La question sahraouie est définitivement et encore au centre de l’agenda est-ouest. Les changements à la Maison Blanche, au Congrès américain et au Sénat permettent aux Algériens et sahraouis de tendre la corde, dans le sens de signaler devant la nouvelle administration l’existence du différend qu’ils entretiennent depuis 46 ans avec le Maroc.
C’est en ce sens que s’explique la décision algérienne de lancer des exercices militaires dans la région de Tindouf, avec de vrais tirs, les 17 et 18 janvier. Cette zone est frontière et point de refuge sahraoui, raison pour laquelle les populations indépendantistes sahraouies et les soldats en auront fait partie. Dans le même temps, trois navires de guerre russes ont fait une escale technique commode au port d’Alger. Le week-end dernier, des rumeurs ont circulé sur une attaque sahraouie dans le «détroit de Guerguerat» avec trois ou quatre missiles, selon la source. Cependant, les Marocains ont fait ce qu’ils savent le mieux, «poker face» et ont tout nié, notamment le passage au poste frontière de Guerguerat, s’assurant que le flux de trafic n’était pas altéré, ce qui en soi a nié toute attaque ennemie.
L’Algérie, confrontée à la liste des éventuelles abrogations présidentielles américaines aux décisions prises par Trump, comme leur retour aux accords de Paris dans l’environnement et au sein de l’Organisation mondiale de la santé, déjà prise, fait donc pression sur l’inclusion dans cette liste, et non sur les accords d’Abraham, mais du gain marocain en les rejoignant, qui a été guidé par la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, la transformant en Sara marocaine.
L’administration Biden, mais surtout le nouveau président, voudra faire la différence entre «l’eau et le vin», par rapport à son prédécesseur, en se démarquant de la «tour d’ivoire d’or» que Twitter représentait pour Trump comme un bouclier de protection, qui lui a permis la distance et le sang-froid d’un juste impartial. Biden voudra certainement s’impliquer personnellement, donnant à la politique un côté humain perdu aux nouvelles technologies. En ce sens, cette nouvelle administration a déjà fait signe au siège des Nations Unies, qui soutient une solution à deux États dans le contexte de la question palestinienne, rompant avec le soutien total et inconditionnel de Trump à Israël jusqu’à présent.
Au vu de cela, plus la tension entre l’Algérie et le Maroc est grande, dans la perspective de la vieille garde bipolaire de « guerre improbable, paix impossible », plus la tendance de Biden à vouloir une solution négociée à la question sahraouie est grande, voyant cela certainement une des solutions dans la tenue du référendum déjà oublié. Et cela, si cela se produit, pourrait retourner le jeu à l’envers.
En ce moment, la «guerre des sables» se déroule à Washington et à New York, entre le maintien du statu quo et le changement, dans lequel António Guterres, apparemment docile et bureaucratique, aura également son mot à dire.
Diario de Noticias, 29 jan 2021 Politologue / Arabiste. Ecrire selon l’ancienne orthographe
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« Mon Algérie», co-écrit avec mon cousin Jean-Pierre Stora, est un hommage à nos parents arrachés du jour au lendemain à leur terre natale… C’était pour eux quelque chose de si douloureux qu’ils refusaient d’en parler et c’est un peu grâce à ce livre que j’ai compris ce qui s’était passé pour eux.
Je suis née moi aussi en Algérie mais j’ai quitté ce pays si tôt que j’ai toujours eu l’impression d’avoir raté un train, celui du bonheur. Mes parents y ont été si heureux !… Pour ma part, l’Algérie a juste eu le temps de m’inoculer le virus du rêve.
Dans « Mon Algérie« , nous avons recueilli les témoignages de 65 personnalités.
Tour à tour passionnés, rageurs, poétiques, évocateurs ou bouleversants, les témoignages de ces personnalités – célèbres ou anonymes – dressent le bilan sentimental et idéologique de ce que fut pour eux l’Algérie « d’avant », puis l’exil. Aux récits des aînés vient s’ajouter la parole des plus jeunes qui n’ont connu l’Algérie qu’à travers la culture familiale et les silences. On est surpris de la curiosité qui les anime.
Alger, la rue où je suis née.. Photo Jean-Pierre Stora
Une palette d’émotions, d’opinions et d’expériences qui contribue à éclairer avec pertinence cette page de l’Histoire brutalement tournée en 1962.
Parmi les personnalités qui s’expriment dans ce livre, citons : Karin Albou, Jean-Luc Allouche, Alexandre Arcady, Roland Bacri, Patrick Bruel, Jean-Claude Brialy, Marie Cardinal, Robert Castel, Edmond Charlot, Hélène Cixous, Jean Daniel, Jean-Pierre Elkabbach, Jacques Fieschi, Nicole Garcia, Louis Gardel, Guy Gilles, Edmond Jouhaud, Pierre Laffont, Enrico Macias, Daniel Mesguich, Jean-Noël Pancrazi, Jules Roy, Jacques Soustelle, Morgan Sportès, Geneviève de Ternant, Marthe Villalonga, Alain Vircondelet… et bien d’autres encore…
L’extrait :
Alger escaliers mogador Photo Jean-Pierre Stora
« Pendant bien des années, je pensais avoir oublié l’Algérie.. Mais elle agissait en moi de manière souterraine… Le chagrin, je l’ai eu beaucoup plus tard, en héritage. C’était celui de mon père qui a tant souffert de quitter cette terre. Il avait un petit commerce, une droguerie. Il aimait l’Algérie et les Algériens, mon père. Il voulait rester à Oran et y finir ses jours. Il disait : « On mettra des babouches mais on restera là ! » Mais mes parents n’ont pu s’y maintenir que deux ans après l’Indépendance : la vie devenait impossible… Moi, j’ai pris le bateau toute seule, à 15 ans, en Avril 1962 (…)
Le port d’Alger
C’est pendant la preparation de mon film “Le balcon sur la mer” que j’ai découvert à la première personne ce chagrin dont je vous parlais. Longtemps, je m’étais dit que c’était seulement celui de mon père..
