"On a pu épiloguer sur le véritable sens des Accords du 18 mars 1962, considérés par les uns, en France, comme le fruit amer d'une immense braderie, et par d'autres, en Algérie, comme un pur chef d'œuvre du néocolonialisme. Il eut été plus avisé, au-delà de ces jugements idéologiques, de s'interroger sur le sort qui leur serait réservé à l'épreuve des faits. Celle-ci ne tarda pas. Un événement vint, en effet, bouleverser prématurément l'économie de ces Accords : l'exode massif des pieds-noirs, avant même que les résultats du référendum d'autodétermination ne fussent proclamés.
Les autorités françaises, qui avaient misé sur le maintien de quelque 400 000 Européens - estimation de Louis Joxe - ne s'attendaient certainement pas à pareil chambardement. Mais c'était sans compter avec l'atmosphère d'épouvante que l'OAS avait réussi à créer, prétendant, à coup de meurtres et de destruction, ramener l'Algérie à sa situation d'avant 1830. C'était, surtout, minimiser l'irrédentisme des pieds-noirs, paniqués à la perspective imminente de l'indépendance et dont le mouvement de départ, entamé à la veille des ultimes entretiens d'Evian, se transforma bientôt en sauve-qui-peut généralisé."
"L'important n'était-il pas d'avoir rétabli la paix et d'avoir redonné à un peuple surexploité, étranger sur son propre sol, le droit à une vie nouvelle ?"
( Redha Malek - extraits de la préface de "l'Algérie à Evian" - Edition du Seuil ). Il nous a paru utile de commencer cette série "Négociations d'Evian" sur l'opinion d'un des négociateurs algériens concernant l'accession à l'indépendance de l'Algérie, phase terminale d'un affrontement qui fut, pour tous, un enfer pavé de bonnes intentions, dont les uns ont rejeté sur les autres les dommages collatéraux et réciproquement. Une deuxième source, capitale, est la collection des procès-verbaux des discussions entre négociateurs français et algériens, et autres notes, provenant des archives du Ministère français des Affaires Etrangères, et rassemblés dans le livre "Vers la paix en Algérie" - Editions Bruylant.
Il y a ensuite ce sentiment, sur le terrain, que l'Algérie passait de Charybde en Scylla ( deux monstres marins de la mythologie grecque - L'expression « tomber de Charybde en Scylla » signifie de nos jours « éviter un danger en s'exposant à un autre pire encore " ), ce qui rendait, "l'encre à peine sèche", l'application de ces "accords" totalement obsolète en Algérie.
On pourrait faire état d'autres témoignages, de non-dits également. Le résultat objectif a été :
- Pour la France : cessation des combats en Algérie, abandon de souveraineté sur cette ancienne colonie, reflux des pieds-noirs ( principalement mais pas uniquement d'origine française ) qui ont pris leur place dans l'économie de la France, etc. , abandon à leur triste sort de dizaines de milliers d'anciens "Français à part entière", fin d'un état de guerre quasi permanent depuis ... 1789 !
- Pour l'Algérie : combats fratricides entre moudjahidine de l'intérieur et "armée des frontières", massacre de dizaines de milliers de "nouveaux Algériens", modèle politique et économique sur une des pires dictature du XXème siècle : la soviétique, émergence d'une classe politique enrichie grâce aux dépouilles des pieds-noirs mais surtout grâce aux revenus des hydrocarbures, épisode tragico-comique des "pieds-rouges", islamisation forcenée conduisant à une guerre civile extrêmement fratricide qui n'en finit plus de durer, "harraga" de nombre de jeunes Algériens et Algériennes qui n'hésitent plus à se transformer en "boat people" ...
Il ne faut pas oublier que la paix n'est toujours pas signée entre l'Algérie et la France, un demi-siècle plus tard, ce qui montre bien l'inefficacité à long terme des négociations d'Evian. Les demandes de "repentance" d'un certain nombre d'Algériens font penser à la parabole de la paille et de la poutre, et cachent surtout leur goût de conserver un pouvoir si chèrement acquis par les vrais patriotes qui ont donné leur vie pour que vive l'Algérie.
.
Les commentaires récents