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Rédigé le 10/10/2020 à 20:36 dans Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Le 1er novembre 2020 après 190 ans de captivité en France (1830-2020)
En vue de la libération prochaine et du rapatriement de Baba Merzoug, captif depuis 190 ans en France dont 187 ans à Brest, nous avons, suite à un sondage, l’honneur de soumettre aux autorités nationales, locales, aux organismes et associations du patrimoine et de la mémoire nationale, notre souhait de projet d’aménagement du site d’érection du canon Baba Merzoug à la Place des Martyrs à Alger, sur l’emplacement de l’ex statue équestre d’Henri d’Orléans duc d’Aumale qui a été remise par l’Algérie à la France en 1963.
LETTRE DE BABA MERZOUG A SES ENFANTS
Brest, le 1er septembre 2020
Je vous salue et vous raconte mon histoire et celle de MadinaDzaïr :
Je suis né en 1542 à Dar Nhass, la fabrique d’armes, installée près de la porte de Bab El Oued, de mon père Sébastiano Cornova, originaire de Venise et de ma mère El Jazaïr, mariés par Kheireddine Barberousse, Sultan d’Alger, grand héros de la Marine Algérienne, qui a chassé les espagnols en 1529, détruit leur forteresse (Penon), construit le port d’Alger et fondateur de l’Etat Algérien dans ses frontières Est et Ouest actuelles.
Grâce au génie de mon père, je suis le plus grand canon, car je mesure 6,25 mètres de long et je tirais les obus sur 4.872 mètres.
En 1560, âgé de 18 ans, j’ai épousé la belle MadinaDzaïr (appelée improprement Casbah par les français du nom du Ksar-palais du Dey) et me suis installé sur le môle Kheireddine Barberousse, pour être à l’avant-garde de la défense de ma belle bien aimée convoitée par les Sultans de l’Europe.Avec mes frères canons plus petits mais tout aussi redoutables, nous défendions si bien MadinaDzaïr qu’elle a pris le nom d’El Mahroussa, la bien gardée.
Tellement bien protégée que les habitants m’ont honoré en me donnant par affection le nom de Baba Merzoug qui veut dire à la fois : « Le béni, bienfaiteur et porte bonheur » car je tirais juste et loin, empêchant tout bateau ennemi d’approcher de ma belle bien aimée MadinaDzaïr.
L’inviolabilité par sa baie, pendant des siècles a endormi le Dey Hussein et son armée, malgré les menaces depuis le 14 juin 1827 et le plan d’invasion du commandant-espion Boutin, commandé par Napoléon en 1808 et les menaces depuis 1827. La pénétration par la plage ouest de Sidi Fraj (Sidi Ferruch) des 37.000 Français, le 14 juin 1830 à l’aube et l’occupation d’Alger, le 5 juillet 1830 à 10 heures, ont été facilitées par l’inconscience du Dey et de son armée, qui n’ont pas su protéger leurs arrières.
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C’était le jour le plus triste de ma vie : retraité et désarmé, sous une voûte de l’Amirauté, je ne pouvais plus défendre ma maison, ma femme et mes enfants.
Ma grande réputation a fait que l’amiral Duperré, commandant la flotte d’invasion (675 navires), a décidé de me déporter en France comme trophée de guerre et de me donner un surnom féminin La Consulaire pour humilier le viril combattant que j’étais.
Prisonnier sous le numéro 221, j’ai été embarqué le 6 août 1830 à bord du bateau La Marie Louise, commandé par le capitaine Caspench. Dans la lettre adressée à son Ministre de la Marine, l’Amiral Duperré avait écrit : « C’est la part de prise à laquelle l’armée attache le plus grand prix ».
Après 3 ans de captivité à Toulon, on m’a transféré le 27 juillet 1833 à Brest.
Pour me torturer, on m’a érigé en colonne dans la cour de l’arsenal du port de Brest, face à l’Océan Atlantique, entouré de barreaux et suprême humiliation, on m’a mis un Serdouk (coq symbole de la France) sur ma bouche, cette bouche de feu qui a craché des milliers d’obus contre les flottes ennemies.
En 1919, j’étais heureux d’apprendre que mon retour à la Maison Algérie, avait été exigé par des Français Henri Klein et l’Amiral Cros, du Comité du Vieil Alger, association de défense du patrimoine de l’Algérie.
De 1940 à 1945, les Allemands qui occupaient la France, venaient m’admirer car eux aussi avaient pendant la 1ère guerre mondiale, un canon géant surnommé La Grosse Bertha.
Pourquoi ce surnom féminin pour des canons symboles de virilité ?
Au début, j’étais content de voir mes geôliers, colonisés et humiliés à leur tour mais j’ai vite compris que les nazis sont des fascistes qui oppriment le peuple de France et je pensais naïvement qu’une fois la France libérée, elle nous accordera à notre tour, la liberté.
Pendant l’occupation Allemande, les gens de Brest, me considérant Marabout, car venant d’Afrique, venaient solliciter ma Baraka, mes prières et mes incantations pour la liberté de la France et qui me disaient-ils, me rendra ma liberté.
Ils étaient tellement de bonne foi et sincères que j’y croyais et je priais pour nos libertés.
Lors du débarquement américain et anglais en Afrique du nord le 8 novembre 1942, suivi du débarquement sur les plages Françaises le 6 juin 1944, j’étais heureux pour la libération du peuple de France et à l’idée de notre proche liberté.
Rage et désespoir, quand j’ai appris les massacres du 8 mai 1945 et ses milliers de morts en Algérie, au moment où le peuple de France fêtait sa libération.
Et pourtant, les Américains avaient promis de libérer les pays d’Afrique du nord qui étaient sous le régime pro-nazi de Vichy, promesse écrite du Président Roosevelt et du Général Eisenhower !
(Tract bilingue Arabe / Français de l’Opération Torch / Débarquement Afrique du nord 1942).
Désillusion et incompréhension ont meublé ma triste solitude en cette année 1945. J’étais à la fois content de voir les Français fêtaient leur libération et jaloux de leur bonheur car je ne comprenais pas cette discrimination. Et c’est avec le Plan Marshal Américain et les armes Américaines que le colonialisme Français a pu mener les guerres d’Indochine (1946-1954) et d’Algérie (1954-1962).
Il a fallu le déclenchement de la guerre de libération du 1er novembre 1954, pour qu’enfin je sente le début de la fin du colonialisme.
Le 3 juillet 1962, après 132 ans de captivité, l’Algérie est libre et indépendante.
Je savourais notre victoire et je me disais : enfin je vais rentrer à la Maison Algérie.
Grande désillusion, mes enfants devenus adultes, ivres de liberté et insouciants, m’ont oublié loin de la maison, moi leur grand-père qui a toujours veillé sur eux !
Déprimé et malheureux, je pleurais en entendant Cheikh El Ankachanter: « Lehmam li rabitoumchaaâlia » (Les pigeons « les enfants » que j’ai élevés, m’ont quitté).
L’espoir d’une liberté prochaine est vite revenu, soutenu en cela, par Cheikh Dahmane El Harrachi qui m’a toujours bercé d’espoir avec sa chanson : « Ya rayahtrouhtayawatouali » (Tôt ou tard, tu reviendras).
Captif depuis 190 ans, je subis depuis 187 ans à Brest, un véritable supplice, face à l’Océan Atlantique et aux rudes hivers qui ont altéré ma santé.
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Je suis triste aussi, de voir les Harraga, ensorcelés par la sirène Europa, quitter au péril de leur vie, leur pays dans de frêles embarcations, alors que de notre temps le terme Harraga qui vient de Harraqâ (brûleur) désignait un vaisseau de guerre, appelé ainsi car il brûlait les bateaux ennemis (Moulay Belhamissi- La Marine Algérienne).
Au couple Algérie / France, mariés de force le 5 juillet 1830, couple infernal de 132 hivers de tempêtes et 132 étés de sirocco, divorcés officiellement le 3 juillet 1962, mais condamnés à vivre ensemble, je leur dis :
« 58 ans après, voici venu, le temps de la réconciliation, dans l’intérêt de tous ».
Je suis le plus ancien déporté Algérien et je n’ai jamais compris pourquoi la France a tardé à me rendre ma liberté, malgré l’accueil chaleureux en Algérie des Présidents Giscard D’Estaing, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron qui a compris l’intérêt politique de la France de restituer leur patrimoine aux pays d’Afrique. Ainsi la restitution le 5 juillet 2020 des crânes des martyrs Algériens du 19ème siècle, a été un geste fort, geste qui m’a redonné espoir quant à ma prochaine libération et j’ai fait un rêve prémonitoire : ça sera le 1er novembre 2020.