J’ai tenté de communiquer à Jean Dujardin ma propre émotion pour qu’il puisse jouer le rôle. Je lui ai dit : voilà, c’est indéfinissable. C’est comme une déflagration, comme une enfance perdue qui vous revient. Ce n’est pas du chagrin et pourtant ce sont des larmes… On retrouve ce qui était perdu. Ca reste perdu, on le retrouve quand même, c’est ce paradoxe-là qui donne ce vertige, et je pense, les larmes… »
Dans l'Entretien de France 24, l’historien Benjamin Stora est revenu sur le rapport qu'il a remis au président Macron sur "les mémoires de la colonisation et de la guerre d'Algérie. Il répond aux voix qui, en Algérie notamment, déplorent que le principe d'''excuses" ait été écarté de son travail. Pour le spécialiste de l'histoire algérienne, la "repentance" ou son refus enferment Paris et Alger dans une "polémique politique", qui les empêchent d'"affronter" pleinement leur douloureux passé mémoriel.
Benjamin Stora, qui a remis son rapport sur "les mémoires de la colonisation et de la guerre d'Algérie" le 20 janvier au président Emmanuel Macron, affirme que la décision de présenter des excuses formelles de la France à l'Algérie est du domaine du "politique". Il appelle à plutôt se concentrer sur des "travaux pratiques" qui permettent de réconcilier les mémoires dans les deux pays. L'historien regrette les critiques émises à l'encontre de son rapport en Algérie et l'absence de réaction officielle d'Alger. Il appelle d'ailleurs le président algérien Abdelmadjdid Tebboune à s'exprimer afin d'enclencher une dynamique qui permette des avancées concrètes sur des sujets comme l'ouverture des archives, les disparus et l'éducation.
Selon lui, la reconnaissance par la France de l'assassinat de l'avocat nationaliste algérien Ali Boumendjel serait un geste fort, qui permettrait d'incarner les évéènements, comme lorsque Emmanuel Macron a admis la responsabilité de la France dans la mort du militant pro-FLN Maurice Audin. Benjamin Stora appelle également à plus d'efforts de la part des autorités françaises et algériennes pour identifier les victimes des essais nucléaires français dans le Sahara et éventuellement les indemniser, ajoutant que le même effort devrait être fait à propos de l'utilisation du napalm par l'armée française.
"La question n'est pas de rester dans les slogans politiques, repentance ou à bas la repentance, excuse ou pas excuse. Sinon, on reste dans la polémique politique".
L’historien Benjamin Stora revient sur le rapport qu'il a remis au président Macron sur "les mémoires de la colonisation et de la guerre d'Algérie"
Après avoir tout essayé pour se maintenir en poste, Donald Trump s’est résolu à partir. Heureusement pour la démocratie, rares sont les perdants cloîtrés à ce point dans le ressentiment. Mais pour les chefs d’État, partir est toujours difficile : comment fait-on le deuil du pouvoir ? Peut-on se réinventer ou reste-t-on un éternel « ex » ?
Donald Trump a quitté le pouvoir comme il a gouverné : avec fracas. Son appel à marcher sur le Capitole, le 6 janvier 2021, restera dans les annales. Tout comme ses supporteurs – putschistes et clownesques à la fois – errant dans les couloirs du Congrès, appelant à « pendre Mike Pence », le vice-président, ou taguant sur les murs « Assassinez les médias ».
Une attaque en règle des institutions démocratiques… dans la ville même de George Washington, lui qui avait organisé la première passation de pouvoir démocratique de l’histoire. C’était en 1797. Autre époque, autres mœurs.
Le 6 janvier 2021, pendant quelques heures, la démocratie américaine a tutoyé l’abîme. Elle a finalement tenu, dotée de puissants garde-fous. L’épisode nous rappelle une réalité presque oubliée dans nos républiques bicentenaires : un candidat peut accéder au pouvoir par les urnes et, ensuite, en refuser le verdict.
« Assurer une transition apaisée est fondamental : cela permet la continuité de l’État malgré l’alternance politique »
Vincent Martigny, professeur de science politique
La démocratie, comme tous les régimes politiques, est bel et bien mortelle. « Le vote et le fait de rendre des comptes, donc de quitter le pouvoir, sont les deux expériences démocratiques fondatrices. Si l’un des deux fait défaut, on ne peut plus à proprement parler de démocratie », rappelle Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie à la Sorbonne.
