auteur de L’Excès de poids, nominé à Pékin
Consommateurs, si vous saviez…
Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger.» (Molière)
Ce qui m’a poussé à faire cette spécialité ? Je me suis rendu compte qu’il y avait certaines affections que la médecine classique n’arrivait pas à guérir. J’ai trouvé que l’acupuncture pouvait y répondre. Partant du postulat : lorsque la médecine ne donne pas de résultat ou qu’il y a des contre-indications, l’acupuncture peut prendre le relais en devenant une médecine alternative qu’on aurait tort d’ignorer. Son avantage : c’est une médecine sans médicaments, sans effets secondaires, douée d’une inocuité absolue, qui peut rendre service face aux douleurs chroniques, au stress, aux troubles du sommeil, aux détoxications tabagiques et à certains types d’allergies, sans compter les troubles fonctionnels.
En fait, le métier de médecin a toujours trituré l’esprit du jeune Hamid, qui ne rêvait que de ça. Né le 10 février 1948 dans la paisible ville de Marengo (Hadjout), Hamid y a fait ses études primaires à l’école du Marché avant de rejoindre, en 1959, le lycée franco-musulman de Ben Aknoun où il a pu acquérir une solide formation bilingue. L’université d’Alger fut une autre étape où il confortera ses acquis en concrétisant son dessein. Hamid insistera sur toutes ces escales qui façonneront sa personnalité en l’ouvrant encore plus vers le monde extérieur. C’était ce qu’il fallait pour cet homme généreux, serviable, profondément humain, toujours à l’écoute des autres.
Le chiffre effarant livré par le Dr Brahimi fait froid dans le dos : 50% des femmes algériennes souffrent de surpoids, alors que le taux d’obésité chez l’adulte est de 21%, loin devant la France par exemple. Mais quelles sont donc les origines de cette obésité ? «Elle vient dans 90% des cas de notre alimentation qui est déséquilibrée. Les gens mangent beaucoup, à toute heure, et consomment à satiété les sucres et le gras. De plus, ils mangent rapidement pour une question de temps, dans les fast-foods riches en gras, en sucre et en salé. Ce sont ces facteurs exhausteurs de goût qui vont pousser à plus de consommation. On consomme plus que ce qui est permis. Tout le reste est stocké en graisses. De plus, en mangeant rapidement, on ne laisse pas la satiété s’installer. Celle-ci s’installe dans la durée mais pas dans la quantité. Et l’industrie agroalimentaire, qui sait jouer sur les sensibilités des consommateurs à coups de pubs suggestives et alléchantes, aggrave encore la posture du client à travers un harcèlement quotidien parfois indécent qui s’est mué en conditionnement ‘‘pavlovien’’.»
Que mange-t-on ?
«En effet, concède M. Brahimi, cette industrie l’a compris et joue sur cela. Les gens mangent de plus en plus mal et prennent du poids. Le plus dramatique est que nos jeunes sont touchés précocement et massivement. A notre époque, dans toute l’école, détecter un seul enfant en surpoids était un exploit. Et cet enfant était toujours la risée des autres. Aujourd’hui, c’est un phénomène important qui déborde sur des maladies.»
A l’école, le taux d’enfants obèses est alarmant. «En plus des conseils et de la rééducation alimentaire que je préconise, j’aide toujours mes patients avec des séances d’acupuncture dans le but de calmer la composante stress, de réguler un peu mieux le métabolisme et de dominer peu ou prou la faim. Cette méthode est adoptée par de plus en plus de praticiens aussi bien ici qu’à l’étranger. J’en ai fait une étude qui a été publiée et communiquée dans plusieurs congrès mondiaux. Cette étude porte sur l’analyse de ma consultation orientée sur l’obésité sur une décennie. C’est une méta-analyse qui prend en charge des milliers de personnes.»
Nominé à la Foire mondiale qui regroupe toutes les éditions relatives à la cuisine, à l’alimentation et aux boissons qui s’est déroulée à Pékin avec la participation de 187 nations, M. Brahimi ne tarit pas d’éloges sur la qualité des œuvres présentées. «Mon livre L’excès de poids a été nominé dans la catégorie santé-nutrition. Parmi les huit premiers. Le comité a considéré que mon livre a eu une approche nouvelle sur l’excès de poids et la problématique de sa prise en charge. Je ne me contente pas de suggérer des régimes. Je vais plus loin en offrant une véritable thérapeutique. Cette cérémonie, à l’instar des Oscars, s’est déroulée dans une ambiance de show à l’américaine. Au moment des honneurs, avec l’emblème national, j’ai ressenti une immense fierté. Et lorsque j’ai exhibé le drapeau algérien, un tonnerre d’applaudissements s’en est suivi. J’avais la chair de poule. L’Algérie était sur le podium et cela m’a fait chaud au cœur», confie notre docteur, dont le bonheur a été décuplé à travers la traduction de son ouvrage en plusieurs langues et qui a été à la une pendant des semaines.
Et à ce propos, M. Brahimi nous fait une confidence sous forme d’anecdote, mais dont la symbolique est édifiante.«J’ai dédicacé mon livre à l’université Paris-Sud. Il y avait une chaîne interminable de gens. J’ai bouclé l’opération en moins d’une heure, car je n’avais ramené qu’une cinquantaine de livres. Quelques jours plus tard, j’effectue la même opération à la librairie du Tiers-Monde à Alger. J’ai dû attendre près de trois heures pour ne dédicacer que… deux ouvrages. Vous voyez, nos compatriotes ne sont pas aussi prompts pour la lecture que pour la nourriture !», plaisante-t-il.
