Camus Forever
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Salut Albert, Comment ça va là haut ? Qu'est ce que ça te fait d'être centenaire ? Et d'être éternel dans le cœur des hommes et des femmes de ce XXIème siècle ? Laisse-moi te dire d'abord que tu nous manques. Beaucoup ! Ton style nous manque. Ta littérature nous manque. Ton intégrité intellectuelle nous manque. Ton regard sur le monde nous manque. Et pourtant ! A la célébrations de ton centième anniversaire, il faut te dire que le temps a fait la différence. Et que les petits enfants de tes détracteurs d'alors ont en gros choisi ton camp contre le leur. Ils signent sans regrets la victoire de tes idées et de ton oeuvre. Des géants de ta génération, tu es en effet aujourd'hui le seul ou presque à être audible. Tes romans, tes essais, tes engagements, font l'unanimité. Ils sont une inspiration pour tous. Mais comme le succès va au succès, il y a un petit danger à ce triomphe posthume. Je ne suis pas sûr en effet que ceux qui t'encensent aujourd'hui sont tous de vrais héritiers. Pas sûr qu'ils résistent à vouloir recueillir une parcelle de ta gloire pour faire oublier leurs égarements et redorer un blason terni par des engagements qui ne te ressemblent pas ou pire qui les trahissent. Pas sûrs en somme que tous te soient fidèles quand ils font aujourd'hui ton éloge.
Je ne voudrais pas à mon tour privatiser ton héritage mais comment copiner avec Bouteflika par exemple et dans le même temps se revendiquer de toi ? Comment continuer à célébrer le génie de Sartre et te vouer une admiration sans limite ? Comment être inféodé à une philosophie de l'histoire et épouser ta conception de la liberté ? Comment en somme concilier ton refus de la servitude avec avec l'allégeance tacite à un antitotalitarisme contre un autre moins fréquentable ?
Tu as été l'animateur intransigeant de la gauche anti totalitaire. Tu as refusé tous les totalitarismes qu'ils soient communistes ou fascistes. Tu les as combattus et en les combattant tu as ouvert la voie, l'espace, pour que la gauche s'approprie ton combat. Pour qu'elle se débarrasse de cet héritage encombrant qui consistait à épouser d'autres combats totalitaires pour, au nom de l'histoire, au nom de la sacro-sainte histoire, ne pas "désespérer Billancourt". Certes, on t'a fait le reproche d'avoir poussé le bouchon un peu loin et d'avoir notamment sur la question algérienne accepté des compromis jugés douteux. On avait oublié en chemin que tu avais été le premier ou l'un des premiers à dénoncer le colonialisme. Et au prétexte que tu refusais de choisir entre la justice et ta mère, on en avait zappé que tu avais plaidé pour une solution fraternelle et pour la paix civile. Foutaises diront certains. Mais que dire alors de ceux qui au nom des lendemains qui chantent ont soutenu les "poseurs de bombes"? Au final, leurs raisons étaient-elles aussi impératives que les tiennes ? En réalité, tu ne voulais pas donner carte blanche aux opprimés dont tu pressentais à l'époque qu'ils incarnaient une version tiers-mondiste de la fin et des moyens. Vieille histoire qui a conduit à de graves dérives. Au final que reste t-il de cette histoire ?
Que tu avais raison contre tous et tous ceux qui nous serinaient à l'époque qu'il valait mieux avoir tort avec Sartre que raison avec toi. Alors merci Albert pour cette lucidité qui 100 ans après fait aussi ta grandeur. Par les temps qui courent, elle nous aide à vivre avec notre temps.
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