«Ce qui s’est passé en Algérie est pire que la Shoah»
Un historien algérien réagit aux déclarations de Macron
Dans une interview accordée à Sputnik, un historien algérien a déclaré suite à la polémique déclenchée par les propos de Macron que la souffrance subie par les Algériens durant la colonisation française «était pire que la Shoah». Il a comparé cette colonisation à la conquête des Amériques où des millions d’Indiens ont été décimés.
Dans l’avion qui le ramenait à Paris après une visite officielle en Israël, Emmanuel Macron a confié à la presse qui l’accompagnait que «la France doit revisiter la mémoire de la guerre d’Algérie pour mettre un terme au conflit mémoriel qui rend la chose très dure en France». Il a ajouté que s’il parvenait à le régler, ce dossier aura «à peu près le même statut que ce qu’avait la Shoah pour Chirac en 1995».
Ces déclarations ont provoqué un tollé au sein d’une partie de la classe politique française qui a jugé «obscène» la comparaison faite par le Président de ces deux faits historiques. L’Élysée a été obligé de faire une mise au point, soulignant que «l’Holocauste est un crime absolu qui ne peut être comparé à aucun autre».
Dans un entretien accordé à Sputnik, Mohamed Lamine Belghit, historien et professeur académicien à l’Université d’Alger, affirme que «ce qui s’était passé en Algérie était pire que la Shoah».
Il a par ailleurs expliqué que la polémique qui a suivi les déclarations de Macron en France obéissait à une logique électoraliste à l’approche de la présidentielle de 2022.
Les Algériens comme les «Indiens d’Amérique»
Ainsi M.Belghit estime que ce qui s’est passé en Algérie «ne peut être comparé qu’à ce qu’ont vécu les Indiens d’Amérique entre le 15e et 18e siècle, où plus de 10 millions d’entre eux ont été massacrés lors de la colonisation de ce continent».
Dans le même sens, il a ajouté que «les Français, et ce de l’aveu de leurs historiens comme Olivier Le Cour Grandmaison [auteur du livre Coloniser-Exterminer publié en 2005 chez les éditions Fayard, ndlr] ont mis en place des Shoah partout en Algérie, où ils ont tué et pillé les richesses des Algériens».
Est-il possible de régler la question mémorielle?
«Ouvrir le dossier du génocide français en Algérie est une affaire très délicate», a expliqué Mohamed Lamine Belghit, car «les pires crimes contre l’Humanité commis par l’armée française de 1830 à 1962 en Algérie ont eu lieu sous la Ve République dirigée par le général De Gaulle [1958-1962, ndlr]». «Aucun homme politique français n’a le courage d’assumer la responsabilité de porter une telle accusation à l’égard du général De Gaulle qui est vénéré comme le père sauveur de la patrie et dont la période de passage au pouvoir est qualifié de glorieuse», dénonce-t-il.
Dans ces conditions, «comment voulez-vous convaincre les Algériens que les Français [les autorités, ndlr] qui ne reconnaissent pas avoir tué plus de 40.000 de leurs concitoyens le 13 février 1960 lors des premiers essais nucléaires dans la région de Reggane, dans le sud de l’Algérie, ordonné par De Gaulle lui-même [La France a effectué en Algérie, entre 1960 et 1966, 57 expérimentations et explosions nucléaires, ndlr], sont sincères dans leur démarche de régalement de la question mémorielle entre les deux pays», s’interroge-t-il.
«Ceci en plus des milliers de camps de concentration construits en Algérie entre 1958 et 1962 après la réforme constitutionnelle décidée par De Gaulle et dont même Jean-Paul Sartre avait parlé dans son texte "Le colonialisme est un système" où il avait affirmé que "le colonialisme est notre honte; […] il nous infecte de son racisme […]; il oblige nos jeunes gens à mourir malgré eux pour les principes nazis que nous combattions il y a dix ans […]"», explique-t-il.
Ainsi, pour le professeur, «il va falloir beaucoup de courage politique de part et d’autres et un sérieux dans la présentations des preuves historiques par les spécialistes».
Les élections présidentielles de 2022 en ligne de mire
Mohamed Lamine Belghit assure qu’«Emmanuel Macron est déjà dans une logique de préparation de sa réélection [en 2022, ndlr] et ses déclarations ne sont en fait qu’un ballon d’essai envoyé en direction des électeurs français d’origine maghrébine qui atteignent en nombre un peu plus de sept millions d’électeurs en métropole». De ce point de vue, «le Président Macron est très intelligent, il manie parfaitement le bâton et la carotte», ajoute-t-il.