Vieillard, je me sens si seul. Je veux rentrer chez moi à la Maison Algérie, je veux sentir la chaleur familiale qui me manque depuis 190 ans ; j’ai rêvé qu’au plus tard le 1er novembre 2020, je retournerai chez moi à la maison, par mer comme je suis parti, accompagné par notre Marine Nationale, digne héritière de notre glorieuse Marine Algérienne.
A cette occasion, je conseille à notre Marine Nationale de créer le grade d’ « Amiral » (Amir El Bahar), terme d’origine Arabe devenu universel, grade en usage dans toutes les marines du monde.
Je me vois arriver dans ma bien aimée baie d’Alger, sous les coups de canons et les sirènes des bateaux, entrer dans le port, saluer à ma droite le môle Kheireddine Barberousse où j’ai effectué mon service militaire et essayant de distinguer ma belle MadinaDzaïr, qui m’attend depuis le 3 juillet 1962.
Ancien combattant, je me vois arriver chez moi, entouré de marins vêtus de blanc et de soldats en grande tenue, avec la fanfare de la garde royale…pardon, je me trompe d’époque, garde républicaine.
Tabla et Zorna (instruments traditionnels de musique) seront de la fête.
Je me vois arriver chez moi, accueilli en héros national par des milliers d’enfants, agitant des drapeaux et scandant « Yahia Baba Merzoug » (Vive Baba Merzoug).
Je me vois arriver chez moi, accueilli par les youyous des Algériennes, gardiennes de notre culture et de nos traditions, descendantes des Dziryettes (Algéroises) qui ont chanté ma virilité et ma protection.
Je me vois arriver chez moi, accueilli par les Algériens, amoureux de leur patrie.
Pour mon premier dîner de Liberté, ma bien aimée MadinaDzaïr m’a promis un couscous royal au mouton, merguez et…Serdouk (coq)…Le soir venu, sur le môle Kheireddine Barberousse, spectacle son et lumière.
Les feux d’artifice illumineront le ciel et me rappelleront les batailles dans la baie et les fêtes de victoire.
Cette fête, je la souhaite fête de l’amitié, de la paix et de la concorde, entre le peuple d’Algérie et le peuple de France, avec des historiens et amis des deux rives de notre Mer (mère) Méditerranée.
Une fois à la Maison Algérie, faites-moi la promesse de ne pas m’enfermer dans une prison-musée car je souhaite respirer l’air de la Liberté et de la Mer Méditerranée, m’allonger à l’horizontale pour me reposer des 187 ans de position verticale à Brest, sans grille pour sentir les caresses des milliers de visiteurs qui viendront me rendre hommage et solliciter ma Baraka, face à la mer sur les hauteurs, dominant la baie d’Alger et à côté de Makam Chahid, le Grand héros de la Libération nationale qui veillera sur moi.
L’amitié est à portée de canon, libérez moi le 1er novembre 2020, chargez moi de message d’amitié, je serai l’émissaire de la paix.
A bientôt
Port de Brest, le 1er septembre 20
Baba Merzoug
Message recueilli par télépathie et transcrit par Smaïl Boulbina, scribe de Baba Merzoug, co-fondateur du Comité national pour la restitution de Baba Merzoug, présidé par Maître Fatima Benbraham.
Le comité rend hommage à feu Belkacem Babaci, qui a lutté pour le retour de Baba Merzoug en Algérie.
Les données historiques sont authentiques, puisées dans la riche bibliographie de feu Moulay Belhamissi.
Historien, auteur d’une thèse sur la Marine Algérienne et 1er contemporain à médiatiser Baba Merzoug.
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NOTES HISTORIQUES
Lettre de l’amiral Duperré, commandant la flotte d’invasion :
« Baie d’Alger, à bord du vaisseau l’Alger*, le 6 août 1830,
A Son Excellence, le Ministre de la Marine et des Colonies,
Monseigneur,
J’ai fait charger et j’expédie sur Toulon, par le transport La Marie Louise, Capitaine Caspench, n°221,
la pièce en bronze dite La Consulaire, provenant des batteries de la Marine d’Alger, contre lesquelles l’armée sous mon commandement a combattu.
C’est celle dans laquelle ou à la volée de laquelle fut placé le Consul de France, le père Le Vacher, lors du bombardement exécuté par Duquesne en 1683.
Comme amiral commandant l’armée navale, j’ose réclamer en son nom, et pour la marine, ce trophée de la marine française. Comme préfet maritime de Brest, j’oserai demander de plus que le don en soit fait à ce port, dont les armements ont une si grande part à la campagne d’Alger.
Daignez, Monseigneur, ajouter encore au sentiment de reconnaissance que conservera la marine en soumettant au Roi cette nouvelle demande, dont le succès sera pour elle un honorable témoignage de la satisfaction de Sa Majesté : c’est la part de prise à laquelle l’armée attache le plus grand prix ».
A son tour, le Ministre de la Marine adressa au Roi, le 4 octobre 1830, un rapport sur la question et dans lequel il disait : « J’ai cru devoir accéder au désir exprimé par cet amiral et j’ai prescrit d’envoyer à Brest la pièce dite La Consulaire ».
* Le navire amiral La Provence, a été rebaptisé Alger le 14 juillet 1830.
Texte de l’inscription que présente le piédestal sur lequel repose Baba Merzoug à Brest.
LA CONSULAIRE Prise à Alger, le 5 juillet 1830 Jour de la conquête de cette ville Par les armées françaises, Le Baron Duperré commandant l’escadre. Erigée le 27 juillet : 1833 S. M. Louis-Philippe régnant. Le V. A. Comte de Rigny, ministre de la Marine. Le V. A. Bergeret, préfet maritime. |
https://www.salama-mag.com/salamamag/rapatriement-en-algerie-du-canon-baba-merzoug/
A la fois médecin, journaliste et écrivain, Smaïl Boulbina est l’un des membres fondateurs du comité national pour la restitution du canon en bronze Baba Merzoug. A quelques jours de l’échéance de son retour en Algérie, le chercheur Smaïl Boulbina nous renseigne un peu mieux sur le canon Baba Merzoug.
Propos recueillis par Nacima Chabani
-Après la restitution des crânes de martyrs algériens en juillet dernier, l’Algérie s’apprête à se voir restituer, le 1er novembre prochain à l’occasion du 76e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale, le canon en bronze Baba Merzoug, et ce, après 190 ans de captivité en France. Pourriez-vous revenir sur la genèse de cette imposante artillerie en bronze ?
En 1541, le sultan Hassan Agha, fils adoptif et successeur (1534-1543) de Kheireddine Barberousse,
Hassan le vainqueur (aidé par la tempête) de l’empereur Charles Quint et de son invincible armada des coalisés européens, avait commandé la fabrication d’un super canon à Dar Nhass, la fonderie de canons, installée près de la porte de Bab El Oued (mitoyenne du lycée Emir Abdelkader).
En 1542, Baba Merzoug, fabriqué par Sébastiano Cornova, originaire de Bundoqia (Venise), était le plus grand canon, 6,25 m de long qui tirait des obus d’une portée de 4872 m, installé à la pointe du môle Kheireddine, le redoutable canon interdisait toute approche par la mer. Madina Dzaïr (Casbah était le nom de la citadelle-palais du sultan, inexactement donné par les Français à toute la médina en 1830), était tellement bien gardée qu’elle a été surnommée El Mahroussa et ses habitants, heureux d’être si bien protégés, le surnommèrent Baba Merzoug (Père fortuné, béni, bienfaiteur).
En 1816, lors du bombardement anglo-hollandais, suite à une surchauffe, il fut mis hors service et relégué sous une voûte de l’Amirauté. En 1830, sa réputation internationale a fait que l’amiral Duperré, commandant de la flotte d’invasion, a décidé de le déporter en France comme trophée de guerre et de lui donner le surnom de La Consulaire. Prisonnier sous le numéro 221, il été embarqué le 6 août 1830 à bord du bateau La Marie Louise.
Dans la lettre adressée à son ministre de la Marine, l’amiral Duperré avait écrit : «C’est la part de prise à laquelle l’armée attache le plus grand prix.» Après trois ans de captivité à Toulon, Baba Merzoug fut transféré le 27 juillet 1833 à Brest où il est toujours. Après 190 ans de captivité, il est le plus ancien prisonnier algérien en France. Tous mobilisés pour son retour chez lui, à la Maison Algérie.
-En 1996, un comité algérien pour la restitution du canon Baba Merzoug a vu le jour, pour réclamer, également, 158 autres objets ?
Il faut rendre hommage au comité de la fondation Casbah, et à son ex-président, le défunt Belkacem Babaci, qui a été le premier à se lancer dans la bataille médiatique, tant en Algérie qu’en France, pour la restitution de tout notre patrimoine en général et en particulier des crânes des martyrs et le canon Baba Merzoug. En 2011, un comité national a vu le jour, fondé par le défunt Belkacem Babaci, Fatima Benbraham et Smaïl Boulbina.
