Guerre d’Algérie Le poète Denis Rigal fut étudiant à Clermont, entre 1954 et 1962, et relate dans « Un chien vivant », les questionnements d’alors.
Avant d'avoir 20 ans dans les Aurès, on en avait 18 quelque part en France et l'on n'était pas prêt à mourir en Algérie pour une cause qui n'était pas la sienne. Denis Rigal (1), qui fit ses études supérieures à Clermont-Ferrand, entre 1954 et 1962, fait revivre, dans Un chien vivant, la vie étudiante de l'époque et les questionnements quant à ce que l'on appelait les opérations de pacification.
Si les premières pages retracent avec verve et finesse l'ambiance de la khâgne de l'ancien lycée Blaise-Pascal, les événements d'Algérie s'invitent rapidement dans la vie étudiante. Le bombardement de Sakiet (2), en Tunisie marque le début de la prise de conscience. L'auteur se souvient du cours de littérature anglaise du professeur Jacques Blondel : « Je ne peux commencer ce cours sur Swift, qui était pacifiste, sans dénoncer les actes de violence désordonnée par lesquels la France vient de se déshonorer à Sakiet Sidi Youssef ». Denis Rigal, dès lors, milite, devient membre du bureau de l'Unef, organise et participe aux manifestations.
Ce récit épouse les méandres d'un quotidien souvent tranquille mais même à Clermont la violence est présente. L'auteur refait surgir des faits oubliés : un restaurant algérien est mitraillé, bilan trois morts. Mouloud, responsable FLN étudiant, est abattu alors qu'il se promenait avec sa fiancée au jardin Lecoq. Un meurtre qualifié par les autorités de règlement de comptes. Un délégué syndical est enlevé par deux sous-officiers du 92 e RI juste avant un meeting.
Renoncement
L'anticolonialisme fait son chemin dans les rangs de l'université qui, doyen en tête, défile avec les Bibs, le 24 avril 1961. Mais jusqu'où aller dans son engagement ? Rares furent ceux qui désertèrent. Denis Rigal n'en fut pas comme la majorité de sa génération. Ce renoncement à porter au plus haut ses convictions est vécu comme une trahison et une honte d'où le titre emprunté à l'Ecclésiaste : « Mieux vaut un chien vivant qu'un lion mort ». Mais il faut aussi faire preuve de courage et d'honnêteté intellectuelle pour témoigner ainsi de ses limites.
(1) Denis Rigal, né en 1936 à Chanaleilles (Haute-Loire), a notamment publié Aval, (Gallimard) et Terrestres (Le Bruit du temps, prix Verlaine).
(2) Le bombardement du village tunisien Sakiet, le 8 février 1958, par l'armée française fit plus de 70 morts dont une douzaine d'écoliers.
Les jeunes appelés et rappelés de la guerre d’Algérie, s’ils sont « morts pour la France » terme officiel, n’est pas pour moi aussi le terme le mieux adapté, ils sont morts pour la France coloniale, ils sont morts, non pas pour défendre la Patrie libérée le 8 mai 1945, comme ceux de 39-45, mais pour essayer de conserver le colonialisme, c’était la France raciste, c’était la France de la honte, avec ses crimes de guerre, les villages brûlés au napalm, ses tortures, ses viols, c’était la France des injustices ou les termes Liberté - Egalité – Fraternité étaient piétinés, déchirés… Ce n’était plus la France des Droits de l’Homme…
Ombre terroriste sur l'ultra-droite française
Qui sont les militants d’extrême droite arrêtés en France ce week-end pour préparation d’attentats contre des mosquées ? L’implication d’anciens policiers apporte un début de réponse
Les spécialistes du terrorisme islamique s’étonnaient souvent de l’absence de ripostes violentes aux attentats commis en France depuis l’attaque contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. La réalité n’était pas si tranquille. Arrêtés ce week-end par les services de renseignement intérieur (DGSI) en région parisienne et dans plusieurs départements (Cher, Corse du Sud, Haute-Vienne, Charente-Maritime), neuf hommes et une femme étaient toujours en garde à vue lundi soir.
«Les citoyens-soldats français au combat»
Le motif de leur interpellation ? La préparation «d’actes violents ciblant des personnes à confession musulmane». Avec pour objectif des imams radicaux, des militants islamistes sortis de prison et assignés à résidence, mais aussi des femmes repérées pour porter le voile intégral.
Selon plusieurs témoignages recueillis lundi par les médias français, l’identité du groupuscule derrière lequel se cachaient les personnes arrêtées faisait l’objet d’une surveillance depuis au moins un an. Nommé Action des forces opérationnelles, ou AFO, et connu pour se vanter, sur son site web, de «former les citoyens-soldats français au combat sur le territoire national», ce groupe gravitait autour d’un policier retraité, basé en Charente-Maritime. Plusieurs de ses membres, familiers de clubs de tirs, disposaient légalement de permis de port d’arme. Ils auraient été repérés lors de l’achat de munitions et d’armes supplémentaires, et par leurs liens avec d’autres radicaux de l’ultra-droite prêts à l’action violente, interpellés en octobre 2017.
Une dizaine de personnes avaient alors été arrêtées à Marseille et en Seine-Saint-Denis, soupçonnées d’avoir envisagé de s’en prendre à Jean-Luc Mélenchon. Le leader de la France insoumise, député du quartier marseillais du Vieux-Port, a, depuis lors, plusieurs fois réclamé un officier de sécurité.
Nostalgiques de l’OAS
Si l’existence, en France, d’un réseau d’ultra-droite violent de grande envergure n’est pas prouvée, trois faits sont assez alarmants. Le premier est la présence, dans ces deux rafles, de jeunes gens de moins de 30 ans désireux de suivre l’exemple du fanatique norvégien Anders Brevik, auteur de la tuerie de masse d’Oslo en juillet 2011. Le second est, chez les membres de cette nébuleuse, la nostalgie avouée de l’OAS, l’Organisation de l’armée secrète qui ensanglanta la France durant la guerre d’Algérie et tenta d’éliminer de Gaulle lors de l’attentat du Petit-Clamart en juillet 1962.
Troisième fait préoccupant: la présence d’anciens policiers et militaires. Certains d’entre eux, souvent employés de sociétés de sécurité privée, auraient, selon le site Mediapart, été utilisés pour évacuer les facultés en grève, notamment à Montpellier, dont le doyen de la Faculté de droit a ensuite dû démissionner. Quinze cellules de «quatre à sept personnes» étaient, depuis 2015, dans le radar des services de renseignement. Ils accueillent en leur sein un autre type de «revenants»: des anciens soldats déployés contre Daech ou Al-Qaida en Afghanistan ou au Mali.
Pour éviter tout amalgame, la présidente du Rassemblement national (nouveau nom du Front national), Marine Le Pen, a d’emblée condamné toute forme de terrorisme anti-islam. Les spécialistes de l’extrême droite font aussi remarquer que ces militants formés à l’utilisation de la violence jugent souvent sévèrement la «dérive sociale et multiculturelle» du FN, au sein duquel leur ennemi principal était, jusqu’à son éviction en 2017, l’ancien numéro deux du parti, Florian Philippot, vilipendé pour son homosexualité.
La tentation de la violence
«Leur registre est celui du fanatisme : ils sont le miroir des islamistes intégristes qu’ils affirment vouloir combattre. Comme eux, ils ont le culte de la violence», explique au Temps un ancien membre du renseignement pénitentiaire, qui a eu à surveiller d’anciens policiers appréhendés.
Point important selon les psychologues de la police dans une étude commandée par le Ministère de l’Intérieur : la tentation de la violence s’est aggravée au sein des forces de l’ordre depuis que les islamistes ciblent les policiers.
Trois attentats particuliers sont souvent cités comme motifs de leur colère par les membres de ces groupuscules d’ultra-droite: le meurtre d’un couple de policiers à Magnanville (Oise) le 13 juin 2016, l’assassinat du capitaine Xavier Jugelé sur les Champs-Elysées le 20 avril 2017 et la mort récente du colonel Arnaud Beltrame le 24 mars 2018 à Trèbes (Aude). La France a connu une tentative d’assassinat politique attribuée à cette mouvance: celle contre Jacques Chirac, le 14 juillet 2002, par le jeune militant nationaliste Maxime Brunerie.
Ultradroite : une histoire violente
Quand l’ultradroite défendait l'Algérie française
A la fin des années 50, la guerre d'Algérie divise la France et ses conséquences sont nombreuses. Le référendum sur l'autodétermination, au début des années 60, fera basculer certains militants dans l'activisme.
Alors que le référendum sur l'autodétermination en Algérie vient d'être approuvé, au début de l'année 1961, l'organisation politico-militaires OAS, organisation de l'armée secrète, se forme sous la directive de plusieurs militaires.
Jacques Brel et la guerre d'Algérie
Durant sa visite en Algérie en 1954, Jacques Brel fut contacté par les dirigeants du C.R.U.A, qui deviendra plus tard le F.L.N , qui lui ont exposé la justesse de leur combat pour la liberté.
Des ultras au courant de cette entrevue, avaient longuement scandé "Algérie Française" au cours de son concert , il a eu simplement cette réponse : "Je m´en fous, je suis Belge".
C'est durant cette visite qu´il rencontre Jojo, Georges Pasquier de son vrai nom qui exerçait dans le pétrole au Sahara.Il abandonnera sa carrière pour l'amitié de Brel, amitié que beaucoup compareront à celle de Damon et Pythias de l'Antiquité.
Jojo deviendra le confident de Brel, son chauffeur, son régisseur, son homme de confiance, son ami le plus proche et le plus intime. En 1956 et en pleine guerre d´Algérie, Brel écrira et composera "Quand on n'a que l´amour" chanson qui sera reprise aux Etats-Unis " if we onlyhave love "dans les manifestations contre la guerre du Vietnam.
En 1959 , il écrira et composera sa célèbre "Colombe", chanson contre la guerre d´Algérie et qui sera reprise aux Etats-Unis par Joan Baez et Juddy Collins toujours en opposition à la guerre du Vietnam.
Jaques Brel: la colombe, une chanson contre la guerre d'algérie
Monsieur Jacques
Il y a bientôt quarante ans de cela, un 9 octobre 1978 chambre 305, avant son cinquantième printemps, alors qu'un vent du nord venait s'écarteler, craquer et se heurter aux clochers des églises wallonnes, que des diables en pierre déchiraient le ciel de Belgique, le poète chanteur s'est endormi une dernière fois sur le tapis volant d'un tourbillon de feuilles mortes. Il a tiré sa révérence avec élégance et discrétion. Le crabe est vainqueur et le Bon Dieu pas fier. Fini le flonflon et la valse à mille temps, au prochain printemps ton cœur et mon cœur ne seront pas repeint au vin blanc. Matilde n'est jamais revenue, La Fanette s'est noyée, la plage est déserte et pleure sous juillet. C'est foutu pour les frites chez Eugène avec Madeleine, les bergers ont rangé les pipeaux tandis que les vieux s'endorment sous la pendule d'argent qui s'impatiente au salon et, qu'on ne saura jamais pourquoi ils ont tué Jaurès...
Indépendant et libre, source vive de toutes poésies, à crier les douleurs, à railler les imbéciles, tu nous expliquais que la vérité peut s'exprimer aussi avec un humour noir dans une révolte permanente. Avec tes mots, tes larmes, ta sueur et tes bras grands ouverts à bouffer la vie à pleine dent, celle du temps ou tu t'appelais Jacky, dans la moiteur d'un port de Hollande tu nous as fait voyager aux sons de la musique d'un accordéon rance. De Vesoul jusqu'aux remparts de Varsovie où, Madame "De"... promenait son chien un boudin noir nommé Byzance. Pour les Flamandes, les bigotes et les bourgeois tu apportais des bonbons et réservais les fleurs aux putains d'Amsterdam, d'Hambourg où d'ailleurs, enfin aux dames. Bien sûr, il y eut quelques mauvais coucheurs moralistes, ce sont les risques du métier. Des idiots prétentieux à la BHL, s'intronisant arbitres des convenances, tombés depuis longtemps dans les culs de basses-fosses d'un anonymat mérité d'où, ils n'auraient d'ailleurs jamais dû sortir, car chez ces gens-là, on joue au riche avec l'argent volé aux pauvres, chez ces gens-là, on ne vit pas et on ne pense pas, on compte et on triche...
Sur les plaques de rue, les écoles où les livres de poésie, ce qui me rassure, c'est que tu ne nous quittes pas et que, même si le temps s'enfuit déjà à coups de pourquoi, tu es toujours là. Les vieux amants allongés sur ton ile sont immortels, ils s'arrangent de leurs sortilèges, car pleurer ta mort n'est pas de mise aux Marquises. Don Quichotte poursuivant l'inaccessible étoile, combattant contre les moulins à vent de la bêtise, quête sans fin perdue d'avance, tu avais la grandeur des chevaliers qui méprisent les honneurs. Mon oncle Benjamin, anarchiste au grand cœur et médecin des âmes et des corps, voulait vivre sa vie entre le cul des femmes et le cul des bouteilles afin de secouer et réveiller tous les "François Pignon", les moralisateurs, les emmerdeurs et les conseilleurs patentés. Et puis tu le sais Jacques, les adultes sont tellement cons qui nous ferons bien une guerre alors, je viendrais pour de bon dormir dans ton cimetière.
Nous avançons tous vers cette échéance qui nous attend dans son abîme en nous criant : " Au suivant et au suivant ! " et à qui timidement nous répondons : " Oui voilà j'arrive, j'arrive...", car toute notre vie, nous ne faisons rien d'autre que d'arriver. Mais en finalité, cela n'est pas très grave si une fois parti, l'aventure c'est l'aventure, nous arrivons en terre de troubadour, au pays de Jacques, Georges, et Leo.
Que dirais-tu aujourd'hui, toi qui n'aimais pas l'imposture et la flatterie, devant ce monde qui se liquéfie ou l'argent a pourri les cerveaux mais, à l'époque tu le savais déjà quand tu nous chantais : " Les bourgeois c'est comme les cochons plus ca devient vieux plus ca devient bête, les bourgeois c'est comme les cochons plus ca devient vieux plus ca devient C.... ! Au cimetière d'Atuona six pieds sous terre Jacques, tu n'es pas mort, six pieds sous terre Jacques, tu chantes encore : " Alors, sans avoir rien, que la force d'aimer, nous aurons dans nos mains, Ami, le monde entier..."