À ce propos, «il est bien de rappeler que l’Algérie a une grande capacité d’influence sur les élections en France», indique-t-il, précisant qu’elle a les moyens «d’orienter le vote de la communauté immigrée malgré les frictions sociales et politiques entre cette dernière et les nouveaux migrants».
Des promesses non tenues
Enfin, le spécialiste précise ne rien attendre du Président français «ni maintenant, avant la fin de son premier mandat, ni plus tard en cas de sa réélection pour un second mandat». «Il a déjà assez de problèmes et de responsabilités dans les dossiers des Gilets jaunes et des retraites où il a grillé un bon nombre de ses cartes électorales», souligne-t-il.
Dans ce sens, l’historien rappelle que «lors de ses différentes visites en Algérie [en février 2017 en tant que candidat présidentiel, en décembre 2017 et mars 2018 en tant que Président de la République, ndlr] M.Macron a fait beaucoup de promesses concernant le traitement de la question mémorielle entre les deux pays, mais force est de constater qu’aucune d’elles n’a été tenue, à l’instar de la question de la restitution de dizaines de crânes de résistants algériens exposés au Musée de l’Homme à Paris».
Je vous adresse cette lettre, non pas en tant que professeur de français au Département de français à l'université de Gaza - un département créé avec le concours du Consulat de France à Jérusalem, et soutenu par des associations francophones - ni en tant que chercheur universitaire ou bien encore comme écrivain, poète d'expression française ; je vous écris en tant que simple citoyen palestinien qui vit le blocus, la souffrance et l'horreur dans cette prison à ciel ouvert de Gaza.
Je suis un Palestinien francophone qui développe l'enseignement du français dans la bande de Gaza en dépit de toutes les difficultés, et cela en coopération avec le Consulat Général de France à Jérusalem, un consulat très actif en faveur la francophonie dans les Territoires palestiniens. Mais un Palestinien souvent bloqué dans sa ville et empêché de sortir de sa cage pour participer à des conférences et colloques universitaires dans des pays francophones à cause du blocus impitoyable et des fermetures des frontières qui relient la bande de Gaza à l'extérieur.
Je suis un Palestinien qui garde espoir d'un lendemain meilleur, un lendemain de paix et de justice, et qui a décidé de rester très attaché à son pays et à sa ville natale, aux côtés de ces jeunes et ces enfants afin de les soutenir et de leur remonter le moral dans le contexte très difficile de Gaza.
Je suis un Palestinien qui a décidé de résister contre les mesures atroces de l'occupation par l'éducation et par l'enseignement de cette si belle langue, le français.
Je suis un Palestinien très attaché aux principes de démocratie, de liberté et des droits de l'Homme, principes inspirés de la Révolution française.
Je suis un Palestinien qui espère beaucoup en la France, un pays qui partage avec la Palestine une somme de valeurs ; un pays très apprécié par les Palestiniens, qui essaye toujours de développer des relations politiques, économiques, culturelles, et éducatives avec les Palestiniens.
Les Palestiniens comptent beaucoup sur la France et sur l'Europe pour relancer le processus de paix en plein échec, à l'agonie plus exactement. Un processus de paix commencé à Oslo en 1993, alors que 27 ans après les Palestiniens n'ont rien obtenu, bien au contraire puisqu'ils voient leurs terres volées et colonisées jour après jour.
Je vous écris cette lettre au nom des enfants de Gaza qui sont privés de leurs loisirs et de la simple joie, des enfants qui apprennent dans des écoles et des classes détruites par les différentes agressions israéliennes. Même leurs rares centres culturels sont quasiment tous détruits suite à des bombardements israéliens.
Je vous adresse cette lettre au nom des jeunes palestiniens qui ont entre 20 et 25 ans et qui n'ont jamais quitté leur ville ; des jeunes désespérés et qui souffrent du chômage, du blocus, et de l'absence de perspectives pour l'avenir.
Je vous envoie cette lettre au nom de ces familles palestiniennes en Cisjordanie qui souffrent de la colonisation, du mur de l'apartheid, des check-points de l'armée de l'occupation et qui, malgré tout cela, envoient leurs enfants à l'école.
Je vous adresse cette lettre au nom des mères des enfants et des jeunes palestiniens tués tous les jours en Cisjordanie et dans la bande de Gaza par les tirs de l'armée israélienne ; au nom des mères qui ne trouvent personne pour effacer leurs larmes ou clamer leur colère.