Si quitter le pouvoir suppose de partir en fin de mandat, savoir quitter le pouvoir requiert beaucoup plus. Et, notamment, d’admettre la régularité du scrutin, de concéder ouvertement sa défaite, de reconnaître une pleine et entière légitimité à son successeur… tout ce à quoi s’est refusé Donald Trump ces deux derniers mois.
« Assurer une transition apaisée et une passation de pouvoir sans accroc est fondamental : cela permet la continuité de l’État malgré l’alternance politique », indique Vincent Martigny, professeur de science politique à l’université de Nice et à l’École polytechnique. Quitter le pouvoir avec la manière ne relève donc pas que de l’élégance républicaine, encore moins du savoir-vivre : c’est l’essence même du processus démocratique.
Qui pouvait imaginer que Donald Trump, qui avait avalisé le scrutin de 2016 (après avoir néanmoins déjà dénoncé une « fraude massive » l’ayant empêché de remporter le vote populaire), torpillerait à ce point, quatre ans plus tard, le processus électoral ? Qui pouvait imaginer qu’il jouerait autant la meute (les affidés de QAnon, les Proud Boys, les suprémacistes blancs…) contre le peuple ?
Sa démagogie assumée, son art consommé des infox, ses diatribes incendiaires sur Twitter et sa façon d’ériger ses détracteurs en « ennemis du peuple » avaient alerté certains avant même sa prise de fonction. Barack Obama était de ceux-là.
« Nous ne sommes que des occupants temporaires de ce poste »
Barack Obama
Adressant en 2016, comme le veut la tradition, un courrier à son successeur pour son arrivée à la Maison-Blanche, le démocrate avait écrit à Donald Trump : « Nous ne sommes que des occupants temporaires de ce poste. Cela fait de nous des gardiens des institutions et des traditions démocratiques telles que l’État de droit, la séparation des pouvoirs, la protection des droits civiques. (…) Quelles que soient les tensions politiques au jour le jour, il nous appartient de laisser ces instruments au moins aussi forts que dans l’état dans lequel nous les avons trouvés. » Des mots glaçants de prémonition.
Quitter le pouvoir n’est jamais aisé. Et plus encore lorsqu’on a occupé la fonction suprême. On préside aux destinées d’un pays et, du jour au lendemain, on appartient au passé. Exit la puissance, fini les honneurs, bienvenue chez les « ex ». Ex-président de la République, ex-chancelier, ex-premier ministre, ex-président du Conseil… Qu’importe le titre, votre place est désormais dans les livres d’histoire !
La plupart des sortants accusent pourtant le coup et font bonne figure. Conscients des enjeux, ils savent se hisser à la hauteur de l’événement. Certains veillent même, par quelques gestes symboliques, à asseoir la légitimité de leur successeur. Ainsi, George Bush père, sèchement battu par Bill Clinton en 1992, s’était montré magnanime dans la défaite.
S’adressant à son successeur dans le courrier qu’il lui a laissé pour sa prise de fonction, il écrivait ceci : « Votre succès est le succès de votre pays. (…) Je vous soutiens totalement. (…) Ne laissez pas les critiques vous décourager ou vous faire dévier de votre trajectoire. »
Le 8 mai 1995, François Mitterrand convie Jacques Chirac, élu la veille pour lui succéder, à la célébration du cinquantenaire de l’armistice de la Seconde Guerre mondiale. Depuis, chaque président sortant a invité son successeurs à ces commémorations, en symbole de la transition pacifique du pouvoir. / RINDOFF-FIZET/BESTIMAGE
Des destins hors normes
Autres latitudes, autre geste. François Mitterrand marque les consciences, le 8 mai 1995, en invitant Jacques Chirac, élu la veille, à participer à ses côtés aux commémorations de la victoire des Alliés. À l’époque, quelques esprits chagrins avaient raillé leur complicité (surjouée, à leurs yeux), ratant par là même la force du symbole : deux hommes – et, à travers eux, deux camps – faisaient fi des querelles partisanes au nom de l’intérêt supérieur du pays. La tradition s’est d’ailleurs perpétuée depuis.
Gare, toutefois. Ces leçons de dignité peuvent cacher une fausse sérénité. Souvent, le départ a des allures de deuil. « Il y a un vrai travail psychique à engager », insiste le psychanalyste Roland Gori, auteur de La Nudité du pouvoir (Les Liens qui libèrent, 2018).
« Quitter le pouvoir fut douloureux pour tous les présidents de la Ve République »
Jean Garrigues, professeur d’histoire politique
Reprenant à son compte la théorie des « deux corps du roi », il l’applique à la figure présidentielle : « Le président est doté d’un corps personnel, physique, mais aussi d’un corps symbolique, politique, voire quasi mystique. Ces deux corps s’unissent en lui le temps de son mandat mais, au moment de partir, il lui faut faire le deuil du corps politique pour se replier sur son seul corps de mortel. Il y a là quelque chose de l’ordre de… l’amputation. C’est forcément violent. »
Sur le perron, au moment du départ, les sourires de façade masquent de vrais tourments. « Quitter le pouvoir fut douloureux pour tous les présidents de la Ve République », considère Jean Garrigues, professeur d’histoire politique à l’université d’Orléans, auteur des Perdants magnifiques (Tallandier, 2020).
