Le Chef Commando régional, Noufi Abdelhak, mort le 27 février 1957, "en médaillon". En dessous, le Colonel Youcef Khatib en pleine discussion avec 2 membres du commandos ayant participé à l'embuscade. Le moudjahid au centre est venu de Médéa, tandis que celui se trouvant à droite est venu de Blida. Les 2 commandos émus, relataient au Colonel Si Hassen, Commandant de la wilaya IV, les derniers moments passés à côté de leur Chef, Noufi Abdelhak, avant l'assaut. La rencontre qui n'était pas officielle avait eu lieu en 2009 à l'auberge de jeunesse de Damous, située à l'extrémité Ouest de la wilaya de Tipasa.
Au début de l’après-midi du jeudi 28 février 1957, l’ALN a infligé une lourde défaite à un convoi de l’armée coloniale, lors d’une embuscade tendue par les combattants du Commando ALN de la wilaya IV au niveau du lieu dit « Lalla Aouda », situé à 86 kms, l’extrémité Sud/Ouest du chef lieu de la wilaya de Tipasa, entre Damous (ex.Dupleix) et Beni-Mileuk.
La spectaculaire opération militaire avait été préparée minutieusement par un jeune footballeur du Mouloudia Sportif de Cherchell (MSC), le nommé Abdelhak. Le Colonel Amar Ouamrane avait reçu le jeune Abdelhak, déserteur des rangs l’armée française en 1955 à partir de Annaba et l’affecte dans les maquis de Beni Misra (Blida). Il retrouve Ghebalou Hamimed, un élève du lycée franco musulman d’Alger dans les maquis. Abdelhak avait été alors désigné avec son ami Ghebalou Hamimed auparavant par le Colonel Slimane Dhilès « Si Sadek », afin de procéder à la création et l’organisation des maquis dans la région Ouest de la wilaya IV allant du territoire de Menaceur jusqu’à celui de Beni Haoua.
D’ailleurs, au prix de moult souffrances, courageusement, le duo Ghebalou Hamimed et Omar Oussedik « Si Tayeb » avaient achevé le maillage des maquis de l’Ouest de leur wilaya après avoir rencontré au mois de juillet 1956 à Adouiya (Beni-Mileuk), en pleine montagnes de l’extrême sud/ouest de la wilaya de Tipasa, leurs compatriotes officiers de l’ALN venus l’Ouarsenis et représentants de l’Oranie, en l’occurrence Bounâama Djillali « Si Mohamed » et Si Omar Ben Mahdjoub. Cette rencontre inédite et historique s’est déroulée un mois avant la tenue du Congrès de la Soummam.
Pour revenir au vaillant sportif « Abdelhak », avec son caractère plein de droiture, attaché aux valeurs de son pays, aguerri aux combats contre les soldats français, c’était d’abord un membre du commando Ali Khodja avant d’être promu au rang de Chef du 1er commando régional, zone IV de la wilaya IV, il était prêt à se sacrifier pour son peuple. Il avait reçu quelques jours avant l’exécution de sa mission du 28 février 1957, le renfort des éléments du Commando de la wilaya IV du capitaine Slimane Sihka (Hocine Slimane, ndlr).
Il avait dirigé vaillamment et intelligemment cette mémorable embuscade qui est inscrite dans les annales de l’Histoire de notre pays, relayée par les médias français. Quelques moments avant l’assaut contre cette colonne de 25 camions qui transportaient les militaires français, il a parlé longuement avec les djounouds de son commando. Des paroles prémonitoires selon les témoignages de quelques commandos ayant survécu à cet assaut. L’anecdote relative à la récupération de la montre de Si Abdelhak s’il tombera en martyr à titre d’exemple. Le bilan aura été sans appel et innatendu, encore meilleur que celui de l’embuscade de Tizi-Franco (Menaceur).
L’opération à Lalla Aouda aura duré une trentaine de minutes selon nos témoins. Le héros Noufi Abdelhak défiait la mort selon nos interlocuteurs qui avaient participé à cette embuscade. « Il nous encouragé par ses mots pour que nous puissions garder notre calme et nous concentrer avant l’attaque déclare en pleurs un témoin venu de la wilaya de Médéa, nous avons eu l’impression à travers ses mots que ce sera sa dernière bataille avant de mourir, enchaine un autre membre du commando venu de Blida ». Le Colonel Youcef Khatib avait rencontré à Damous, deux moudjahidines qui faisaient partie du commando, témoins vivants de cette embuscade. La Fondation de Youcef Khatib avait recueilli des témoignages authentiques. Un citoyen de Damous se rappelle de cette journée.