72 ans après la décision de l'ONU, nous sommes encore et toujours occupés, humiliés et privés de nos droits. Le temps n'est-il pas venu, Monsieur le Président, d'instaurer la justice dans notre région ?
Nous sommes en 2020. Le temps n'est-il pas venu pour que la France prenne une décision courageuse pour dire non à l'injustice, à l'oppression, et pour mettre fin à l'occupation ?
Aidez-nous, Monsieur le Président, par une décision courageuse, qui va sans doute encourager d'autres pays européens qui bougent sur ce sujet, à reconnaître notre Etat afin d'aider à mettre fin à la souffrance de toute une population civile et à réaliser les espérances et les revendications de tout un peuple.
Nous demandons un geste politique fort et utile à la France : nous lui demandons la reconnaissance de l'Etat de la Palestine. Nous demandons de la France une décision pour la justice car nous croyons qu'elle a une voie singulière à exprimer dans notre région.
Nous sommes pour une paix juste et durable, une paix qui passera avant tout par l'application des décisions internationales et par la création d'un Etat palestinien libre et indépendant.
Vive la France !
Vive la Palestine !
Vive les relations franco-palestiniennes !
Veillez accepter, Monsieur le Président, mes meilleures salutations distinguées de Gaza la vie.
ZIAD MEDOUKH
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Ziad Medoukh
Ziad Medoukh est un professeur de français, écrivain et poète palestinien d’expression française. Titulaire d’un doctorat en sciences du langage de l’Université de Paris VIII, il est responsable du département de français de l’Université al-Aqsa de Gaza et coordinateur du Centre de la paix de cette université. Il est l’auteur de nombreuses publications concernant la Palestine, et la bande de Gaza en particulier, ainsi que la non-violence comme forme de résistance. Il a notamment publié en 2012 Gaza, Terre des oubliés, Terre des vivants, un recueil de poésies sur sa ville natale et son amour de la patrie. Ziad Medoukh a été fait chevalier de l’ordre des Palmes académiques de la République française en 2011. Il est le premier citoyen palestinien à obtenir cette distinction. En 2014, Ziad Medoukh a été nommé ambassadeur par le Cercle universel des ambassadeurs de la paix. Il a remporté le premier prix du concours Europoésie en 2014 et le prix de la poésie francophone pour ses œuvres poétiques en 2015.
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«Ce qui s’est passé en Algérie est pire que la Shoah»
Un historien algérien réagit aux déclarations de Macron
Dans une interview accordée à Sputnik, un historien algérien a déclaré suite à la polémique déclenchée par les propos de Macron que la souffrance subie par les Algériens durant la colonisation française «était pire que la Shoah». Il a comparé cette colonisation à la conquête des Amériques où des millions d’Indiens ont été décimés.
Dans l’avion qui le ramenait à Paris après une visite officielle en Israël, Emmanuel Macron a confié à la presse qui l’accompagnait que «la France doit revisiter la mémoire de la guerre d’Algérie pour mettre un terme au conflit mémoriel qui rend la chose très dure en France». Il a ajouté que s’il parvenait à le régler, ce dossier aura «à peu près le même statut que ce qu’avait la Shoah pour Chirac en 1995».
Ces déclarations ont provoqué un tollé au sein d’une partie de la classe politique française qui a jugé «obscène» la comparaison faite par le Président de ces deux faits historiques. L’Élysée a été obligé de faire une mise au point, soulignant que «l’Holocauste est un crime absolu qui ne peut être comparé à aucun autre».
Dans un entretien accordé à Sputnik, Mohamed Lamine Belghit, historien et professeur académicien à l’Université d’Alger, affirme que «ce qui s’était passé en Algérie était pire que la Shoah».
Il a par ailleurs expliqué que la polémique qui a suivi les déclarations de Macron en France obéissait à une logique électoraliste à l’approche de la présidentielle de 2022.
Les Algériens comme les «Indiens d’Amérique»
Ainsi M.Belghit estime que ce qui s’est passé en Algérie «ne peut être comparé qu’à ce qu’ont vécu les Indiens d’Amérique entre le 15e et 18e siècle, où plus de 10 millions d’entre eux ont été massacrés lors de la colonisation de ce continent».
Dans le même sens, il a ajouté que «les Français, et ce de l’aveu de leurs historiens comme Olivier Le Cour Grandmaison [auteur du livre Coloniser-Exterminer publié en 2005 chez les éditions Fayard, ndlr] ont mis en place des Shoah partout en Algérie, où ils ont tué et pillé les richesses des Algériens».
Est-il possible de régler la question mémorielle?
