Entre la mer turquoise et l’imposant mont Chenoua, à l’écart de la nouvelle rocade sud qui rase le bas de la colline qu’il surplombe, trône ce monument majestueux propice au repos éternel. Construction cylindrique, le tombeau de la chrétienne, le mausolée des rois de Maurétanie ou Kbar al Roumia se dégrade. Comme promis à l'oubli éternel.
Le vide sidéral
Depuis des années, les visiteurs ne font que le constat de l’abandon des lieux. Le spectacle est affligeant. Sur la plate-forme attenante au monument, s’étale un immense parking sur une vaste esplanade. Deux restaurants y sont installés. Une porte d'entrée payante vers le tombeau proprement où campent des vendeurs de babioles qui n'ont rien d'original. Une fois la porte franchie moyennant un ticket de 20 dinars, on se retrouve face à un monument qui en impose... et puis rien!
Un quadragénaire originaire du sud propose du thé badauds, des cacahuètes et… son chameau aux éventuels touristes pour des photos souvenirs. C'est le seul "accompagnement" visible pour les visiteurs. Les visiteurs qui viennent pour la première fois regardent des pierres, sans plus. Rien pour leur expliquer ce que représente cet imposant monument. Ni guides touristiques, ni brochures, pas le moindre opuscule pour renseigner les visiteurs. Seule une plaque en retrait que l’on remarquerait à peine indique que le monument a été classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 1982. Cela inspire du respect mais n'informe pas.
Un mausolée, une histoire
Et pourtant, il y a des histoires à raconter sur ce "tombeau de la roumiya"! Selon certaines versions, le tombeau a été édifié en hommage à une impératrice d’origine romaine. Adulée par son peuple, cette souveraine avait pour nom Cléopâtre Séléné, fille de la reine égyptienne Cléopâtre et épouse de Juba II, empereur de la Maurétanie césarienne dont la capitale est la Césarée, l'actuelle Cherchell. Pour d'autres historiens, il s’agit plutôt d’un mausolée royal construit par le même Juba II et son épouse Cléopâtre Sélène. C’est cette hypothèse que conforte l’historien français Adrien Berbrugger. Il affirme que ce tombeau n’est en fait que le mausolée des rois berbères Construit par Juba II. Ce dernier voulait consacrer une sépulture d’égale valeur à celle de ses propres ancêtres numides, celle de Medghassan, et des pyramides des pharaons d’Egypte, contrée d’origine de sa propre épouse.
La ruine des ruines
L’unique entrée du monument située dans un soubassement du côté de l’est est emmurée depuis 1994. A cette époque-là, explique un des agents sur place, les terroristes avaient menacé de faire sauter le tombeau. Ce qui a poussé les autorités à en condamner l'entrée. Rien n'a changé depuis, l’unique accès au mausolée reste emmuré. "L’endroit est magnifique mais rien n’incite ses visiteurs à y revenir", note un des rares pères de famille à s’y aventurer avec sa progéniture. Deux catégories de visiteurs se côtoient ici : des jeunes gens en quête d’un coin à l’abri des regards, dans les buissons alentour, et des curieux qui veulent découvrir par eux-mêmes cette "merveille" dont on leur a tellement parlé. Les premiers sont mal vus par les seconds.
On y rencontre aussi des gamins qui escaladent les parois en escalier. Le site est une vraie passoire, constate un gardien. On y accède de toute part. A l'arrivée des gardiens, le matin, de nombreuses personnes sont déjà l'intérieur. A la fermeture de la porte, à 17h, des gens continuent de venir. On laisse faire. On n'empêche pas les gens de graver des noms et des dates sur les parois du monument. On permet même à des troupeaux de paître tranquillement dans l’enceinte !
Sauvetage impératif !
Le monument funéraire qui a traversé les siècles résiste mal à une dégradation qui est plus le fait de l’homme que celle du temps. Aucun travail de restauration ou de consolidation n’a été engagé depuis fort longtemps. Les blocs qui en tombent et jonchent le sol en sont témoin. En faisant le tour de l’édifice, on constate qu’entre les pierres poussent des buissons et des arbrisseaux. Des plantes qui dégradent un peu plus le vestige et effritent ses matériaux. Si rien n'est fait rapidement, le monument finira par ressembler à une immense touffe d’herbe plutôt qu’à une atypique pyramide cylindrée. Le "Tombeau de la chrétienne" est une belle ruine en danger.
HuffPost Maghreb | Par Ghada Hamrouche
Publication: 27/05/2014
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