Un texte court, presque chirurgical tant il est exempt de sentiments affichés. Mais une identité assumée, résumée dans son titre provocateur, Nous sommes tous des arabo-morvandiaux ! Au-delà de cette référence au slogan de Daniel Cohn-Bendit, Arnaud Montebourg brandit ainsi en étendard ses racines déployées entre la Nièvre et l’Algérie, dans un ouvrage collectif qui vient de paraître aux éditions Bleu autour.
Je me souviens m’être enfoncé des centaines de fois dans ces bois mystiques du Morvan où mes grands-parents avaient décidé de vivre selon leurs idées, hors le jugement et la vue des autres.
Né juste après les Accords d’Évian, en octobre 1962, à Clamecy, l’homme politique s’y définit comme un « enfant de la France profonde, ou plutôt de la France rurale. Je me souviens m’être enfoncé des centaines de fois dans ces bois mystiques du Morvan où mes grands-parents avaient décidé de vivre selon leurs idées, hors le jugement et la vue des autres. C’est là, arrivant d’Algérie, qu’ils plantèrent leurs premiers sapins sur de petits hectares pentus autour d’une masure acquise pour une bouchée de pain. »
Mon grand-père [maternel], un grand homme sec à la peau mate, qui jurait en arabe et portait un béret, aimait passionnément à la fois l’Algérie et la France.
Cette évocation aux tonalités sépia des clichés de l’enfance livre également des clés pour un peu mieux comprendre l’identité de l’enfant terrible de la Ve République. « Mes grands-parents [maternels] étaient des rebelles. La guerre d’Algérie s’achevait, cela avait laissé une déchirure qu’ils avaient décidé de raccommoder dans leur abri morvandiau. »
« Mon grand-père [maternel], un grand homme sec à la peau mate, qui jurait en arabe et portait un béret, aimait passionnément à la fois l’Algérie et la France, dépeint Arnaud Montebourg. Cet homme a ébloui mon enfance. C’était un narrateur, un conteur, un orateur. » Né en 1907, Khermiche Ould Cadi s’est éteint en 1994, à l’âge de 87 ans.
"J'ai compris ce qu'est le racisme de la vie quotidienne"
Durant la guerre d’Algérie, il avait envoyé ses enfants en France pour les mettre à l’abri. Avant de devenir universitaire, la mère d'Arnaud Montebourg, Leïla, fit ses études au lycée Bonaparte d’Autun. C’est dans cette ville qu’elle rencontre celui qui sera son mari, Michel, fils de bouchers charcutiers tenant la Maison de la rosette, en face de la gare.
En 1962, Leïla et Michel se marient, composant ainsi cette famille à l’identité mêlée. « J’ai compris dans les narrations de ma mère, qui en avait souffert, ce qu’est le racisme de la vie quotidienne, ce racisme qui avait pris tant de force dans l’imaginaire de la France de ces années-là, qui existe encore et renaît périodiquement.
Mais j’ai compris avec la même tendresse, dans les réactions de la famille de mon père, ce qu’est cette peur des autres, si française et si humaine aussi : l’incompréhension devant l’altérité, l’inquiétude devant l’étranger qu’on ne connaît pas et qu’on ne voudrait surtout pas connaître par peur de découvrir que nous sommes envérité semblables. »
Edité aux éditions Bleu Autour, basées à Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier), l’Algérie en héritage compile une quarantaine de récits inédits réunis par Martine Mathieu-Job et Leïla Sebbar. Les auteurs (universitaires, journalistes, hommes politiques...) sont pour la plupart nés en France après l’indépendance de l’Algérie, en 1962. Des textes qui plongent dans leurs racines familiales et ravivent cette mémoire commune entre la France et l’Algérie.
Matthieu Villeroy
Publié le 02/08/2020 à 18h03
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