Charles de Gaulle, l’orgueil blessé
À commencer par le premier d’entre eux, le général de Gaulle. Jouant son destin à quitte ou double au référendum du 27 avril 1969, il perd et quitte l’Élysée dans la foulée. La nuit même des résultats, il envoie un communiqué à l’AFP : « Je cesse d’exercer mes fonctions de président de la Ve République. Cette décision prend effet aujourd’hui à midi. » Deux lignes, pas une de plus. Plus laconique, on ne fait pas.
« Je ne suis plus concerné »
Général de Gaulle
« Je ne suis plus concerné », répète-t-il ensuite à ceux qui lui rendent visite à Colombey-les-Deux-Églises. Un détachement en guise d’armure. Car, derrière la bouderie somptueuse, l’homme est éprouvé, l’orgueil à jamais blessé. À sa mort l’année suivante, Yvonne, sa confidente de toujours, aura d’ailleurs ces mots devant la dépouille de son mari : « Il a tant souffert depuis deux ans… » (1).
Le 28 avril 1969, le général de Gaulle annonce sa démission au lendemain de<br/>la victoire du « non » au référendum sur la régionalisation et la réforme<br/>du Sénat. / Gamma/Keystone via Getty Images
Jacques Chirac, le sourire brisé
Ses successeurs tairont, eux aussi, la mélancolie de l’après-pouvoir. Elle affleure parfois dans leurs Mémoires. « Une formule de bon sens recommande de savoir quitter le pouvoir avant qu’il ne vous quitte’. (…) J’ai mis du temps à m’habituer à l’idée. (…) En fait, je ne crois pas m’y être réellement préparé », écrit Jacques Chirac dans les dernières pages des siens (voir ci-dessous).
« Savoir quitter le pouvoir avant qu’il ne vous quitte »
Jacques Chirac
Lui qui s’était si souvent répété en lorgnant sur l’Élysée « chaque pas est un but » quitte le palais présidentiel en mai 2007 le sourire brisé. Qu’il est loin ce jour de décembre 1994 quand il planifiait ses vieux jours avec Jean-Louis Debré : « Si je ne suis pas élu, on va ouvrir une agence de voyages. Tu vas la tenir et moi je vais voyager ! » Fini de blaguer, vingt ans plus tard, au moment de se mettre en retrait du pouvoir, absent aux autres et, certains jours, absent à lui-même.
François Hollande, la rude rupture
François Hollande ne s’épanche pas beaucoup plus sur son retrait. Mais, là encore, quelques lignes dans ses Mémoires (voir ci-dessous) trahissent la blessure que constitue son départ de l’Élysée et, plus encore, son choix de ne pas briguer de second mandat.
«D’un agenda surchargé à la page blanche, la rupture fut rude»
François Hollande
Revenant sur l’allocution dans laquelle il l’annonce aux Français, le socialiste précise qu’elle dure sept minutes et que ce sont là « sans doute les plus longues de (sa) vie ». Sur son retour à la vie civile, il dit sa difficulté à passer « d’un agenda surchargé » à « la page blanche » et finit par concéder : « la rupture fut rude ».
Le 14 mai 2017, François Hollande accueille Emmanuel Macron à l’Élysée pour la passation de pouvoir. / Denis Meyer/Hans Lucas
Valéry Giscard d’Estaing fut, au fond, le seul à assumer la douleur du départ. Et à dire combien son renvoi, en 1981, l’avait meurtri. Figé dans son geste d’adieu – un « Au revoir » se voulant simple mais qui, par ses accents tragiques, frisait le ridicule –, l’ancien président s’épancha à plusieurs reprises sur ses tourments d’après-défaite.
« Ce que je ressens n’est pas de l’humiliation, mais la frustration de l’œuvre inachevée. »
Valéry Giscard d’Estaing
« Ce que je ressens, ce n’est pas de l’humiliation mais quelque chose de plus sévère : la frustration de l’œuvre inachevée, écrit-il dans ses Mémoires (voir ci-dessous). J’en garderai une morsure d’une inguérissable nostalgie. » Revenu en politique, l’ancien président s’est longtemps rêvé en recours à droite. En vain. À chaque fois qu’une présidentielle approchait, ses espoirs de revanche s’éclipsaient.
Le 21 mai 1981, Valéry Giscard d’Estaing embrasse le drapeau brandi par la Garde nationale avant de quitter le palais présidentiel, où François Mitterrand lui succède après sept ans de mandat. / Rapho/Gamma
« Il faut une telle hybris, un tel narcissisme pour arriver jusqu’à la présidence qu’on ne peut pas bien vivre sa fin de mandat », affirme le chroniqueur Alain Duhamel. À l’entendre, la souffrance des « ex » serait à l’aune de leur ambition pour accéder au pouvoir suprême : démesurée.
En France comme ailleurs. On imagine l’amertume de Donald Trump après sa défaite en novembre, lui qui peut tweeter sans l’ombre d’un second degré : « Je ne suis pas intelligent, je suis un génie. » Céder sa place est toujours rude, mais sans doute l’est-ce plus encore lorsqu’on est doté d’un ego qu’aucun surmoi ne canalise.
