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On pensait que la Réconciliation nationale était limitée dans le temps et dans l'espace. En fait, c'est une philosophie assez simple, qui est de tous les temps et de tous les lieux. C'est aussi une pratique politique
Efficace
lorsqu'en face il y a, bien entendu, des repentis sincères.
Voilà ! c'est fait. Ce que les politiques, d'ici et d'ailleurs, sauf en Afrique du Sud, n'ont pas réussi à imaginer, notre Yasmina Khadra international l'a réalisé (et, au passage, succès impose, décroché des prix littéraires étrangers).
Son livre, «Ce que le jour (l'Algérie indépendante, je pense) doit à la nuit (coloniale, je re-pense)», qui a connu un énooooooorme succès en France où il a été d'abord édité, retrace la vie d'un (beau) jeune homme aux yeux bleus d'origine algérienne (Younès), élevé au sein de la communauté coloniale (avec le prénom de Jonas), dans un village de rêve de l'Oranie (Rio Salado), par son oncle (un pharmacien), un bon musulman, nationaliste sans excès, moderniste, tolérant, «intégré» sans être assimilé, marié à une gentille dame d'origine européenne, catholique pratiquante de surcroît mais respectueuse des croyances d'autrui. Un cocktail qui passe ! La guerre de libération arrive brusquement, déchirant le beau voile couvrant la vie paisible d'une population qui croyait être ici pour encore des siècles, tout en ignorant ou en exploitant une population musulmane vivant dans la misère la plus noire et parfois sous les coups de cravache et la répression. La guerre oblige, aussi, à faire, une bonne fois pour toutes, le choix. Pas facile surtout lorsqu'elle est loin ! Ce sont donc les évènements et les combattants - qui vont forcer l'engagement. Heureusement, tout est bien qui finit bien
sauf la belle mais impossible amour entre la belle petite pied-noir et le beau bougnoule
qui ne la retrouvera (ainsi que les amis d'enfance avec qui il fêtera, à Aix en Provence, pas très loin de «chez nous», l'ancienne amitié revisitée, avec l'incontournable harki
qui se fait un «sang d'encre» pour son pays d'origine qui s'entre-déchire durant les années 90) que plusieurs décennies après l'Indépendance en allant se recueillir sur sa tombe.
La morale de l'histoire: Au fond, n'eût été la tragédie de la période OAS, suivie de la «fuite» éperdue vers la «mère-patrie» des populations européennes, on aurait (presque ) continué à vivre ensemble
comme «au bon vieux temps».
Avis : Il est évident que ce chef-d'oeuvre de la littérature Khadréienne (une écriture pure comme un diamant
et Yasmina Khadra, qui est maintenant un vrai germanopratin et déjà officier des Arts et des Lettres et chevalier de la Légion d'honneur
pour ne citer que ces deux distinctions, n'est plus très loin d'une Académie) est beaucoup plus destiné à un certain public, là où il a connu les meilleures ventes. Normal. Il a reconstitué quasi-fidèlement la vie (ô combien heureuse, et ce presque jusqu'à la fin de la guerre: ambiance, odeurs, senteurs, humeurs, tout y est) de la communauté coloniale en Algérie. Les papis et les mamis pieds-noirs, «nostalgériques», ont donc retrouvé avec plaisir le pays perdu ; une lecture qui débouche sur l'espoir de revenir visiter librement les lieux de leur jeunesse et de leurs folies (pas les erreurs, car elles sont oubliées!) , avec leurs enfants ou leurs petits-enfants. Les recettes du tourisme n'ont pas connu, avec ce livre, un «boom». On espérait tant «booster» les recettes hors hydrocabures. Quant aux lecteurs algériens, voilà un livre qui intéressera surtout les sexagénaires
des villes
et les zazous de l'époque. Faut-il le lire ? C'est votre choix !
«Ni valise, ni cercueil. Les pieds-noirs restés en Algérie après l'indépendance».
Ouvrage historique de Pierre Daum. Préface de Benjamin Stora Média-Plus, Constantine 2012 (Paru chez Actes Sud- Paris en 2012, 451 pages, 1 500 dinars.
