Partant du principe: "qui a le peuple, a la révolution", Zighoud Youcef fit part à ses proches compagnons, Bentobal et Benaoudade l'idée d'une insurrection générale. Il programme ce soulèvement pour le samedi 20 Août 1955 et réunit les responsables en deux étapes.
La première réunion eut lieu à Boussator, douar Lakhal, commune de Sidi Mezghiche ont assisté à celle-ci près de 150Moudjaheds (responsables et Djounoud), elle ne put se terminer suite à un accrochage durant lequel tombent au champ deux novembristes et valeureux Moudjahidines dont Mahmoud Nafir, les participants sedirigent vers Zarmane. Les responsables entre autres qui y assistent: Abdallah Bentobal, Amar Benaouda, Ali Kafi, Smain Zighed, Boubnider Salah, Cherif Zadi, Amor Talaa, Boudjeriou Messaoud, Sellahi Tahar, Mohamed Salah de Smendou, Abdelmadjid Kahlaras, Cheikh Boulares Boucheriha, Bouali Messaoud et Abdeslem Bakhouche.
La réunion avait pour but d'avoir une idée sur la situation générale qui prévalait dans la zone 2, déterminer les moyens humains et matériels, et préparer l'étape décisive.
Les instructions données :
- Recenser toutes les armes disponibles au sein de la population.
- Contacter les Algériens travaillant dans les mines et les carrières dans le but de se procurer des explosifs.
- Lancer un avertissement par l'envoi de lettres aux personnalités Algériennes, en contact avec les forces françaises.
Leur demandant de s'éloigner de la ligne Soustelle et de se rallier à la révolution, car le colonisateur profitant de certaines hésitations donne certains prérogatives et droits à des partis politiques de l'époque, dont l'activité officielle continuait malgré l'appel du 1erNovembre 1954. Il fallait donc combattre cette ligne et les hommes de partis qui s'y accrochent pour éviter qu'ils soient un alibi à la France qui voulait freiner la révolution.
- Affaiblir les partis en lice avec la ligne Soustelle.
- Alléger les Aurès assiégés et répondre ainsi à l'appel de Chihani Bachir.
- Inscription de la question Algérienne à l'ONU.
- Réactiver la guerre de libération pour obtenir L'indépendance.
- Eparpiller les troupes françaises sur tout le territoire pour desserrer l'étau sur les Aurès et la Kabylie.
- Solidarité avec le roi du Maroc.
La 2éme réunion eut lieu au Djebel Zamane à Koudiet Daoud à 17 Km de Skikda, après les préparatifs qui durèrent vingt jours jusqu'au 12 juillet 1955. Zighoud Youcef désignera les responsables qui seront chargés de mener l'attaque dans leurs secteurs respectifs :
LIEU DES SECTEURS
1- Nord-Constantinois Zone 2
2- Nahia d’Annaba
3- Nahia d’El Khroub
4- Nahia Ain Abid
5- Nahia Oued Zenati
6-Constantine-ville
7- Nahia de Smendou
8- Nahia Sidi Driss
9- Nahia Skikda
10- Nahia Guelma
11- Nahia Collo
12- Nahia El Harrouch
NOM DU PRINCIPAL RESPONSABLE
1- Zighoud Youcef
1- Bentobal Lakhdar (adjoint)
2- Amar Benaouda
3- Boubnider Salah
4- Mahdjoub Laifa
5- Loucif Rabah
6- Boudjeriou Messaoud
7- Abdelmadjid Kahlaras
8- Ali Kafi
9- Smain Zighed
9- Amor Talaa
10- Zadi Cherif
10- Bakhouche Abdeslam
11- Amar Chettibi
12- Derradji Larbi
Selon une interview de Abdelmadjid Kahlaras et Brahim Chibout à la revue El Djeiche).
Entre temps beaucoup d'évènements se sont succédé à Constantine, secouée, soucieuse et troublée. Le commissaire Central Pinnelli a beau crié à la face de ses adjoints Grassert Commissaire Principal de la PRG et de Parat Commissaire divisionnaire de la PJ, son insatisfaction quant à la lutte contre la rébellion dans la capitale de l'Est Algérien.
