des premières chercheuses à avoir mis en débat scientifique la violence de l’armée coloniale française et la torture érigée en système par la France pendant la guerre d’Algérie.
Le silence, ce n'est pas simplement quelqu'un qui ne parle pas, c'est aussi parfois, des gens qui n'écoutent pas, des gens qui ne questionnent pas.
(Raphaëlle Branche)
Elle publie ainsi la première thèse sur le sujet, qui a donné lieu au livre La Torture et l’Armée pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), paru en 2001 aux éditions Gallimard. Une œuvre transgressive à l'époque, car s’attaquer au sujet des violences illégales de l’armée française était encore tabou.
Cette douleur, même si elle est gardée cachée (…), peut irradier, se transmettre par des gestes, des mots, des attitudes, des relations aux autres, au monde (...) et marquer bien au delà de la personne qui a été d'abord concernée ou touchée.
(Raphaëlle Branche)
Aujourd'hui, Raphaëlle Branche publie Papa, qu'as-tu fait en Algérie ? Enquête sur un silence familial (La Découverte, septembre 2020), une recherche qui vise à comprendre les « structures de silence » ayant entouré la guerre d’Algérie. Les principaux intéressés ne sont pas seulement des anciens appelés, jeunes à l'époque, mais bien leurs familles, unité d’analyse à part entière dont l'historienne recueille les témoignages. Les familles constituent en effet un objet d'histoire rarement identifié par les historiens du contemporain, alors qu'elles sont un lieu de construction de la mémoire et de la transmission.
Il m'a fallu créer ces sources, les inventer, c'est à dire, aller dans les familles françaises dont un des membres avait été soldat appelé en Algérie et les questionner, pas simplement sur le silence : la question, c'était les transmissions, ce qu'ils ont dit, ce qu'ils n'ont pas dit, ce qu'on leur a demandé, ce qu'on n'a pas osé leur demander.
(Raphaëlle Branche)
L’ouvrage lui a valu le prix Augustin Thierry, qui valorise des travaux d’histoire contemporaine.
La capacité à parler a à voir avec ce qu'une société et ce que les familles sont prêtes à entendre; en 1992, c'était le début, ça frémissait. Il va falloir attendre encore dix ans pour que vraiment quelque chose d'autre arrive.
Raphaëlle Branche
Raphaëlle Branche est professeure d’histoire contemporaine à l’Université de Paris Nanterre.
LE 10/11/2020
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/raphaelle-branche
Les commentaires récents