Je me souviens d'une petite vieille de 90 ans ou plus, à Annaba, dans les années 80, qui passait son temps (depuis les années 40 et jusqu'à sa mort) à soigner gratuitement les Algériens. Mlle (ou «mamma») Paulette était une infirmière (et sage-femme) retraitée de l'armée française et, elle avait fait la seconde guerre mondiale. Elle parlait couramment l'arabe algérien (avec l'accent annabi, s'il vous plaît). Elle est morte, toujours plus que fidèle à sa religion catholique, dans un foyer musulman ami, au début des années 90, respectée... vénérée
Elle avait été enterrée dans le cimetière chrétien de la ville en présence d'une foule immense et mise en terre juste au moment de l'Adhan du Dohr. Une vraie sainte ! Bien d'autres pieds-noirs ont suivi ce chemin de paix, d'amour et de franche fraternité
Près de 200 000 sont restés vivre normalement en Algérie après l'indépendance. La suite est une toute autre histoire
ils ne sont plus que quelques milliers ou quelques centaines... mais rien ne sert de chiffrer une communauté qui, bien souvent, s'est algérianisée presque totalement, sans cependant, pour la plupart, renier son origine ou sa foi
et, surtout, son amour profond, réel, pour un pays à nul autre pareil. Soleil, soleil de mon pays ! A qui la faute ? Bien sûr, bien des fautes ont été commises par les «Indigènes» devenus indépendants. Et, aussi, bien des déceptions comme le Code de la nationalité adopté en mars 1963 qui reprenait les catégories raciales, la religion prenant le pas -Musulmans/Européens- établies par l'ancien colonisateur, mais cette fois-ci les premiers étant favorisés et non les seconds. Mais, l'histoire de plus en plus en vraie, celle écrite aujourd'hui, cinquante ans après, par l'auteur, entre autres, est en train de corriger les faits détournés, mal expliqués, mal compris, mal retenus
«bien exploités». L'auteur, et il n'est pas le seul, est catégorique : «Tout le monde est aujourd'hui d'accord pour considérer que l'OAS est le premier et le principal responsable des coups virulents portés contre les accords d'Evian
». Les 15 (5 femmes, 10 hommes) émouvants témoignages des personnes (sur les 150 recensées) qui sont soit parties puis revenues, soit séjournant encore ou ont séjourné très longtemps chez eux, en Algérie, donnent une autre image de ce fut la «fuite» des pieds-noirs, trompés par les ultras (véritables producteurs du slogan «la valise ou le cercueil») craignant, sans raison bien souvent, on ne sait quelles représailles, enfermés dans une peur d'être «assassinés» par les Arabes, dans la peur ancestrale, réelle ou fantasmée, de l'Autre, en fait, ayant peur d'un déclassement économique, ou tout bonnement racistes sans se l'avouer. Et, une autre image de ce que furent les réactions, à la limite du compréhensible, aux crimes de l'OAS (entre autres et surtout à Oran : 1100 Algériens assassinés entre 1961 et 1962)
Après tout, selon les calculs de l'auteur, le nombre d'Européens pieds-noirs tués (depuis Sétif et Guelma) n'était que d'environ 5 000 (dont, dit-il, 1 800 enlevés au cours de l'année 1962 et jamais retrouvés)
alors que celui des civils musulmans tués par des Français était d'environ 60 000 dont 3 200 par l'OAS et le reste l'étant par les forces de l'ordre (sur un total de 20 000, militaires y compris contre 230 000 pour toute la guerre).Un pour 10 (et un pour 75 si l'on compte nos 1 500 000 martyrs). La différence parle d'elle-même !
Avis : Trois années d 'enquête. Un travail de fourmi. Du journalisme d'investigation de première qualité (il a, aussi, écrit un ouvrage de référence sur «les travailleurs indochinois immigrés de force en Camargue de 1939 à 1952»). Mais, un ouvrage à conseiller surtout aux pieds-noirs partis et à leurs enfants afin qu'ils sachent qui, vraiment, était leur véritable ennemi, tous les «faiseurs de haine»
qui, hélas, l'âge n'arrangeant rien, sévissent encore, en France
et que Sarkozy et ses «boys» de droite ont «réhabilité». ..Comme un certain «bébé» pied-noir , Robert Ménard, ex-RSF, qui avait cru , un moment, au début des années 90, se «faire»un nom sur le dos de la presse algérienne et qui, au milieu des années 2000, vidé de RSF, a cru se «re-faire» au Qatar
et qui, maintenant, , journaliste raté , cherche à «rentabiliser» la haine des Algériens, en co-signant, en France, un ouvrage-pamphlet provocateur à dessein, Vive l'Algérie française. Il faudrait seulement lui rétorquer : Vive l'Algérie indépendante... On te dit
m
! et, Mazal Ouakfine.
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par Belkacem AHCENE DJABALLAH
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«Ce que le jour doit à la nuit». Un roman de Yasmina Khadra
Editions SEDIA, collection Mosaïque, Alger 2008 (1ère édition, Julliard, Paris, 2008) 518 pages, 950 dinars.
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