Les rafles nocturnes préconisées n'aboutissent qu'à L'arrestation de paisibles citoyens arrachés à leurs foyers en pleine nuit, laissant derrière eux consternation et pleurs. Ainsi Lambert par cette action a voulu convaincre Pinnelli qu'il tient l'information sur les lieux des rassemblements. Les autorités coloniales appréhendent beaucoup plus une action de grève générale à l'approche du 125meanniversaire de la prise d'Alger le 05 juillet 1830. L'organisation de rafles en direction de l'avenue de Roumanie jusqu'au pont du diable et le terrain Sabatier en contre bas de l'avenue du 11Novembre. Ces opérations qui durent de deux heures du matin à l'aube ramèneront plus de 800 personnes au stade Turpin sont des actions psychologique en direction de la population.
Du côté des militaires, juillet et Août 1955 sont des mois de parade. Le général Laurillot nouveau commandant en chef de la Xéme région militaire est arrivé en grande pompe à Constantine. Après l'imposant défilé militaire à Oued Hamimine et son passage par l'avenue Anatole France, place Lamoricière, le Boulevard de l'abîme qui lui donne un aperçu sur la capitale de l'Est irréductible depuis les évènements du 30 avril 1955.
Il est à signaler que même les généraux Jouhaux et Tessier choisissent d'effectuer leur inspection à Constantine plutôt que dans les Aurès durant cette période. Pour ne pas rester à la traîne, le préfet Dupuch exaspéré par l'inefficacité des commissaires Pirelli, Lambert et Sanmarcelli, et des remous dans le chef lieu du département et en vertu de l'état d'urgence, il se rabat sur les militants MTLD toujours en ville. Boudjenana Ahcéne, Zertit Abdeslam, Zerdani Ferhat, La idouni Rabia, Meziani Aissa, Salhi Boudjema, Chersaya Habbas, Boussaboua Chaabane, Hami Mohamed et Aissa, Nouara Ramdane, Haddad Abdelkader, Abderrahim Tahar, Mer kouche Khalifa, Benouar Cherif, Zaâf Larbi, Cherah Rabah dit Messaoud, Rehab Mohamed, Bentalha Kamel, Kechid Lounis, Rezzak Mohamed dit Bensaad, Bousseboua Ali, Bouanane Messaoud, Saadouni Amor, Beloum Said, Merkouche Mohamed Cherif, Saci Rabah, Arab Abdellah, Boudiaf Rabah, Zertit Amar, Ayadi Mohamed, Bounemeur Messaoud, Daksi Zoubir dit Bendal et Kahoul Mostapha. Le 23 juillet 1955, il les assigne à résidence.
C'est ainsi que tour à tour, ils sont mis en arrestation et dirigés vers le camp Cheblel près de M'sila. Ces personnes arrêtées sans ménagements et traînés comme de vulgaires malfrats laissent leurs familles sans ressource et la plupart dans un grand besoin, d'autres dans le dénuement le plus complet.
Salhi et d'autres, sont rejoints par Benmeliek Mohamed Rachid dit Hamdi à Djorf. Ils sont les premiers à ouvrir ce camp, ils dorment à même le sol avec la peur au ventre de se voir piquer par des serpents. Le camp n'est pas encore aménagé pour recevoir ce que la France peut considérer comme prisonniers politiques mais là est une autre question ? Des tentes ouvertes à tous les vents, la chaleur torride en ce mois de juillet 1955, en guise d'oreillers des grosses pierres. Ils dorment pour la plupart à même le sol, sur des nattes poudreuses et pitoyables. Benmeliek "Hamedi" est transféré à Bossuet avec certains compagnons Constantinois dont Benkhabchéche Said où les conditions sont malaisées et piteuses.
La canicule du mois d'Août 55 cinquante (50) degrés, ne leur permet pas de s'endormir le jour sachant que les nuits sont froides. La présence des scorpions est un autre danger pour ces détenus politiques. Parfois les citernes se vident et l'administration tarde à les remplir. Les détenus pour étancher leur soif boivent leur urine, à force de marcher pieds nus entraîne la contusion de la plante des pieds et des orteils, souffrances que traîneront Salhi et Benkhabchèche.
Pendant que ces infortunés Constantinois et ceux d'autres villes de l'Est, croupissent dans des camps insalubres. Dupuch, Allard et Lavaud les patrons de la ville semblent rassurés ; pour preuve Constantine est en marge des troubles; qui continuent à frapper dans le reste du département.