Jacques Brel est né le 8 avril 1929 en Belgique
Jacques Brel est mort il y a 40 ans le 9 octobre 1978
La Casbah s'apprête à recevoir le soleil arqué à l'horizon.
Paraissant immobile, le soleil avance, et la Casbah en révérence ailée, le salue.
Et toi, baie d'el Djazaïr,
comme une vierge de Botticelli qui attend tout de l'amour
tu drapes ta nudité en baissant pudiquement les paupières.
C'est la grâce de son sillage qui rend le cygne attirant,
C'est la rondeur de la terre qui rend le soleil heureux,
C'est aussi le sourire des étoiles qui rend les terrasses joyeuses.
Si je m'avisais à décrire ton état actuel, mienne Casbah,
je me détruirais tout en te détruisant.
Ne dit-on pas que lorsque le cygne sent l'approche de son départ,
il annonce sa mort en offrant son chant à tous les alentours.
Si le chant du cygne est le chant du grand départ,
pour toi mon chant est comme une ode.
Tu me fais écrire des mots dont tu composes la musique.
Tu me fais dire des paroles décrites par ton climat.
Tant que je t'adule je ne peux t'abhorrer,
et tant que tu es là je ne peux t'oublier
Quant à ceux qui m'invitent à écrire sur la Casbah...
Ô mon Dieu, comme la Casbah est très demandée ces jours-ci.
Je leur dirai que la Casbah est encore celle
que le regard de mon enfance a coincé dans une impasse.
Dans cette impasse il n'y a qu'elle et moi
Elle, encore vierge malgré son âge sans âge.
Moi pas jeune du tout
quoique dans mes yeux pétille un accent de vie de jouvence,
que seul je sens lorsque près d'elle je suis.
Je me rappelle cette nuit là !
C'était une nuit sans lune, sans éclairage.
Un nuit où les marches d'escaliers vous guettent
pour vous surprendre et vous faire glisser, le long de la ruelle,
pour vous la faire haïr davantage.
....
Se retrouver dans la nuit et le noir de la nuit
avec un corps pour flambeau
un coeur pour lumière
une âme pour servir
C'est retrouver la Casbah dans toute sa juvénilité millénaire.
C'est retrouver des ruelles qui vous guident jusqu'aux sources de la vie.
C'est retrouver des murs qui vous racontent les récits collés à leur patine.
C'est retrouver les terrasses qui vous confient les échos
des voix de nos parents confondues dans les nues.
C'est retrouver les confidences de la mer qui vous réconforte
avec la pureté qu'elle sait circonscrire dans ses moments de bon accueil.
C'est se retrouver soi-même en train d'apprendre à respirer la respiration,
comme on respirerait une rose qui vous serait offerte par surprise.
...
Sous le dôme de ma Casbah, j'ai retrouvé les restes de l'école musicale
arabo-andalouse, avec un je ne sais quoi de parfum de cédrat d'antan.
Et la musique comme un plain-chant serein réveille à la vie ce coeur souverain.
En respirant les noubas arabo-andalouse,
je lisais la démarche sonore comme le rebond d'une balle
qui ne s'arrête pas de bondir et rebondir,
en décrivant des arcs autour de la terre.
Voyez-ça d'ici ou plutôt voyez-ça avec votre ouïe.
Des arcs qui se croisent et s'entrecroisent.
Des arcs qui ne finissent plus d'imiter le dôme.
Des arcs par où coule la musique comme on ferait couler de l'or fondu.
Des arcs en or fondu pour obtenir un arc musical
par où passerait le cortège d'amour de musique vêtue..
Rendre grâce à la terre pour être mieux aimé par elle,
c'est ce que le musique arabo-andalouse fait en flânant sereinement autour.
La modale de la musique arabo-andalouse ne se multiplie pas
pour architecturer une superposition de vibrations sonores
qui veulent défoncer le ciel.
Elle est un acte d'amour qui répond aux besoin de la terre.
Je me sentais une intimité foisonnante qui se collait à la peau de la terre.
Je voyais tomber des gouttes d'étoiles comme des flocons de neige
et la terre en était imbibée.
Le dôme recevait cette offrande comme un don de la vie à la vie.
Comme une vision peinte par Salvador Dali, le dôme fondait en tous les tons.
Toute une ribambelle de demi-tons se joignaient à la noce.
Toute une myriade de corpuscules se bousculaient autour du quart de ton.
...
Voir une ligne droite qui ondule et épouse les formes du corps humain jusqu'à l'ubiquité,
c'est voir un rai de lumière qui paraphe son parcours.
Une clé de sol qui s'agite et se démène pour bâtir sa maison.
Une gamme de serrures qui attendent l'avènement de leurs vies.
Une profusion de signes où se reconnaît l'appel de la terre entière.
Chaque montagne, chaque vallée, chaque champs, chaque prairie, chaque mer, chaque océan
chaque vie s'animait en s'identifiant à travers la profusion de signes.
L'image de ma Casbah avait toute la terre pour espace.
Le monde musical que je respirais n'avait d'autre droit
que celui d'ouvrir les voix à la clarté de la parole,
pour que le jour ouvre à la nuit l'entrée du secret des lumières.
Ma Casbah et moi sommes à l'aise dans notre placenta planétaire.
Voici que la musique s'empare de ma plume et me demande
de prêter ma perception à tout ce qui m'entoure.
Je dresse mon coeur.
Assidûment , je dresse mon coeur et j'entends
une polyphonie assourdissante, comme étouffée,
elle me parvient des façades des maisons.
Ces façades qui semblent remercier leurs bâtisseurs.
Ces façades qui ne finissent pas d'être des façades
et comme façades on ne trouverait pas mieux.
Ces façades qui se révèrent et se prosternent toutes en même temps.
Avez-vous jamais vu une cité qui se prosterne ?
Venez à ma Casbah, vous les verrez comme elles acceptent
cette attitude à la fois humble et altière.
Chacune d'elle est un serment témoin.
Chaque maison de distingue par sa génuflexion spéciale.
Chaque terrasse se singularise pour épater sa voisine.
Chaque patio sert de place publique aux muses heureuses de danser la musique
Chaque arceau sur sa colonne chante la modale du marbre enivré par sa torsade.
Chaque ruelle est une corde de luth et quand la corde vibre,
l'âme de toute la médina frissonne au son de cet accent envoûtant.
Chaque fontaine est une oasis d'attraction,
et la bousculade des enfants vaut tout un spectacle.
Une cité qui se prosterne face à la mort, face à la vie
ne peut être une cité comme les autres.
Un médina pareille a quelque chose en plus et cette chose là:
C'est l'amour avec lequel l'endroit a été choisi.
C'est l'amour avec lequel le maçon l'a construite.
C'est l'amour avec lequel l'histoire l'a glorifiée.
C'est l'amour avec lequel moi-même,
pris dans les mailles de son filet,
je me complais à y rester
pour continuer à respirer et à attendre
celui qui,
par cette nuit noire,
vint me rendre visite pour me marquer au front.
HIMOUD BRAHIMI
àà
Casbah Lumière est l'un de ces livres que l'on ne rencontre pas tout à fait par hasard. De ces livres rares qui ont l'air de choisir eux-mêmes leurs lecteurs. Rare, parce qu'il y a là, sous forme poétique et littéraire, une parole. Une voix inspirée, capable de retransmettre tout un héritage - la magie de cette Casbah millénaire aujourd'hui menacée de disparition - et d'ouvrir un chemin de connaissance.
Himoud Brahimi, «Momo de la Casbah» pour les gens d'Alger : celui qui dit la vérité. Mais la vérité dérange et l'on préfère le prendre pour un fou. Métaphysicien, poète, comédien... La foule l'a marginalisé comme une sorte de derviche. Momo, libre et serein, un être d'exception dans l'Algérie d'aujourd'hui, jamais publié depuis l'Indépendance, pourrait être le symbole de la rencontre réussie des cultures de la Méditerranée.
L'Action des forces opérationnelles, groupuscule d'extrême droite, menaçait de commettre des attentats contre des musulmans en vue d'une hypothétique guerre civile en France. Des méthodes et des cibles qui rappellent le combat de l'OAS pour le maintien de l'Algérie française.
L'AFO identifie les musulmans et leurs soutiens supposés "les continuateurs de l’ennemi du temps de la guerre d’Algérie".
Dix personnes liées à l'ultra-droite radicale ont été interpellées et placés en garde à vue samedi 23 au soir dans toute la France, notamment en Corse, par les services antiterroristes dans le cadre d'une enquête sur un projet d'attentat ciblant des musulmans.
En effet, selon, les gardés à vue ciblaient des imams radicaux, des détenus islamistes sortant de prison mais aussi des femmes voilées choisies au hasard dans la rue. Tous font partis du groupuscule Action des forces opérationnelles qui est lié au site Internet "Guerre de France" qui affiche une profonde détermination à mener une "guerre de civilisation" en France contre tout ce qui est considéré comme "ennemis de l'intérieur".
Parmi ces derniers, on trouve en premier lieu les "tenants du système islamique" -désignés sous le sigle "TSI"- soit, "principalement des musulmans d'origine ou convertis", auxquels se greffent d'autres soutiens "par affinité et «esprit de quartier»", "haine partagée de la police (et donc de l'armée) et des blancs" et "intérêts financiers dans les trafics". On y retrouve pêle-mêle les militants de gauche et d'extrême gauche mais aussi "les bataillons boboïdes des «humanistes», «droitsdelhommistes», bizounours".
Sur le site "guerre de France", on trouve de nombreuses références à la guerre d'Algérie. "La guerre récente qui se rapproche le plus du problème militaire posé est sans nul doute la Guerre d'Algérie", peut-on ainsi lire sur le site. "L'ennemi a sensiblement les mêmes origine, mentalité, éducation familiale, religion que les terroristes du FLN (Front de libération national, mouvement indépendantiste algérien, NDLR)", est-il encore écrit.
Il est fait mention de très nombreuses fois aux doctrines, et notamment du livre La Guerre moderne, du colonel Roger Trinquier qui théorise notamment la contre-insurrection. Il est également fait référence aux doctrines de guerre subversive de Charles Lacheroy, qui fut membre de l'Organisation armée secrète (OAS), groupe terroriste d'extrême droite responsable de nombreux attentats meurtriers au nom du maintien de l'Algérie française. L'OAS s'est notamment inspirée des tactiques et stratégies préconisées par les deux auteurs précédemment cités.
"Il y a une sorte de remake de la guerre d’Algérie, de la lutte entre la France et des gens qui sont vus comme les continuateurs de l’ennemi du temps de la guerre d’Algérie", analyse Jean-Yves Camus, politologue spécialiste des mouvements d'extrême droite. On notera que Guerre de France met plusieurs fois en garde contre les femmes, "que la taqqiya autorise à se comporter de manière contraire aux principes du Coran pour endormir la vigilance de nos hommes", en prenant l'exemple des militantes du FLN qui participaient à des attentats.
La campagne sanglante de l'OAS au cours des années 60, qui visait l'ensemble des sympathisants de la cause algérienne (et impliquait également des règlements de comptes au sein des différents mouvements d'opposition à l'indépendance) reste aujourd'hui une référence pour de nombreux groupuscule d'extrême droite violent, et AFO ne fait pas exception.
Ainsi en octobre 2017, une cellule terroriste se faisant également appeler OAS pour se revendiquer de l'OAS historique a été démantelée par les services de renseignements français. Cette dernière avait prévu des attentats contre des kebabs, lieux de culte, notamment des mosquées (en particulier celle de Vitrolles alors en construction), des hommes politiques, notamment Jean-Luc Mélenchon, le leader de France insoumise et le porte-parole du gouvernement d'Edouard Philippe, Christophe Castaner.
Toutefois, selon la DGSI, les "capacités opérationnelles" de ces groupuscules "apparaissent limitées" compte tenu de leurs actions en "ordre dispersé". Loin donc de la force de frappe que réprésentait l'OAS pendant, et surtout après , la guerre d'Algérie où le grouspuscule a pu compter jusqu'à plus d'un millier de membres et de sympathisants, raillant des militaires de hauts rangs et bénéficiant d'un soutien financier important permettant de perpétrer une quantité importante d'actions à caractère terorriste, en vain.
Qui sont les militants d’extrême droite arrêtés en France ce week-end pour préparation d’attentats contre des mosquées? L’implication d’anciens policiers apporte un début de réponse
Les spécialistes du terrorisme islamique s’étonnaient souvent de l’absence de ripostes violentes aux attentats commis en France depuis l’attaque contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. La réalité n’était pas si tranquille. Arrêtés ce week-end par les services de renseignement intérieur (DGSI) en région parisienne et dans plusieurs départements (Cher, Corse du Sud, Haute-Vienne, Charente-Maritime), neuf hommes et une femme étaient toujours en garde à vue lundi soir.
«Les citoyens-soldats français au combat»
Le motif de leur interpellation? La préparation «d’actes violents ciblant des personnes à confession musulmane». Avec pour objectif des imams radicaux, des militants islamistes sortis de prison et assignés à résidence, mais aussi des femmes repérées pour porter le voile intégral.
Selon plusieurs témoignages recueillis lundi par les médias français, l’identité du groupuscule derrière lequel se cachaient les personnes arrêtées faisait l’objet d’une surveillance depuis au moins un an. Nommé Action des forces opérationnelles, ou AFO, et connu pour se vanter, sur son site web, de «former les citoyens-soldats français au combat sur le territoire national», ce groupe gravitait autour d’un policier retraité, basé en Charente-Maritime. Plusieurs de ses membres, familiers de clubs de tirs, disposaient légalement de permis de port d’arme. Ils auraient été repérés lors de l’achat de munitions et d’armes supplémentaires, et par leurs liens avec d’autres radicaux de l’ultra-droite prêts à l’action violente, interpellés en octobre 2017.
Une dizaine de personnes avaient alors été arrêtées à Marseille et en Seine-Saint-Denis, soupçonnées d’avoir envisagé de s’en prendre à Jean-Luc Mélenchon. Le leader de la France insoumise, député du quartier marseillais du Vieux-Port, a, depuis lors, plusieurs fois réclamé un officier de sécurité.
