Bouazza, Lachkhem et Zeghmati ont fait de l'Algérie une prison à ciel ouvert. PPAgency
Wassini Bouazza arrêté, Belkacem Zeghmati interdit de quitter le territoire national, Abdelkader Lachkhem sur la sellette. Le trio maléfique, résidu du règne chaotique de Gaïd-Salah et le clan qu’il a enfanté, est en train de s’effondrer comme un château de cartes. Les trois individus seront bientôt suivis par d’autres fonctionnaires et officiers supérieurs de la même engeance, au premier rang desquels le général Amar Boussis, directeur de la justice militaire qui, du haut de ses quatre-vingts ans, par peur de perdre son siège auquel il est rivé depuis des lustres, est le parangon par excellence de l’avachissement et de l’apathie. Mais qui sont ces «meneurs» de cette loge secrète qui a juré que jamais l’Algérien ne devra vivre libre et heureux dans son propre pays ?
Transfuge de la défense aérienne du territoire, rien ne prédisposait le général Wassini Bouazza à atterrir dans la très spéciale direction de la sécurité intérieure, sinon son dévouement intéressé à l’ancien chef d’état-major de l’armée, l’obtus Gaïd-Salah dont la mission prioritaire consistait à réduire à néant l’ex-DRS qui hantait ses nuits tant que le général Toufik présidait à ses destinées. Wassini Bouazza a appris de son mentor la méthode brutale, alliant menaces, intimidations, répression, enlèvements, fausses accusations, compromissions et chantage. Il aura marqué de son empreinte maculée les services secrets algériens en une année de règne durant laquelle il aura détruit une réputation qui remonte à la glorieuse Guerre de libération, lorsque les aînés ont créé le redoutable MALG sous la direction du génie Abdelhafid Boussouf.
Les arrestations de militants pacifiques du Hirak, les procès ubuesques et les verdicts fantasques, c’est lui. Ripoux, inapte, comploteur et vil, le général Wassini Bouazza est l’incarnation de toutes les tares que le noble métier de soldat abhorre et bannit. Jamais une arrestation n’a provoqué une joie aussi largement partagée, non seulement parmi les citoyens mais, surtout, dans les rangs mêmes de l’institution et des services de renseignements enfin débarrassés d’une souillure qui a sali l’image de la très respectée Armée nationale populaire.
Autre plaie aux Tagarins, le directeur central des transmissions, le général Abdelkader Lachkhem. Acolyte du désormais ex-patron de la sécurité intérieure, il a fait de la chasse à l’homme sur les réseaux sociaux son activité de prédilection depuis que Gaïd-Salah lui a confié la délicate tâche de cyber-défense. Une tâche qui, au demeurant, dépasse ses compétences restées figées à la gestion des fréquences hertziennes qu’il a acquises il y a de très longues années. Dépassé par les nouvelles technologies et doublé par une génération montante qui jongle avec les outils modernes de communication, son rôle se limite à traquer sur la Toile tout citoyen qui rendrait caducs les bobards des chaînes privées jusque-là à la solde de Wassini Bouazza, en révélant à l’opinion publique ce que leur cache la machine de propagande mise en place par ces apprentis dictateurs.
Abdelkader Lachkhem a installé un élevage de moucherons pour infester les réseaux sociaux et manipuler la population en semant le mensonge, la calomnie, l’insulte et l’infamie devenus, depuis que l’arme de l’Internet lui a été confiée, l’embrun aveuglant par lequel il croyait pouvoir abuser une jeunesse intelligente qui le dépasse d’une tête. Impliqué à fond dans le dossier des télécommunications qui a conduit l’ancienne ministre Houda-Imane Feraoun devant le juge, il sera rattrapé par les affaires scabreuses dans lesquelles il est mouillé jusqu’au coup et terminera ses jours très certainement derrière les barreaux.
Quant à Belkacem Zeghmati, ceux qui ont conseillé à Gaïd-Salah de le charger du portefeuille de la Justice connaissent bien le bonhomme. Ils le savent corvéable à merci, discipliné et docile. Sa désignation en qualité de garde des Sceaux s’est faite après que son prédécesseur eut refusé de se soumettre au diktat des militaires et d’exécuter les injonctions illégales des tenants réels du pouvoir au lendemain de la déchéance de Bouteflika. Le rappel de Zeghmati était motivé par sa structure pliable. On l’a vu courber l’échine, lui le ministre, devant un vice-ministre qui lui ordonnait d’«aller jusqu’au bout», en ayant pour seule réponse pavlovienne et coulante, dans la langue de Molière, lui le «badissiste» partisan de l’arabité : «Mille mercis !» en ajoutant de façon inaudible, en bon ventriloque : «Chef !»
Belkacem Zeghmati s’est fait connaître dans l’affaire Chakib Khelil lorsque l’ancien patron de l’ex-DRS, le général Toufik, avait découvert le pot-aux-roses et en avait informé Bouteflika. Ce dernier, conscient de la gravité des faits reprochés à son ami d’enfance, avait décidé de le limoger mais en lui évitant des poursuites judiciaires. Le général Toufik commit alors l’erreur d’en référer au ministre de la Justice de l’époque, Mohamed Charfi, sans en aviser le Président, lequel Charfi transféra le dossier au procureur général près la cour d’Alger, Belkacem Zeghmati en l’occurrence. Les deux hommes seront limogés, tandis que le général Toufik sera jeté en pâture à l’irascible et fruste chef d’état-major qui attendait, haletant, qu’on lui offrît enfin l’occasion de massacrer sa bête noire.
Nommé à El-Biar, siège du ministère de la Justice aux allures de mosquée, l’homme à la dermatose dévotionnelle ostentatoire sur son front dégarni s’est vite mis au sale boulot, légitimant sans retenue et avec une ferveur extatique l’emprisonnement de centaines de jeunes manifestants pour des motifs fallacieux. Il aura été le ministre de la Justice le plus exécré depuis Tayeb Louh, dont les péchés paraissent bien moins inexpiables.
A. S
avril 14, 2020
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