
Les Algériens ont commencé la guerre avec des couteaux suisses de scouts et des fusils rouillés. Ils ne comptaient pas défaire la France avec des machins pareils. La France était la quatrième puissance militaire du monde. Elle avait des avions, des tanks, des bateaux depuis lesquels elle pouvait tirer des bombes vers les côtes. Les Algériens savaient très bien qu’ils ne pouvaient pas faire face à cela. Alors, ils ont commencé très tôt à investir la scène internationale, à assister aux réunions étudiantes, syndicalistes, de juristes, pour essayer d’avoir du soutien du monde entier. Une partie de cette guerre a été gagnée au sein des institutions internationales. Quand en 1961, l’ONU a voté en faveur de l’indépendance de l’Algérie, les Etats-Unis se sont abstenus au lieu de voter contre, le glas avait sonné.
Vous avez connu Abdelaziz Bouteflika, dont vous avez été l’interprète lors de certaines conférences internationales, au moment où il était ministre des Affaires étrangères. Quelle image gardez-vous de lui ?
L’Office national du tourisme, où je travaillais en Algérie, faisait partie de son portefeuille ministériel, celui de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme. Je l’ai rencontré à ce moment-là. Il m’a demandé de rédiger un rapport sur les mouvements internationaux de la jeunesse. Plus tard, devenu ministre des Affaires étrangères, il m’a sollicitée de nouveau pour traduire en anglais le discours de Ahmed Ben Bella qui partait pour une réunion fondatrice de l’OUA [Organisation de l’unité africaine, remplacée par l’Union africaine en 2002, NDLR] à Addis Abeba.
Je l’ai croisé avec le personnel de son département dans une villa où l’on m’avait donné un bureau. Je l’entendais discuter avec ses collègues du ministère. Il intervenait de façon très abrupte et très autoritaire. C’était un petit bonhomme avec une grande ambition. Ainsi qu’un bon manœuvrier. Quand Ahmed Ben Bella a voulu le mettre à la porte, il a réagi. On a dit qu’il était l’instigateur du coup d’Etat de Houari Boumédiène contre Ben Bella. Cela ne m’a pas étonnée de le voir prendre le pouvoir en 1999.
Quels sont vos plus grands moments avec les Black Panthers, que vous avez eux aussi bien connus à Alger ?
C’est avant tout ma première rencontre avec Eldridge Cleaver, le porte-parole des Black Panthers. Je savais bien qui il était, parce que j’avais lu son livre et que je m’étais intéressée à l’histoire du mouvement. Un jour, on m’a demandé d’aller le voir à son hôtel pour lui venir en aide. C’était un homme très grand, très fort, impressionnant physiquement. Il m’a raconté son départ clandestin des Etats-Unis, son arrivée sur un bateau à Cuba, puis son départ pour l’Algérie. Personne ne se doutait de sa présence ici, sauf l’ambassade cubaine et deux personnes, dont celui qui m’avait téléphoné.
Eldridge Cleaver voulait savoir comment prendre contact avec les autorités algériennes, car il voulait rester à Alger. Les Cubains, eux, voulaient l’envoyer au Moyen-Orient. J’ai donc téléphoné au commandant Slimane Hoffman, en charge du mouvement de libération au sein du FLN. Je lui ai dit que Cleaver était là, qu’il était le ministre de l’information du Black Panther Party, qu’il était arrivé clandestinement à Alger et qu’il voulait donner une conférence de presse. Le commandant a donné son feu vert. Et Cleaver a pu rester.
Vous avez permis beaucoup de choses grâce à vos coups de fil discrets !
Disons que j’étais au bon moment au bon endroit. J’ai eu beaucoup de chance. Au cours des trois ans durant lesquels Cleaver est resté en Algérie, je suis devenue en quelque sorte sa complice, jusqu’à un certain point.
Jusqu’à ne pas le dénoncer lorsqu’il vous a avoué qu’il avait tué Clinton « Rahim » Smith, un de ses camarades des Black Panthers ?
J’étais en effet, je pense, la seule personne à être au courant pendant des mois. C’est la première fois que je le raconte. Quand Eldrigde est rentré à Harlem, il a été soupçonné mais pas inculpé.
Après avoir été témoin des guerres fratricides au sein du FLN, puis des Black Panthers, n’avez-vous jamais perdu la foi ?
J’ai toujours gardé l’espoir que ce serait mieux après. Ces hommes ont peut-être été décevants, mais je ne me suis jamais dit qu’il fallait arrêter. Il faut continuer à être solidaires pour lutter pour un monde meilleur. Et ne pas reculer.
Vous venez de publier une autobiographie qui est en même temps un récit des années 1950 à 1970 à Alger. Pourquoi raconter votre histoire aujourd’hui ?
