Pour la rentrée culturelle, la fondation Asselah a invité Nna Djouher pour donner une rencontre sur “Kateb Yacine et sa création culte de Nedjma, qu’il est requis de vulgariser au mieux à l’école”.
L’auteure Nna Djouher Amhis Ouksel a inauguré, samedi dernier, le cycle de rencontres littéraires à l’ouverture de la saison culturelle de la fondation Asselah-Ahmed et Rabah. D’emblée, la conférencière a expliqué que “l’optique de ce rendez-vous éditorial de l’Empreinte est de révéler l’œuvre de Kateb Yacine et sa création culte de Nedjma qu’il est requis de vulgariser au mieux à l’école. Il est aussi temps de lever le voile sur l’homme qui adulait sa terre, l’amour du pays, la femme et son rapport aux langues. D’où qu’il est requis de débattre sans tabou aucun autour de l’itinéraire de Kateb Yacine qui a vécu le traumatisme colonial qui a généré l’aliénation”. Et d’ajouter : “Pis, Kateb Yacine a vécu également la rupture linguistique et a souffert de la distance mise entre lui et sa mère avec laquelle il communiquait en arabe algérien. En effet, la scolarisation à l’école de Jules Ferry a généré la perte de ses repères et la rupture avec sa société envers laquelle Kateb Yacine avait tant à partager.” À propos de l’égarement de l’occupant, Jules Ferry (1832-1893) déclarait à la Chambre constitutionnelle : “Si nous avons le droit d’aller chez ces barbares, c’est parce que nous avons le devoir de les civiliser... Il faut non pas les traiter en égarés mais se placer au point de vue d’une race supérieure qui conquiert”, a-t-on su de l’oratrice. Ce à quoi Jules Maigne (1816-1893) lui rétorque : “Vous osez dire cela dans le pays où ont été proclamés les droits de l’homme ?” Gardienne de la mémoire, l’auteure de l’Exil et la mémoire (éd. Casbah, 2011) a invité la tribu des Kbeltiya, dont les Kebloutis soupirants de Nedjma qui sont Mustapha, Lakhdar, Rachid et Mourad, venus pour l’aider à planter “le totem” de Kateb Yacine (1929-1989) sur lequel est gravé le symbole de la “non-existence” de l’auteur de la pièce théâtrale l'Homme aux sandales de caoutchouc (1970).
Et à lire sur le totem, l’effigie révèle “l’histoire assiégée à la force de la baïonnette où l’ancien «docker» au port d’Alger (1952) et auteur du Cadavre encerclé fut dépossédé de son enfance, de ses rêveries et de ses idéaux avec la tragédie du 8 Mai 1945”, a déclaré l’oratrice qui a avivé la cruelle stratégie de la colonisation et ses desseins de l’effacement de notre personnalité, de notre âme, de notre peuple, à l’aide d’une optique d’anéantissement : “Un tiers de la population a disparu entre 1830 et 1875.” Outre le bûcher de l’enfumade, le haro à l’arabe fusa du cercle d’esprits supposés éclairés qui claironnèrent l’hallali contre l’existence même de la personnalité algérienne : “Comprimer le peuple arabe” que disait Alexis-Henri-Charles Clérel, comte de Tocqueville (1805-1859). Outre l’horrible nuit de l’heurt colonial de 1830, suivie de l’épisode crucial de la dépossession de terres et les affres de la déportation, il y eut également 12 000 morts dans les rangs des tirailleurs algériens lors de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), a rappelé la conférencière. Et puisqu’on est dans l’offense coloniale, il est utile d’évoquer l’exemple de Si Mohand Ou M’hand (1845-1906) qui a perdu les siens au lendemain de l’insurrection de 1871. “Et pour seul legs, le poète n’a gardé que sa poésie pour crier sa détresse et son tourment”, a conclu l’oratrice. Donc, autant reconnaître l’œil du visionnaire qu’était Kateb Yacine puisqu’il nous a légué Le cercle des représailles.
Louhal Nourreddine
https://www.liberte-algerie.com/culture/djouher-amhis-ouksel-decrypte-nedjma-324585
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