Si l’accueil officiel, jeudi, à Alger, de la dépouille de la défunte Assia Djebar — dont les obsèques auront lieu vendredi à Cherchell — sera coordonné directement par la présidence de la République, l’hommage des Algériens sera à l’initiative des femmes du réseau Wassyla/Avife (Association contre les violences faites aux femmes et aux enfants) et des associations féministes, avons-nous appris de source familiale de la femme de Lettres.
Ce sont ces femmes qui luttent encore pour leur émancipation et l’égalité des droits contre les violences qu’elles subissent dans la société et la famille qui seront à l’initiative de l’hommage des Algériens à la défunte Assia Djebar, elle qui durant toute sa vie a écrit «contre la régression et la misogynie». Elle dont toute l’œuvre a tendu à rendre la voix et la parole à celles qu’elle appelait «Mes sœurs». C’est le vœu de sa famille. C’est la volonté de ses proches. Et c’est conforme à l’engagement et aux convictions de la défunte.
Et c’est donc tout naturellement que l’initiative de cet hommage qui aura lieu jeudi au palais de la Culture revienne aux associations de femmes qui prolongent et se reconnaissent dans le combat qu’a mené par sa plume et sa caméra Assia Djebar pour le respect de la dignité, de l’intégrité des «sans-voix».
Ces femmes de son peuple qu’elle évoquait dans son discours devant ses pairs de l’Académie française le 22 juin 2006 quand elle affirmait : «J’ai retrouvé une unité intérieure grâce à cette parole préservée de mes sœurs, à leur pudeur qui ne se sait pas, si bien que le son d’origine s’est mis à fermenter au cœur même du français de mon écriture.
Ainsi armée ou réconciliée, j’ai pris tout à fait le large». Il est à souligner qu’un hommage sera rendu à la défunte à Paris, demain mercredi, de 11h à 12h, au funérarium des Batignolles, 1 boulevard du Général Leclerc, métro Porte de Clichy. Le corps de la défunte arrivera jeudi à Alger à 14h05, où un accueil officiel lui sera réservé ainsi qu’à la famille. Le cortège se dirigera ensuite vers le palais de la Culture où l’hommage se déroulera de 17h à 20h. Le cercueil et la famille seront ensuite acheminés vers la résidence du wali de Tipasa, où une veillée funèbre aura lieu. Assia Djebar sera enterrée vendredi au cimetière de Cherchell accompagnée également des femmes de sa famille de son entourage et de toutes celles qui souhaiteraient être présentes conformément à ses dernières volontés.
Pour sa part, l’Académie française rendra hommage, lors de son audience du 19 février, à la mémoire de la défunte qui occupait le siège n° 5, par une minute de silence et par un discours qui sera prononcé par l’écrivaine Danièle Sallenave, directrice du bureau de l’Académie française.
Condoléances de l’association du réseau wassila/avife
Assia Djebar, «l’intransigeante dotée d’empathie» Fatma-Zohra Imalhayène, est décédée. Les membres du réseau Wassila/Avife tiennent à s’associer à la douleur de sa fille Jalila et de l’ensemble de la famille Imalhayène. Nous présentons aussi nos condoléances à toutes les femmes algériennes à qui, par un travail acharné et quotidien, elle aura restitué une archéologie des savoirs au féminin en déterrant notre histoire, en faisant entendre nos voix.
Cela, elle le fit dans une écriture élégante et précieuse, comme sa chère ville de Cherchell qui fut aussi, dans ses ouvrages, sa Césarée. Elle a donné naissance à une œuvre qui nous autorise à écrire que son décès ne saurait être une disparition, car cette œuvre, à jamais, illuminera notre chemin puisqu’elle a allumé des feux dans notre nuit patriarcale. Et si «une femme qui écrit vaut son pesant d’or», selon l’expression de Kateb Yacine, Assia Djebar aura tiré les premières salves.
Nadjia Bouzeghrane
Les commentaires récents