«Ouvrir le dossier du génocide français en Algérie est une affaire très délicate», a expliqué Mohamed Lamine Belghit, car «les pires crimes contre l’Humanité commis par l’armée française de 1830 à 1962 en Algérie ont eu lieu sous la Ve République dirigée par le général De Gaulle [1958-1962, ndlr]». «Aucun homme politique français n’a le courage d’assumer la responsabilité de porter une telle accusation à l’égard du général De Gaulle qui est vénéré comme le père sauveur de la patrie et dont la période de passage au pouvoir est qualifié de glorieuse», dénonce-t-il.
Dans ces conditions, «comment voulez-vous convaincre les Algériens que les Français [les autorités, ndlr] qui ne reconnaissent pas avoir tué plus de 40.000 de leurs concitoyens le 13 février 1960 lors des premiers essais nucléaires dans la région de Reggane, dans le sud de l’Algérie, ordonné par De Gaulle lui-même [La France a effectué en Algérie, entre 1960 et 1966, 57 expérimentations et explosions nucléaires, ndlr], sont sincères dans leur démarche de régalement de la question mémorielle entre les deux pays», s’interroge-t-il.
«Ceci en plus des milliers de camps de concentration construits en Algérie entre 1958 et 1962 après la réforme constitutionnelle décidée par De Gaulle et dont même Jean-Paul Sartre avait parlé dans son texte "Le colonialisme est un système" où il avait affirmé que "le colonialisme est notre honte; […] il nous infecte de son racisme […]; il oblige nos jeunes gens à mourir malgré eux pour les principes nazis que nous combattions il y a dix ans […]"», explique-t-il.
Ainsi, pour le professeur, «il va falloir beaucoup de courage politique de part et d’autres et un sérieux dans la présentations des preuves historiques par les spécialistes».
Les élections présidentielles de 2022 en ligne de mire
Mohamed Lamine Belghit assure qu’«Emmanuel Macron est déjà dans une logique de préparation de sa réélection [en 2022, ndlr] et ses déclarations ne sont en fait qu’un ballon d’essai envoyé en direction des électeurs français d’origine maghrébine qui atteignent en nombre un peu plus de sept millions d’électeurs en métropole». De ce point de vue, «le Président Macron est très intelligent, il manie parfaitement le bâton et la carotte», ajoute-t-il.
À ce propos, «il est bien de rappeler que l’Algérie a une grande capacité d’influence sur les élections en France», indique-t-il, précisant qu’elle a les moyens «d’orienter le vote de la communauté immigrée malgré les frictions sociales et politiques entre cette dernière et les nouveaux migrants».
Des promesses non tenues
Enfin, le spécialiste précise ne rien attendre du Président français «ni maintenant, avant la fin de son premier mandat, ni plus tard en cas de sa réélection pour un second mandat». «Il a déjà assez de problèmes et de responsabilités dans les dossiers des Gilets jaunes et des retraites où il a grillé un bon nombre de ses cartes électorales», souligne-t-il.
Dans ce sens, l’historien rappelle que «lors de ses différentes visites en Algérie [en février 2017 en tant que candidat présidentiel, en décembre 2017 et mars 2018 en tant que Président de la République, ndlr] M.Macron a fait beaucoup de promesses concernant le traitement de la question mémorielle entre les deux pays, mais force est de constater qu’aucune d’elles n’a été tenue, à l’instar de la question de la restitution de dizaines de crânes de résistants algériens exposés au Musée de l’Homme à Paris».
Je vous adresse cette lettre, non pas en tant que professeur de français au Département de français à l'université de Gaza - un département créé avec le concours du Consulat de France à Jérusalem, et soutenu par des associations francophones - ni en tant que chercheur universitaire ou bien encore comme écrivain, poète d'expression française ; je vous écris en tant que simple citoyen palestinien qui vit le blocus, la souffrance et l'horreur dans cette prison à ciel ouvert de Gaza.
Je suis un Palestinien francophone qui développe l'enseignement du français dans la bande de Gaza en dépit de toutes les difficultés, et cela en coopération avec le Consulat Général de France à Jérusalem, un consulat très actif en faveur la francophonie dans les Territoires palestiniens. Mais un Palestinien souvent bloqué dans sa ville et empêché de sortir de sa cage pour participer à des conférences et colloques universitaires dans des pays francophones à cause du blocus impitoyable et des fermetures des frontières qui relient la bande de Gaza à l'extérieur.