Parmi les hommes politiques constantinois, les uns sont assignés à résidence, d'autres désormais émarger trois fois par jour, au niveau du commissariat de Fondouk Zit dirigé par Sériano. Ali Naidja est retenu pendant 48 heures dans ce lieu. Il faudra que son employeur français Bajavon alerté, vienne s'inquiéter sur son sort, pour qu'il soit relâche. Durant le mois de Juillet, un nouveau groupe est présenté au commissariat du premier arrondissement. Il s'agit de, Mostepha Aissaoui, Ali Naidja et quatre militants des Aurés. Ils sont enfermés dans les geôles glaciales et après dix jours de détention, ils sont embarqués dans des camions militaires ; en direction du camp du Djorf. Da ns la ville, les responsables de l'armée et de la police, vont confirmer cette certitude par l'élaboration ; " d'un plan de défense de Constantine". Il s'agit pour eux de vérifier, l'efficacité des services de sécurité.
Ils provoquent une opération à blanc, baptisée " opération tulipe" le PC opérationnel est installé à la préfecture, elle a pour théâtre les quartiers européens: le Coudait, Bellevue, et le centre-ville, et a pour alternative, de tranquilliser la population européenne de plus en plus en émoi. Après la réunion, Si Messaoud retourne dans les environs de Constantine ; à Chabet Erssas dans le domicile de Bouzitouna Tayeb. Un messager est envoyé, aux deux responsables locaux, Aouati Mostepha et Zaamouche Amor dit Ali. Des discussions sont engagées par le groupe, qui est rejoint par Kerris Belkacem et Boudjebir Ahcène ; sur les objectifs désignés par Zighoud.
Des contacts sont menés à l'intérieur de la ville, pour ramener des armes et des informations sur les lieux à attaquer.Fatima- Zohra. L'épouse de Si Messaoud est présente avec eux. Le 19 Août 1955, près de dix neuf (19) membres de l'organisation prennent le chemin de djebel Ouahch, dans trois véhicules. Le trajet emprunté doit obligatoirement passer par le camp Fray et le contrôle effectué parfois simplement. Le soldat de fraction n'est pas surpris ce samedi soir, par ces passagers qui arguent de se rendre à une fête.
Si Messaoud eu chaud, la barrière se lève et les 03 véhicules se dirigent vers El Kef Lakhal, conduits respectivement par Boudjeriou Mostepha dit Salah, Boukerrou Brahim et Tabouche Said. Belghit Garmi embusqué derrière un talus, non loin de la ferme des Boukhelkhal autre lieu de rassemblement, après les mesures de sécurité d'usage, hèle le groupe dirigé par Zaamouche qu'il reconnut par sa voix roulant les "R". Toute la troupe se dirige à pied vers la Mechta Hamaida chez les Boudersa et où est prévue la réunion. Rassemblés dans trois gourbis, ils attendent l'arrivée de, Zighoud Youcef. Vu l'importance de Constantine dans l'échiquier politique, il a tenu à participer à la réunion, après avoir libéré les responsables des autres secteurs. Il demande à cheikh Belkacem kerris de sermonner les combattants, en récitant Certains versets du coran. Zighoud et Si Messaoud Boudjeriou appellent, un à un les combattants pour leur faire prêter serment. Satisfait des préparatifs et des Constantinois, Zighoud s'en alla dans la nuit sur son cheval accompagné de Chouchane Ali: en précisant que ce n'est pas un hasard si l'insurrection du premier Novembre 1954 a eu lieu à minuit et celle du 20 Août 1955 à midi.
Il laisse Boudjeriou, Aouati, Zaamouche et Kerrouche face à leur responsabilité historique ; celle d'assurer à nouveau l'attaque de Constantine. Les groupes sont constitués :
- 1er groupe: avec à sa tête Kerboua Abdelhamid faubourg El Kantera.
- 2éme groupe: avec à sa tête Zaamouche Said dit sebti avenue bienfait
- 3éme groupe: avec à sa tête Si Mustafa Filali rue Thiers.
- 4éme groupe: avec à sa tête Kherrouche Abdelhamid mission spéciale.
- 5éme groupe: avec à sa tête Laifa Amor mission spéciale.
- 6émet groupe: avec à sa tête Lakher Salah groupe des bombes.
- 7éme groupe: avec à sa tête Kerris Belkacem pose de drapeaux sur les mosquées.
- 8éme groupe: avec à sa tête Hacene Boudjebir (mission spéciale).