Nostalgiques de l’OAS
Si l’existence, en France, d’un réseau d’ultra-droite violent de grande envergure n’est pas prouvée, trois faits sont assez alarmants. Le premier est la présence, dans ces deux rafles, de jeunes gens de moins de 30 ans désireux de suivre l’exemple du fanatique norvégien Anders Brevik, auteur de la tuerie de masse d’Oslo en juillet 2011. Le second est, chez les membres de cette nébuleuse, la nostalgie avouée de l’OAS, l’Organisation de l’armée secrète qui ensanglanta la France durant la guerre d’Algérie et tenta d’éliminer de Gaulle lors de l’attentat du Petit-Clamart en juillet 1962.
Troisième fait préoccupant: la présence d’anciens policiers et militaires. Certains d’entre eux, souvent employés de sociétés de sécurité privée, auraient, selon le site Mediapart, été utilisés pour évacuer les facultés en grève, notamment à Montpellier, dont le doyen de la Faculté de droit a ensuite dû démissionner. Quinze cellules de «quatre à sept personnes» étaient, depuis 2015, dans le radar des services de renseignement. Ils accueillent en leur sein un autre type de «revenants»: des anciens soldats déployés contre Daech ou Al-Qaida en Afghanistan ou au Mali.
Pour éviter tout amalgame, la présidente du Rassemblement national (nouveau nom du Front national), Marine Le Pen, a d’emblée condamné toute forme de terrorisme anti-islam. Les spécialistes de l’extrême droite font aussi remarquer que ces militants formés à l’utilisation de la violence jugent souvent sévèrement la «dérive sociale et multiculturelle» du FN, au sein duquel leur ennemi principal était, jusqu’à son éviction en 2017, l’ancien numéro deux du parti, Florian Philippot, vilipendé pour son homosexualité.
La tentation de la violence
«Leur registre est celui du fanatisme: ils sont le miroir des islamistes intégristes qu’ils affirment vouloir combattre. Comme eux, ils ont le culte de la violence», explique au Temps un ancien membre du renseignement pénitentiaire, qui a eu à surveiller d’anciens policiers appréhendés.
Point important selon les psychologues de la police dans une étude commandée par le Ministère de l’intérieur: la tentation de la violence s’est aggravée au sein des forces de l’ordre depuis que les islamistes ciblent les policiers.
Trois attentats particuliers sont souvent cités comme motifs de leur colère par les membres de ces groupuscules d’ultra-droite: le meurtre d’un couple de policiers à Magnanville (Oise) le 13 juin 2016, l’assassinat du capitaine Xavier Jugelé sur les Champs-Elysées le 20 avril 2017 et la mort récente du colonel Arnaud Beltrame le 24 mars 2018 à Trèbes (Aude). La France a connu une tentative d’assassinat politique attribuée à cette mouvance: celle contre Jacques Chirac, le 14 juillet 2002, par le jeune militant nationaliste
A la fin des années 50, la guerre d'Algérie divise la France et ses conséquences sont nombreuses. Le référendum sur l'autodétermination, au début des années 60, fera basculer certains militants dans l'activisme.
Alors que le référendumsur l'autodétermination en Algérie vient d'être approuvé, au début de l'année 1961, l'organisation politico-militaire OAS, organisation de l'armée secrète, se forme sous la directive de plusieurs militaires.
En 1957, la guerre d'Algérie fait rage. Le FLN décide de mener le combat pour l'indépendance sur tous les fronts, même celui du sport. Douze joueurs algériens quittent la France pour rallier Tunis. L'année d'après, l'équipe de France s'envole pour la Suède privée de joueurs présélectionnés pour le mondial. L'équipe nationale d'Algérie naîtra après l'indépendance en 1962.
Les footballeurs du FLN : des patriotes entre deux rives
Quarante-cinq années après la fin des “opérations [1][1] La loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 substitue l’expression... de maintien de l’ordre” dans les anciens départements d’Algérie, à l’heure de l’inflation mémorielle et de la concurrence victimaire entre des migrants, leurs descendants (notamment les plus de 2 millions de soldats français, pieds-noirs et harkis rapatriés en métropole dès 1962) et le peuple algérien en lutte pour sa libération, force est de constater que les relations entre la France et l’Algérie sont encore passionnelles [2][2] L’article 4 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005.... La nation algérienne, enfantée dans le sang, dirigée par un pouvoir encore jeune qui « recherche une légitimation en se revendiquant de l’héritage du combat pour l’indépendance » [3][3] STORA, Benjamin, Histoire de l’Algérie depuis l’indépendance :..., construit donc des “lieux de mémoire” visibles dans la sphère sportive.
La victoire historique — 3 buts à 1 — de l’équipe nationale contre la redoutable équipe d’Allemagne (alors rfa) championne d’Europe en titre le 16 juin 1982 au Mondial espagnol en est un et « estpartie prenante du patrimoine de l’Algérie indépendante » [4][4] MOURLANE, Stéphane, “Algérie-Allemagne, la victoire.... L’équipe fln est elle aussi un autre “lieu de mémoire”, ciment de l’identité nationale en Algérie. En témoigne la stèle rendant hommage à cette équipe inaugurée en 2002 en face de la Grande Poste d’Alger.
Entre 1958 et 1961, les départs successifs à Tunis — où se trouve la base du Front de libération nationale (fln) — de 29 footballeurs algériens [5][5] Sont en activité au moment de leur départ : à Angers... du championnat de France professionnel afin de fonder la première équipe nationale algérienne renvoient effectivement à des enjeux mémoriels — unité de la nation, sens du dévouement et de l’exemplarité — largement instrumentalisés par le pouvoir politique. Vue à juste titre par certains journalistes hagiographes [6][6] Cf. BENFARS, Djamel ; SAADALLAH, Rabah, La glorieuse... et chercheurs algériens [7][7] Cf. FATÈS, Youssef, Sport et politique en Algérie...., français [8][8] Cf. LANFRANCHI, Pierre, “Mekhloufi, un footballeur... et britanniques [9][9] Cf. AMARA, Mahfoud ; HENRY, Ian, “Between globalization... comme ambassadrice de la lutte de libération nationale et efficace organe de propagande dans la recherche de reconnaissance internationale à travers les 91 matchs qu’elle réalise dans le monde entier, cette « équipe de la liberté » mérite une nouvelle approche.
Il s’agira ici d’interroger non pas ses fonctions déjà mises en évidence, mais bien ceux qui la composent. Qui sont vraiment ces footballeurs algériens qui viennent jouer en métropole — avant de la fuir — et qui derrière les Yougoslaves et les Argentins constituent la troisième population sportive étrangère à évoluer dans le championnat de France de première et seconde division [10][10] Avec 174 footballeurs de 1932 à 2003. Voir BARREAUD,... ? De quel milieu social sont issus ces corps d’excellence ? Où grandissent ces « héros immigrés » tels que les présentent Pierre Lanfranchi et Alfred Wahl ? [11][11] Cf. LANFRANCHI, Pierre ; WAHL, Alfred, “The immigrant... Comment découvrent-ils le football ? Comment peuvent naître leurs désirs d’exil en métropole ? Dans quelles conditions viennent-ils et y sont-ils accueillis ? Quels regards portent-ils aujourd’hui sur la France ? Le patriotisme, l’amour de leur patrie algérienne en construction, l’engagement physique pour l’indépendance et le sens du sacrifice — se manifestant dans l’arrêt brutal de leur carrière professionnelle — dont certains font preuve pendant quatre ans sont-ils radicaux et anti-français ?
Cette contribution issue d’une recherche doctorale en cours ne prétend pas à l’exhaustivité et souhaite redonner leur place aux acteurs et non aux institutions analysées par Youssef Fatès [12][12] Cf. FATÈS, Youssef, Sport et politique en Algérie,.... Elle repose sur des entretiens du type « récits de vie » [13][13] BERTAUX, Daniel, Les récits de vie, Paris : Éd. Nathan,... d’approximativement deux heures chacun menés principalement en Algérie (à Alger, à Mohammedia, à Oran, à Saïda et à Sétif) en 2006 avec 10 joueurs encore vivants ayant rejoint l’équipe du fln de 1958 à 1960, à savoir Saïd Amara, Kaddour Bekhloufi, Smaïn Ibrir, Hamid Kermali, Abdelkrim Kerroum, Mohamed Maouche, Rachid Mekhloufi, Amokrane Oualiken, Abderrahmane Soukhane et Abdelhamid Zouba. En nous efforçant de mettre en relation les « variables d’origine » [14][14] « Les caractéristiques permettant d’apprécier la position... et les « variables d’aboutissement » [15][15] « Les différences qui séparent les immigrés (dans leurs... de ces champions, nous nous demanderons ce que révèle la manière dont ces membres de l’équipe du fln objectivent et associent leur désir d’exil en métropole où ils mènent des carrières professionnelles et leur engagement avec l’équipe du fln.
Traverser la Méditerranée pour jouer et travailler : naissance d’un désir
Au-delà de l’étude des conditions de possibilité juridiques de cette migration, qui semble passer outre « le perfectionnement de tout un arsenal juridique à l’égard de l’immigration algérienne en France » [16][16] STORA, Benjamin, Ils venaient d’Algérie : l'immigration... pendant la guerre d’Algérie, il s’agit ici de mieux comprendre comment peut naître le désir d’exil et de déracinement. Et ce d’autant plus que certaines étoiles du championnat de France comme Rachid Mekhloufi, Saïd Amara ou Abderrahmane Soukhane affirment que venir en métropole n’était ni un rêve ni un objectif, et qu’en 1962, une fois l’indépendance obtenue, ils y reviennent. En effet, ces départs semblent possibles et désirables une fois trois types de conditions réunies impulsant cette migration : d’abord socioéconomiques accentuées par un contexte politique tendu ; ensuite culturelles ; enfin, géographiques et relationnelles.
Échapper à la misère et à la violence
Contrairement à Nicolas Bancel, Daniel Denis et Youssef Fatès qui affirment que « les pratiques d’origine occidentale sont souvent choisies par des groupes sociaux autochtones proches des milieux dominant les sociétés coloniales européennes » [17][17] BANCEL, Nicolas ; DENIS, Daniel ; FATÈS, Youssef, “Introduction”,..., ces footballeurs ne constituent pas à leurs débuts en Algérie une élite en formation à l’interface des mondes coloniaux et colonisés. Ils sont bel et bien des “indigènes” connaissant la relégation sociale dans les quartiers populaires d’Alger, d’Oran, de Saïda et de Sétif où ils grandissent, relativement près de la côte algérienne. À de rares exceptions près, ils connaissent le dénuement durant l’enfance, un dénuement d’ailleurs accentué par les privations de la Seconde Guerre mondiale. Des parents illettrés, musulmans pratiquants, peu francophones, une famille nombreuse, un logement vétuste, un père journalier, pas sportif et plutôt réticent à la pratique sportive de ses fils, voilà les conditions de vie — ou de survie — de ces futurs champions. Abdelkrim Kerroum, par exemple, se confie : « Moi, j’habitais dans une petite ruelle, vous savez, on dormait sur la terre. Sur des choses pleines de punaises… Ah ouais !, on était malheureux, vraiment la misère… Une petite pièce, deuxpièces, une pièce cuisine pleine de terre. On a souffert, on a souffert… On était six ». Partir jouer et travailler en métropole pour tenter de se hisser socialement est bien leur objectif principal. Le discours d’Abdelhamid Zouba est sans équivoque quand il explique que « c’est ce besoin d’améliorer, d’améliorer les conditions de vie qui a fait que… on s’est débrouillé. Qui a fait qu’on s’est accroché à cette carrière de footballeur. On s’expatriait pour aider ».
Échapper à la misère mais aussi à la violence des discriminations qu’ils subissent et qui ne leur laisse en Algérie aucun espoir d’accéder à une véritable égalité juridique, sociale, économique et de dignité avec les colons qui « composent une société complexe, avec tous les métiers, tous les statuts possibles, et non une caste de riches et d’exploiteurs » [18][18] VERDÈS-LEROUX, Jeannine, “Les Français d’Algérie de.... Hamid Kermali se souvient du Sétif qui l’a vu grandir : « La rue de Constantine là, eh bien ici, vous passez pas ! Vous avez pas le droit. À l’époque, t’es musulman, tu passes pas ici. Et travailler, c’est des postes pour nettoyer la rue ».
Après la Toussaint Rouge, le 1er novembre 1954, cette violence risque même d’être physique et meurtrière. Fuir les dangers locaux devient donc une nécessité pour Abderrahmane Soukhane et les autres : « Notre départ en France… Ça commençait la guerre entre l’Algérie et la France, et nous, il fallait qu’on échappe à ce truc-là, à cette guerre ; donc on est parti en 56 ». 1956 ou l’année de la rupture. Rupture fondamentale dans la mesure où le fln interdit aux clubs “musulmans” ainsi qu’aux joueurs musulmans de clubs européens de participer aux compétitions algériennes. Cet ordre impulsera donc une vague sans précédent de départ de footballeurs algériens vers la métropole [19][19] Lors de la saison 1956-1957, 32 d’entre eux évoluent... : Saïd Amara (« Subitement, ils te disent : “Nous, on arrête”.“Bon, tu m’arrêtes. Et qu’est-ce que je dois faire, moi ?” ») à Strasbourg, Mohamed Maouche à Reims, les deux frères Soukhane au Havre avec leur oncle Smaïn Ibrir.
Ces migrations semblent d’ailleurs être conditionnées en Algérie par l’accord du fln. Abderrahmane Soukhane précise bien qu’« à ce moment-là, nous, pour partir, on est parti mais on a payé. “Bon, vous donnez 2 500 dinars par personne…”. Pour aider la révolution si vous voulez. On a payé avec notre prime à la signature… On a donné de l’argent au ». Ces arrivées de “Français-musulmans” sont déjà facilitées en métropole par « la règle du 27 novembre 1955 qui interdit toute entrée de nouveaux joueurs étrangers » [20][20] WAHL, Alfred ; LANFRANCHI, Pierre, Les footballeurs... dans le championnat de France afin d’éviter une évasion excessive des disponibilités financières du football français et de favoriser une meilleure éclosion de jeunes joueurs.
