Le 18 juin 1940, alors que l'armistice est sur le point d'être signé, le général de Gaulle lance depuis les studios de la BBC à Londres un appel à la résistance. Dès le lendemain, le message est retranscrit dans la presse, et dans les semaines qui suivent quelques milliers d'hommes y répondent, rejoignant l'Angleterre. Ce discours, premier d'une série dans laquelle le général renouvellera ses appels à poursuivre le combat, a changé le cours de la guerre. A l'occasion du 80e anniversaire de l'appel du 18 juin, France Bleu revient sur ce moment historique avec François Delpla et Aurélie Luneau, historiens et auteurs d'ouvrages sur le sujet.
L'appel du 18 juin, 80 ans après : ce qu'il faut savoir sur le célèbre discours du général de Gaulle
Emmanuel Macron est attendu ce jeudi à Londres à l'occasion du 80e anniversaire de l'appel du 18 juin lancé par le général de Gaulle. France Bleu revient sur ce discours qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale et fit entrer Charles de Gaulle dans l'Histoire.
Le 18 juin 1940, alors que l'armistice est sur le point d'être signé, le général de Gaulle lance depuis les studios de la BBC à Londres un appel à la résistance. Dès le lendemain, le message est retranscrit dans la presse, et dans les semaines qui suivent quelques milliers d'hommes y répondent, rejoignant l'Angleterre. Ce discours, premier d'une série dans laquelle le général renouvellera ses appels à poursuivre le combat, a changé le cours de la guerre. A l'occasion du 80e anniversaire de l'appel du 18 juin, France Bleu revient sur ce moment historique avec François Delpla et Aurélie Luneau, historiens et auteurs d'ouvrages sur le sujet.
L’enregistrement du discours n’ayant pas été conservé par la BBC, il reste aujourd'hui des traces manuscrites de l'appel du 18 juin reproduit dans la presse dans une version différente de celle prononcée au micro. Le général de Gaulle renouvellera son appel avec un nouveau texte sur les antennes de la BBC le 22 juin, jour de la signature de l’armistice.
France Bleu : L'appel du 18 juin est aujourd'hui considéré comme l'acte fondateur de la résistance, est-ce exact ?
Aurélie Luneau : C'est un moment fondateur, celui de la naissance de la France libre avec cet appel à poursuivre le combat, et l'acte qui fait entrer de Gaulle dans l'Histoire. L'appel du 18 juin n'est pourtant pas le premier appel lancé par le Général. Deux historiens, Pierre et Anne Rouanet, ont en effet retrouvé il y a quelques années un texte daté du 21 mai 1940. Charles de Gaulle est alors colonel et se trouve sur le terrain de guerre entre Reims et Soissons, à Savigny-sur-Ardres (Marne). Dans une émission intitulée "Le quart d'heure du soldat", il délivre pour la première fois à la radio un message qui a la même résonance, les idées de l'appel du 18 juin sont déjà là. Ce texte enregistré le 21 mai est diffusé le 2 juin sur les antennes de la radiodiffusion française. C'est une sorte de répétition générale, méconnue. Vient ensuite l'appel du 18 juin.
Dans quelles conditions est-il rédigé et lu sur les ondes de la BBC ?
Aurélie Luneau : Le général a passé la soirée du 17 chez Jean Monnet [qui deviendra l'un des "pères fondateurs" de l'Europe] à Londres, puis a commencé à rédiger son texte une fois rentré dans son appartement. Le manuscrit que nous avons retrouvé est raturé, on voit qu'il a repris ses idées et nous savons qu'il a dû amender son texte à la demande du ministère des Affaires étrangères anglais pour être autorisé à s'exprimer. Les Britanniques étaient alors en pleine négociations avec le gouvernement français et le maréchal Pétain, qu'ils espéraient encore convaincre de poursuivre la guerre. Si la BBC avait laissé entendre les propos virulents de ce général, rebelle, qui ne cautionnait pas la demande d'armistice, cela aurait fermé les portes diplomatiques. Les Anglais avaient aussi à cœur de conserver la flotte française, ils craignaient qu'elle tombe aux mains des Allemands.
Le 18 juin vers 18 heures donc, le général est arrivé dans les studios de la BBC et a enregistré le texte qui fût diffusé à 22 heures. De nombreux documents d'archives et les écoutes suisses laissent à penser que l'appel a été enregistré sur un disque mais qu'il n'a pas été conservé car Charles de Gaulle était à l'époque un inconnu. On a probablement pas pris la mesure de l'importance du moment. Ce que l'on sait toutefois, c'est que ce texte a été "redonné" à l'antenne à plusieurs reprises pendant 24 heures.
