.
Ni Messali Hadj ni Ferhat Abbas ne se trouvaient derrière l’insurrection de la Toussaint 1954 et la rébellion de grande ampleur à laquelle elleconduisit l’année suivante. Leurs deux mouvements furent rapidement éclipsés par la direction plus radicale du FLN d’Ahmed Ben Bella et Belkacem Krim.
À ses débuts, la future guerre se limita à quelques actes isolés de terrorisme que
les Français pensèrent pouvoir contrôler. Pierre Mendès France, qui venait juste d’accorder l’autonomie à la Tunisie, ne pouvait pas aller aussi loin dans le cas
de l’Algérie, car il avait besoin de ses députés pour soutenir les accords Paris-
Londres sur le réarmement allemand. Il répondit donc aux actions des rebelles
en autorisant l’armée à mener des opérations de répression dans les Aurès, là où
l’insurrection avait éclaté : c’était le début des opérations de regroupement, c’est-
à-dire de déplacement des habitants des villages, destinées à permettre à l’armée
de poursuivre plus aisément les rebelles, de les rechercher et de les éliminer dans
ce que l’on appela des opérations de ratissage. On estime qu’au tout début de
la guerre, les rebelles étaient environ 700, avec peut-être une arme pour deux.
Mais, avec la réussite spectaculaire des premières actions et la répression qu’elles
avaient déclenchée, les rangs des rebelles grossirent rapidement. D’autant plus que le FLN s’imposait aussi aux musulmans par la violence, notamment par l’assassinat sélectif de « collaborateurs » dont on retrouvait les corps mutilés pour signifier leur humiliation. La guerre prit la forme d’attaques sporadiques contre les installations gouvernementales et militaires, le nombre de ces « actions »
rebelles passant progressivement de 200 par mois en avril 1955 à 900 en octobre de la même année, pour atteindre 2 624 en mars 1956, au plus fort de la guerre.
Mais le premier tournant de celle-ci se situe en octobre 1955 ; le 20 de ce mois
en effet les rebelles lancent une attaque massive non plus contre des objectifs
gouvernementaux ou militaires, mais contre des civils, à Philippeville, dans le Constantinois, répétant là ce qui s’était passé à Sétif : 123 Européens — des travailleurs des mines, pour la plupart — sont massacrés avec leurs femmes et leurs enfants, puis d’autres attaques meurtrières sont lancées contre des fermes isolées et sans défense. La répression est brutale, sous l’autorité de Jacques Soustelle, un libéral pourtant, que Mendès France avait nommé Résident général pour mener à bien des réformes sociales, mais que le massacre de Philippeville avait horrifié.
Environ 1 200 musulmans sont assassinés à leur tour en représailles. Au niveau
du gouvernement français, à la tête duquel Edgar Faure avait remplacé MendèsFrance, la réponse est le doublement du nombre de soldats envoyés en Algérie qui passent de 90 000 en août à 180 000 en décembre 1955.
À tous ces événements les Américains ne réagirent pas sans inquiétude, mais leurs sympathies allaient aux nationalistes. Dans l’ensemble, la diplomatie que le couple
Dulles-Eisenhower mit en œuvre en Afrique du Nord vient à l’appui des thèses
« révisionnistes » de certains historiens américains de cette période.
Des travaux récents sur les relations des États-Unis avec le Tiers-Monde
et le neutralisme remettent en effet en cause de manière convaincante les thèses
antérieures selon lesquelles Washington aurait toujours vu la main du Kremlin
derrière tous les désordres du monde, Eisenhower n’étant quant à lui « jamais
parvenu à faire clairement la différence entre le communisme et le nationalisme
révolutionnaire arabe ». H. W. Brands fait observer au contraire que l’hostilité.
À tous ces événements les Américains ne réagirent pas sans inquiétude,
mais leurs sympathies allaient aux nationalistes. Dans l’ensemble, la diplomatie
que le couple Dulles-Eisenhower mit en œuvre en Afrique du Nord vient
à l’appui des thèses « révisionnistes » de certains historiens américains de cette
période. Des travaux récents sur les relations des États-Unis avec le Tiers-Monde
et le neutralisme remettent en effet en cause de manière convaincante les thèses
antérieures selon lesquelles Washington aurait toujours vu la main du Kremlin
derrière tous les désordres du monde, Eisenhower n’étant quant à lui « jamais
parvenu à faire clairement la différence entre le communisme et le nationalisme révolutionnaire arabe ». H. W. Brands fait observer au contraire que l’hostilité
à l’égard de Nasser, de 1956 à 1958, était fondée sur la politique qu’il menait et
non sur l’idée qu’il aurait été un pantin entre les mains des Soviétiques ; et Peter
L. Hahn montre de son côté que les États-Unis ont essayé d’apaiser le nationalisme
égyptien autant qu’ils le pouvaient en respectant les impératifs stratégiques
de l’Ouest. Brands soutient que les États-Unis ont montré « du discernement et
de la souplesse dans leurs relations avec le Tiers-Monde » et qu’ils ont su « traiter
le neutralisme pour ce qu’il était, de manière pragmatique ». Comme on le verra
plus loin, ce sont là des mots justes pour caractériser la politique américaine
en Afrique du Nord. De la même manière, on voit qu’au Liban, où ils interviennent
en juillet 1958, ils ne confondent pas les mouvements nationalistes et
populistes locaux avec les communistes ; ils montrent seulement la même hostilité
fondamentale à l’égard des uns et des autres dans leur défense des intérêts
de l’élite au pouvoir, à laquelle ils sont étroitement liés.
Les commentaires récents