Ce sont donc tout d’abord pour des raisons socioéconomiques et politiques que ces footballeurs quittent l’Algérie pour la métropole. Cependant, notons que ces départs ne sont pas systématiquement spontanés et volontaires. Appelé à faire son service militaire, Abdelkrim Kerroum est contraint de venir à Albi en 1956 avant d’être recruté par Sète et Troyes en première division. Tout comme lui, qui est déjà venu en métropole auparavant, et Smaïn Ibrir, qui traverse pour la première fois la Méditerranée pour la caserne de Belfort, des liens de proximité semblent s’être tissés entre certains footballeurs et la métropole avant qu’ils n’y mènent leurs carrières professionnelles. Hamid Kermali, par exemple, la connaît déjà pour y avoir passé une partie de son enfance, son père étant engagé dans l’armée française et logeant dans les casernes de Bergerac et d’Arles.
Quant aux attaches de Mohamed Maouche avec la métropole, elles sont saisissantes. Adolescent, il s’y rend à plusieurs reprises dans le cadre sportif et extra-sportif : « La France déjà, j’y venais tout seul, avec les copains… On partait avec 130-150 francs et ça nous durait un mois… On se débrouillait, on dormait partout… »). Avec son “club européen” de l’Association sportive Saint-Eugène (asse) à Alger — sur lequel nous reviendrons — il fait l’apprentissage du voyage à visées touristique et sportive et du dépaysement en Suisse et en métropole. En effet, avec ses jeunes coéquipiers, il est pris en charge par le club chaque mois d’août de 1951 à 1954. À 18 ans, Genève, Berne, Versailles, Saint-Jean de Luz, Paris, où il échoue en 1953 au pied du podium du concours national du Jeune Footballeur, n’ont pas de secret pour lui. Il y a donc également des facteurs culturels à appréhender pour comprendre cette migration privilégiée vers la “mère patrie”.
Une acculturation à la langue du dominant
Malgré leur scolarité courte, l’école constitue le premier lieu d’acculturation au monde occidental. Ils y apprennent la langue française — dont la maîtrise est indispensable en métropole — et le respect de l’autorité du maître, très souvent “européen”. Ils sont alors assis sur les mêmes bancs que des jeunes “Français”. Ils les côtoient peu hors de l’école, si ce n’est lors des matchs improvisés dans la rue où ils découvrent le football et le pratiquent dans un vaste espace proche de leur domicile. Ils y acquièrent une maîtrise technique et reproduisent parfois les rivalités communautaires. Les matchs opposant enfants “arabes” et “français” sont nombreux et préfigurent les oppositions footballistiques — révélatrices et génératrices de tensions intercommunautaires — faisant rage dans toute l’Algérie entre les 254 clubs “musulmans” et “européens” [21][21] Données de 1962, selon Stéphane Mourlane se référant....
Bien avant d’être recrutés dans ces clubs — dont la prospection est parfois organisée et déléguée à des recruteurs comme Ali Layas qui fait signer à l’Union sportive musulmane Sétif (usms) Rachid Mekhloufi et Hamid Kermali — grâce à leur notoriété locale grandissante, ils fréquentent les salles de cinéma où va se renforcer ce “désir de France”. Une ouverture vers un monde attirant, comme s’en souvient Abdelkrim Kerroum : « Il y a quelque chose qui nous a frappé, quand on était jeune, on allait au cinéma, on voyait des jolis coins en France… J’ai dit : “Moi, punaise, il faut que je connaisse la France”. On pensait toujours à voir ces belles choses en France ». Puis, dans les clubs algériens, ils deviennent titulaires de l’équipe première. C’est le début pour eux de la “starification”, des avantages financiers tant espérés. Grâce à l’affirmation progressive de leur excellence sportive, ils jouissent désormais de nouvelles prérogatives dans le cadre d’une Algérie française qui jusqu’à présent ne les rejetait pas mais les ignorait.
Ce qui est remarquable, c’est que tous ces joueurs rencontrés et venus en métropole sont surclassés en Algérie, c’est-à-dire qu’ils sautent la catégorie junior pour évoluer directement en équipe senior. Ce surclassement va, selon nous, leur permettre, d’une part, de développer un sens de l’adaptation hors norme et un perfectionnement technique exigés dans leurs futurs clubs professionnels ; d’autre part, d’être repérés directement par des clubs métropolitains (Rachid Mekhloufi de l’usms part faire un essai à Saint-Étienne en 1954) ou par de puissants clubs européens en Algérie [22][22] Notons tout de même que malgré les alléchantes propositions..., tel Abdelhamid Zouba, qui passe de l’Olympique musulmane Saint-Eugène (omse) à l’asse et rejoint Mohamed Maouche : « Pourquoi je quitte l’omse pour l’asse ? C’est pour le travail. Je me suis retrouvé à travailler au port. J’aidais ma famille, etc., et puis, je m’habillais correctement parce qu’à l’asse, c’était une autre dimension que l’omse ».
Il est possible de voir l’asse — à l’instar des autres clubs “européens” en Algérie — comme un second lieu d’acculturation, où les apprentissages nombreux faciliteront l’évolution prochaine des joueurs algériens en métropole. Apprentissages techniques, tactiques et physiques certes, auprès d’entraîneurs français expérimentés et d’anciens footballeurs professionnels comme Charles Cros et Paul Baron. Mais aussi apprentissages du vedettariat et de la vie mondaine, du privilège de rouler en Vespa ou en Traction grâce aux réseaux de notables qui dirigent les clubs et les rémunèrent : « Lesdirigeants de l’asse comme le directeur d’Air France en Algérie me guidaient. J’ai fait des petits métiers comme ça : plomberie, menuiserie, j’ai été commis, comptable… En 52, 53, au Casino de la Corniche, j’étais mannequin pour un grand chemisier à Alger. J’ai appris beaucoup de choses » [Mohamed Maouche].
Avant de partir travailler en métropole, les footballeurs algériens connaissent donc la langue et la “culture française”. La perspective de s’enrichir et de continuer à progresser dans des clubs métropolitains dont ils pensent maîtriser les codes pousse ces footballeurs à émigrer, et ce d’autant plus qu’ils disent avoir admiré alors qu’ils étaient jeunes leurs aînés qui ont réussi à Monaco et à Marseille. L’Algérois Mustapha Zitouni et la célèbre “perle noire” marocaine Larbi Ben Barek [23][23] Dans une précédente recherche, nous nous sommes intéressé... participent donc à la dynamique migratoire des footballeurs algériens d’autant plus qu’ils sont célibataires — à l’exception de Kaddour Bekhloufi — et donc libres de tenter l’aventure professionnelle, et que, pratiquants, ils croient tous en leur mektoub. Il s’agit donc pour eux maintenant de quitter l’Algérie.
Des filières sportives, familiales et amicales
Outre la proximité géographique indéniable — et l’établissement de nombreuses liaisons ferroviaires et aériennes — entre la métropole et l’Algérie, les appuis, les ressorts nécessaires de cette migration sportive doivent être considérés. Trois types de filières se dessinent. Tout d’abord, des filières sportives dont Abdelhamid Zouba laisse présager l’existence : « Je suis allé en France par l’intermédiaire de connaissances, de Français. C’est d’ailleurs le Français qui m’a servi d’intermédiaire qui m’a payé le bateau : le Ville d’Oran ». Avec Mohamed Maouche, il n’est d’ailleurs pas le seul “indigène” de l’asse à se rendre en métropole. Bien avant eux — et notamment à l’as Monaco — y évoluent Abderrahmane Boubekeur et Mustapha Zitouni. Kaddour Bekhloufi, qui défendra aussi les couleurs de la Principauté, est, lui, approché à Oran : « J’ai eu des contacts ici par l’intermédiaire d’un autre entraîneur qui a entraîné ici en Algérie, qui habite Saint-Raphaël, un nommé Fredmann, parce qu’il me connaissait très bien. Il me dit : “Monsieur Bekhloufi, voilà, j’aimerais bien que vous veniez à Monaco, parce qu’à Monaco… j’ai parlé beaucoup de vous”. Bon, je lui ai dit : “D’accord” ».
Hamid Kermali reconnaît, lui, qu’à Constantine, un « nommé Gilbert, qui recrutait les joueurs pour l’Europe », l’a approché. Est-ce ce « Monsieur de Sétif qui s’occupait de l’asSaint-Étienne pour le recrutement » dont parle également Rachid Mekhloufi ? Des filières familiales sont également mises en jeu. Abderrahmane Ibrir, ancien gardien de l’équipe de France [24][24] Né à Dellys en Algérie en 1919, il est sélectionné..., fort de ses contacts et de son prestige, fait signer au Havre son petit frère Smaïn et ses deux neveux, Mohamed et Abderrahmane Soukhane. Ce dernier raconte : « Lucien Jasseron était entraîneur à Boufarik et il devait aller au Havre… Alors, il a essayé de recruter quelques-uns… Il connaissait mon oncle qui avait déjà pris sa retraite du championnat… Il était alors au pays. Ils aimaient discuter du football… Jasseron a négocié avec mon oncle. C’est lui qui nous a emmenés avec lui au Havre ». Et alors que s’enracine l’émigration ouvrière algérienne en métropole (avec 212 000 Algériens en 1954 [25][25] Cf. STORA, Benjamin ; TEMIME, Émile, “L’immigration...), tel Amokrane Oualiken qui retrouve à Paris ses cousins [26][26] Il semble néanmoins que les conditions de sa venue..., Hamid Kermali rejoint, lui, Mulhouse. Il évolue tout d’abord dans un club amateur car il y est accueilli par des amis : « C’était deux Algériens, inséparables. On était tout le temps ensemble ! J’avais confiance qu’ils étaient là-bas. J’étais pris en charge par ces amis qui travaillaient à l’usine… Je dormais chez eux, je mangeais chez eux jusqu’au jour où Mulhouse m’a essayé ».
Trois filières d’émigration sont donc identifiées. Leur interpénétration est à relever. En effet, Abderrahmane Ibrir fait jouer ses relations sportives et amicales pour faire “sortir” sa famille en métropole. Mais comment Abderrahmane Soukhane et Smaïn Ibrir arrivent-ils en métropole ? Et les autres footballeurs qui s’engageront dans l’équipe du fln ? Comment sont-ils accueillis ? Sont-ils victimes de racisme alors que la guerre fait rage en Algérie ?
L’accomplissement en métropole : une autonomisation de la sphère sportive ?
Lors de la saison 1957-1958, 33 Algériens — dont cinq internationaux français (Abdelaziz Ben Tifour, Saïd Brahimi, Mohamed Maouche [espoir], Rachid Mekhloufi et Mustapha Zitouni) — officient dans le championnat de France de première et seconde division [27][27] Cette migration sportive n’est pas récente. Dès 1932,.... Ayant majoritairement rejoint la métropole en bateau, ils vont y connaître un accueil exceptionnel.
L’émerveillement en métropole : l’autre monde
Bien que ces footballeurs — notamment ceux qui évoluent dans des “clubs européens” — fréquentent colons et voyageurs venus de métropole en Algérie, ils sont dépaysés une fois la traversée de la Méditerranée effectuée. Dépaysés et émerveillés tel Abderrahmane Soukhane, qui se souvient, en parlant du Havre, « d’un autre monde, des grandes places, des grands magasins. Ici, à Alger, il y avait pas les superettes, il y avait pas les Monoprix, il y avait pas… Et bien sûr, là-bas, c’était beaucoup plus luxueux ». Rachid Mekhloufi, lui, se dit « énormément touché à l’arrivée en avion à Lyon. Déjà, j’ai vu, j’ai vu des gens qui ne me ressemblaient pas, qui étaient d’une gentillesse extraordinaire par rapport à nos, à nos Français d’Algérie. Donc, des gens extraordinaires, ils étaient polis, ils me disent : “Monsieur, etc.” ».
À côté de l’Algérie française qu’ils ont toujours connue et où les tensions intercommunautaires augmentent après la répression sanglante des soulèvements algériens de Sétif, Guelma, Batna, Biskra et Kherrata de mai 1945, la métropole leur apparaît comme un « paradis » qui enchante notamment Kaddour Bekhloufi. D’une part, une fois en métropole, ces futurs footballeurs du fln échappent au discriminant régime de l’indigénat institué en 1881 et qui légifère un mode d’organisation socio-raciale de la société ; d’autre part, ils font la rencontre d’entraineurs charismatiques et bienveillants (tels Albert Batteux à Reims, Kader Firoud à Nîmes, Lucien Jasseron au Havre, Élie Troupel à Cannes, Jean Snella à Saint-Étienne, etc.) qui les aident à atteindre un seul but : produire des performances.
Ainsi, qu’ils évoluent tout d’abord dans des clubs amateurs [28][28] Abdelhamid Zouba, amateur à Niort en 1955, cherche... ou professionnels, la manière dont ces footballeurs sont mis dans les meilleures conditions pour réussir au sein d’une sphère sportive autonomisée est saisissante. Les conditions de logement des joueurs — qui déjeunent comme tout footballeur professionnel de l’époque au restaurant — peuvent révéler les espoirs et les attentes qui reposent sur eux et la nouvelle dignité qui leur est vraiment accordée. Placés à leurs débuts à l’hôtel ou chez l’habitant en pension pour les plus jeunes, certains vivent ensuite dans de luxueuses résidences. Hamid Kermali, bien qu’il fût amateur, est projeté une fois sa licence signée d’un modeste appartement à Mulhouse chez ses amis qui l’avaient accueilli à un « hôtel 5 étoiles, un hôtel très chic». Tout comme ses prochains coéquipiers de l’équipe du fln, il est par la suite confronté à une sphère sportive professionnelle exigeante dans laquelle il trouve un espace d’ascension sociale.
Une élite footballistique reconnue
Au sein d’un monde professionnel où règne une véritable concurrence entre les footballeurs — « c’estpas une loi de la jungle, mais c’est presque la loi du plus fort faite par les doyens », affirme Saïd Amara — ces footballeurs algériens semblent se rendre rapidement indispensables parmi les effectifs professionnels. Outre leur connaissance préalable de la culture française, quatre facteurs éclairent leur rapide “intégration sportive”.