PLACE DES CHAMEAUX 9H DU MATIN
Un groupe composé de Bezaz Mohamed Salah, Saib Abdellah, Smira Tahar, Abdelkader Bouzitouna et Drifa Mechatti, attend au fondouk Hechaichi Bennour, fumant nerveusement, ils essaient de garder le calme. A 10 heures trente, montant les escaliers du fondouk vers la terrasse ; Boukhenoufe Derradji, un couffin à la main rempli à vue d'œil de dattes mais dissimulant en fait deux pistolets et trois bombes artisanales. Saib Abdellah et Drifa Mechatti prennent chacun un pistolet et les quatre hommes se séparent de Bezaz et Derradji qui choisissent la route du bardo, pour remonter plus bas vers Bellevue et le cinéma ABC emportant avec eux les deux bombes. Smira Tahar, suivi des trois hommes emprunte la rue Abdellah Bey, débouche dans la rue Perrégaux pour se rendre à la rue Georges Clemenceau.L'objectif, l'hôtel des gorges adjacent à la dépêche de Constantine et où loge le Colonel Tercé.
MIDI, RUE GEORGE CLEMENCEAU
En bas de la rue Clemenceau, Smira Tahar et Bouzitouna Abdelkader attendent cinq minutes ; la bombe n'a pas explosé, Ils reviennent sur les lieux, allument une nouvelle fois le cordon brikford après l'avoir fendu et se séparent. Dans la même rue en effervescence, Drifa et Abdelkader remontent vers le faubourg El Kantara. Kerboua Abdelhamid et ses hommes, viennent de faire éclater une bombe et lancer une attaque de grande envergure entre le pont et la gare. La place Thompson, est prise d'assaut et est sillonnées de balles. Le kiosque d'essence ESSO est criblé lui aussi, faisant sauter sa devanture. Si Mostepha Filai, redescend la rue Thiers qu'il a investi avec ses hommes laissant des morts sur la chaussée.
MIDI PONT SUSPENDU MONUMENT AUX MORTS.
Si Hacene Boudjebir et ses hommes au niveau du pont et du monument aux morts, mitraillent tout sur leur passage ; dans leur retraite en direction de djebel Ouahch.
MOSQUEE SIDI LAKHDAR
En haut du Djemaa Sidi Lakhdar le drapeau algérien flottant il venait d'être accroché sur le minaret par Tenniou qui sera surnommé plus tard " El Alam ".
BELLEVUE A MIDI
Zaamouche Sebti descend la rue Ouled Braham laissant derrière lui un haut brasier de flammes, c'est l'entreprise de bois Aubertie qui brûle, les sirènes hurlent, la ville est à feu et à sang la rapidité et la soudaineté de l'action, le silence et le secret qui ont précédé cette grande attaque n'ont d'égal que l'action de représailles qui va s'ensuivre de la part des forces colonialistes, les autorités dépassés se suspendent au téléphone pour rester aux nouvelles, Ce jour plusieurs notables Constantinois n'eurent la vie sauve que parce que le destin a fait qu'ils ne se trouvent pas dans leur lieu habituel. Ces condamnations ne sont pas le fait d'une trahison; mais sont dus à leur persistance, à vouloir demeurer, dans les assemblées d'élus. Chose réprimée par la déclaration du premier Novembre 1954. L'organisation de Constantine, par le biais de Salah Lakher informe Si Messaoud de l'attitude courageuse du docteur Bendjelloul, qui a mis sa cocarde de député et bravant le danger qui guette tout Algérien ce jour là, s'est déplacé à Ain Abid; dans un véhicule conduit par un membre de la famille Agoun, pour arrêter les massacres de la population locale. Les familles El Hdeuf El Okki, les Benboualia, Abdallah Hattab, et trois autres membres de sa famille, Ferdi et Belhanachi entre autres ont été les plus éprouvées. Cette immixtion lui attire les remontrances de Jacques Soustelle qui lui reprochera plus tard dans un entretien particulier, d'avoir crée un précédent à la France au niveau de l'ONU. Malgré son autre affirmation, envers les députés Constantinois lors de la réunion tenue le 23 Août 1955 à la préfecture de Constantine? Le docteur par un manque d'attentisme ou de clairvoyance ce opiniâtre, et malgré son envergure politique ne saura pas saisir la perche que lui contractera le F LN, pour prendre le train de l'histoire au même titre que d'autres politiciens qui cheminent pour la quête des postes historiques au Caire ?
par Ahmed Boujeriou
Auteur du livre Mintaka 25 Guerre d' Algérie
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