Le comité de la fondation Casbah, actuellement présidée par Ali Mebtouche, et le comité national présidé par Fatima Benbraham, fiers de leur contribution pour le rapatriement des crânes des martyrs, n’ont jamais cessé d’interpeller les autorités algériennes et françaises sur Baba Merzoug. Il faut aussi saluer nos compatriotes et des amis français qui ont créé en France l’association Baba Merzoug qui milite pour sa restitution et qui programme, en France, un cycle de conférences et un rassemblement sur le site du canon à Brest.
-Cette restitution n’a pas été de tout repos puisque des pourparlers algéro-français ont duré à travers le temps…
La veille de la visite officielle du président Macron, El Watan a publié le 3 décembre 2017, notre lettre ouverte au président français, pour la restitution des crânes des martyrs et de Baba Merzoug et nous avions reçu un écho favorable.
Il faut rendre hommage au gouvernement algérien actuel pour son action décisive qui a permis le rapatriement des crânes des martyrs du XIXe siècle. La société civile demande à notre gouvernement de poursuivre ses efforts pour la restitution de tout notre patrimoine détenu en France et demande au gouvernement français de nous restituer Baba Merzoug qui représente un puissant symbole mémoriel pour les Algériens et sera le messager de la paix, la concorde et l’amitié entre nos pays.
-En tant que l’un des défenseurs du canon Baba Merzoug, vous avez soumis, dernièrement, une requête aux autorités algériennes afin d’aménager un emplacement pour le canon de Baba Merzoug au niveau de la place des Martyrs à Alger…
Une requête a été adressée au président de la République, au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur, à la ministre de la Culture, au wali d’Alger, au wali délégué de Bab El Oued et au maire de La Casbah, pour suggérer l’érection de Baba Merzoug sur la place des Martyrs, meilleur choix de site, car près de Dar Nhas, son lieu de naissance, de La Casbah, sa ville natale, face à Bab El Bhar et à la mer et…presque à l’ex-emplacement de la statue équestre de l’envahisseur duc d’Orléans (placette El Aoud – place du Cheval, bien connue des vieux Algérois)…
Cette situation est idéale pour la visite facilitée et libre de milliers de visiteurs à longueur d’année et viendra enrichir l’attrait touristique de La Casbah et de ses monuments.
-Comment voyez-vous le retour de Baba Merzoug à Alger ?
Le retour de notre héros national doit être bien scénarisé : il doit être rapatrié par mer à partir de Toulon, sa première destination en 1830, sur un vaisseau de la marine nationale.
Accueilli par les coups de canon et les sirènes des bateaux, des milliers d’enfants, agitant des drapeaux et scandant «Yahia Baba Merzoug», par les youyous des Algériennes, descendantes des valeureuses Dziryettes (Algéroises) qui ont chanté sa protection et par les Algériens, amoureux de leur patrie. Le soir venu, sur le môle Kheireddine, les feux d’artifice illumineront le ciel. Il faut dès à présent préparer le site par la construction du piédestal en béton, haut de 3 m et long de 8 m, pour recevoir le canon (6,25 m) et son affût, sa bouche face à la mer. La construction immédiate du piédestal, médiatisée, aura un impact psychologique important, dans l’attente de l’accueil de notre héros national.
-Pour mieux sensibiliser la jeunesse algérienne, vous comptez éditer et distribuer gracieusement un ouvrage consacré au canon de Baba Merzoug ?
Ce livre, qui est trilingue (arabe, tamazight et français) sur la vie de Baba Merzoug, est ma contribution bénévole pour la promotion de notre mémoire nationale. Parrainées par un grand éditeur, des dizaines de milliers d’exemplaires seront distribués gratuitement à l’occasion du 1er novembre. Vive Baba Merzoug ! Vive l’Algérie !
https://www.elwatan.com/edition/culture/smail-boulbina-membre-fondateur-du-comite-national-pour-la-restitution-du-canon-baba-merzoug-le-retour-de-notre-heros-national-doit-etre-bien-scenarise-29-09-2020
Rédigé le 10/10/2020 à 16:21 dans colonisation, Guerre d'Algérie, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0)
El-hadja Aïcha a tenu à “libérer sa conscience” en dévoilant des pans de la vie du héros de La Bataille d’Alger. De sa tendre enfance à son assassinat, en passant par sa rébellion à coups de larcins contre les Américains, elle dira tout. Ou presque. Témoignages.
D’emblée elle s’est voulue claire et sans ambiguïté. “Je ne veux rien d’autre que faire éclater la vérité et éclaircir les zones d’ombre qui existent depuis plus d’un demi-siècle.” Elle c’est Aït Amer Aïcha, 80 ans, et sœur de lait d’Ali la Pointe. Nous l’avons rencontrée sur les hauteurs d’Alger, non loin de son domicile actuel qui se trouve du côté de Bouzaréah. “Son père est le frère de ma mère. Nous étions très liés Ali et moi et j’ai suivi sa vie de très près jusqu’à son assassinat par les Français.” Une année sépare el-hadja et Ali (elle est née en 1929 et lui en 1930). “Je n’ai rien voulu dire jusqu’à maintenant parce que j’ai toujours eu peur d’être manipulée ou que l’on déforme mes propos. Je ne peux plus me taire ; je suis arrivée à un âge avancé et je veux dire à tous les Algériens des vérités qu’on a omis, volontairement, de dire sur Ali, mon frère.”
“Moudjahid dès 1944 et il n’a jamais été un truand”
Sur son image de “petit malfrat multirécidiviste” d’avant la guerre de Libération, el- hadja nous répétait à plusieurs reprises que son frère “n’a jamais été un bandit ou un truand, comme beaucoup l’ont dit depuis des années et des années”. Même le film La Bataille d’Alger “est à moitié faux. Ali a combattu pour la libération bien avant le début de la Révolution”. Elle nous relatera ses “débuts” dans sa ville natale, Miliana (à 119 km au sud-ouest d'Alger). “Le point de départ de son combat c’était en pleine Seconde Guerre mondiale, alors qu’il n’avait que 14 ans. Il faisait ses coups en prenant des armes aux convois américains qui passaient à Miliana. Une fois les Américains l’ont poursuivi, lui et trois autres copains qu’ils n’ont pas hésité à tuer. Ali, a dû ainsi s’enfuir et les Américains sont rentrés à la maison avec leurs mitraillettes et nous ont fait beaucoup peur. Recherché, Ali se faisait de plus en plus rare.” Un “état d’éveil” qu’el-hadja explique par un fait qui aurait transformé la vie du jeune Ali. “Le grand-père à son père s’appelait Abdelkader Ammar. Il a été déporté par la France à l’île de Cayenne où il est enterré. Il faut savoir que les Français n’ont pu entrer à Miliana qu’après 15 ans de l’envahissement du pays. Ali voulait tout savoir sur ce qui s’était passé pour son grand-père et il demandait, chaque nuit, à ma mère de lui raconter les aventures de ce combattant et ce qu’il avait fait contre les Français lorsqu’ils sont venus dans la ville.” Toujours à propos de l’enfance du héros de La Bataille d’Alger elle dira qu’“il avait la haine des colons très jeune. Quand il était à l’école, il ne ratait aucune occasion d’en découdre avec les enfants des colons et c’est la raison pour laquelle il a été exclu de l’école.” Selon Nana Aïcha, c’est grâce à la bravoure et au courage qu’il avait montrés avec les Américains que les nationalistes l’ont recruté.
“Il ne s’était pas marié”
Le premier point qu’elle a voulu “rectifier” touche à la vie privée d’Ali la Pointe. “Avant tout, je tiens à dire et à crier même que Ali ne s’était jamais marié. Tout a été fait après l’Indépendance dans des conditions très bizarres et à l’insu de toute la famille. Du jour au lendemain, on a entendu parler d’une Fatiha, de chouhoud (témoins, ndlr).” Pour elle, la meilleure preuve, en plus de celle des témoignages des autres membres de leur famille, reste une certaine “Fatiha”, chez qui il se cachait dans La Casbah. “Elle-même m’avait dit que Ali ne pouvait pas être marié sans qu’elle ne le sache et elle m’a répété qu’elle était prête à le dire à qui voulait le savoir. D’ailleurs elle est encore vivante pour confirmer mes dires”.