Tout d’abord, assoiffés de revanche sociale, motivés par de généreux salaires — « il était le triple au moins de l’employé municipal. On avait toujours un supplément », explique Saïd Amara — ils savent tous se soumettre aux assignations à l’intégration qui leur sont faites et changent également de club [29][29] De l’après-Seconde Guerre mondiale à l’année 1969,.... Selon lui, « c’est un monde où tu te dis : “Si je dois passer professionnel, il faut que j’accepte ça” ». Ensuite, la présence d’autres jeunes footballeurs paraît également les aider. Il poursuit : « À Strasbourg, l’accueil a été facilité par l’apport de quelques jeunes qu’ils avaient ramenés à l’époque. J’ai trouvé ma place parmi eux… Donc, pour sortir avec eux, pour parler avec eux, pour jouer avec eux, j’étais plus à l’aise dans ce milieu de jeunes ». En troisième lieu, sa pratique antérieure du haut niveau au Sporting Club de Bellabès en Algérie — au vu de l’émulation sportive incessante avec les clubs “musulmans” — lui permet une plus grande aisance en métropole, comme il le revendique : « À Bellabès, j’ai appris que la performance nécessitait du sérieux, de la volonté, du dépassement dans beaucoup de choses. Et c’est de là, ces dépassements m’ont permis par la suite de m’intégrer dans le milieu professionnel sans trop de risques ni handicaps ».
Enfin, il semble que l’appel sous les drapeaux soit un passage déterminant influençant les performances de ces champions. Non pas parce qu’Abderrahmane Soukhane — sévèrement condamné par le tribunal militaire — Mohamed Maouche et Rachid Mekhloufi rejoignent l’équipe du flnalors qu’ils sont des militaires français, mais plutôt parce qu’à la caserne de Vannes ou au bataillon de Joinville ils bénéficient d’un régime dérogatoire. Après avoir fait rapidement leurs classes en tant que sportifs de haut niveau, ils consacrent presque toute leur journée à la pratique du football et renforcent ainsi indéniablement leur expertise. C’est donc auréolé de son titre de champion du monde militaire obtenu à Buenos Aires en 1957 que Rachid Mekhloufi est libéré à Saint-Étienne à chaque journée de championnat [30][30] Lors de la saison 1957-1958, Mohamed Maouche, souvent.... Mais si ces footballeurs algériens semblent donc autant conditionnés à faire des performances en métropole, sont-ils pour autant épargnés par le racisme ?
Avant le premier départ de l’équipe du fln en avril 1958, ces footballeurs ne paraissent pas avoir été discriminés au sein de leurs clubs. Contrairement aux quolibets inévitables de quelques supporters, les équipes dans lesquelles évoluent ces joueurs algériens font preuve de solidarité et de cohésion “de raison”, leurs membres cherchant avant tout à s’enrichir, comme le rappelle Smaïn Ibrir : « Bonne entraide. On est bien obligé d’ailleurs aussi bien pour eux que pour nous, il fallait gagner cette prime. Il fallait gagner le match ». Le besoin absolu de « gagner des matchs pour gagner sa vie » soumet chaque joueur à une logique communautaire qui permet d’oublier momentanément les “troubles” en Algérie : « Quand on marque, on s’embrasse tous », affirme Hamid Kermali. Après la signature des accords d’Évian en 1962, les plus jeunes footballeurs de l’équipe du fln interrogés (Saïd Amara, Abdelkrim Kerroum, Rachid Mekhloufi, Abderrahmane Soukhane et Abdelhamid Zouba) réintègrent le championnat de France professionnel. S’ils semblent tous avoir été correctement accueillis autant par leurs présidents et leurs entraîneurs que par leurs coéquipiers, trois nuances doivent être apportées.
Premièrement, le statut des joueurs semble être déterminant. Au Havre, Abderrahmane Soukhane est indispensable et il en a conscience : « La moitié des buts, c’est moi qui les marque. Alors, qu’ils ferment leurs g…, c’est tout, hein. Au contraire, ils sont contents. Ils gagnent de l’argent avec ça ». Deuxièmement, avec le retour des pieds-noirs en métropole, les manifestations d’hostilité [31][31] Il semble qu’il faille également considérer l’orientation... exprimées à l’égard des footballeurs algériens à travers des lettres de menace et sur les gradins semblent bien plus nombreuses. Ces manifestations sollicitent d’une manière différente la solidarité de l’équipe. Abdelhamid Zouba témoigne : « Quand on jouait à l’extérieur, le public m’insultait en tant qu’Algérien : “Terroriste, sanguinaire, tueur”, etc., des trucs… Et c’est les joueurs qui répondaient à ma place ! ». Troisièmement, parfois l’accueil des coéquipiers et des supporters est « insupportable », ce qui motive un retour anticipé en Algérie, comme le regrette Abdelkrim Kerroum : « ÀTroyes, j’ai commencé à jouer, mais ça n’allait pas après. C’est pas avec les dirigeants, hein. Les joueurs, ils baissaient la tête quand ils me voyaient. Bien sûr que j’étais pas le bienvenu. Ils vous parlent pas beaucoup, ils vous mettent de côté. Avec certains joueurs, pas tous, il y en a qui étaient bien. Et partout où j’allais, les supporters me traitaient de “Fellagha. Vous avez tué nos parents, vous avez…”. On pouvait pas rester ».
Alors qu’ils reconnaissent tous, à l’exception de Mohamed Maouche et d’Abderrahmane Soukhane, qu’au moment de leur engagement avec l’équipe du fln ils s’intéressaient peu à la politique — ce qui n’exclut pas chez eux le règlement d’une cotisation auprès du fln et une véritable compassion et angoisse quant au sort du peuple algérien — ils semblent avoir vécu en métropole un rêve éveillé. En quittant l’Algérie pour une accueillante métropole, ils ont gagné non seulement de l’argent — qu’ils renvoient en partie au pays — mais aussi le droit à la dignité qu’on leur refusait globalement jusque-là hors de la sphère sportive algérienne. En 1957, quel autre Algérien que Kaddour Bekhloufi habite « dans une villa à Monte-Carlo » ? Quel autre Oranais peut se targuer d’avoir « serréla main du Prince de Monaco » ? La sphère sportive métropolitaine semble donc autonomisée, d’autant plus qu’un esprit de concurrence et de camaraderie la fédère. Néanmoins, les discriminations écrites et orales que ces footballeurs subissent tout autant que leur engagement avec l’équipe du fln rappellent la perméabilité des frontières entre sport et politique et l’ambivalence des sentiments qu’ils éprouvent vis-à-vis de la France.
Des champions entre la France et l’Algérie
Bien au-delà du fait que trois footballeurs interrogés sur dix — Saïd Amara, Smaïn Ibrir et Abdelkrim Kerroum — aient pris pour épouses des Françaises, une certaine ambivalence les anime. D’un côté ils semblent tous tenir sensiblement le même discours de rejet de la nationalité française. Rachid Mekhloufi, vu comme « le héros symbolique de la lutte de libération » [32][32] LANFRANCHI, Pierre, “Mekhloufi, un footballeur français..., affirme par exemple qu’il n’y a « pas d’équivoque ! Et en plus de ma naissance en Algérie, j’ai eu ce passage avec le fln. J’ai eu ce passage disons de, de quatre années de vision du monde, vision des gens, vision de la misère, vision des sacrifices, vision… Il y a beaucoup de choses qui m’ont frappé. Elles m’ont éloigné à 1 000 % de la nationalité française. Je sais pas, j’ai rien contre, mais c’est ancré… ». De l’autre, ils éprouvent un amour pour la France contre laquelle ils disent tous étonnamment ne pas éprouver la sensation d’avoir combattu.
Rejoindre Tunis pour l’Algérie algérienne
Outre l’analyse du récit nostalgique des footballeurs sur les conditions solennelles de leur premier contact avec le fln en métropole [33][33] Quatre footballeurs algériens se sont particulièrement..., leurs fuites rocambolesques vers Tunis où l’ambiance apparaît disciplinée et chaleureuse, leurs extraordinaires tournées sportives dans 14 pays où ils gagnent 65 matchs, il semble que tous ces footballeurs fassent preuve de patriotisme. Comme l’indique Daniel Denis, « tout se passe comme si la réussite sportive révélait l’image de la nation en train de se faire, faisant du stade probablement le dernier refuge du patriotisme, un espace de légitimation publique (populaire) de la société telle qu’elle évolue » [34][34] DENIS, Daniel, “La revanche des dominés : le sport,.... Mais comment justifient-ils le fait d’abandonner tous les attributs de la réussite sociale — si convoitée et globalement interdite en Algérie — qui semblaient autant plaire à Mohamed Maouche ? : « On était heureux en France, c’est vrai. On avait tout, hein : voiture, appartement, argent. Qu’est-ce qu’on voulait de plus ? ». Cette citation contrastant évidemment avec ce communiqué du fln paru dans Le Monde du 17 avril 1958 cherchant à justifier maladroitement le départ de ces « “patriotes conséquents”.Comme tous les Algériens, ils ont eu à souffrir du climat raciste anti-nord-africain et anti-musulman qui s’est rapidement développé en France au point de s’installer dans les stades » [35][35] “Le FLN salue dans les footballeurs qui ont abandonné....
Tous ces sportifs de haut niveau paraissent trouver au sein de cette équipe du fln« politique » et « pacifique » un espace non seulement d’affirmation de l’identité nationale en construction, mais aussi de lutte contre la présence française en Algérie. « Honorer le drapeau est alors un devoir » pour Hamid Kermali qui, comme les autres footballeurs, est frappé, nous l’avons vu, par l’essence injuste du régime colonial. Saïd Amara, qui « nepouvai[t] pas rester loin des souffrances de [s]a famille, de [s]es voisins et apparaître à leurs yeux comme un lâche, un traître », tient à s’opposer par son engagement à la soumission des Algériens. La violente guerre d’Algérie, vue comme un « drame » par Abdelhamid Zouba, les révolte également. Smaïn Ibrir raconte par exemple toute sa haine de l’oppression locale : « À l’époque, pour un militaire de tué, on allait chercher 20 personnes dans les maisons, on les alignait et on les fusillait. Je crois que c’est pas logique. Il fallait essayer d’attraper celui qui avait tiré le coup au lieu de faire ça ! ».
Témoigner au peuple algérien en lutte sa solidarité en le représentant dignement — et en gagnant nécessairement des matchs — dans le monde entier est donc bel et bien la finalité du sacrifice sportif et de l’engagement patriotique de ces footballeurs professionnels. Rachid Mekhloufi aime à se souvenir : « C’était le coup médiatique qu’il fallait faire pour réveiller les consciences des Français, remonter le moral des maquisards, et la meilleure preuve c’est que, après l’indépendance, on rencontrait des maquisards à Alger. Des gens qui m’ont dit : “Vous savez pas comment vous nous avez remonté le moral quand on a su que vous étiez partis” ». Mais que dire des courriers que les joueurs envoient pendant leur exil à leurs anciens coéquipiers et employeurs ? Il est impossible de voir seulement en eux l’expression d’un sentiment carriériste (revenir travailler en France après l’indépendance de l’Algérie) de ces « combattants sur le terrain », selon Kaddour Bekhloufi, qui semblent francophiles et se revendiquent même de « culture française ».
« J’ai deux amours : mon pays et Paris »
Alors que ces footballeurs sont des ardents militants sportifs prônant la libération de l’Algérie du joug colonial, il aurait été concevable que, enfermés dans leur statut humiliant de “Français-musulmans” [36][36] Statut critiqué amèrement d’ailleurs par des footballeurs... et adoptant une posture anti-impérialiste, ils expriment un radicalisme anti-français. Pourtant, comme dans le refrain de la célèbre chanson de Joséphine Baker, ils disent tous aimer leur pays, l’Algérie, mais aussi la France et sa prestigieuse capitale parisienne : « Que de bons souvenirs en France. La France n’était pas un ennemi », clament-ils tous à l’unisson. N’ont-ils pas laissé en France des amis, des coéquipiers ? Hamid Kermali le souligne : « Mon meilleur ami, et ça a commencé à Mulhouse, c’est l’avant-centre de Sedan, Jacques Tion. Chaque vacances, moi je rentrais pas en Algérie parce qu’il y avait la guerre, j’allais chez lui, en Bretagne. On était comme des frères ». Et que dire de leurs entraîneurs français qu’ils considèrent parfois comme des « deuxièmes pères » ? Et alors qu’Abdelhamid Zouba est le seul des champions interrogés à émettre explicitement une critique envers la France — « si on avait un reproche à faire à la France, c’est d’avoir laissé les Européens au pouvoir faire la loi. Et ils se sont mis au travers de toutes les réformes que les Français avaient envisagées » — il est remarquable que tous ces patriotes algériens la distinguent du pouvoir colonial. Puisqu’ils viennent en métropole dans le cadre circonscrit et relativement autonomisé d’une migration sportive qui, nous l’avons vu, bouleverse leur vie quotidienne (salaire, statut, prérogatives, logement) ainsi que leur “rapport aux Français” qui devient privilégié, ils associent spontanément à la France et aux Français des années d’intense bonheur. Avec eux, ils découvrent le sens de l’égalité.
« La France n’avait, n’avait rien à voir. Parce qu’on a vécu là-bas on s’est rendu compte tout de suite. La France, ce n’était pas notre ennemi. Au contraire, nous étions entrés très facilement dans la société, dans les clubs. Mais nous étions engagés avec le FLN contre ce qui se passait ici dont nous étions les victimes ! Et moi le premier », poursuit Abdelhamid Zouba. La tentation est alors grande chez eux de typifier et d’opposer métropolitains et colons contre qui ils mènent l’action révolutionnaire. La manière dont ils se réapproprient la terminologie coloniale est alors tout à fait saisissante. Pour Mohamed Maouche, « le “vrai Français”, c’est le métropolitain qui était là-bas, qui n’a jamais connu l’Algérie ». Ne voient-ils pas alors tous dans les colons « espagnols, italiens, maltais » qu’il fallait combattre des « faux Français qui ont voulu écraser et ne pas partager » ? En distinguant ces deux territoires (l’Algérie et la France) et ces deux types de “Français”, ils légitiment ainsi leur engagement avec l’équipe du fln et peut-être diminuent également leur propre sentiment de culpabilité vis-à-vis de l’abandon du jour au lendemain de la France qui leur a « tout donné ». Leur position est donc ambivalente, et ce, de deux manières différentes. D’un côté ils sont partagés entre l’amour de l’Algérie et la nostalgie de leurs passages délicieux et mythifiés en France : « J’ai connu une France où les gens étaient sympas, les gens étaient tolérants… On était comme des frères », affirme Rachid Mekhloufi. De l’autre, ils savent qu’ils ont combattu un système colonial discriminant qui leur a pourtant offert une ascension sociale concrétisée en métropole et qui leur permet aujourd’hui d’être reconnus. Sans la présence française en Algérie, pas de professionnalisme en métropole. Et d’ailleurs, sans la France, pas d’équipe du fln et donc pas de fierté à revendiquer son sacrifice sportif et son engagement corps et âme à celle-ci.