Les jeunes, des deux côtés de la Méditerranée, ne connaissent pas bien cette histoire. En France, on a encore du mal à admettre ce qu’était la colonisation. En Algérie, on leur a dit que tout le monde avait été un héros pendant la guerre d’indépendance. Il y a encore beaucoup trop de non-dits entre les deux pays.
L’Algérie vit depuis le 22 février aux rythmes de manifestations hebdomadaires pour demander la fin du système au pouvoir. Comment regardez-vous ces évènements?
Je n’ai jamais arrêté de m’intéresser à l’Algérie. Tous les matins, depuis New York, dans mon appartement à l’ouest de Manhattan, je me connecte à internet et je lis « El Watan ». Je me sens partie prenante de l’histoire de ce pays et de l’engagement des Algériens. J’ai toujours suivie avec beaucoup d’émotion ce qui s’y passe, comme si c’était mon pays. Quand j’ai appris que le peuple se soulevait, je me suis dit : « Enfin ! » C’est un réveil extraordinaire, une deuxième révolution. Tout le monde descend dans la rue, les Algériens s’organisent et élaborent des projets pour l’avenir qui ne pourra être, je le souhaite, que meilleur.
Oui, d’autant plus qu’en novembre, je m’étais rendue à Alger, pour la première fois depuis quarante-quatre ans et que je l’avoue, je n’avais pas senti ce mouvement arriver. Au contraire, j’ai eu la sensation d’un peuple fatigué, un peu triste, sans espoir réel. Je n’ai pas perçu la magie ni l’énergie annonciatrices d’un tel élan. J’étais étonnée par ce qui m’apparaissait comme de l’inertie, comme j’ai été étonnée par ce réveil. Il est certain que le cinquième mandat, c’était la goutte de trop, inacceptable. Les gens songeaient depuis longtemps à se révolter. On leur en a donné une occasion rêvée.
Retrouvez-vous ici la fièvre révolutionnaire qui a animé le peuple algérien dans les années 1950, puis après, dans les années 1960 et 1970 ?
A notre époque, la révolution a vite été détournée. Je ne suis pas sur place, mais quand je vois les images qui nous parviennent, c’est très encourageant et très excitant. Des femmes, des étudiants, des vieux et des jeunes participent au mouvement. Ils savent que leur avenir est à construire et qu’il ne peut l’être que dans un pays démocratique où prime la justice. Après cent trente-deux ans de colonialisme français et un demi-siècle de régime corrompu, les organisations se réunissent avec un esprit de solidarité, d’égalité et de justice. Ils sont bien partis pour faire changer les choses. Les réactions des manifestants sont très intelligentes, ils ne se laissent pas piéger par les manœuvres du pouvoir. Désormais, le peuple n’est plus dupe.
A l’indépendance, 90% de la population était analphabète. Il y avait 500 diplômés d’université et 1 500 qui se formaient à l’étranger. Un million de personnes qui participaient à l’économie du pays est parti. L’Algérie était dans une situation difficile. Avec l’aide de l’étranger, des progressistes, des avocats, des enseignants, des médecins, les Algériens se sont donnés cette tâche de construire un pays avec rien. Aujourd’hui, ça ne peut pas être pareil, les circonstances sont très différentes.
Ahmed Ben Bella, premier président de l’Algérie indépendante, et son ministre de la Défense, Houari Boumédiène, qui prirent le pouvoir en 1962, ont utilisé « la force et les méthodes brutales, plutôt que les processus démocratiques » comme « instruments essentiels du gouvernement», dites-vous. Cela résonne encore avec la situation actuelle...
C’est le cas depuis lors, oui. Ils ont cru que la révolution était à eux. Ils n’ont pas respecté la démocratie. Le parti unique a gouverné seul pendant des années. Les méthodes étaient autoritaires. Ahmed Ben Bella admettait la torture. On ne parle pas de ce genre de choses, mais il ne faut pas l’oublier.
«Les Algériens font du secret une idéologie, ils sont taiseux, écrivez-vous. Nécessaire pendant la guerre contre la puissance coloniale, cette pratique est restée en place et dure encore aujourd’hui. »
Le discours officiel couvre tout et le système est opaque. Cela remonte à loin. Pendant la guerre, le secret était nécessaire. Il était trop dangereux de ne pas savoir tenir sa langue. Le FLN était partout et il ne fallait rien ébruiter. Moi-même, j’ai appris des Algériens l’importance de rester silencieux et discret. Ensuite, le secret est devenu nécessaire pour ceux qui se sont emparés du pouvoir et souhaitaient le garder. Et c’est rester ainsi. Mais les jeunes d’aujourd’hui sont prêts à rompre avec cette tradition.
Continuez-vous à militer et à manifester aujourd’hui?
Oui. Je manifeste à New York pour le climat, pour les femmes et contre Donald Trump. Je fais ce que je peux. Aujourd’hui, je travaille surtout avec American Civil Liberties Union, une organisation des droits de l’homme pour les droits civiques.