“Chacun sera jugé sur ce qu’il a fait”
Revenant sur les conditions dans lesquelles a été assassiné Ali la Pointe, elle nous donnera des détails qu’elle affirme “très sûres et qu’aucune personne sensée et honnête ne peut les nier”. L’histoire nous “dit” que les paras ont fait exploser le 8 octobre 1957 la cachette dans laquelle se trouvaient, en plus d’Ali la Pointe, Hassiba Ben Bouali, Yacef Omar (appelé petit Omar et qui était le neveu de Yacef Saâdi) et de Mahmoud Bouhamidi. Le quatuor était à la fameuse adresse du 5, rue des Abderames, dans La Casbah. “Ce n’était que la seconde cachette d’Ali et les autres membres de son groupe”, indique el-hadja en soulignant que “tout avait changé avec l’arrestation de Yacef Saâdi. Fatiha, qui hébergeait Ali et les autres, m’a tout raconté. Une femme, dont j’ai oublié le nom, est venue voir Ali et l’informer que Yacef Saâdi a été arrêté. Ali lui avait alors répondu qu’il n’avait pas à craindre d’une quelconque trahison et qu’il faisait une confiance aveugle à Saâdi. Tout ce qu’il a décidé sur le coup, c’était de changer de lieu et de rejoindre l’autre cache du groupe”. Comme relaté après par Yacef Saâdi lui-même, ce dernier a été arrêté lors de la prise d’assaut des parachutistes du 3, rue Caton à La Casbah. Il s’est avéré, d’ailleurs, que la première cache d’Ali la Pointe et de Hassiba Ben Bouali se trouvait juste en face, au 4, rue Caton. Néanmoins, nous avons remarqué qu’el-hadja s’était montrée subitement mal à l’aise dès qu’on lui a demandé si elle pensait qu’Ali la Pointe avait été trahi. Elle s’était contentée. “Je ne suis sûr de rien mais tout ce que je peux vous dire c’est que chacun va assumer et que sera jugé sur ce qu’il a fait.”
“Son frère est abandonné à Miliana”
Tout au long de notre entretien avec el- hadja Aïcha, elle ne cessait de revenir sur le cas du jeune frère d’Ali, Mohamed. “Il est totalement abandonné à Miliana et personne ne se penche sur son cas. Pourtant il est très malade”. Elle nous parlera aussi d’autres membres de la famille “a qui il faut rendre hommage”. Elle évoquera ainsi le cas de la sœur du héros de La Bataille d’Alger, Yamina. “Elle est morte il y a quatre ans dans le plus grand anonymat. Déjà lors de la Révolution, elle a été emprisonnée par les Français parce qu’elle ne voulait rien dire sur son frère”. Elle citera également le cas du cousin, Omar Ammar, “qui a été noyé par les Français dans une piscine alors qu’il n’avait que 18 ans”.
Nous n’avons pas pu nous empêcher de noter qu’elle a tout fait avec nous pour éviter de se prononcer, ou d’évoquer même à demi-mot, le “statut” de proxénète d’Ali la Pointe qui avait défrayé l’actualité en 2000 après les déclarations tapageuses du journaliste tunisien Tewfik Ben Brick.
Avant de nous quitter el-hadja Aïcha nous a encore rappelé le “but” de son témoignage. “Je n’aspire qu’à libérer ma conscience et rien d’autre” avant de lâcher, après un long soupir, une phrase valant mille discours. “La vérité n’est pas ailleurs, mais juste en face de nous ; c’est comme si personne ne veut la connaître.”
Bataille d’Alger
Évoquer Ali la Pointe, c’est avoir à l’esprit les images du film devenu mythique qu’est “La Bataille d’Alger” et qu’el-hadja Aïcha nous présenta comme une œuvre “qui n’a montré que la moitié de la vérité”. Réalisé par Gillo Pontecorvo en 1965 (et coproduit par Yacef Saâdi), il a eu un parcours des plus atypiques. Si la référence essentielle reste ses distinctions (Lion d’Or à Venise en 1966, primé à Cannes en 1966, à Moscou en 1967 et nominé aux Oscars pour la catégorie “Meilleur film étranger”, il y a également une “autre” facette. En France, il a été interdit par la censure lors de sa sortie en 1965. Il n’a obtenu son visa d’exploitation qu’en 1970 avant d’être retiré de l’affiche après les agressions contre les salles où il était programmé.
Tatouages
Recherché dans les années 1950, Ali la Pointe était présenté sur les affiches avec des indications qui, vraisemblablement, beaucoup n’ont pas attaché d’importance. Il s’agit des tatouages qu’il avait sur le corps. On pouvait ainsi lire que pour le “reconnaître” Ali la Pointe avait les tatouages suivants. Sur la main gauche, il y serait inscrit : “Zoubida-Cheda-Felah” ; sur le téton gauche : “Marche ou crève” et sur le dessous de son pied droit : “Tais-toi”.
https://www.liberte-algerie.com/actualite/la-soeur-dali-la-pointe-devoile-ses-verites-68472
S. K.
Rédigé le 09/10/2020 à 08:45 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Dorothée Myriam poursuit son enquête entre la France et l’Algérie : elle veut comprendre ce que ces populations rurales ont perdu dans le regroupement. Quel univers symbolique a-t-il été détruit ? Grâce à l'écrivain et journaliste Slimane Zeghidour, elle retrace le monde d’avant les camps...
Les regroupements de populations ont profondément bouleversé le milieu rural. Les villages vidés de leurs populations étaient souvent détruits pour qu’ils ne puissent pas servir de refuge au FLN. Les populations arrachées à une terre ont vu leur mode de vie disparaître.
Pour essayer de comprendre ce qui a changé et a disparu dans les camps, Dorothée Myriam poursuit son enquête entre la France et l’Algérie. À Oran, elle rencontre Amina Mekahli, écrivaine algérienne, qui a documenté les regroupements des populations nomades dans les camps. À travers la fiction, elle reconstitue la perte d’un monde.
À Mansourah, où elle retourne sans son père cette fois, elle assiste à un mariage et devine ce qui a pu survivre aux regroupements.
À Paris, elle rencontre Slimane Zeghidour, auteur de Sors, la route t'attend qui relate son expérience dans le camp de regroupement à Erraguene, en Kabylie, où il a vécu à partir de 1957. Il a accompli un rare travail de mémoire sur cet événement. Il raconte avec finesse la fin d’un monde paysan et l’entrée violente et définitive dans l’économie de marché. C’est auprès de lui que Dorothée Myriam saisit mieux ce monde auquel ces populations ont été à jamais arrachées et qu’elles n’ont pu, ou pas su transmettre à leurs enfants, léguant à la place leur déracinement.
LE 07/10/2020
https://www.franceculture.fr/emissions/lalgerie-des-camps/lalgerie-des-camps-58-ce-monde-davant-les-camps
Plutôt que de promettre le bonheur aux paysans dans des villages socialistes créés de toute pièce, ou de laisser les populations dans les baraquements des camps, pourquoi le gouvernement algérien n’a t-il pas reconstruit leurs villages détruits ? Dorothée Myriam part visiter l’un de ces villages laissés à l’abandon.
Que sont devenus ces milliers de villages perdus que des millions de paysans ont dû quitter dans la précipitation ? Souvent, le retour dans les villages détruits pendant la guerre d'Algérie n’a pas eu lieu. Pourtant, certains relevaient du patrimoine historique et étaient d’une incroyable beauté.
C’est le cas du village de Ghoufi, accroché à une falaises de pierre, qui surplombe une oasis d’arbres fruitiers et de palmiers traversée par une rivière. Sawsan Noweir, architecte égyptienne, vivait en Algérie et enseignait à l’université de Constantine dans les Aurès. À l’occasion d’une visite de ce village, touchée par la beauté des lieux, elle rêve de le reconstruire et de permettre aux anciens paysans de retourner sur place. Mais elle en sera empêchée.
On dit qu’il est déshonorant d’abandonner la terre de ses ancêtres. Dorothée Myriam sent le besoin de retrouver une place, une mémoire, une filiation. Elle imagine planter des oliviers et des figuiers dans les champs abandonnés de son grand-père. Mais ce lien arraché n’est-il pas de l’ordre de l’irréparable ?
Elle pose la question à Benhacen. Cet historien local, ancien professeur d’arabe, vit à Mansourah, le village natal de son père, Malek. Il a été "regroupé" à Mansourah quand il n'était encore qu'un bébé et se rend souvent à Tizi Qalaa, son village natal. Il retrouve sa place parmi ses ancêtres le temps de cultiver sa terre. Il fait visiter son village en ruines à Dorothée Myriam.
LE 07/10/2020
https://www.franceculture.fr/emissions/lalgerie-des-camps/lalgerie-des-camps-68-jirai-marcher-sur-tes-ruines
Dorothée Myriam quitte un monde de ruines. C'est l'image qui lui reste à l’esprit. Une image obsédante de villages détruits, d'univers symboliques saccagés. Elle découvre ce qui a émergé de ces ruines : le salafisme djihadiste, en réponse à la perte de toute filiation historique. Elle se rend dans la plaine de la Mitidja, haut-lieu du djihadisme armé pendant la décennie noire.