Je suis un Palestinien qui garde espoir d'un lendemain meilleur, un lendemain de paix et de justice, et qui a décidé de rester très attaché à son pays et à sa ville natale, aux côtés de ces jeunes et ces enfants afin de les soutenir et de leur remonter le moral dans le contexte très difficile de Gaza.
Je suis un Palestinien qui a décidé de résister contre les mesures atroces de l'occupation par l'éducation et par l'enseignement de cette si belle langue, le français.
Je suis un Palestinien très attaché aux principes de démocratie, de liberté et des droits de l'Homme, principes inspirés de la Révolution française.
Je suis un Palestinien qui espère beaucoup en la France, un pays qui partage avec la Palestine une somme de valeurs ; un pays très apprécié par les Palestiniens, qui essaye toujours de développer des relations politiques, économiques, culturelles, et éducatives avec les Palestiniens.
Les Palestiniens comptent beaucoup sur la France et sur l'Europe pour relancer le processus de paix en plein échec, à l'agonie plus exactement. Un processus de paix commencé à Oslo en 1993, alors que 27 ans après les Palestiniens n'ont rien obtenu, bien au contraire puisqu'ils voient leurs terres volées et colonisées jour après jour.
Je vous écris cette lettre au nom des enfants de Gaza qui sont privés de leurs loisirs et de la simple joie, des enfants qui apprennent dans des écoles et des classes détruites par les différentes agressions israéliennes. Même leurs rares centres culturels sont quasiment tous détruits suite à des bombardements israéliens.
Je vous adresse cette lettre au nom des jeunes palestiniens qui ont entre 20 et 25 ans et qui n'ont jamais quitté leur ville ; des jeunes désespérés et qui souffrent du chômage, du blocus, et de l'absence de perspectives pour l'avenir.
Je vous envoie cette lettre au nom de ces familles palestiniennes en Cisjordanie qui souffrent de la colonisation, du mur de l'apartheid, des check-points de l'armée de l'occupation et qui, malgré tout cela, envoient leurs enfants à l'école.
Je vous adresse cette lettre au nom des mères des enfants et des jeunes palestiniens tués tous les jours en Cisjordanie et dans la bande de Gaza par les tirs de l'armée israélienne ; au nom des mères qui ne trouvent personne pour effacer leurs larmes ou clamer leur colère.
72 ans après la décision de l'ONU, nous sommes encore et toujours occupés, humiliés et privés de nos droits. Le temps n'est-il pas venu, Monsieur le Président, d'instaurer la justice dans notre région ?
Nous sommes en 2020. Le temps n'est-il pas venu pour que la France prenne une décision courageuse pour dire non à l'injustice, à l'oppression, et pour mettre fin à l'occupation ?
Aidez-nous, Monsieur le Président, par une décision courageuse, qui va sans doute encourager d'autres pays européens qui bougent sur ce sujet, à reconnaître notre Etat afin d'aider à mettre fin à la souffrance de toute une population civile et à réaliser les espérances et les revendications de tout un peuple.
Nous demandons un geste politique fort et utile à la France : nous lui demandons la reconnaissance de l'Etat de la Palestine. Nous demandons de la France une décision pour la justice car nous croyons qu'elle a une voie singulière à exprimer dans notre région.
Nous sommes pour une paix juste et durable, une paix qui passera avant tout par l'application des décisions internationales et par la création d'un Etat palestinien libre et indépendant.
Vive la France !
Vive la Palestine !
Vive les relations franco-palestiniennes !
Veillez accepter, Monsieur le Président, mes meilleures salutations distinguées de Gaza la vie.
ZIAD MEDOUKH
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Ziad Medoukh
Ziad Medoukh est un professeur de français, écrivain et poète palestinien d’expression française. Titulaire d’un doctorat en sciences du langage de l’Université de Paris VIII, il est responsable du département de français de l’Université al-Aqsa de Gaza et coordinateur du Centre de la paix de cette université. Il est l’auteur de nombreuses publications concernant la Palestine, et la bande de Gaza en particulier, ainsi que la non-violence comme forme de résistance. Il a notamment publié en 2012 Gaza, Terre des oubliés, Terre des vivants, un recueil de poésies sur sa ville natale et son amour de la patrie. Ziad Medoukh a été fait chevalier de l’ordre des Palmes académiques de la République française en 2011. Il est le premier citoyen palestinien à obtenir cette distinction. En 2014, Ziad Medoukh a été nommé ambassadeur par le Cercle universel des ambassadeurs de la paix. Il a remporté le premier prix du concours Europoésie en 2014 et le prix de la poésie francophone pour ses œuvres poétiques en 2015.
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