« Tout le monde a son heure de gloire, mais certaines heures durent plus longtemps que d’autres »
Winston Churchill
La trace, fragile et éphémère, laissée dans l’Histoire ajoute encore à la frustration des sortants. Car, tous le savent, seule une poignée d’entre eux se fraie une place dans la mémoire collective. « Tout le monde a son heure de gloire, mais certaines heures durent plus longtemps que d’autres », s’amusait Winston Churchill, convaincu pour sa part d’avoir marqué le siècle. En France, le général de Gaulle pensait de même. « L’Histoire, c’est la rencontre d’une volonté et d’un événement », répétait l’homme du 18-Juin, en parlant de lui…
François Mitterrand
Voilà pour les destins hors norme. Mais quid de tous les autres ? La plupart des dirigeants ne croient pas à leur postérité. Ou feignent, par coquetterie peut-être, de ne pas y croire… C’était le cas de François Mitterrand.
« On se souvient tout juste de Toutankhamon. Que dira-t-on de moi dans quelques milliers d’années ?
François Mitterrand
Obsédé par l’idée de laisser sa trace dans l’Histoire, et ayant tenté de « griffer le temps » avec ses grands travaux, le socialiste n’en déclarait pas moins en avril 1995, à la veille de son départ : « On se souvient tout juste de Toutankhamon. Que dira-t-on même du général de Gaulle, de Pompidou, de Giscard, de moi et du prochain dans quelques milliers d’années ? »
Voilà qui rappelle Marguerite Yourcenar, sondeuse géniale des états d’âme de l’empereur romain Hadrien (2), qui définissait la postérité ainsi : des « siècles de gloire » précédant des « millénaires d’oubli ».
Faire son deuil du pouvoir est d’autant plus douloureux que chacun aurait souhaité faire plus, mieux, plus vite. « La marge d’action des politiques devient de plus en plus étroite du fait de la mondialisation et de l’hégémonie du marché, analyse Alain Duhamel. On assiste à une forme de dépossession du politique : les ressorts du pouvoir se brisent les uns après les autres et les hommes de gouvernement ont parfois le sentiment de n’être que des figurants. »
En 2020, François Hollande et Nicolas Sarkozy participent aux commémorations du 8 mai dans un format très restreint, en raison de la crise du coronavirus. / Jean-Claude Coutausse/Divergence
Rester en poste le plus longtemps possible
Grisés par la puissance au départ, tous ensuite se cognent au réel : le temps file, les réformes achoppent, l’impopularité gagne. D’où l’envie de la plupart d’entre eux de se maintenir en poste. Qu’importe l’âge ou la maladie !
Illustrations. À son retour en 1958, le général de Gaulle est presque septuagénaire. Il n’hésite d’ailleurs pas à jouer de son âge : « Pourquoi voulez-vous qu’à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ? »
De l’autre côté de la Manche, Winston Churchill a 77 ans lors de son come-back au 10 Downing Street, en 1951. Le président Pompidou est emporté par la maladie alors qu’il était en fonction, à l’instar de Franklin Roosevelt, décédé en poste après avoir été élu quatre fois à la tête des États-Unis. Une réforme, votée en 1947, limitera ensuite à deux le nombre de mandats présidentiels outre-Atlantique.
Tous les présidents américains ou presque se représenteront à l’issue de leur premier mandat, non sans succès (Eisenhower, Nixon, Reagan, Clinton, Bush Jr., Obama). Qu’on ne s’y trompe pas, rester en poste le plus longtemps possible n’est pas une manie propre aux régimes présidentiels.
Les grandes démocraties parlementaires n’échappent pas à la règle, comme en témoigne la longévité de Margaret Thatcher à la tête de l’Angleterre, les reconductions successives de Helmut Kohl ou d’Angela Merkel à la tête de l’Allemagne, ou encore les allers-retours successifs de Silvio Berlusconi au Palais Chigi…
« Pour certains, l’exercice du pouvoir relève quasiment de la raison d’être »
Jean Garrigues
Certains tentent un retour, mais en vain. Comme Nicolas Sarkozy, candidat malheureux des primaires de la droite en 2016. Son souhait de revenir aux affaires avait surpris jusque dans son propre camp, lui qui affirmait, les yeux dans les yeux, à Jean-Jacques Bourdin lors de la campagne présidentielle de 2012 : « Si je perds, j’arrête la politique. »
Peut-être, sur le coup, était-il sincère ? Présider aux destinées d’un pays est un immense honneur mais l’âpreté de la tâche, le poids des responsabilités, la solitude de celui qui a le dernier mot peuvent aussi, certains jours, relever du fardeau. Nicolas Sarkozy, alors président, s’en était d’ailleurs confié à Charles Jaigu, journaliste au Figaro, en 2010 : « Aujourd’hui, mon travail me passionne, mais cette vie ne me plaît pas. »
Pourquoi revenir alors ? « Parce que, pour certains, l’exercice du pouvoir relève quasiment de la raison d’être », décrypte Jean Garrigues. Peut-être y avait-il de cela chez Nicolas Sarkozy, lui qui avoue sans fard être « tenaillé » par l’ambition présidentielle depuis l’adolescence (3). « On peut voir, chez tous ces politiques attachés au pouvoir, une question d’ego, bien sûr. Mais il n’y a pas que cela : derrière cette ambition, il y a aussi la volonté d’aller jusqu’au bout d’un projet politique », nuance l’universitaire.