Quel est le lien entre salafisme djihadiste et déracinement? En 1991, le Front islamique du salut (FIS) est arrivé en tête du premier tour des premières élections législatives multipartites de l’histoire de l’Algérie. Mais le gouvernement annule le processus électoral, par crainte de voir les islamistes accéder au pouvoir. L’Algérie bascule alors dans la guerre civile, opposant les islamistes armés à l’État algérien. Cette guerre causa la mort de près de 200 000 personnes.
Parmi ces islamistes engagés dans une lutte armée contre l’Etat, le GIA s’est imposé dans la plaine agricole de la Mitidja, l'un des endroits les plus peuplés d’Algérie. C’est dans cette zone, surnommée le “triangle de la mort” pendant la décennie noire que des massacres de civils - attribués aux terroristes du GIA - ont été perpétrés. C’est aussi dans cette région que l’armée française a regroupé massivement les populations rurales pendant la guerre d'indépendance, et que l’expérience des villages socialistes fut menée ensuite, à partir de 1965, causant la déstructuration profonde de l’identité paysanne algérienne. Selon un chercheur, rencontré en toute discrétion à Alger, le GIA a beaucoup recruté dans les anciens quartiers de regroupement et villages socialistes de ce territoire. Pourquoi ? Le GIA proposait-il une place dans l’histoire, une filiation que ces déracinés n’avaient plus ?
Dorothée Myriam se rend dans une de ces villes dans la Mitidja. Elle y retrouve Abdallah Aggoune, médecin à Bougara, anciennement Rovigo, ancien fief du GIA dans les années 1990.
LE 07/10/2020
https://www.franceculture.fr/emissions/lalgerie-des-camps/lalgerie-des-camps-78-les-emirs-du-gia-enfants-des-deracines
Au cours de son enquête, Dorothée Myriam rencontre des Algériens à la recherche de la vérité sur l’histoire du pays. Cette demande est au cœur des revendications du « hirak », le mouvement populaire de contestation pacifique qui a conduit le président Bouteflika à la démission en 2019. Dorothée Myriam se retrouve dans cette génération qui ne veut ni déni ni instrumentalisation de l'histoire.
L'enquête de Dorothée Myriam doit beaucoup à un monument colonial, la statue du Sergent Blandan, héros de la conquête de l'Algérie, qui trônait à Boufarik, sur la route d'Alger à Mansourah, le village natal de son père, Malek.
Enfant, Malek en avait peur. La statue était noire, en acier et menaçante. Elle lui rappelait les bombardements au napalm et les soldats français qui occupaient le territoire. La statue, rapatriée à Nancy à l'indépendance de l'Algérie, a été de nouveau érigée dans la ville où il s'est installé dans les années 1990. C’est ainsi que la mémoire refoulée de la guerre d'Algérie a resurgi.
Pendant son enquête, Dorothée Myriam est rattrapée par le "hirak", le mouvement populaire de contestation pacifique débuté le 22 février 2019. Les manifestants réclament la fin du "système" et le départ de ses représentants, au premier rang desquels le président Bouteflika, au pouvoir depuis 20 ans. Diminué par la maladie, cela faisait déjà cinq ans qu'on ne le voyait pas et qu'on ne l'entendait pas. Et pourtant, il était candidat à un cinquième mandat.
L’État algérien a passé sous silence des pans entiers de la guerre d’Algérie pour construire une histoire glorifiée de la révolution, avec un peuple uni derrière le FLN. Dans les manifestations, Dorothée Myriam entend les demandes de vérité sur l’histoire formulées par la jeunesse algérienne. Et se demande s’il y a également trace de la mémoire des camps dans cette arène citoyenne...
LE 07/10/2020
https://www.franceculture.fr/emissions/lalgerie-des-camps/lalgerie-des-camps-88-le-hirak-sortie-du-camp
Rédigé le 08/10/2020 à 22:35 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Dorothée Myriam est née et a grandi en France dans une famille franco-algérienne. Depuis l’adolescence, elle s’interroge sur le pays de son père, l’Algérie. Pourquoi ne lui a t-il rien transmis de sa mémoire ? Elle découvre son secret : l’histoire des regroupements de populations pendant la guerre d’Algérie.
Dorothée Myriam a grandi à Nancy, en France. Enfant, dans sa famille, on ne parlait jamais de l’Algérie. Un soir de Noël, Malek, son père, réalisateur, lui offre un projet de film documentaire. Le scénario s'appelle “Lettre à mes filles” et Malek y évoque son enfance pendant la guerre d’Algérie. À l’époque, Dorothée Myriam n’en fait rien. Elle n'est pas prête à affronter les blessures paternelles.
C’est lors d'études d’histoire aux États-Unis qu’elle se plonge dans la mémoire de celui-ci. Elle découvre l’histoire des regroupements de populations pendant la guerre d’Algérie. Des camps sont créés dans le but de priver le FLN - qui lutte pour l’indépendance - de l'appui de la population rurale.
En 1962, on compte plus de 2 350 000 Algériens regroupés dans ces camps créés par l’armée française, et 1 175 000 dans des villages ou des bourgs placés sous surveillance militaire française. Au total, c’est plus de la moitié de la population rurale algérienne qui a été déplacée pendant la guerre. Ces regroupements de populations ont profondément modifié le visage de l’Algérie rurale.
Dorothée Myriam part avec son père en voyage à Mansourah, son village natal. Ensemble, ils documentent cette mémoire intime encore enfouie.
LE 07/10/2020
https://www.franceculture.fr/emissions/lalgerie-des-camps/lalgerie-des-camps-18-le-secret-de-mon-pere
Jean-Marie Robert, sous-préfet de la République à Akbou, en Kabylie, avait dénoncé les camps en pleine guerre d’Algérie. Son fils, Hugues, a récemment ouvert la malle dans laquelle son père avait rangé ses rapports secrets. Il vient à Paris rencontrer Dorothée Myriam et partager avec elle ses découvertes.
Dorothée Myriam a ouvert “Lettre à mes filles”, le scénario de son père, un soir de Noël. Hugues, fils de Jean-Marie Robert a ouvert la malle de son père un soir d’été.
Il l’avait déménagée partout pendant trente ans mais sans jamais l'ouvrir. À son retour d'Algérie, Jean-Marie Robert, préfet de la République, sous-préfet dans l’arrondissement d’Akbou, le fief historique du FLN, avait été interné en hôpital psychiatrique. Il avait vu trop d'horreurs dont il n'avait pas pu se préserver.
50 ans plus tard, Hugues est prêt à affronter la guerre de son père. Il a découvert un homme qui a eu le courage de dénoncer torture et camps de regroupements en pleine guerre d'Algérie.
En avril 1959, un rapport rédigé par le tout jeune inspecteur des Finances Michel Rocard fuite dans la presse française et révèle à l’opinion publique l’existence des camps de regroupements. Pour gérer le scandale, le gouvernement français annonce le programme des 1 000 villages, censé transformer une pratique militaire en une politique de développement rural. Mais la réalité est très différente, les crédits alloués aux populations regroupées ne suffisent pas. Jean-Marie Robert a visité les camps de regroupement et s’est indigné des conditions de vie de la population. Il s’en est plaint jusqu’à l’Elysée...
Que sont devenus ces camps, dont la construction a été financée par l'Etat français, après que leur existence a été révélée par la presse ? Dorothée Myriam part en Algérie sur leurs traces. Elle y rencontre Sarah, qui vient de découvrir, elle aussi, que son père a lui aussi vécu cette histoire...
Mansourah, village natal du père de Dorothée Myriam, avait tout du camp : des tribus entières arrachées à leur terre sous surveillance militaire, des portes gardées par des soldats français, des fils barbelés. Mais il restait un village qui n’était pas un camp à proprement parler. Dorothée Myriam part sur les traces des camps construits en dur dans le cadre du programme des 1 000 villages, censé favoriser le développement de l’Algérie rurale.
Elle rencontre Sarah, jeune doctorante en architecture, qui vient de découvrir que son père aussi avait été victime de ces opérations de regroupement menées par l'armée française. Ensemble, elles partent à Melbou, lieu d'un ancien camp de regroupement.
Dans ce nouveau quartier où ne subsistent plus que quelques maisons datant de la période du camp, de grands immeubles ont été construits à sa place. Grâce à Sarah, elle rencontre des habitants et visite une maison exiguë, qui n'a pas changé depuis la guerre.
À la fin de cette journée, qui est l’occasion de revisiter l’histoire du contrôle de la France et de la résistance à l’intérieur du camp, Dorothée Myriam se demande comment les paysans, arrachés à leurs terres, ont pu s’adapter à ce nouvel habitat. Elle prend conscience de la transformation totale et radicale du mode de vie paysan qu’ont causé les regroupements et s’interroge sur le silence qui recouvre cette mémoire, en Algérie aussi.
https://www.franceculture.fr/emissions/lalgerie-des-camps/lalgerie-des-camps-38-dans-un-camp-de-deracines
Après l’indépendance, le jeune État algérien cherche à développer un modèle agricole qui puisse aussi freiner l’exode rural. Il entend construire 1 000 villages socialistes. Souvent, ces villages seront implantés en lieu et place des anciens camps de regroupements construits par l'armée française pendant la guerre.