Conclusion
La France est donc indispensable à ces patriotes entre deux rives dans la mesure où l’oppressante présence française en Algérie et leur recrutement en métropole dans les clubs professionnels sont aux fondements identitaires et géographiques de leur engagement avec le fln. Mais s’ils sont “entre deux rives” et ambivalents vis-à-vis de la France où ils construisent une ascension sportive et sociale inespérée après avoir vécu le dépaysement — relatif grâce à leur acculturation préalable à la langue française — grâce à des filières sportives, familiales et amicales activées notamment en 1956, ils ne sont pourtant pas traversés par des vertiges identitaires.
En effet, de 1958 à 1962, dans le monde entier, sur le terrain et hors du stade, ils deviennent des “Algériens” à part entière qui n’éprouvent pourtant aucune haine envers la France. Il s’agira à l’avenir — et peut-être les disparitions successives de ces footballeurs de l’équipe du fln faciliteront-elles de nouvelles prises de position et l’utilisation d’archives inédites — d’interroger bien mieux les conditions et la chronologie des départs des joueurs vers Tunis. Il semble difficilement concevable que ces 29 joueurs aient abandonné aussi spontanément qu’ils le disent aujourd’hui un cadre de vie chaleureux et privilégié en métropole dont certains rêvaient tant parce qu’il leur était globalement interdit en Algérie. Ont-ils subi des pressions et des menaces qu’ils chercheraient à cacher ? De quel type ? Et pourquoi ? Une grande part d’ombre et de mystère demeure… De plus, l’année précédant leur départ, quelques-uns [37][37] Alors qu’Abdelhamid Zouba est amateur — et donc moins...n’étaient pas souvent titulaires dans leurs clubs : auraient-ils vu aussi dans cette équipe du fln, de manière bien moins glorieuse, l’occasion de reprendre un nouveau souffle footballistique et fondé sur elle un espoir calculé de passer à la postérité ?
Pour mieux comprendre cette équipe du fln, il s’agira donc, d’une part, de nous entretenir avec les footballeurs professionnels algériens qui ont refusé son appel — et qui le reconnaissent publiquement — et avec ceux qui n’ont pas été contactés [38][38] Cinq entretiens ont déjà été réalisés avec Ahmed Arab,..., et, d’autre part, de reconsidérer la réflexion de Pierre Lanfranchi : « En tant qu’Algérien, Rachid Mekhloufi construit sa propre notoriété dans le cadre du football, sport du colonisateur, qui, bien que pratiqué par la communauté musulmane, reste marqué par son appartenance au patrimoine de la culture européenne » [39][39] LANFRANCHI, Pierre, “Mekhloufi, un footballeur français... sous l’angle de l’émancipation acculturante et de la « xénophilophobie ». Daniel Denis entend par ce concept l’amour de son ennemi et l’appropriation par des stratégies contournées de ses « qualités pédagogiques […] pour les retourner politiquement contre lui » [40][40] DENIS, Daniel, “Le sport et le scoutisme, ruses de.... L’usage politique du football comme symbole fait lui aussi sens, Mohamed Maouche reconnaissant que « le Français en général, c’est pas avec une insulte ou avec un coup de poing qu’il faut le combattre, il faut le combattre avec sa propre langue » [41][41] Le 20 juillet 2006, à son domicile d’Alger, Mohamed....
Pa Stanislas Frenkiel
Frenkiel Stanislas, « Les footballeurs du FLN : des patriotes entre deux rives », Migrations Société, 2007/2 (N° 110), p. 121-139. DOI : 10.3917/migra.110.0121. URL : https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2007-2-page-121.htm
Camus nous raconte la méchanceté du quotidien, l’ambivalence du soleil, la tendre indifférence du monde et la folie des hommes sacrifiant l’étal de leurs certitudes celui qui, parce qu’il ne sait pas mentir ni pleurer, ne leur ressemble pas. Revoir Camus, l'écrivain fraternel.
Aujourd'hui presque unanimement considéré comme un des grands hommes de la Nation, Albert Camus fut pourtant beaucoup décrié et critiqué par le passé. Camus n'a pas toujours été légitime en son temps. Libertaire refusant les extrémismes, défenseur de la classe laborieuse refusant le stalinisme. Réformiste contre le statu quo. Il faut aussi rappeler le contexte dans lequel s'inscrit la pensée de Camus : celui de la résistance, puis de l'épuration, du début de la consommation de masse, de la guerre d'Algérie, et de la fascination de beaucoup d'intellectuels français pour le système soviétique.
Une table ronde enregistrée en février 2018.
Jacques Ferrandez, auteur de bande dessinée, Il a adapté la nouvelle L'Hôte en 2009, et L'Étrangeren 2013
Saad Khiari, cinéaste, auteur de Le Soleil n’était pas obligé
Christian Phéline, président de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet
Agnès Spiquel, présidente de la Société des études camusiennes
Michel Thouillot, écrivain, auteur de L’Affaire Meursault
Yves Chemla, critique littéraire et enseignant à l’IUT de Paris
Les dix suspects venus des rangs de l'ultradroite, arrêtés samedi par les services antiterroriste car soupçonnés de vouloir s'attaquer à des musulmans, revendiquaient leur appartenance à l'Action des Forces opérationnelles (AFO). Le point sur ce mystérieux groupuscule, déterminé à mener une «guerre de civilisation» en France.
Des mercenaires au premier plan, des avions et des bombes au second, des chars d'assaut sur l'esplanade du Trocadéro, la Tour Eiffel noyée dans une fumée noire, des soldats au premier plan : le site internet qui héberge AFO est sans équivoque, tout comme son titre – «Guerre de France. Préparation des citoyens-soldats français au combat sur le territoire national».
Des onglets y désignent «les adversaires», détaillent une «formation militaire» et les méthodes de «renseignement» à adopter, proposent divers liens bibliographiques et vidéos. L'un de ces onglets est consacré à AFO, qui propose notamment des «fiches réflexe» sur les comportements à tenir «face à la police et la justice», mais aussi le «matériel de crise» nécessaire et les attitudes en cas d'«hostilités graves» (émeutes, affrontements).
Sur le portail, «on retrouve toute une littérature sur l'imminence de la guerre civile ethnique» et d'un conflit de civilisation qui a fleuri depuis le 11-Septembre, explique le politologue Jean-Yves Camus. «Les attentats [jihadistes en France] ont confirmé chez ces personnes l'idée qu'ils avaient raison avant l'heure, que le scénario de l'apocalypse se vérifiait, que l'action violente est la seule solution», ajoute-t-il. «L'arrivée des migrants a rajouté une raison pour eux de passer à l'action, car ils sont persuadés que cette vague d'immigration est une cinquième colonne de l'islam.»
Les ennemis désignés par AFO sont d'abord les «tenants du système islamique» [désignés sous le sigle TSI], à savoir «principalement des musulmans d'origine ou convertis», auxquels se greffent d'autres soutiens «par affinité et "esprit de quartier"», par «haine partagée de la police (et donc de l'armée) et des blancs», mais aussi par «intérêts financiers dans les trafics».
En toile de fond, «il y a une sorte de remake de la guerre d'Algérie, de la lutte entre la France et des gens qui sont vus comme les continuateurs de l'ennemi du temps de cette guerre», décrypte Jean-Yves Camus. «La guerre récente qui se rapproche le plus du problème militaire posé est sans nul doute la Guerre d'Algérie», peut-on ainsi lire sur le site : «L'ennemi a sensiblement les mêmes origine, mentalité, éducation familiale, religion que les terroristes du FLN».
«ZONES DE NON-FRANCE»
«Il y aussi le sentiment que l'Etat ne fait pas son travail», souligne Jean-Yves Camus : «Ces gens, pour ceux qui viennent des forces de sécurité, considèrent qu'ils sont – même à la retraite – chargés de la mission de "nettoyage" que l'Etat ne fait pas». Face à ceux qui veulent «imposer l'islam et la charia sur les "zones de non-France"» (ZNF), le groupuscule veut développer une «garde territoriale» aux connaissances militaires précises.
Dans cette «guerre asymétrique», le site souligne également l'importance du renseignement à mener «pour déterminer les contours des ZNF, localiser les lieux de commandement, de stockage des armes, les planques, l'identité et les lieux de vie des radicalisés et chefs militaires...».
Le site propose divers textes comme un mode d'emploi «de survie urbaine en zone occupée», un texte sur «contre-insurrection et action psychologique», des notes pour déjouer les techniques de surveillance policière... Le parfait manuel idéologique et stratégique pour une guerre de civilisation. Car «si le camp loyaliste perd cette guerre, est-il écrit, c'en est fini de ce pays merveilleux qu'est la France et de notre civilisation».
A la fin des années 50, la guerre d'Algérie divise la France et ses conséquences sont nombreuses. Le référendum sur l'autodétermination, au début des années 60, fera basculer certains militants dans l'activisme.
Alors que le référendum sur l'autodétermination en Algérie vient d'être approuvé, au début de l'année 1961, l'organisation politico-militaire OAS, organisation de l'armée secrète, se forme sous la directive de plusieurs militaires.
Leur objectif : défendre l'Algérie française par tous les moyens, y compris le terrorisme.
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FRANCE: DES MILITANTS DE L'ULTRADROITE ARRÊTÉS, SOUPÇONNÉS DE VOULOIR ATTAQUER DES MUSULMANS
En France, le groupuscule AFO, Action des forces opérationnelles, a fait l'objet d'un coup de filet des services antiterroristes ce week-end. Les personnes interpellées sont soupçonnées d’avoir projeté des actions violentes contre des cibles musulmanes.
La page d'accueil du site du groupe Actions des forces opérationnelles est sans équivoque. Sa bannière, qui évoque une scène de jeu vidéo, montre le Trocadéro et la Tour Eiffel transformés en champ de bataille. En dessous, on peut lire : « Guerre de France - préparation des citoyens-soldats français au combat sur le territoire national. »
Idéologie apocalyptique, appel à la lutte contre l'ennemi intérieur « musulman », le site, relativement rudimentaire, met également à la disposition des internautes des « fiches réflexe » sur les comportements à tenir « face à la police et la justice », mais aussi le « matériel de crise » nécessaire et les attitudes en cas d'« hostilités graves » (émeutes, affrontements).
« C'est un des multiples groupes qu'on a vus émerger ces dernières années, depuis notamment les attentats de 2015-2016 et pour lesquels la solution au problème de l'immigration et de l'islam est la violence et le terrorisme », observe le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite française.
Se cachent derrière ce groupuscule des personnes aux profils très variés. Selon Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite française, on retrouve notamment au sein de AFO des nostalgiques de l'Algérie française, qui ont l'impression de tenir leur revanche sur la guerre d'Algérie, et des membres des forces de l'ordre – armée, gendarmerie, police – mus par le sentiment de devoir se substituer à un Etat jugé défaillant. « Ils ont en fait l'impression que l'Etat est complice de ce qu'ils considèrent comme étant une invasion migratoire qui met en danger le pays lui-même dans ses tréfonds, c'est-à-dire dans sa culture et sa composition ethnique », remarque Jean-Yves Camus.
En Méditerranée, les liens sont étroits d'un territoire à l'autre. "Chère à Albert Camus, la ville de Tipasa à l'ouest d'Alger me rappelle beaucoup la Corse. Quand on quitte Alger, le paysage s'éclaircit pour ne plus laisser apparaître que la frange vert foncé de la végétation, en lisière du bleu intense de la mer. C'est là qu'on trouve un genre de maquis où règnent, touffus, les oléastres, les lentisques, les asperges sauvages, les cistes et les myrtes."
Devenu diplomate, Jean-Jacques Beucler s'évertue à faire rayonner la Corse où il garde ses racines, d'Ajaccio à Serra di Ferro. En poste à Alger, il propose du 26 au 28 juin une série de rendez-vous culturels
Prendre le large. Jean-Jacques Beucler, directeur de l'institut français d'Alger, a franchi le cap dès l'enfance. À Ajaccio d'abord, pour le petit natif de Rodez, où la mère est nommée en 1958 directrice du collège de jeunes filles, qui se situait à l'époque dans le musée Fesch. Son père est professeur de lettres classiques au lycée Fesch. Une ville qu'il aime, où il grandit.
Citoyen du monde, adulte, il franchira ensuite d'autres rivages, au gré de ses affectations de professeur d'espagnol, avant de revenir sur l'île en 1982 et d'enseigner pendant cinq ans. Une île qu'il n'a d'ailleurs jamais quittée.
Devenu diplomate, il continue à voguer d'une contrée à l'autre, au gré de ses missions. Il a officié en Amérique du Sud (où il occupe le poste de délégué général de l'Alliance française au Mexique), en Espagne (comme directeur de l'institut français de Madrid) et dans les Balkans. La culture toujours comme fil conducteur, il est depuis 2014 à Alger. Les 26, 27 et 28 juin, Jean-Jacques Beucler organise la Semaine corse à Alger.
Littérature, cinéma et chant polyphonique seront à l'honneur pendant ces trois jours dédiés à l'île de beauté.
"Dans les différents pays où j'ai exercé, j'ai toujours eu à coeur d'inviter des artistes ou des écrivains corses. Pour citer quelques exemples, les groupes Surghenti (Mexique), A Filetta (Maroc, Algérie), Attalà (Madrid), le chanteur Lionel Damei, également comédien (Sarajevo, Casablanca, Madrid, Alger), l'acteur Robin Renucci (Alger), le réalisateur et plasticien Ange Leccia (Madrid), Thierry de Peretti, Jean-Pierre Castellani, Jean-Michel Neri..."