« Je me souviens de ce jour-là nous dit-il, j’étais dans le petit camion qui transportait le charbon enchaîne-t-il, nous avons été arrêtés par les moudjahiddines qui avaient surgi de nulle part subitement, ils nous avaient ordonné de rebrousser notre chemin, si on refusait, ils nous avaient demandé de rester cacher au bord de la route, mais nous avons ignoré de ce qu’il allait se produire dans cet endroit qui n’est pas fréquenté. Je me souviens des galettes chaudes que nous donnait un moudjahid pour manger, le temps devient long et nous nous sommes arrêtés loin du théâtre de l’accrochage, mais dès qu’il y avait eu les premiers nous nous sommes sauvés pour retourner à Damous ajoute-t-il, nous avons croisé les militaires français qui allaient se rendre à Lalla Aouda dit-il, après je sais que les militaires français se sont acharnés contre les civils et les cadavres avaient été évacués vers l’hôpital de Gouraya après été déposé dans la ferme à Damous. Le cadavre de Si Abdelhak avait été exposé à Damous et dans chaque ville jusqu’à sa ville natale, Cherchell. Les familles de Beni Mileuk connaissent bien Si Abdelhak, c’est un homme très brave et connu par sa sévérité. J’étais très jeune et j’ai eu l’honneur de parler avec lui. Il était très franc, très dur avec les adultes et très affable avec les enfants de notre village », conclut notre témoin Ouazène Abdellaziz qui habite aujourd’hui à Damous.
Selon le document officiel de l’ALN dont une copie est en notre possession, 01 avion de type Piper-cub équipé d’un fusil mitrailleur Reibel qui escortait le convoi à basse altitude avait été abattu, 18 véhicules de transport des troupes détruits, 50 militaires français tués et plusieurs autres blessés dont des officiers, un lot d’armement composé de 15 carabines US, 14 mitraillettes mat49, 11 fusils US Barent, 02 mitrailleuses US30, 3 postes radio en plus de la saisie des documents confidentiels, tel est le bilan de cette embuscade de Lalla Aouda (Damous). Abdelhak Noufi, agile a sauté dévisser la mitrailleuse 12/7 qui se trouvait sur la tour de l’engin blindé semi-chenillé. Il voulait à tout prix récupérer la mitrailleuse 12/7, sans prendre la peine de vérifier les alentours. C’est la panique générale chez les militaires français.
Certains soldats français avaient fui leurs camions pour échapper à la mort. Le Chef du Commando, Si Abdelhak Noufi avait des difficultés pour dévisser l’arme soudée sur la tour du petit engin militaire. La fumée et la forêt avaient été utilisées par les militaires français et les djounouds du commando, avant l’arrivée des renforts de l’armée coloniale. Si Abdelhak est subitement atteint d’une balle tirée à partir d’un autre half-track immobilisé à quelques dizaines de mètres. Il est mort sur le coup. L’armée coloniale s’est vengée sur les populations rurales désarmées qui habitaient dans la zone de combat. Des centaines de civils, hommes, femmes et enfants avaient été abattus froidement par les militaires français, dépités par le succès de l’embuscade menée par le Chahid Abdelhak Noufi.
Le repli des éléments du Commando de l’ALN s’est effectué selon le plan établi par le héros, Si Abdelhak. Cette embuscade est rentrée dans les annales de l’Histoire. Elle avait été racontée par les médias français. Si Abdelhak Noufi était né le 29 janvier 1932 à Cherchell. Il n’avait que 25 ans quand il est tombé au champ d’honneur. Il suffit d’aller se recueillir aujourd’hui devant sa tombe au cimetière de Cherchell, pour se rendre compte du désintérêt que portent les décideurs locaux et les gardiens du « temple » (Histoire de la guerre de libération nationale, ndlr), mais surtout sur le manque de respect et de considération envers cette jeunesse des années 50 qui s’était sacrifiée pour que vive l’Algérie indépendante, selon les testaments du 1er novembre 1954 et du Congrès de la Soummam.
L’ignorance du passé historique des jeunes dirigeants et footballeurs du MSC (mouloudia de Cherchell, ndlr) se perpétue. Les agitations stériles des responsables locaux pour célébrer les « dates historiques » continuent à faire des dégâts et faire éloigner la conscience collective du passé de leur pays. Les repères avaient disparu, pour laisser place à la déliquescence et le désarroi chez les jeunes. Le 28 février 2014, c’est le 57ème anniversaire de la mort d’un héros oublié.
M'hamed Houaoura
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