Le jour où Dorothée Myriam a découvert les camps de regroupement qui ont touché plus de deux millions d’Algériens, son père lui a dit : “Les regroupements, c’est le point d’attaque d’une vie brisée par la guerre qui nous a donné droit à l’errance et à l’immigration." Il avait dit juste.
À l’indépendance de l’Algérie, en 1962, une partie de la population regroupée, happée par l’économie de marché, violemment déracinée, se disperse à travers le territoire. Elle est à la recherche de moyens de subsistance.
Et puis il y a ceux qui, n’ayant nulle part où aller, sont restés sur place, dans les camps.
À partir de 1971, Houari Boumédiène, le nouveau président de la République algérienne arrivé six ans plus tôt au pouvoir par un coup d’État, lance sa réforme agraire. Il veut créer 1 000 villages socialistes, un slogan qui sonne comme un écho aux 1 000 villages de regroupement. Ces villages socialistes sont souvent construits à l’endroit des camps, situés dans des plaines, facilement accessibles par la route.
Dorothée Myriam comprend que les expériences des camps et des villages socialistes se superposent. Elle décide d’aller voir un village socialiste avec Sarah, jeune doctorante en architecture. À l’issue de la visite, elle découvre l’échec de ces expériences, les lieux étant devenus des sortes de cités-dortoirs, où le mode de vie paysan qui avait précédé les regroupements n’est plus.
Rédigé le 08/10/2020 à 21:46 | Lien permanent | Commentaires (0)
Alors qu'on n'a pas fini de débattre sur le traitement de l'information sur les chaînes françaises, France 2 a diffusé, mardi soir, un documentaire en deux parties consacré à l'histoire de la décolonisation.
France2 s'attaque au «dernier grand tabou de l'histoire de France»: la décolonisation. La chaîne publique a fait le pari audacieux de diffuser en prime time, un documentaire en deux parties et cela afin de rétablir les faits historiques.
«Le grand danger de ces histoires est de vouloir les mettre sous le tapis et de ne pas les raconter. Cela entretient un passé toxique et ne fait qu'envenimer les relations entre les Français. Oser diffuser cela en primetime est important», explique David Korn-Broza, le réalisateur du documentaire.
«La France n'a pas le beau rôle, on découvre une extrême violence et des archives très choquantes», prévient-il. Cette fois le doc n'aborde pas seulement la guerre d'Algérie, mais toutes les colonisations de l'Asie à l'Afrique.
Après huit années de conflits meurtriers, l'Empire colonial français est contraint d'abandonner l'Indochine et ses comptoirs indiens. Les peuples colonisés y voient une lueur d'espoir et réalisent que la France peut être vaincue.
Les premières revendications d'indépendance se font entendre. Mais la France reste sourde. Alors qu'un vent de liberté commence à se répandre de l'Afrique aux Antilles, en passant par l'océan Indien et la Polynésie, un cycle de répression débute et la République répond par la force.
Ce geste va nourrir des décennies de haine et de violence. Ce documentaire, réalisé, à partir d'images d'archives, donne la parole aux témoins de la décolonisation française, qui laisse encore, aujourd'hui, des traces profondes. Pour le volet algérien, le réalisateur a préféré faire intervenir des personnes qui ne sont pas des spécialistes ou experts. Mis à part l'intervention de Djoudi Attoumi, l'ex-secrétaire particulier du colonel Amirouche, les autres intervenants ne sont pas crédibles.
Ainsi, on verra une jeune fille parler de la mémoire de son père ou encore les frêres Hakim et Mustapha Amokrane, du groupe Zebda parler de l'histoire de leur père. Ces derniers n'avaient rien apporté au doc.
Et pourtant la réalisation du documentaire a demandé un travail colossal pour récupérer des heures d'images d'archives, dont beaucoup sont inédites. Elles proviennent de Madagascar, du Vietnam, de la Côte d'Ivoire, mais aussi de l'armée française, qui a ouvert ses archives pour l'occasion. Beaucoup d'entre elles ont été colorisées pour l'occasion, renforçant la force de ce documentaire d'ores et déjà acclamé par la critique.
Le volet algérien a été minimisé, alors que, mis à part l'Indochine et l'Algérie, la colonisation française n'a pas connu d'autres conflits armés. Même après la diffusion du documentaire, France 2 qui avait préparé un débat sur le plateau, a préféré donner la parole à un Français, Benjamin Stora, pour parler de la guerre d'Algérie. Alors que les pays comme le Madagascar, le Maroc ou encore le Vietnam, avaient leur représentant sur le plateau.
À quoi obéit, cet effacement de l'intervenant algérien de France 2?
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/l-ecran-libre/france-2-minimise-le-passage-sur-l-algerie-dans-son-doc-sur-la-decolonisation-319259
Rédigé le 08/10/2020 à 21:29 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
A quelques semaines de la célébration du 66ème anniversaire du déclenchement de la révolution, une nouvelle parution littéraire vient jeter une lumière originale sur notre guerre d’indépendance. En effet, les éditions Caraïbéditions annoncent la parution de Du Morne-des-Esses au Djebel. Ce roman écrit par l’un des plus grands écrivains antillais de sa génération, Raphaël Confiant (né en 1951 en Martinique), est un évènement dans la mesure où il vient combler un vide remarquable dans une mémoire historique partagée. De fait, dans l’imaginaire commun algérien, la figure de Frantz Fanon s’est imposée comme emblématique de la présence antillaise en Algérie. Ce qui a eu pour première conséquence de plonger dans un injuste oubli d’autres parcours de « résistants » antillais qui eurent, eux aussi, le courage d’assumer leur refus d’une guerre cruelle et injuste (soit en désobéissant à l’ordre d’appel, soit en désertant). On citera, entre autres, les noms des Martiniquais Guy Cabort-Masson et Daniel Boukman ou encore des Guadeloupéens Sonny Rupaire et Roland Thésauros. Seconde conséquence de ce que l’on pourrait appeler "l’effet Fanon" : l’occultation d’un autre pan de la mémoire algéro-antillaise. Celle qui renvoie à l’arrivée en Algérie ‑ pour la majorité à leur corps défendant – de ces cohortes de jeunes antillais, généralement de conditions modestes, pour ne pas dire misérables, soudainement précipités dans l’enfer d’une guerre coloniale parmi les plus dures du 20ème siècle. C’est cette séquence historique si particulière que se propose d’explorer Raphaël Confiant en usant des techniques et des codes propres à la fiction romanesque.
Du Morne-des-Esses au Djebel nous décrit ainsi le parcours algérien de trois jeunes militaires antillais : Ludovic Cabont, l’officier de Saint-Cyr qui désertera pour monter au maquis, Juvénal Martineau, également officier de Saint-Cyr qui, lui, acceptera de « faire la sale besogne » et enfin Dany Béraud, l’intellectuel de la Sorbonne qui rejoindra les combattants algériens. Trois parcours de vie. Comme autant d’éclats de mémoires. Celles de ces jeunes hommes pris dans une double détermination historique. D’une part, le traumatisme de l’esclavage et les séquelles idéologiques de la domination française sur les peuples antillais. D’autre part, la tragédie algérienne, avec un peuple lui aussi confronté à la brutalité du même système de domination et d’exploitation, mais en lutte pour sa libération totale et définitive. En tout état de cause, comme l’explique Raphaël Confiant, dans une récente interview à Outre-mer. La 1ère : « (…) pour un Fanon, il y a des milliers de soldats antillais qui ont combattu du côté du général Massu (qui a reconnu avoir pratiqué la torture en Algérie, ndlr), du général Salan (chef de l'OAS, ndlr), et qui sont revenus médaillés, mutilés ou dans des cercueils. (…) Il fallait présenter cet aspect des choses, mais aussi montrer les contradictions (…) ».
S’agissant du cadre socio-historique du roman, il convient de rappeler que c’est dans le contexte propre à l’entreprise hégémoniste capitaliste à l’échelle planétaire (et donc au projet colonialiste) que s’effectue la rencontre, a priori improbable, entre les lointains descendants créoles d’esclaves africains et les héritiers arabo-berbères d’une histoire multiséculaire. Ce sont deux mondes et deux cultures qui font connaissance pour la première fois dans des circonstances pour le moins dramatiques. C’est cette rencontre que le beau roman de Raphaël Confiant nous propose de découvrir à travers ses différentes modalités. Ce faisant, il invite le lecteur à une nouvelle lecture de « (…) cette histoire coloniale, extrêmement dure, cruelle, [qui] continue d’encombrer et de servir à des instrumentalisations politiques (…) » pour reprendre les propos récents de l’historien français Benjamin Stora dans une interview à Médiapart.