Une île lumière, à laquelle il continue à rendre hommage.
"Pour se familiariser avec l'île de beauté, et développer l'amitié algéro-corse, cette année j'ai voulu structurer une Semaine corse à l'institut français d'Alger." Au coeur de la ville, un lieu où l'on étudie, mais qui accueille également de nombreux concerts, expositions, rencontres avec des artistes.
Car le public algérien manifeste un véritable appétit pour les manifestations culturelles. Il fréquente également en nombre l'institut, qui apparaît comme le meilleur endroit pour apprendre le français à Alger, avec 32 000 passages d'examens l'an dernier.
Le département de langue française propose en effet un cursus de formation adapté. Avec 8 000 inscrits aux cours, 16 000 inscrits à la médiathèque, l'IFA accueille environ 30 000 visiteurs chaque année lors des activités culturelles (cinéma, débat d'idées, spectacle vivant...).
Un rêve de Méditerranée
En Méditerranée, les liens sont étroits d'un territoire à l'autre. "Chère à Albert Camus, la ville de Tipasa à l'ouest d'Alger me rappelle beaucoup la Corse. Quand on quitte Alger, le paysage s'éclaircit pour ne plus laisser apparaître que la frange vert foncé de la végétation, en lisière du bleu intense de la mer. C'est là qu'on trouve un genre de maquis où règnent, touffus, les oléastres, les lentisques, les asperges sauvages, les cistes et les myrtes."
Avant de revenir dans sa maison de Serra di Ferro, un bout de Corse où le diplomate ressent un immense bonheur et se prend à rêver.
Il semble qu’à la veille du déclenchement de la guerre d’indépendance, «certaines villes sont à majorité musulmane comme Sétif (85%), Constantine (72%) ou Mostaganem (67%) ». L’essentiel de la population musulmane était pauvre, vivant sur les terres les moins fertiles. La production agricole augmenta peu entre 1871 et 1948 par rapport au nombre d’habitants, El Djazaïr devant alors importer des produits alimentaires. En 1955, le chômage était important; un million et demi de personnes étaient sans emploi (la commune d’Alger aurait compté 120 bidonvilles avec 70.000 habitants en 1953).
Dans ce cadre, l’Algérie était composée de trois départements, le pouvoir étant représenté par un gouverneur général nommé par Paris. Une Assemblée algérienne fut créée; elle était composée de deux collèges de 60 représentants chacun: le premier élu par les Européens et l’élite algérienne de l’époque et le second par le «reste de la population algérienne». Le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques en Algérie (MTLD) de Messali Hadj avait alors obtenu une large victoire lors des élections municipales de 1947; ce parti devint la cible de la répression des autorités françaises. Il y eut ensuite des fraudes massives lors de l’élection de l’Assemblée algérienne. Il est vrai qu’au début du XXe siècle, les leaders algériens réclamaient alors tantôt le droit à l’égalité, tantôt l’indépendance.
C’est ainsi que plusieurs partis furent créés: l’Association des Oulémas musulmans algériens, l’Association de l’Etoile Nord-Africaine, le Parti du Peuple Algérien (PPA), les Amis du Manifeste des Libertés (AML), le Parti communiste algérien (PCA)…
Le 8 mai 1945, prélude à la révolution
Le 8 mai 1945, eurent lieu des manifestations d’Algériens dans plusieurs villes de l’Est du pays (notamment à Sétif, Kherrata et Guelma); ce, à la suite de la victoire des Alliés sur le régime nazi. A Sétif, la manifestation tourna à l’émeute. La répression par l’armée française fut des plus brutales provoquant la mort de plusieurs centaines de milliers de morts parmi les Algériens.
Cette férocité sans nom eut pour conséquence davantage de radicalisation. Certains historiens ont pu estimer que ces massacres furent le début de la guerre d’Algérie en vue de l’indépendance. Devant l’inertie des leaders qui continuaient de tergiverser, apparut l’Organisation spéciale (OS) qui eut pour but d’appeler au combat contre le système colonial devenu insupportable. Elle eut pour chefs successifs: Mohamed Belouizdad, Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella.
Un Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA) fut créé en mars 1954 et le Front de Libération nationale (FLN) en octobre 1954. En Algérie, le déclenchement de la guerre de libération nationale est caractérisé comme étant une Révolution (en France, on utilisa le terme de «guerre d’Algérie» après l’avoir désigné comme étant des évènements d’Algérie jusqu’en 1999). L’action armée intervint à l’initiative des «six historiques»: Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Mourad Didouche, Mohamed Boudiaf, Belkacem Krim et Larbi Ben M’hidi lors de la réunion des 22 cadres du CRUA. La Déclaration du 1er novembre 1954 fut émise depuis Tunis par radio.
La guerre d’Algérie débuta le 1er novembre 1954 avec quelque soixante-dix attentats dans différents endroits d’Algérie. La réponse de la France ne se fit pas attendre; des mesures policières (arrestations de militants du MTLD), militaires (augmentation des effectifs) et politiques (projet de réformes présenté le 5 janvier 1955). François Mitterrand a pu alors déclarer: «L’Algérie, c’est la France». Il déclencha la répression dans les Aurès; ce qui n’empêcha pas à l’Armée de libération nationale (ALN) de se développer. De quelques cinq cent hommes, elle augmenta ses effectifs en quelques mois pour atteindre quinze mille et plus tard plus de quatre cent mille à travers toute l’Algérie. Les massacres du Constantinois des 20 et 21 août 1955, notamment à Skikda (alors Philippeville) constituèrent une étape supplémentaire de la guerre.
La même année, l’affaire algérienne fut inscrite à l’ordre du jour à l’Assemblée générale de l’ONU, tandis que plusieurs chefs de l’insurrection de l’armée furent soit emprisonnés, soit tués (Mostefa Ben Boulaïd, Zighoud Youcef…). Des intellectuels français aidèrent le FLN, à l’instar du réseau Jeanson, en collectant et en transportant fonds et faux papiers.
Le 22 octobre 1956, eut lieu le détournement de l’avion qui transportait la délégation des principaux dirigeants du FLN: Mohamed Khider, Mohamed Boudiaf, Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Mostefa Lacheraf. Ce fut là un acte caractérisé de piraterie aérienne. De même, il y eut l’opération d’intoxication de la bleuite (1957-1958) menée par les services secrets français; le colonel Amirouche Aït Hamouda mit alors en place des purges internes (wilaya III) qui firent de très nombreux morts dans différentes wilayas. Plus tard, le France déclencha de grandes opérations (plan Challe 1959-1961), les maquis ayant été sans douté affaiblis par ces purges internes.
Ce plan amoindrit davantage les maquis. Arrivé au pouvoir, Charles de Gaulle engagea une lutte contre les éléments de l’Armée de libération nationale algérienne (ALN). Il semblerait que le plan Challe ait entraîné, en quelques mois, la suppression de la moitié du potentiel militaire des wilayas. Les colonels Amirouche Aït Hamouda et Si El Haouès furent tués lors d’un accrochage avec les éléments de l’Armée française. En 1959, à sa sortie de prison, Messali Hadj fut assigné à résidence. En France, les Algériens organisèrent des manifestations en faveur du FLN.
En 1960, le général de Gaulle annonça la tenue du référendum pour l’indépendance de l’Algérie; certains généraux français tentèrent en vain un putsch en avril 1961. Il n’est pas anodin de rappeler qu’en février 1960, la France coloniale a procédé à un essai nucléaire de grande ampleur dans la région de Reggane (Sud-algérien). Avec 17 essais nucléaires opérés par la France entre les années 1960 à 1966, il semble que 42.000 Algériens ont trouvé la mort; des milliers d’autres ont été irradiés et sujets à des pathologies dont notamment des cancers de la peau.
Le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) fut proclamé avec à sa tête Ferhat Abbas. Le colonel Houari Boumediene était alors le chef d’état-major de l’Armée de libération nationale.
En 1960, l’ONU annonça le droit à l’autodétermination du peuple algérien. Des pourparlers avec le GPRA furent organisés pour aboutir aux accords d’Evian (18 mars 1962). Ce qui ne mit pas fin aux hostilités puisqu’il y eut une période de violence accrue, notamment de la part de l’OAS. Près d’un million de Français (Pieds-noirs, Harkis et Juifs) quitta l’Algérie entre avril et juin 1962. Le référendum d’autodétermination (1er juillet 1962) confirma les accords d’Evian avec 99,72 % des suffrages exprimés. Le bilan de cette guerre, en termes de pertes humaines, continue de soulever des controverses des deux côtés de la Méditerranée. Si El Djazaïr se considère avec fierté comme le pays du million et demi de chahids, en France circulent d’autres chiffres qui oscillent entre 250.000 à 300.000 morts. Outre cette comptabilité macabre, bien d’autres sujets continuent de constituer un contentieux entre les deux pays. Il est vrai aussi que la guerre fratricide entre le FLN et le MNA (mouvement de Messali Hadj) fit quelques centaines de morts tant en France qu’en Algérie (notamment à Melouza), outre le nombre de harkis tués après le cessez-le-feu. Ce, sans oublier les luttes pour le pouvoir: d’un côté, le pouvoir civil avec le GPRA présidé par Ferhat Abbas appuyé par les wilayas III et IV, et de l’autre côté le pouvoir militaire (le «clan d’Oujda») et l’«armée des frontières») avec à sa tête Houari Boumediene.
De la République algérienne depuis 1962
A l’indépendance, El Djazaïr est sortie exsangue des suites de la guerre, des conflits internes et du départ massif des Européens ayant servi d’encadrement durant la période coloniale. Ce, outre le conflit avec le Maroc en 1963 («guerre des Sables») et plus tard le différend quant à la question du Sahara occidental depuis les années 1970. Ainsi, après plusieurs mois d’incidents frontaliers, il y eut une guerre ouverte (notamment dans la région algérienne de Tindouf) pour s’étendre ensuite à la région de Figuig au Maroc. L’Organisation de l’unité africaine (OUA) obtint un cessez-le-feu définitif le 20 février 1964, la frontière entre les deux pays étant inchangée. L’armée française évacua ses dernières bases en Algérie (enclaves autorisées par les Accords d’Evian): Reggane et Béchar (1967), Mers el-Kébir (1968), Bousfer (1970) et B2-Namous (1978). Ainsi, nonobstant l’indépendance, la France continua d’avoir des bases en Algérie. Le GPRA de Ferhat Abbas fut évincé par l’ALN au profit de Ahmed Ben Bella qui fut ainsi le premier président de l’Algérie indépendante du système colonial français. Le FLN devint parti unique et prôna un socialisme à l’algérienne marqué par le populisme et le culte de la personnalité. Le coup d’Etat du 19 juin 1965 vit l’accession de Houari Boumediene au pouvoir jusqu’à sa mort en décembre 1978. La politique suivie fut ce qui a été qualifié par le régime en place de «socialisme spécifique» avec la mise en place de la planification de l’économie et la bureaucratie d’Etat. La rente pétrolière devait servir à la mise sur pied d’une industrie lourde («Révolution industrielle») au côté de la «Révolution agraire» (qui eut pour conséquence de marginaliser l’agriculture avec comme conséquence l’importation croissante des produits alimentaires par l’Algérie). Il y eut la «Révolution culturelle» avec notamment une solarisation massive et une arabisation volontariste de l’enseignement avec des résultats que d’aucuns contestent.
En 1979, Chadli Bendjedid devint le nouveau chef d’Etat. Des réformes économiques avec une libéralisation «sauvage» et une corruption crescendo due à l’affairisme d’Etat. En 1985, l’effondrement des prix des hydrocarbures, l’endettement excessif de l’Etat et l’explosion démographique eurent raison de cette «nouvelle politique économique». Le pouvoir dut également faire face aux mouvements populaires: Printemps berbère de 1980, émeutes de Sétif en 1986... En octobre 1988, l’armée fut instrumentalisée pour tirer sur les émeutiers (plus de 500 morts ?). Le pouvoir concéda une forme de multipartisme par l’autorisation de la création d’associations à caractère politique. Le pouvoir promulgua une nouvelle Constitution qui devait favoriser l’accession d’El Djazaïr à la démocratie. En 1991, le processus électoral fut interrompu à la suite de la victoire électorale du Front islamique du salut (FIS) aux législatives. Ce qui entraîna une guerre civile (officiellement, il s’agit d’une «tragédie nationale»), notamment entre l’Armée algérienne et les groupes islamiques armés (GIA). Ce, durant plus d’une décennie s’étant terminée avec quelque 200.000 morts parmi lesquels des femmes, des enfants, des intellectuels, des étrangers ainsi que des villages isolés (Bentalha), sans omettre les considérables dégradations des infrastructures publiques et économiques.
Face à cette situation, le pouvoir oscilla entre dialogue avec l’opposition et répression. L’assassinat de Mohamed Boudiaf en 1992 plongea davantage l’Algérie dans une période trouble. Le 16 novembre 1995, le général Liamine Zéroual devint président, suite à des élections présidentielles jugées pluralistes, mais aucun accord concret ne fut trouvé pour régler la crise multiple vécue alors par l’Algérie, nonobstant la trêve observée par l’AIS (branche armée du FIS) et la loi dite de la «Rahma» pour les terroristes repentis. La démission de Zéroual en 1999 fut suivie par l’élection d’Abdelaziz Bouteflika à la présidence de la République. Se voulant candidat indépendant, il fut soutenu selon nombre d’observateurs par l’armée, ses adversaires s’étant retirés la veille du premier tour des élections. Le nouveau président afficha une volonté de parvenir à la paix civile. C’est ainsi que la loi dite de la «concorde civile» fut votée et approuvée par référendum; ensuite, il y eut une politique dite de «réconciliation nationale». Il a été réélu pour un troisième et quatrième mandats, après amendement de la Constitution. Cette opération est considérée par beaucoup comme une violation du texte fondamental qui date de la période de Zeroual dont le principe premier a été de limiter à deux mandats l’accession à la présidence de la République.
La traduction en arabe du roman "De nos frères blessés"
La traduction en arabe du roman “De nos frères blessés” de Joseph Andrès, réalisée par le poète et journaliste Salah Badis aura lieu demain à l’espace Sous-Marin sis au boulevard Krim Belkacem à Alger.
