L’événement qui a bouleversé la France coloniale
Dans ce témoignage, un responsable au sein de la Fédération de France du FLN, retrace les principaux faits qui ont jalonné cette grève et rend hommage au premier chahid Rabia Rabia 34 ans.
Moh-clichy en moto supervisant le mouvement de la grève des Huit-Jours dans les quartiers de la banlieue Nord de Paris Clichy Levallois Asnieres Gennevilliers - Paris XVIIème.
Mohamed Ghafir dit Moh Clichy
«En 1956, le FLN avait réussi à s’implanter dans toute l’Algérie et en France. Les militants travaillaient dans l’ombre. Les responsables du Front ont estimé que le moment était venu d’organiser une puissante démonstration de l’unité du peuple algérien autour de son organisation révolutionnaire.
Il s’agissait là d’un geste politique indispensable aussi bien à l’égard « des militants, des sympathisants que du peuple tout entier.» (1)
Mohamed Lebdjaoui membre du premier Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA) issu du congrès de la Soummam du 20 Août 1956, s’est rendu en France début janvier 1957 sur décision du Comité de coordination et d’exécution (CCE), avec pour mission de renforcer le Comité fédéral dont plusieurs membres avaient été arrêtés par la police française..
Abane Ramdane lui donne des instructions pour préparer l’émigration algérienne à la grève des Huit-Jours prévue du 28 janvier au 4 février 1957.
Cette grève est la première bataille politique décidée par le CCE, menée en Algérie et en France.
L’émigration structurée au sein de la Fédération de France du FLN va jouer un rôle important dans cette action qui va provoquer la paralysie de l’industrie et de toutes les activités économiques françaises ; ce qui permettra de sensibiliser l’opinion française et internationale sur la guerre menée par le colonialisme français contre le peuple algérien mobilisé derrière le FLN.
1. L’appel à la grève par tracts et directives du CCE
Pour une grève générale de 8 jours à partir du 28 janvier 1957 à zéro heure.
Peuple algérien !
L’annonce de la grève générale de huit jours à l’occasion du débat à l’ONU sur la question algérienne a semé le désarroi chez les autorités françaises. Le général Massu menace de livrer les magasins des grévistes au pillage et l’administration française de licencier les fonctionnaires. C’est la meilleure preuve de l’affolement qui règne dans les rangs colonialistes.
C’est une raison supplémentaire pour que le peuple algérien fasse de cette grève un succès total.
Ces menaces du général Massu resteront vaines. Nos commerçants savent les sacrifices qu’exige notre Libération. Ils ne se laisseront pas intimider. Les meilleurs de nos fils tombent tous les jours. Les biens du peuple sont quotidiennement saccagés par la soldatesque française. Que le général Massu instaure le pillage à Alger, ce sera une nouvelle illustration de l’ordre colonial et de la pacification. Cela n’ébranlera guère la détermination des Algériens d’arracher leur indépendance» (2).
1) Extrait de déclarations de Mohamed Lebjaoui dans son livre « Bataille d’Alger ou bataille d’Algérie — Gallimard 1972»
2) Déclaration authentique tirée des archives nationales.
2. Les objectifs visés
• Mobilisation générale de tout le peuple derrière le Front de Libération nationale, seul représentant authentique et exclusif.
• Elimination du MNA (Clan des Messalistes) pour éviter la 3ème force.
•Démonstration à l’Assemblée générale de l’ONU que les exigences d’indépendance et de souveraineté du FLN sont celles de la nation toute entière.
3. Les consignes du CCE
• Fermez vos magasins –Restez chez vous.
•Cessez le travail – les cours du primaire à l’universitaire. Evitez tout geste qui pourrait donner lieu à une provocation.
4. Les résultats obtenus
• Le mouvement de grève fut observé avec la même rigueur et la même ampleur par les travailleurs algériens émigrés sous l’égide de la Fédération de France du FLN. Si elle fut suivie à plus de 98%, c’est qu’elle a été soigneusement bien préparée.
• La grève des Huit Jours fut l’occasion pour l’émigration algérienne de prouver avec plus de force et de manifester devant l’opinion française et internationale son appartenance à la nation algérienne.
• Toutes les entreprises françaises, usines, chantiers, administrations se trouvent paralysées économiquement durant les 8 jours de grève, avec l’absence de 300 000 Algériens qui forment une main-d’œuvre spécialisée dans leur majorité.