Entre les maquis et les expéditions sanglantes au cœur du djebel, les immersions dans l’univers de la paysannerie algérienne et sa grande souffrance, les incursions dans la jungle des villes plongées, elles aussi, dans la violence (et la contre-violence), Raphaël Confiant nous décrit un paysage humain totalement dévasté ‑ malheureusement familier au lecteur algérien ‑ avec empathie et finesse. À noter à ce propos que, de manière significative, les personnages s’expriment chacun dans la langue qui est la sienne : le français, mais aussi le créole et l’arabe algérien (présent en force dans les dialogues). Nombre de séquences s’inspirent manifestement de faits réels et nous retrouvons des figures connues : Yacef Saadi, Ali La- Pointe ou encore le colonel Amirouche. Mais, au risque nous répéter, Du Morne-des-Esses au Djebel n’est pas un récit historique. Il s’agit bien d’un roman dont l’écriture correspond nécessairement à un certain point de vue. Celui qui conduit le récit est un narrateur antillais, défenseur de la cause algérienne mais assumant son antillanité dans toutes ses dimensions et contradictions socio-historiques. Ce qui justifie les libertés de composition et d’interprétation que s’autorise légitimement le romancier.
Pour rappel, ce n’est pas la première fois que l’Algérie fait irruption dans l’œuvre riche et foisonnante de l’écrivain martiniquais. Dès Ravines du devant-jour (1993), la guerre d’Algérie s’invitait dans l’univers romanesque de Raphaël Confiant. Dans La Baignoire de Joséphine (1997), les années 1970 et cette période socio-politique cruciale du pays étaient évoquées avec une verve et un humour décapant. De fait, la récurrente présence de notre pays dans l’œuvre de Raphaël Confiant s’explique par différents éléments biographiques : un passage par la Métropole (il poursuit ses études supérieures à Aix-en-Provence) où il découvre le racisme ordinaire anti-arabe d’une certaine France, la découverte concomitante des richesses de la culture arabo-musulmane, enfin la fascination pour la vie et la pensée de son compatriote, Frantz Fanon. C’est d’ailleurs sur les traces du grand militant et théoricien de la décolonisation qu’il part en 1974. Il s’installe à Alger où il enseigne l’anglais. Il restera deux ans en Algérie. Une expérience humaine qui le marquera profondément. Dans l’interview précitée, il avoue d’ailleurs :« Cela fait (…) presque quarante ans que je rêve d'Alger, de sa baie, de la Casbah, de la Kabylie ». On ne peut que souhaiter que ce rêve puisse se concrétiser dans un proche avenir. Pourquoi pas à l’occasion de la prochaine édition du SILA (post-Covid) ?
Samedi, 3 Octobre, 2020 - 14:21
Mourad Yelles
https://www.montraykreyol.org/article/du-morne-des-esses-au-djebel-raphael-confiant-une-autre-facette-de-la-memoire-algero
Rédigé le 07/10/2020 à 09:18 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé le 07/10/2020 à 08:43 dans colonisation, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Je crois utile de reprendre ici le commentaire que j’ai posté sur le site « L’Algérie d’hier et de demain » qui aborde, c’est tout à fait dans sa fonction, le travail de mémoire sur le colonialisme et la guerre d’Algérie.
Il me semble que Benjamin Stora a pleinement conscience de ce qu'était le colonialisme. Il juge aussi la nature de la guerre d'Algérie que la France a menée avec pour objectif de perpétuer un tel système. Un système fondé sur l'exploitation renforcée du capitalisme.
Je considère que les appelés du contingent qui ont été enrôlés dans ce conflit anachronique, injuste et sans autre issue prévisible que l'indépendance de l'Algérie, doivent se saisir de l'opportunité qui s'offre à eux pour témoigner avant de disparaître de ce qu'ils ont vécu.
On peut également évoquer les victimes de l'OAS, tant civiles que militaires, qui devraient se manifester dans les circonstances du travail de mémoire qui est à l’ordre du jour.
Que cherche Macron à travers son opération ? Il est probable qu'il doit y avoir des intérêts économiques, idéologiques et électoraux. Ceci étant, j'estime qu'il faut profiter des circonstances pour avancer dans la voie de la reconnaissance de la vérité historique. Il faut aussi démonter les ambiguïtés qui demeurent, tel le refus de rouages de l'administration d'accéder aux archives. Il y a également à solder la question des essais nucléaires au Sahara.
L'ensemble participe des problèmes de notre temps avec le racisme, la xénophobie, l'islamophobie qui accompagnent la crise socio-économique que nous vivons ainsi que la signature et la ratification du Traité d'Interdiction des Armes Nucléaires. Plutôt que de bouder les possibilités qui se présentent, engageons-nous résolument pour les exploiter.
La droite et son extrême se mettront en travers ? C'est dans l'ordre des choses. La gauche non révolutionnaire n'est pas partie prenante dans le débat ? Effectivement elle a une responsabilité dans ce qui s'est passé à l'époque du colonialisme et des guerres coloniales. Elle est par ailleurs traversée par le courant des idées les plus nocives en matière d'égalité ? Certainement, mais ne jetons pas le manche après la cognée et prenons notre place dans le travail de mémoire qui se développe avec côté français la compétence reconnue d'un historien de la dimension de Benjamin Stora.
Reste aussi la situation actuelle en Algérie. Elle est à l’image de ce que nous connaissons en France. C’est évidemment l’affaire des Algériens mais mon opinion est que ce qui est en jeu là-bas a les mêmes racines que chez nous, à savoir les limites historiques sur lesquelles butte la logique qui prévaut et qui est fondée sur la loi du profit.
Publié le 05/10/2020
http://cessenon.centerblog.net/6574049-faisons-le-point-sur-le-travail-de-memoire-
Lire aussi en pdf :
Algérie, 1962-1965 - A contre-courant
Martine Timsit-Berthier évoque les premières années de l’indépendance : d’immenses espoirs, puis
des désillusions. Elle en garde cependant un souvenir heureux.
file:///C:/Users/Dhamane/Downloads/timsit-berthier_pdf.pdf
En mai 1962, alors que vers l’aéroport d’Alger s’allonge une file interminable de voitures
chargées de milliers de personnes qui se retirent de l’Algérie française, un des premiers avions de médecins atterrit au Rocher Noir, où siège l’ Exécutif provisoire de la future Algérie indépendante.
Période étrange où se croisent deux histoires, l’une en train de s’éteindre et l’autre en train de naître...
Rédigé le 07/10/2020 à 02:03 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
À part les auteurs français qui ont écrit sur ce sujet, du côté algérien, très peu, pour ne pas dire aucun n'a écrit sur les forces de l'adversaire. Certains ont parlé des atrocités, de répression, d'accrochages présentés comme batailles. Bref, à mon humble avis, il y a un vide à remplir afin de donner le maximum de données, à même d'aider le lecteur à se faire sa propre opinion sur le cours de la Révolution, la valeur de ses combattants, sans avoir à diminuer de celle de l'adversaire. Bien au contraire. Méditez la maxime de Corneille : «A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.»
Nous avons tenu tête à la troisième puissance militaire de la planète en ce temps-là. Nous n'avons pas été vaincus militairement. Nous avons gagné politiquement. L'Algérie est libre et indépendante. Tel a été notre but dans la Déclaration du 1er Novembre. Ce but a été atteint.
Pour étayer mon écrit, quoi de plus intéressant que d'aligner les déclarations d'acteurs illustres de cette guerre, côté français.
À tout seigneur tout honneur. Le Général de Gaulle a fixé les conditions de l'écrasement de la rébellion. Il déclare le 16 septembre 1959 : «On pourrait considérer comme acquis le retour à la paix, lorsque le nombre des embuscades et attentats mortels serait inférieur à 200 en un an.» Or, à la fin de 1960, le nombre d'attentats contre les civils se monte à environ 300 par mois. Le nombre de morts du seul côté français s'élève à 3 700 en 9 mois.
De son côté, le Colonel Bigeard déclare en août 1959 devant le Général de Gaulle : «La pacification semble se dérober comme un mirage, en dépit des progrès indiscutables, à mesure que le temps passe... Le mal est profond, le cancer bien accroché. La dissolution des katibas de l'ALN éclatées en petits groupes moins vulnérables pose problème.»(1)
Enfin, le témoignage du fameux Maurice Challe, général commandant en chef des Forces françaises en Algérie, parlant du Nidham ou Organisation politico-administrative (OPA) du FLN : «Leur propagande est meilleure que la nôtre.»(2)
Aux sceptiques, je ne peux dire que ceci : on ne peut pas être plus royaliste que le roi.
