Le déclassement par le ministère français de la Défense du document ayant trait à l’opération Gerboise, dont les effets du nuage radioactif ont touché la moitié de l’Afrique et léché aussi le sud de l’Europe, appelle au même acte concernant le site le document de l’opération B2-Namous.
C’est un gigantesque site de 6000 km² que, jusqu’en 1978, l’armée française avait conservé. Il était destiné aux essais d’armes chimiques en Algérie, en vertu d’un accord secret avec l’ancien président Houari Boumediène. Cette révélation avait été faite par l’hebdomadaire français Marianne sous la plume du journaliste Jean-Dominique Merchet, relayé par Jeune Afrique qui avait affirmé, en mars 2013, que «parmi les textes paraphés lors de la visite d’Etat du président François Hollande à Alger, les 19 et 20 décembre 2012, par les deux délégations en présence des deux chefs d’Etat, un accord confidentiel a été signé loin de tout protocole et de toute présence médiatique. La France va dépolluer un ancien site d’essais d’armes chimiques en Algérie que l’armée française a utilisé jusqu’en 1978. Ledit site s’appelle B2-Namous». En octobre 1997, l’existence de ce centre de tirs d’essais d’armes chimiques et bactériologiques avait déjà été révélée par la presse française. «Mais à l’époque, les autoroutes de l’information n’étaient pas aussi efficaces. La nouvelle n’avait provoqué aucun émoi au sein de l’opinion algérienne. En France, elle n’avait débouché que sur l’esquisse d’un débat autour de l’utilisation des armes chimiques», ajoute la même source. Une quinzaine d’années plus tard, le retour de B2-Namous dans l’actualité a une toute autre résonance, éveillant l’intérêt pour un vieux secret d’Etat que ni Paris ni Alger ne souhaitent pour l’heure déclassifier.
Finalement, l’Algérie n’a récupéré la totalité de son territoire que 16 ans après l’indépendance. Jusqu’en 1978, une bonne partie de son Sahara, dans la région de Beni Ounif, frontalière avec le Maroc, est demeurée sous le contrôle de l’armée française, et ce, avec l’accord (à partir de 1972) et la protection de l’armée algérienne. Ce n’est qu’en 1997 que, écrit le même journal, le président Bouteflika, découvrant le pot aux roses, entre dans une colère noire. Il l’avait appris, en octobre 1997, par l’hebdomadaire français Le Nouvel Observateur qui avait évoqué, pour la première fois, l’existence de B2-Namous. «Je ne l’avais jamais vu aussi irrité, raconte un membre de son entourage. Quand je lui ai demandé le motif de sa colère, il m’a répondu : Boumediène m’a fait un enfant dans le dos !», rapporte encore le média français par la voix d’un des membres de son entourage, soulignant que les fuites portant sur l’accord de dépollution du site de Oued Namous ont relancé un vieux débat en Algérie : le rôle trouble des «déserteurs de l’armée française». Ces officiers de la guerre de Libération qui ont abandonné l’armée coloniale pour rejoindre le maquis ont hérité, sur décision de Boumediène, des plus hauts postes de commandement dans l’état-major au lendemain de l’indépendance. Le commandant Abdelkader Chabou en était le chef de file. Autre conséquence de ces fuites : une extension du contentieux franco-algérien. Les organisations de la société civile algérienne luttaient pour obtenir l’indemnisation des victimes autochtones des opérations Gerboise (essais de tirs nucléaires à Reggane et In Ekker). «Elles exigent désormais que ces indemnités soient élargies aux nombreux transhumants ayant parcouru, au cours des cinquante dernières années, les alentours du site de Oued Namous», avait conclu le même média.
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