François Delpla : Dans l'appel prononcé au micro, que nous connaissons grâce aux services d'écoute suisses, figure une phrase imposée par Lord Halifax : "Le maréchal Pétain recherche un armistice dans l'honneur, et s'il n'y a pas d'honneur, il n'y aura pas d'armistice". Pour être autorisé à s'exprimer, le général de Gaulle fût obligé de prétendre que Pétain était un homme d'honneur ce qui était le contraire exact de sa pensée. Après sa prise de parole cependant, il remanie à nouveau le texte et cette phrase ne figure pas dans la version définitive de l'appel, publiée dès le 19 juin dans les journaux anglais, puis en août par La France libre dans son journal officiel.
A-t-il été largement entendu ?
François Delpla : Difficile à dire. On peut penser qu'un certain nombre de Français l'ont entendu, beaucoup écoutaient des radios étrangères sachant que la radio nationale était censurée et tous n'étaient pas sur les routes, en dépit de l'exode. Le texte a en outre été reproduit dans les journaux français, comme Le Petit Marseillais à partir d'un communiqué de la BBC. Mais aucune enquête historique sérieuse n'a encore été réalisée sur le sujet.
Aurélie Luneau : En juin 1940, il y avait six millions de postes de radios pour 40 millions d'habitants. Il est donc compliqué d'évaluer précisément combien de personnes ont entendu cet appel, ce que l'on sait c'est que le bouche à oreille a fonctionné. Dès le lendemain le texte a été reproduit en entier ou en partie dans la presse française et l'information selon laquelle un général appelait à résister depuis Londres a commencé à circuler.
Peut-on dire de ce discours qu'il a changé le cours de la guerre ?
Aurélie Luneau : Oui, c'est un NON fondateur de la Résistance et un discours avec lequel le général de Gaulle est lui-même entré dans l'Histoire. La légende de Gaulle commence avec cet appel du 18 juin.
François Delpla : Oui. On dit souvent que de Gaulle n'était rien sans Churchill mais on n'examine jamais la réciproque. Or il y avait une querelle énorme au plus haut niveau du gouvernement britannique entre M.Churchill et M.Halifax sur la conduite à tenir face à la victoire de l'Allemagne. On peut penser que c'est grâce à de Gaulle et la France libre que Churchill l'a emporté. Cela aurait-il été possible si la France s'était totalement inclinée ?
Cet appel a également forgé le mythe politique, l'homme politique ?
Aurélie Luneau : C'est ce qui est très intéressant, c'est l'appel d'un homme, alors complètement isolé, mais qui croit fermement que l'on peut encore gagner face à l'Allemagne. Il joue son va-tout. Dès janvier 1940 il avait tenté d'interpeller des personnalités politiques, pour leur dire qu'il fallait absolument développer l'arme blindée et développer une stratégie offensive et non défensive, sans succès. C'était un visionnaire, un stratège militaire et politique. Il avait tout prévu. Le 1er octobre 1938 déjà, dans une lettre à sa femme, il écrivait : "Nous prenons l'habitude du recul et de l'humiliation, nous boirons le calice jusqu'à la lie". C'était un patriote pétri d'amour pour son pays qui, dès l'adolescence, s'imaginait dans la posture du sauveur terrassant l'ennemi allemand. Une figure devenue héroïque et pour cause : c'est un homme seul qui a dit non.
François Delpla : La signature de l'armistice, le 22 juin, est capitale. Le 23 juin le gouvernement britannique décide de ne plus reconnaître le gouvernement Pétain mais de reconnaître à la place un comité national français qui continue la lutte et dont le général de Gaulle est le coordonnateur. On espère alors qu'il parviendra à former un gouvernement alternatif en attirant des personnalités politiques plus représentatives, comme Georges Mandel ou Paul Reynaud.
Que reste-t-il de cet appel aujourd'hui, en 2020 ?
Aurélie Luneau : Depuis le 17 juin 2005, le texte est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, c'est une formidable reconnaissance internationale de l'acte fondateur du général dans sa lutte pour la liberté et la démocratie. Son héritage est aussi régulièrement récupéré politiquement, par tous les partis, et par des mouvements emblématiques de contestation. Le 18 juin 1968 par exemple, les étudiants avaient imaginé une grande affiche reprenant la symbolique de l'appel du général pour faire valoir leurs revendications. Plus récemment, en 2016, un syndicat d'apiculteurs engagé dans un combat écologique a récupéré l'appel et enregistré "L'abeille du 18 juin". Tout cela fait dire que cet appel du 18 juin n'est pas uniquement ancré dans l'Histoire. Ce n'est pas juste une balise et un texte devenu l'un des grands discours du 20e siècle, il continue à servir d'autres causes, il est devenu un outil. Quand on interroge les collégiens et lycéens enfin, la figure de de Gaulle dit quelque chose à tous, même s'ils évoquent davantage le président, mai 68 ou encore la guerre d'Algérie que le fondateur de la France Libre et le résistant. En revanche, beaucoup de jeunes ne savent pas ce qu'est l'appel du 18 juin, ces moments d'anniversaires sont donc importants pour le replacer dans l'Histoire pour les jeunes générations.
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Par Viviane Le Guen, France Bleu
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