Vous venez d’une famille juive et ouvrière. Pensez-vous que ces origines familiales ont joué dans votre engagement?
Elles m’ont formée, en effet. Durant mon enfance, l’antisémitisme aux Etats-Unis était encore plus fort qu’aujourd’hui. Il était même assumé. J’ai donc appris à me battre et à ne pas me résigner. C’est logiquement ensuite que j’ai soutenu la lutte contre l’apartheid et les colonies en Afrique. Mais c’est véritablement en Europe que j’ai pris conscience de l’abomination du colonialisme.
Comment interprétez-vous la montée actuelle des mouvements réactionnaires et conservateurs en Europe?
C’est effrayant, c’est la réaction de l’homme blanc. De celui qui croit que l’autre veut prendre ce qu’il a construit. Ce qui est faux. Le migrant veut vivre pleinement, c’est tout, il ne cherche pas à annihiler l’autre.
Vous faites plusieurs fois allusion aux délégations palestiniennes dans votre ouvrage. Est-ce une cause qui vous tient à cœur ?
Tout le monde aujourd’hui a laissé tomber la Palestine. Même les pays arabes. Ils s’agitent mais ne font rien pour sortir la Palestine du trou dans lequel elle se trouve. C’est l’un des problèmes les plus dramatiques dans le monde du XXe et XXIe siècle. Pour ma part, je continuerai à soutenir les Palestiniens jusqu’au bout. Avec ce gouvernement Trump, les jeunes, aux Etats-Unis, commencent à comprendre ce problème. La discussion n’est plus fermée comme avant, surtout dans les universités. Cela me semble positif.
La révolution est toujours à faire pour vous ?
Oui, surtout aux Etats-Unis. Il faut plus de justice. Un gouvernement doit pouvoir proposer à ses citoyens un droit de la santé, une éducation. Quand le pays a des ressources, il doit pouvoir fournir à ses citoyens cette base-là. Je crois qu’il nous faut un gouvernement plus socialiste. Le chemin sera long. Mais pour la première fois au Congrès américain, on a entendu des députés prononcer le mot « socialiste ». Et de plus en plus de parlementaires femmes demandent une meilleure politique en matière de santé, d’instruction et d’aides sociales.
Vous aviez été expulsée d’Algérie en 1974 et interdite de territoire depuis lors. Comment avez-vous pu y retourner?
Pendant longtemps, mon nom était sur une liste noire à l’aéroport. En 1974, j’avais été expulsée à cause de mon amitié avec Zohra, la femme de l’ancien président algérien Ben Bella. A plusieurs reprises, j’ai demandé à des amis et à des connaissances de débloquer la situation. Et juste avant la mort de mon mari, il y a trois ans, la consul de New York m’a demandé de lui raconter tout ce qui s’était passé, puis elle a réussi à faire retirer mon nom de la blacklist. Dès que j’ai su cela, j’ai demandé un visa et je suis partie !
L’Algérie, c’est votre pays, au fond ?
Oui, je me sens liée à ce pays, je n’ai jamais autant milité, autant cru, autant aimé qu’en Algérie. J’ai même épousé un Algérien. Nous avons vécu à New York en parlant de l’Algérie nuit et jour, du petit déjeuner jusqu’au dîner. L’Algérie est en nous de la tête aux pieds et jusqu’à la mort. C’était toute notre jeunesse. Quitter ce pays a été très douloureux. Je m’en suis remise. Mais, je n’ai jamais oublié. Et d’une certaine manière, je ne l’ai jamais quitté.
Votre livre a connu un très beau succès aux Etats-Unis. C’était inattendu pour vous ?
Je ne me serais jamais imaginé un tel intérêt et une telle effervescence autour de ce livre. J’ai fait de grandes tournées, j’ai été invitée dans les universités, à Princeton, à la New York University, c’était incroyable. Ça faisait si longtemps que je gardais cette histoire pour moi que je suis très heureuse de voir qu’elle parle à d’autres gens que moi.
BIO/ Née en 1928 à New York, Elaine Mokhtefi, née Elaine Klein, est issue d’une famille juive de la classe ouvrière américaine. La lutte pour l’indépendance l’a conduite à vivre douze ans en Algérie où elle a travaillé comme journaliste et traductrice. Elle s’est mariée à un ancien membre de l’Armée de libération nationale (ALN) devenu écrivain, Mokhtar Mokhtefi, décédé en 2015. Elle publie : « Alger, capitale de la révolution ».
Propos recueillis par Sarah Diffalah et Marie Lemonnier
https://www.nouvelobs.com/monde/20190705.OBS15518/alger-dans-les-annees-1960-c-etait-mieux-que-woodstock.html
Bien avant cela..faut-il rire ou pleurer ? :
https://www.dailymotion.com/video/x11mo5
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