• A la reprise du travail le 5 février 1957, dans certains établissements importants, comme Renault, Citroën, Peugeot et autres unités industrielles, les travailleurs algériens ont été accueillis avec une ovation de leurs collègues français en criant: « Voilà les Fellagas sont de retour. »
• Cette bataille politique a démontré à l’Assemblée générale de l’ONU que les exigences d’indépendance et de souveraineté du FLN étaient réellement celles de la nation toute entière.
« Jamais depuis 1830, une action concertée, organisée, n’avait pu mobiliser sur l’ensemble du territoire et au sein de l’émigration en France, le même jour, au même moment, des millions d’hommes.
Cette grève générale marque donc l’un des plus grands moments de l’Histoire de l’Algérie depuis le début de l’occupation coloniale » (3).
(3) Mohamed Lebjaoui dans son livre « Bataille d’Alger ou Bataille d’Algérie – Gallimard 1972 » - page 36.
Ces trois évènements qui se sont produits en 1957 (assassinat de Rabia Rabia, premier chahid, en janvier, exécution de Chekal en mai et opération quadrillage en juillet) revêtent une importance stratégique pour la lutte de Libération nationale en dépit de l’offensive du MNA qui a fait des dizaines de morts dans les rangs du Front avec l’aide et la complicité de la police française.
Ces évènements ont, en effet, marqué la vie de l’Organisation dans les années 1956-1957 et permis la structuration totale de l’émigration au sein du FLN.
La Fédération de France du FLN, forte de ses nombreux militants engagés, a été le fer de lance de la lutte de Libération nationale sur trois plans :
• au plan politique, elle a oeuvré à transporter la guerre sur le territoire français faisant prendre conscience à l’opinion française de l’existence et de la réalité de la guerre d’Algérie, souvent occultées par les gouvernants et les médias. Elle a permis aussi de mettre au-devant de la scène internationale le problème de la guerre d’Algérie .
• au plan financier, elle a permis de contribuer à l’effort de guerre avec le reversement des cotisations à l’extérieur du territoire français et donc considérée à juste titre comme le trésorier de la Révolution algérienne (cf. livre de Ali Haroun La 7ème Wilaya - pages 489 à 492),
• au plan de l’encadrement, elle a transformé les prisons, avec les luttes menées à l’intérieur, en véritables écoles d’apprentissage, de militantisme et de formation des cadres de l’Organisation.
En Algérie, en tout cas, la parole ne pouvait être qu’à la guerre. C’est pourquoi, la grève des Huit-Jours, notamment par la grâce de Lacoste et de Massu, apparaît aujourd’hui avec le recul, comme une date capitale dans l’histoire de la Révolution algérienne (1).
(1) Témoignage de Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy – Responsable de la région Nord de Paris – 1956-1957, Fédération de France du FLN.
Conclusion
à l’occasion du 63e anniversaire de la grève des Huit-Jours
« bataille politique du FLN décidée par le CCE, issu du congrès de la Soummam du 20 Août 1956 », je me fais le devoir de donner ce témoignage vivant vécu parmi l’émigration au sein de la Fédération de France du FLN. Je me trouvais à l’époque responsable de la région Nord de Paris couvrant le XVIIe arrondissement et trois communes de la banlieue Nord (Clichy, Saint-Ouen et Levallois).
Par devoir de mémoire, il faut rappeler que la grève des Huit-Jours a concerné toute l’Algérie et l’émigration en France structurée au sein de la Fédération de France du FLN, les tracts et les directives du CCE sont claires et précises.
Il s’agit de la bataille d’Algérie
« bataille d’Alger , appellation donnée par le général Massu et ses paras », le livre de Mohamed Lebjaoui porte bien le titre « Bataille d’Alger ou Bataille d’Algérie » - éditions Gallimard 1972 ».
Le point d’interrogation est significatif .
Pour ma part, parler de cet événement historique en le focalisant sur Alger uniquement, c’est minimiser sa portée et l’impact de cet événement qui constitue la 3ème étape importante de la lutte de Libération déclenchée le 1er Novembre 1954.
Il s’agit de la première étape du 20 Août 1955 l’offensive du Nord-Constantinois par l’ALN dirigée par le chahid Ziroud Youcef sacrifiant 12 000 chahid la deuxième étape, le congrès de la Sosummam du
20 Août 1956, la troisième étape la grève des huit-Jours de Janvier 1957. HM.G
*Mohamed Ghafir dit Moh Clichy, responsable de la Fédération de France du FLN ,la région Nord de Paris.
Région Nord de Paris (Clichy La Garenne) Fédération de France du FLN.
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