Éditée par Barzakh, la traduction sera présentée lors d’une rencontre-débat en présence du traducteur. Cette rencontre sera animée par les journalistes Saïd Djaafer et Omar Zelig.
Paru dans sa version originale en Français chez Actes Sud et aux éditions barzakh en mai 2016, Le roman de Joseph Andras relate la vie du militant communiste Fernand Iveton durant la guerre de libération algérienne et jusqu’à son exécution par l’administration coloniale.
Iveton, qui avait rallié le FLN, avait été arrêté en novembre 1956 après voir posé une bombe dans une usine (bombe qui n’a pas explosé). Il sera guillotiné le 11 février 1957.
Dans un va-et-vient permanent entre sa vie carcérale et sa vie antérieure, les 160 pages du roman de Andras égrène les derniers mois de la vie d’un militant convaincu dans une société qui ne comprenait pas son choix de l’Algérie.
L’auteur, Joseph Andras avait fait parler de lui en refusant le prix Goncourt du premier roman qui lui avait été décerné. Andras fait partie de cette caste d’écrivain qui ne veulent d’autres reconnaissance que celle de leur lecteurs.
De même, il avait refusé toute rencontre publique (librairie, festival, etc.) ainsi que toute apparition médiatique. Il n’avait accordé que quelques entretiens écrits par mail.
Salah Badis, quant à lui, est un brillant poète et journaliste à ses heures perdues. Il a déjà édité en 2016 en Italie un recueil de poésie intitulé ” Mélancolie des paquebots”. Sa traduction, témoignent des connaisseurs, est d’une exceptionnelle finesse. Il a réussi la prouesse de traduire fidèlement l’esprit originel du texte.
Rédaction du HuffPost Algérie
Joseph Andras a refusé le Goncourt du premier roman pour son ouvrage consacré à l'ouvrier communiste guillotiné pendant la guerre d’Algérie.
Le premier roman de Joseph Andras, De nos frères blessés, consacré à Fernand Iveton, ouvrier communiste guillotiné en 1957 pendant la guerre d’Algérie, a bénéficié d’un tirage initial de 3 500 exemplaires. Cette semaine, on apprenait auprès de l’éditeur, Actes Sud, que le tirage global était désormais de 21 000 exemplaires. Entre-temps, le livre a eu le Goncourt du premier roman, et l’auteur a refusé le prix.
Fernand Iveton, écrire le «nom maudit» :Joseph Andras (De nos frères blessés)
Fernand Iveton
Le Prix Goncourt du premier roman 2016 a été attribué lundi à Joseph Andras pour De nos frères blessés (Actes Sud). La surprise fut double : le roman n’était pas encore en librairies (il paraît aujourd’hui) et il ne figurait pas dans la sélection de quatre titres dévoilée par le jury le 6 avril dernier. Mais il s’agit d’un choix à saluer tant ce roman semble en effet ouvrir à une œuvre d’importance, littéraire et engagée, profondément politique, donc.
De nos frères blessés est centré sur un homme, Fernand Iveton, un homme dont l’action a marqué l’histoire et les mémoires, un « nom maudit » comme l’énonce la citation de Benjamin Stora et François Malye (François Mitterrand et la guerre d’Algérie) en exergue du roman :
« Iveton demeure comme un nom maudit. (…) On se demande comment Mitterrand pouvait assumer ça. J’ai dû prononcer le nom (d’Iveton) deux ou trois fois devant lui et cela provoquait un malaise terrible, qui se transformait en éructation. (…) On se heurte à la raison d’État »
« Malaise » et « nom maudit » : c’est d’abord contre un silence qu’écrit Joseph Andras — et l’incipit du roman est un « non » —, contre un silence d’État, organisé, contre l’oubli dans lequel est tombé le héros d’un combat anticolonialiste, d’une guerre qu’à l’époque déjà, on refusait de nommer par son nom : « mais elle est bien là, laguerre, celle que l’on dissimule à l’opinion sous le doux nom d’événements » ; « Mais toujours pas de guerre, non, ça non, le pouvoir cultive ses politesses — treillis taillés dans du satin ; boucherie fardée à la bonté ». Et Joseph Andras n’a de cesse, dans le roman, de lutter contre les mots et euphémismes par lesquels l’État, les journaux, l’opinion publique ont travesti, connoté, réécrit l’histoire : les combattants pour l’indépendance de l’Algérie sont des « rebelles », Iveton « le traître, le fêlon, le Blanc vendu aux crouilles », les Musulmans des « indigènes » auxquels l’État colonialiste oppose un « défilé de majuscules » (Culture, Liberté, Civilisation).
Alger, novembre 1956 : Fernand Iveton est ouvrier, communiste, il s’est rallié au FLN, il lutte pour une Algérie libre et indépendante. Il veut poser une bombe dans son usine, pour marquer les esprits. Son acte est symbolique et non violent : il a choisi de déclencher sa bombe, le soir, dans un local désaffecté et éloigné des grands ateliers, il ne veut pas tuer — « pas de morts, surtout pas de morts » — mais ouvrir les consciences. Il le dira avec force lors de son interrogatoire puis au tribunal, sans jamais être entendu, il condamne, « aussi bien moralement que politiquement, la violence aveugle, celle qui frappe les têtes et les ventres au hasard, corps déchiquetés aux aléas, coup de dés, la sordide loterie quelque part dans une rue, un café ou un autobus. (…) On ne combat pas la barbarie en la singeant, on ne répond pas au sang par son semblable ».
Pourtant, Iveton va être dénoncé, arrêté par l’armée française avant que la bombe explose. Il sera torturé — « le corps de Fernand est presque entièrement brûlé. Chaque portion, chaque espace, chaque morceau de chair blanche ont été passés à l’électricité » puis sera l’eau, « on ne mène pas une guerre avec des principes et des prêches de boy-scout » (en revanche, au tribunal, le médecin militaire n’aura aucun problème pour déclarer que les cicatrices sont superficielles et trop anciennes pour être attribuées à une éventuelle torture). Puis Iveton sera « jugé » par un tribunal militaire et condamné à mort. Moins pour ce qu’il a fait — la bombe n’a pas même explosé, et quand bien même elle n’aurait causé que des dégâts matériels — qu’en raison du « climat épouvantable ». François Mitterrand, garde des Sceaux n’intervient pas, René Coty refuse la grâce présidentielle. Fernand Iveton est guillotiné le 11 février 1957. Comme l’écrit Joseph Andras à la fin du roman, il « est le seul Européen exécuté par la justice de l’État français durant la guerre d’Algérie. France-Soir, pour commenter son décès, le qualifiera de « tueur » et Paris-Presse de « terroriste ». »
Aucun problème à ainsi résumer à grands traits la biographie de cet homme, d’abord parce qu’elle appartient à l’Histoire, parce que Jean-Paul Sartre a salué la mémoire d’Iveton dans Les Temps modernes et Albert Camus dans ses Réflexions sur la guillotine, et surtout parce que le roman de Joseph Andras est ailleurs. On n’est pas ici face à une biofiction ou une exofiction — quel que soit le terme par lequel la critique universitaire désigne les vies romancées —, dans la veine de celles, calibrées et à la chaîne, que l’on publie désormais, puisque ce type de roman séduit les lecteurs, assure de la presse et des ventes. Parce que connaître l’issue fatale du procès donne au roman des accents de tragédie et souligne la mécanique faussée mais implacable par laquelle un homme sera conduit à la guillotine.
De nos frères blessés est un grand roman, et peu importe son sous-genre. C’est un texte puissant, habité, éminemment politique, qui remet en perspective la vie d’un homme et l’action qui va le faire condamner, un texte qui fait le procès d’une justice aux ordres, d’une presse muselée qui imprime ce qu’on lui dicte et d’une sentence inique. Dès le lendemain de son arrestation, Iveton est offert aux flashes des photographes comme « une bête livrée à l’équarrissage », les articles le clouent au pilori, l’opinion publique l’a déjà jugé, la propagande d’État fonctionne à plein régime.
Le récit obéit à une rage implacable contre un appareil d’État qui brise un homme et son combat. Jouant d’une polyphonie, d’éclairages et focales multiples, de longs passages sur un bonheur passé (la rencontre d’Hélène, l’amour de l’Algérie, d’une France non coloniale, son amitié avec Henri Maillot) qui contrastent avec un présent qui n’est plus qu’une mécanique idéologique vidée de sens, De nos frères blessés est un roman court et dense qui, sur une dernière virgule, laisse le lecteur pantelant. Il y a des accents du Hugo du Dernier jour d’un condamné dans ce roman, de Camus, mais surtout une voix singulière, à la fois classique et emportée, sourde d’une colère politique, d’une rage face à l’injustice flagrante. Le roman est pour Joseph Andras l’autre nom du combat, d’un autre procès.
Joë Nordmann, avocat, le disait à Fernand Iveton, « juridiquement, ton dossier est facile à défendre, mais il tombe au mauvais moment. La guerre et la loi n’ont jamais fait bon ménage… L’état d’exception, disent-ils… ». De nos frères blessés rouvre le dossier, l’expose et alerte, « la mort, c’est une chose, mais l’humiliation ça rentre en dedans, sous la peau, ça pose ses petites graines de colère et vous bousille des générations entières ».
Fernand Iveton est né à Alger le 12 juin 1926. Il a un peu plus de trente ans quand il est guillotiné le 11 février 1957 à la prison de Barberousse d’Alger.
Le père, Pascal, enfant recueilli par l’Assistance Publique avait reçu le nom patronymique d’Iveton. Pascal vécut dans un quartier populaire d’Alger, le Clos Salembier (aujourd’hui El Madania). Communiste et syndicaliste, Pascal Iveton fut révoqué sous le régime de Vichy de son emploi à Électricité et Gaz d’Algérie (EG.A.).
Fernand, son fils, suivit son exemple en devenant employé de l’usine à gaz d’El-Hamma au Ruisseau. En 1943, il adhère à la section de la Redoute (un quartier proche du Clos Salembier) des jeunesses communistes. Il milite aux côtés d’Henri Maillot et Ahmed Akkache au sein de cette section. Quand L’Union de la Jeunesse Communiste Algérienne est dissoute pour faire place à l’Union de la Jeunesse Démocratique Algérienne qui rassemblera dans ses rangs des jeunes communistes et nationalistes et d’autres patriotes, Fernand Iveton rejoindra le cercle de la redoute de l’UJDA. Il militera également au sein des syndicats d’Algérie affiliés à la CGT de France (Confédération Générale du Travail) puis à l’UGSA (Union Générale des Syndicats Algériens) organisation syndicale algérienne qui demeurera affiliée à la CGT. Il sera désigné par les travailleurs de l’usine à gaz du Hamma comme délégué syndical.
En 1953, il épouse Hélène Ksiazek, une Polonaise émigrée en France, qu’il connut lors de l’un de ses séjours en région Parisienne. Son épouse le rejoint et ils s’installeront au Clos Salembier.
En juin 1955 il s’intègre dans les groupes armés des Combattants de la Libération au côté de Abdelkader Guerroudj, Félix Collosi, Mohamed Hachelaf, Yahia Briki, Georges Accampora et d’autres camarades communistes.
Après l’Accord FLN-PCA les Combattants de la Libération sont intégrés dans l’ALN-FLN, il fera partie du commando du Grand Alger. Après avoir participé à plusieurs actions (sabotages de wagons sur le port, incendie des Bouchonneries Internationales) il sera chargé de placer une bombe à l’usine à gaz du Hamma. Elle est déposée le 14 novembre 1956. Mais tout prouve qu’il a pris toutes ses précautions pour que la bombe ne cause que des dommages matériels. À ce propos Pierre Vidal-Naquet écrit dans sa préface à l’ouvrage de jean Luc-Einaudi « Pour l’exemple. L’affaire Fernand Iveton. Enquête » ce qui suit :
« Iveton ne voulait pas d’une explosion-meurtre. Il voulait une explosion témoignage. »
Dans son ouvrage « Des douars et des Prisons » Jacqueline Guerroudj qui lui a apporté la bombe fabriquée par Abderahmane Taleb et Daniel Timsit raconte qu’elle était chargée de lui donner deux bombes. Le 25 novembre 1956, onze jours seulement après son arrestation il est passé devant le tribunal. « Dans une atmosphère de pogrom » est-il écrit dans « La guerre d’Algérie » tome 2, page 364 (ouvrage sous la direction d’Henri Alleg). Il est condamné à mort au cours d’une parodie de procès « dans un prétoire où montaient des cris de haine et de mort ».
Le ministre français de la Justice de l’époque, François Mitterrand, et le président de la République Française refuseront de le gracier après la demande introduite par ses avocats. Le 11 février 1957 au petit matin il sera guillotiné en même temps que deux autres patriotes algériens.
« Fernand Iveton, Mohammed Ouennouri et Ahmed Lakhnèche marchent courageusement au supplice. Les 3 hommes s’embrassent et clament « Vive l’Algérie libre ! » au pied de la guillotine tandis que, de la prison tout entière, s’élève un grand cri de solidarité, de colère, d’espérance. Les détenus politiques pleurent, entonnent des chants patriotiques, ébranlent de leurs poings les portes des cellules. »
Dans sa dernière lettre à son avocat José Nordmann, Iveton déclare :
« Pour moi, seuls la lutte de notre peuple et l’appui désintéressé du peuple Français sont les gages de notre libération. »
(Tome 2, page 366 de « La Guerre d’Algérie » dirigé par Henri Alleg)
par Alger républicain
Cérémonie de recueillement à la mémoire du martyr Fernand Iveton et du moudjahid Georges Acompora
an février 2018
Une cérémonie de recueillement à la mémoire du martyr Fernand Iveton, guillotiné le 11 février 1957 par le colonisateur français, et de l'ancien condamné à mort le moudjahid Georges Acompora, décédé le 11 février 2011, a été organisé samedi au cimetière chrétien de Bologhine (ex-Saint-Eugène), à Alger.
Pour sa part, le président de l’association Maillot-Yveton, Merzouk Chertouk a plaidé pour que soient baptisés des rues et boulevards au nom de ces militantes et militants de confession non musulmane, lesquels ont plus de mérite que les autres et qui ont été condamnés et torturés doublement, en raison précisément de leur origine.
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