Jimmy Carter assiste comme observateur aux élections générales au Liberia, en octobre 2005. Depuis la fin de son mandat, l’ancien président des états-Unis milite pour la paix et les droits de l’homme au sein de son ONG, le Carter Center. / Chris Hondros/Getty Images
Ceux qui passent le cap
D’autres passent sans difficulté le cap de l’après-pouvoir. En intégrant, par exemple, les instances internationales : ce fut le cas de Tony Blair, l’ancien premier ministre britannique nommé ensuite émissaire du Quartet pour le Moyen-Orient, ou de son successeur, Gordon Brown, qui a depuis rejoint le Forum économique mondial.
Certains se reconvertissent plutôt dans le privé, comme les ex-chanceliers allemands Helmut Schmidt (devenu rédacteur en chef de l’hebdomadaire Die Zeit) ou Gerhard Schröder (recruté par le géant russe Gazprom).
La plupart de ces « ex » donnent des conférences aux quatre coins du globe, faisant fructifier leur carnet d’adresses. Au risque d’alimenter la polémique, comme ce fut le cas de l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso, recruté par la banque Goldman Sachs et soupçonné ensuite de faire du lobbying… auprès de l’Union européenne.
Le rajeunissement de la classe politique devrait banaliser encore ce type de reconversion. Emmanuel Macron, dépeint un temps comme un météore politique pour avoir accédé à l’Élysée à 39 ans, est désormais entouré de quadras en Europe.
Le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, a 35 ans. Son alter ego danoise, Mette Frederiksen, vient de fêter ses 42 ans. La première ministre finlandaise, Sanna Marin, a tout juste 35 ans. Leur homologue belge, Alexander De Croo, a 45 ans. Jacinda Ardern, à la tête de la Nouvelle-Zélande, vient de passer le cap de la quarantaine.
« Cette génération a accédé aux responsabilités en sachant pertinemment qu’elle se reconvertirait un jour », note Vincent Martigny, professeur de science politique à l’école polytechnique. Il y a une vingtaine d’années encore, prendre les rênes d’un pays signait la fin d’une longue ascension politique. C’est de moins en moins vrai. De quoi, sans doute, rendre moins douloureux le départ…
D’autres encore, comme Bill Clinton ou Nelson Mandela, choisissent de « servir autrement » leur pays, en créant une fondation. Mais, là encore, les pratiques évoluent : le couple Obama, convaincu du pouvoir de l’image, a créé une société de production, Higher Ground, promouvant les questions « de race, de classe, de démocratie et de droits civiques ». Des documentaires labellisés « Obama » sont aujourd’hui diffusés sur Netflix dans le monde entier.
« Une manière de continuer à façonner l’opinion et, quelque part, à gouverner les conduites », décrypte le psychanalyste Roland Gori. On repense alors à la célèbre formule de Carl von Clausewitz : « La guerre n’est rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens. » Deux siècles plus tard, on pourrait réécrire la fameuse maxime : la guerre de l’image n’est rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens…
« Ma foi exige que je fasse tout ce que je peux, où que je sois, chaque fois que je le peux, aussi longtemps que je le peux »
Jimmy Carter
Plus rare, certains « ex » se réinventent totalement. Jimmy Carter est de ceux-là. Élu à la Maison-Blanche à 52 ans, il est battu en 1980 par Ronald Reagan. Douze ans plus tard, le démocrate se voit décerner le prix Nobel de la paix pour ses médiations dans différents conflits internationaux.
« Ma foi exige que je fasse tout ce que je peux, où que je sois, chaque fois que je le peux, aussi longtemps que je le peux », expliquait-il. Son engagement témoigne aussi d’une certaine conception de la politique : la politique comme recherche insatiable du bien commun, et non comme recherche obstinée des honneurs.
Ainsi accueillit-il sans rancune cette remarque du comité Nobel lors de la remise de son prix : « L’Histoire ne retiendra peut-être pas Jimmy Carter comme le président le plus efficace des États-Unis. Mais il est assurément le meilleur ancien président que ce pays ait jamais eu. » Preuve qu’il y a une vie après la présidence ! Puisse Donald Trump, entre deux swings sur les greens de Floride, s’en convaincre…
Donald Trump et Melania, sur la base aérienne Andrews, dans le Maryland, pour la cérémonie de fin de mandat, le 20 janvier 2021. Contrairement à la tradition, il n’assistera pas à la cérémonie d’investiture de son successeur. / Stefani Reynolds/UPI/MAXPPP
Pour aller plus loin
► Un podcast
« Quitter le pouvoir »
Dans ce podcast en trois épisodes, « La Fabrique de l’histoire », sur France Culture, revient sur les départs de l’Élysée sous la Ve République. Que dire lorsque l’on quitte ses fonctions ? Quels souvenirs laisse-t-on dans la mémoire collective ? Pourquoi certains choisissent-ils de dresser leur bilan et de faire leurs adieux, quand certains décident de ne rien dire ? Autant de questions auxquelles journalistes et politiques répondent
L’ouvrage retrace les derniers jours des présidents de la Ve République. Il permet de toucher du doigt l’ambiance des fins de règne mais aussi la vérité de l’homme derrière le dirigeant. Le tout sans verser dans l’impudeur, ni le pathos.
Sous la dir. de Solenn de Royer et d’Alexis Brezet, Éd. Perrin-Le Figaro, 280 p., 17,90 €.