Aussi, permettez-moi de vous dire, cher lecteur, que vous avez le droit d'être fier de votre Révolution et le devoir de le clamer devant ceux qui doutent. Je me permets de vous rappeler le merveilleux message que nous a légué Didouche Mourad : «Si nous venions à mourir, défendez nos mémoires.» Nous avons fait une Révolution merveilleuse. Ne l'oubliez jamais.
Surtout, ne jugez pas votre Révolution, elle n'a rien à voir avec les aléas et les vicissitudes de la politique ou les ambitions de l'après-indépendance.
Après cette introduction et pour la justifier, je vous dresse un tableau de l'implantation militaire de l'armée française en Algérie.
Au déclenchement de la Révolution, l'armée française en Algérie avait comme effectifs 50 000 soldats sans compter les effectifs de la gendarmerie, éparpillés sur l'ensemble du territoire algérien. De notre côté, il y avait environ 1 000 combattants répartis grosso modo comme suit : zone 1 : 350 combattants ; zone 2 : 150 combattants ; zone 3 : 350 combattants ; zone 4 : 90 combattants ; zone 5 : 67 combattants.
Ce qui donne une moyenne de 1 combattant algérien pour 50 soldats français.
L'armée française s'est retrouvée renforcée par l'apport de 100 000 durant l'année 1955. À partir de 1956, grâce à une mobilisation générale, le total des troupes françaises était de plus de 400 000 soldats répartis comme suit :
Avec une présence importante de son armée, l'Algérie est devenue la 10e Région militaire avec 3 corps d'armée :
1- Oranie
Zone Nord-Oranais (ZNO), 5e division blindée, PC à Nedroma, puis Mostaganem.
Zone Centre-Oranais (ZCO) 29e, division d'infanterie, PC à Témouchent, puis à Bel Abbès.
Zone Ouest-Oranais (ZOO), 12e division d'infanterie, PC à Tlemcen.
Zone Est-Oranais (ZEO), 13e division d'infanterie, PC à Tiaret.
Zone Sud-Oranais (ZSO), 4e division d'infanterie motorisée, PC Mecheria puis Saïda.
2- Algérois
Zone Ouest-Algérois (ZOA), 9e division d'infanterie, PC à Orléansville (Chlef).
Zone Est-Algérois (ZEA) 27e, division d'infanterie alpine, PC à Tizi Ouzou.
Zone Sud-Algérois (ZSA), 20e division d'infanterie, PC à Médéa.
Zone Nord-Algérois (ZNA), 7e division motorisée rapide, PC à Fort-de-l'Eau (Bordj-El- Kiffan).
3- Constantinois
Zone Ouest-Constantinois (ZOC), 19e division d'infanterie, PC à Sétif.
Zone Nord-Constantinois (ZNC), 14e division d'infanterie, PC à Constantine.
Zone Sud Constantinois (ZSC), 21e division d'infanterie, PC à Batna.
Zone Est-Constantinois (ZEC), 2e division d'infanterie motorisée, PC à Guelma, puis Bône (Annaba).
Il y a 3 remarques sur cette implantation des forces militaires françaises.
- La Zone Sud-Oranais hérite de la 4e division d'infanterie motorisée pour pouvoir contrôler facilement une zone très vaste et surtout pour surveiller la partie sud du barrage électrifié sur la frontière algéro-marocaine connu sous le nom de barrage Pedron, nom du Général Pedron, commandant le corps d'armée d'Oran, bâtisseur de ce premier barrage électrifié en Algérie, aussi étanche et meurtrier que les barrages Morice et Challe. Il est très peu cité dans les écrits parus à ce jour. Certains ont tendance à l'occulter de l'histoire militaire de la Révolution algérienne. Pourquoi ? Au lecteur de trouver la réponse en son âme et conscience. Pour prouver de façon irréfutable le danger de ce barrage, je rappelle que le Colonel Lotfi est mort aux environs de Béchar.
S'il a franchi la frontière à ce niveau, c'est que le barrage Pedron était aussi étanche et meurtrier que les autres. Sinon pourquoi ne pas avoir tenté de le traverser plus au nord?
- La Zone Est-Algérois a hérité de la 27e division d'infanterie alpine parce que les autorités militaires françaises ont décidé d'envoyer dans cette zone montagneuse et accidentée des bataillons de chasseurs alpins spécialisés dans la lutte en montagne.
- La Zone Est-Constantinois a hérité de la 2e division d'infanterie motorisée pour permettre de surveiller les deux barrages électrifiés Morice et Challe qui étaient sous pression permanente durant toute la durée de la guerre de libération à cause de la présence d'une armée de l'ALN des frontières qui représentait un danger potentiel important et permanent.
En plus de cette implantation, il y avait des forces d'appoint ou unités de réserve générale : pour l'Algérois, la 5e division parachutiste, pour le Constantinois la 25e division parachutiste, pour l'Oranie la réserve de la Légion étrangère. Ces unités de réserve intervenaient sur l'ensemble du territoire algérien.
À titre d'exemple, le Colonel Bigeard a servi à Annaba, Alger et Saïda.
Tous les spécialistes s'accordent à quantifier une division entre 20 000 et 30 000 hommes.
Prenons une moyenne rationnelle et logique de 25 000 par division. On a, en incluant les deux divisions de réserve de paras, 15x25 000= 375 000. Plus l'aviation et la marine, on arrive à 400 000, chiffre que tous les experts ont adopté sans compter les forces annexes, gendarmerie, CRS, unités territoriales, harkis...
En ce qui concerne l'aviation, il y avait en Algérie 700 avions de différents types d'utilisation, chasse, bombardement, surveillance, transport de troupes et 200 hélicoptères répartis comme suit : 200 avions et 50 hélicoptères par corps d'armée d'Alger, Constantine et Oran et 100 avions et 50 hélicoptères pour les deux départements de la Saoura et des Oasis (Sahara).
Les aérodromes les plus importants étaient Alger Maison-Blanche, Blida Boufarik, Bône les Salines, Telergma, Oran la Senia, base aéro-navale de Lartiques (Tafraoui) Colomb-Béchar, Touggourt et Hassi Messaoud.
À quoi bon écrire tout ce qui précède. La suite en sera la réponse.
En Algérie, ironie de l'histoire, le dernier recensement fait par la France date du 31 octobre 1954 soit la veille du déclenchement de la Révolution.
Cette présence française militaire obéissait à 2 objectifs : la défense des personnes et des biens des Européens installés en Algérie et la lutte contre la rébellion. Dans le Constantinois, avec une superficie de 101 165 km2 et une population de 3 469 000 habitants, il y avait une présence militaire de 125 000 soldats.
Dans l'Algérois, avec une superficie de 71 787 km2 et une population de 3 135 341 habitants, il y avait une présence militaire de 125 000 soldats.
Dans l'Oranie, avec une superficie de 122 151 km2 et une population de 2 294 088 habitants, il y avait une présence militaire de 125 000 soldats.
Soit un soldat pour 28 habitants pour le Constantinois, un soldat pour 25 habitants pour l’Algérois, un soldat pour 19 habitants pour l'Oranie.
Le lecteur peut constater de lui-même et vérifier les chiffres qu'il y avait une différence d'habitants d'un million et plus entre les 3 départements. La réponse est simple : l'extermination du peuple algérien durant l'invasion de d'Algérie par les forces coloniales a été plus cruelle dans l'Ouest algérien. Que ceux qui ont d'autres explications s'annoncent et les avancent pour un éventuel débat.
Enfin, je vous signale pour plus de compréhension que les 5 zones créées le 1er Novembre1954, futures wilayas historiques, sont un ancien découpage hérité de la structure d'implantation du PPA/MTLD, parti dont sont issus les 6 ou 9 pères de la Révolution. À chaque lecteur de choisir le nombre qui lui convient.
Les Français avaient leurs raisons de mailler le territoire algérien en fonction de leur stratégie, de leurs intérêts, de leurs forces, et de leurs buts, et de ne pas le calquer sur le découpage FLN.
Le but de cette contribution est de montrer que la France défendait chaque pouce de ce territoire algérien qui était officiellement partie intégrante de son territoire.
De notre côté, la lutte de libération s'étalait aussi sur chaque pouce ou grain de sable de notre chère Algérie. Le mérite de notre libération revient, avant tout, à ceux qui y ont laissé leur vie.
Gloire à nos martyrs.
Cher lecteur, j'espère que ces contributions sont à la hauteur de vos attentes.
A. C. D.
(1) Challe. Bilan d'une mission. Magazine Historia n°309 avril 1973.
(2) idem.
(3) Pierre Montagnon. La guerre d'Algérie page 175, éditions Pygmalion.
La prochaine contribution portera sur les oublis et les «perles» de certains acteurs ou écrivains concernant la Révolution algérienne.
le 05.10.2020
Par Ali Chérif Deroua
https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/limplantation-militaire-francaise-en-algerie-durant-la-guerre-de-liberation-49184
Rédigé le 07/10/2020 à 01:36 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
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