Le régime ne suffit pas
Des régimes amincissants à l’obsession de manger sain ou bio, à la phobie de la table, le chemin est sinueux et parfois semé d’embûches. Car les comportements alimentaires s’individualisent. Des sociologues et des nutritionnistes sont passés à table pour dire que de plus en plus, chacun veut se réapproprier le contenu de son assiette. «Fatiha n’était vraiment pas dans son assiette lorsque nous l’avons connue avant le régime.
Une adolescente fatiguée, en surpoids, qui se plaignait constamment de son corps qu’elle supportait mal, non seulement parce qu’il la rendait difforme et peu esthétique, mais parce qu’il jouait énormément sur son moral.» Après le régime, c’est une adolescente épanouie, qui ne tarit pas d’éloges sur les effets de sa «cure» brahimienne. A la bonne heure ! Mais d’une autre côté, la question de l’accessibilité à ces soins n’étant pas à la portée de tous soulève moult interrogations. Le toubib répond : «L’acupuncture est une médecine non seulement efficace, mais économique. L’OMS la préconise et l’encourage. 2000 médecins des quatre coins du monde sont formés annuellement en Chine. C’est vous dire tout l’intérêt accordé à ce volet», souligne le Dr Brahimi.
Quant à l’acharnement thérapeutique, hantise des patients, il est souvent décrié : «On a compris qu’on ne peut pas bloquer quelqu’un sur des schémas à suivre toute sa vie. L’équilibre que l’on souhaite donner aux patients, on ne peut l’avoir qu’à travers un changement des comportements alimentaires. Car si on se contente de faire un régime ponctuel, à ce moment-là, à la fin du régime, on est fatigué et enclin à un retour à la façon d’avant. On reprend du poids en mangeant et en regrossissant» car, selon le Dr Brahimi, les Algériens mangent beaucoup et mal. Parce qu’ils n’ont pas autre chose à faire côté loisirs.
En mangeant, on calme quelque peu ses frustrations. Cela est valable pour tous les pays émergents. Il est connu que le sucre et le gras sont les calories des pauvres. Ici en Algérie, on sait que des familles prennent une bouteille de soda bien sucrée comme un dessert qu’elles ne peuvent se permettre… La prévention, dans ce cas, est aléatoire. «Elle n’est pas faite du tout. Bien au contraire, à travers les pubs à la télé, on encourage les gens à consommer toujours plus.»
Ce qu’il faut, selon le Dr Brahimi, c’est agir surtout au niveau des écoles et des cantines où des repas équilibrés doivent être servis. Mais est-ce que le budget qui va avec est disponible ? Souvent, ce n’est pas le cas. «Déjà à ce niveau, on a raté le coche», se désole notre praticien, qui n’en démord pas et croit au sursaut espéré. Aux Etats-Unis, il y a le plus grand nombre de nutritionnistes au monde et, paradoxalement, il y a aussi le plus grand nombre d’obèses. Ici, l’enjeu est énorme parce que dans toutes les obésités graves, 50% proviennent du stress qui dérègle le métabolisme et donne des pulsions pour la nourriture. Si l’obésité est une réalité et peut être soignée, le stress, lui, est-il contournable ?
Des repas équilibrés
«C’est au cours d’un séjour à Alger, en 2008, à l’occasion d’une mission que j’ai eu l’opportunité de découvrir le travail du docteur Hamid Brahimi en acupuncture et plus précisément pour le traitement des obésités morbides. J’ai été impressionné par le nombre de dossiers (plus de 2000), par l’efficacité de sa prise en charge associant acupuncture, régime et activité physique (jusqu’à 50% de réduction du poids chez des obèses atteignant 180 à 200 kg). Je lui ai proposé de venir nous en parler aux Echanges Georges Soulié de Morant. Son exposé est ensuite rapidement devenu un article pour notre revue. Ses thèses sont devenues depuis des références», témoigne le docteur Patrick Sautreuil, spécialiste en médecine physique et neuro-acupuncture.
«On creuse sa tombe avec ses dents», dit l’adage populaire. Il correspondait bien à l’époque féodale où les seigneurs et les riches marchands festoyaient souvent, absorbant en grandes quantités des viandes à haute teneur en graisses. Leur embonpoint était un signe extérieur de richesse, mais précédait des maladies comme la goutte qui altérait profondément leur qualité de vie ou le diabète. Ces affections les emportaient rapidement, faute de traitement, dans un monde réputé meilleur, alors que les pauvres, qui vivaient dans le dénuement, étaient paradoxalement protégés de ces maladies. Aujourd’hui, soutient le Dr Brahimi, les données ont changé : «L’alimentation a profondément changé de nature et porte souvent les stigmates du mode de production et de ses pollutions : nitrates, pesticides, herbicides. C’est pour cela qu’il faut faire très attention.»
Parcours :
De sa tendre enfance à Marengo, où il est né en 1948, Hamid garde des souvenirs vivaces, entouré de l’affection des siens. Son passage au lycée franco-musulman de Ben Aknoun constituera une étape décisive de son cursus, qu’il poursuivra à l’université d’Alger où il décrochera son diplôme de médecin. Il affinera sa formation par une spécialité peu en vogue, mais qui deviendra, au fil du temps, un passage obligé. Depuis sa thèse en 1973 à l’université d’Alger, Hamid a fait du chemin : lauréat de l’école française d’acupuncture, diplômé de l’académie de médecine chinoise, diplômé en nutrition et diététique clinique et thérapeutique. Il a bénéficié de plusieurs formations : universités de Paris, Montpellier, Poitiers, clinique de médecine orientale de San Fransisco (USA). Auteur de plusieurs communications et livres, président fondateur de la Société algérienne d’acupuncture et membre du conseil d’administration de l’Ecole française d’acupuncture, membre fondateur de l’Association mondiale des médecins acupuncteurs. Hamid Brahimi exerce à Hydra, à travers une consultation orientée en diététique médicale et acupuncture.
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