► Un film
Le Promeneur du Champs-de-Mars
Ce long-métrage, adaptation du roman de Georges-Marc Benamou (Le Dernier Mitterrand), retrace la fin de la vie et les dernières semaines à l’Élysée de l’ancien président, incarné à l’écran par un Michel Bouquet bluffant… et césarisé pour le rôle !
De Robert Guédiguian, 2005, 1 h 57.
► Un débat
« De Gaulle, l’homme derrière le mythe »
Diffusé sur Public Sénat à l’occasion des 50 ans de la mort du Général, ce documentaire suivi d’un passionnant débat revient sur les derniers mois de la vie du grand homme.
Si l’Algérie connaît actuellement de grandes difficultés, si elle vit dans un tel chaos, si la jeunesse ne sait plus vers qui se tourner à la recherche de repères, de valeurs, si le pays est aujourd’hui sur le fil du rasoir, c’est parce qu’il a oublié, occulté son passé. Le présent, l’avenir d’un peuple ne peuvent exister qu’à partir d’un passé, d’une mémoire. Mais la révolution a été effacée, gommée. Ceux-là même qui y ont participé se sont tus, comme s’il fallait surtout ne plus en parler, ne pas gêner en quelque sorte. De même que la Révolution française fut un modèle pour les pays européens, la révolution algérienne a été et reste le modèle et le symbole de la libération pour les pays du tiers monde. Par le million et demi d’Algériens qui alors ont donné leur vie, l’Algérie a été la banque de sang du continent africain. Elle a permis la libération de tous ces pays, elle fut leur phare. La révolution a été le fait du peuple, d’hommes et de femmes farouchement déterminés et indomptables, des rebelles, à l’instar de Si Azzedine qui livre ici son expérience. Avec ce livre, il a voulu faire œuvre de témoin de l’Histoire au quotidien. Les événements se déroulent ici de l’intérieur, sur le terrain, au milieu du peuple et avec lui. Si Azzedine se revendique comme Algérien ayant combattu au milieu et avec le peuple. S’il a mené à bien sa « mission », comme il le dit, c’est qu’il l’a menée en communion totale avec ses compagnons de lutte. L’intérêt tout particulier de ce livre réside dans cette narration au quotidien, sans concession aucune…
VIDEO A l’occasion des 50 ans de l’indépendance de l’Algérie nous permet de découvrir des images de Jean-Pierre Laffont qui fut, avec son épouse Eliane, un pilier historique des agences Gamma et Sygma. En revisitant ses archives, Jean-Pierre a exhumé des images faites dans sa jeunesse d’officier chargé de la vie d’un douar.
Au début de l’année, alors que j’exposais les photos, réalisées par mon père, du camp de harkis de La Londe-les-Maures dans le Var, il m’écrivait : « J’ai adoré les photos de ton père. Sous-bite (ndlr : jargon militaire pour sous-lieutenant), j’avais une harka en Algérie en 1961 jusqu’en avril 1962. Je viens de scanner une cinquantaine d’images que j’ai réalisées là-bas. » Le jeune officier appelé crée une école, un dispensaire médical. Il fait de son mieux, avec cœur. Achète des fournitures scolaires à Oran sur sa solde, se démène pour ces citoyens de seconde zone que sont alors les algériens. Arrive le cessez-le-feu, l’indépendance et il doit ré-embarquer pour « la métropole » en laissant derrière lui ses harkis qui ne sont autorisés à le suivre qu’en abandonnant leur famille. Cruelles et inacceptables conditions. Jean-Pierre Laffont en restera marqué pour le restant de ses jours. Ses photos montrent déjà chez le jeune homme une belle maîtrise du cadrage et un sens du récit en images. Merci à lui et à Jean-François de ce témoignage émouvant.
Pierre Laffont, ancien député d'Oran, ancien directeur de l'Echo d'Oran, est décédé le 17 mars à l'âge de quatre-vingts ans.
Né le 12 mars 1913 à Marseille (Bouches-du-Rhône), où son père était directeur de la Compagnie générale transatlantique, Pierre Laffont s'est lancé dans le journalisme en Algérie après avoir obtenu sa licence en droit. Fondateur de l'Echo-Soir et de l'Echo-Dimanche, il est directeur général de l'Echo d'Oran jusqu'à la nationalisation de celui-ci par les autorités de l'Algérie indépendante en septembre 1963. Commissaire général de la Foire d'Oran de 1953 à 1955, Pierre Laffont est élu député d'Oran en 1958 et adhère au groupe des élus d'Algérie et du Sahara, devenu ensuite le Groupe unité de la République (GUR), dont il devient le secrétaire général ajoint. En février 1960, il quitte le GUR pour siéger sur les bancs des non-inscrits jusqu'en mai 1961, date à laquelle il se démet de son mandat de député et met un terme à ses fonctions d'éditorialiste pour protester contre le fait que " seuls les extrémistes des deux bords sont écoutés ".
Durant toute la période des " événements ", Pierre Laffont s'est montré un chaud partisan de l'intégration et un adversaire résolu de l'indépendance _ " l'indépendance de l'Algérie, c'est la flotte russe à Mers-el-Kébir ", _ position qui l'a conduit à se heurter au général de Gaulle, qui lui rétorquera le 27 avril 1959 par la célèbre phrase : " L'Algérie de papa est morte, et si on ne le comprend pas on mourra avec elle. " Mais dans le même temps Pierre Laffont dénonce la torture et les exactions de l'OAS et se classe ainsi dans le camp des " libéraux ".
Après l'indépendance, il devient, en 1964, à Paris le président-directeur général de la société éditrice Constellations et entre au conseil d'administration de la Société des éditions Robert Laffont (son frère). En février 1966, il devient secrétaire général des Editions Pierre-Charron (groupe Paris-Match). Au sein de la communauté des expatriés d'Algérie, il milite au Recours, dont il est nommé coordonnateur.
Sept moines français, enlevés à Tibéhirine, en Algérie, en 1996, ont vraisemblablement été tués plusieurs semaines avant la date avancée dans une revendication d'islamistes algériens, selon une expertise judiciaire dont l'AFP a eu connaissance jeudi.
Seules les têtes avaient été retrouvées et leur analyse évoque l'hypothèse d'une décapitation après les décès qui avaient provoqué une vive émotion en France. Trois thèses coexistent pour expliquer ce crime: la version officielle algérienne d'un acte imputable au Groupe islamique armé (GIA), celle d'une bavure de l'armée algérienne, ou celle d'une manipulation des services militaires algériens pour discréditer le GIA ou se débarrasser des moines, enlevés dans leur monastère dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, en pleine guerre civile.
"L'hypothèse d'un décès entre le 25 et le 27 avril 1996, tel qu'il est évoqué dans une pièce de procédure, apparaît vraisemblable", selon les conclusions de cette expertise datée de lundi et présentée jeudi aux proches des sept moines assassinés. Ce délai ne peut que renforcer les interrogations des familles, qui doutent de la thèse officielle.
Les auteurs d'un communiqué signé du GIA rendu public le 23 mai 1996 et daté du 21 avaient revendiqué les assassinats et affirmé avoir envoyé, le 30 avril 1996, "un messager à l'ambassade de France" pour "confirmer que les moines sont toujours vivants", ainsi qu'"une lettre qui précise la façon de négocier". Ces dates ne concordent pas avec l'expertise, dont les résultats ont été présentés jeudi aux familles par le juge antiterroriste français Marc Trévidic.
Autre élément troublant qui renforce la thèse d'une manipulation pour masquer les causes de la mort des religieux: les résultats des examens des têtes des moines plaident "en faveur d'une décapitation post mortem", selon l'expertise. Les têtes, retrouvées au bord d'une route le 30 mai 1996, ont sans doute été exhumées pour être de nouveau enterrées: "Les éléments botaniques et la présence de terre différente de celle du cimetière de Tibéhirine observés dans et sur les crânes sont en faveur d'une première inhumation", estiment les experts.
"En l'absence des corps" qui n'ont jamais été retrouvés, la cause des décès "ne peut pas être affirmée", mettent-ils toutefois en garde. "Il est retrouvé des lésions évocatrices d'égorgement chez trois d'entre eux, égorgement suffisant pour être à l'origine directe de la mort", notent-ils aussi.
En revanche, les têtes ne présentent pas de traces de balles, ce qui fragilise la thèse d'une bavure de l'armée algérienne qui aurait tué par erreur les moines en tirant depuis un hélicoptère sur un bivouac jihadiste. De même, les experts, qui s'étaient rendus en Algérie en octobre avec le juge Trévidic pour exhumer les têtes des moines, n'ont pas relevé "de lésions pouvant correspondre à des coups portés directement par objet contondant".
Mais, là encore, "en raison de l'absence des corps, il n'est pas possible de dire s'il y a eu (...) des mauvais traitements, coups ou tortures". Les experts regrettent que les autorités algériennes ne les aient pas laissés ramener les prélèvements faits sur place: "La transmission et l'exploitation des prélèvements réalisés lors de l'exhumation sont hautement souhaitables".
AFP
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Le 03/07/2015 à 00:39, Enchantant a dit :
Est-ce que la judiciarisation extrême de notre société,
Tenter de traduire devant une cour pénale des auteurs de crimes de sang ne répond pas à la définition de la "judiciarisation de la Société", qui vise elle l'explosion de l'engagement de la responsabilité civile.
Il ne me semble pas ahurissant que l'on cherche à savoir qui est l'auteur réel de cet assassinat de groupes et si l'Etat algérien a fait alors montre d'une bien sinistre duplicité.
La France doit-elle accepter sans sourciller que sept de ses ressortissants, qui plus est victimes de leur profond dévouement pour les populations près desquelles ils vivaient, aient été sacrifiés sur l'autel des coups tordus d'une guerre civile étrangère ? Les Français doivent-ils servir de pions massacrables à loisir pour des régimes depuis longtemps illégitimes ?
A la ferme Brincourt -Cherchell- ou je me suis aussi séjourné pendant 2 mois lors de mes classes .
« Photo prise la nuit de noel 1959 dans la ferme Brincourt.,de retour d'embuscade au plateau sud.
Sur la photo,de face au premier plan, EOR Morera tué quelques mois plus tard le 04 10 1960.
Derrière lui EOR Paul Favre Miville,venu et retourné aux paras colos, puis devenu frère Paul, assassiné avec d'autres moines trappistes près de Médea (Tibéhirine 21 Mai 1996).
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