"La guerre d'Algérie 50 après''
Les ombres de Tipaza planaient ce week-end sur le Vieux-Port, au théâtre de La Criée, où l'hebdo Marianne avait organisé un grand colloque sur la guerre d'Algérie "50 ans après". Pendant près de 3 jours, plusieurs dizaines de débats se sont succédé, dans un casting réussi qui mélangeait historiens, journalistes, politiques et témoins directs, des deux rives de la Méditerranée. La petite poignée de manifestants et la tension souvent très présente dans les salles du théâtre pendant les débats ont montré que cette guerre n'était pas encore rentrée dans l'histoire. Dans un des articles de Marianne qui annonçait le colloque marseillais l'historien Benjamin Stora "Monsieur Guerre d'Algérie", écrivait :
La guerre du souvenir n'est pas terminée. Entre l'Algérie, où le nationalisme exacerbé instrumentalise l'histoire, et la France, encore divisée aujourd'hui sur cette période, un immense travail historique reste à faire
Michel Onfray a ouvert le bal vendredi dans une brillante exégèse de la citation d'Albert Camus "si je dois choisir entre la justice et ma mère, je choisis ma mère". Un Onfray en grande forme qui après avoir moqué la récente récupération politique du prix Nobel de Littérature par les candidats à la présidence de la république "laissons le Panthéon loin de Tipaza, arrêtez de récupérer Camus et lisez le", a dénoncé "l'injustice d'une justice qui torture ou pose des bombes, et qui rend moins juste la cause qu'elle défend, qu'elle qu'en soit sa grandeur".
>> La conférence de Michel Onfray "Vaut-il mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Camus ?" dans son intégralité (regardez jusqu'au bout ça vaut le coup) :
On ne saura en tout cas pas ce qu'en pense François Hollande, qui bien que longtemps annoncé dans le programme officiel n'est pas venu : "il n'en a jamais été vraiment question", nous indiquait son entourage, ni Manuel Valls, qui devait le remplacer, et qui lui, a raté son avion. Acte manqué ? Si en revanche Pierre Joxe est venu, Jack Lang s'est également fait porter pâle. Du côté de la droite, aucun représentant n'était présent. Courage fuyons. Gaudin se félicitait ce matin, que personne n'ait vraiment parlé de ce colloque, "un non événement", lui qui est aussi si mal à l'aise sur ces sujets.
Du côté algérien, en revanche, quelques pointures politiques et historiques avaient fait le déplacement, notamment, le secrétaire général du FLN, qui devait justement dialoguer avec François Hollande. Et puis surtout Zohra Drif, aujourd'hui sénatrice et grande figure de la révolution algérienne, qui, le 30 septembre 1956 posa une bombe dans le café le Milk Bar à Alger, faisant plusieurs morts et des dizaines de blessés, essentiellement des civils. C'est notamment à cause de sa venue que des manifestants ont protesté devant les portes de la Criée, durant presque les 3 jours du colloque.
Dimanche matin, pour le dernier débat, Bernard-Henri Lévy a dialogué avec Zohra Drif. Un moment fort, très dur, où BHL a espéré que la aujourd'hui très respectable parlementaire algérienne revienne sur ses actes terribles perpétrés 56 ans plus tôt. Mais Zohra Drif n'a pas bougé " je n'ai pas de cauchemars, regretter cet attentat ce serait regretter l'indépendance de mon pays, ce n'est pas possible". Danielle Michel-Chich, qui avait 5 ans le 30 septembre 1956 et mangeait une glace au Milk Bar avec sa grand-mère, était présente, elle aussi, dimanche à La Criée. Elle qui a perdu sa grand-mère et une jambe dans l'attentat mais qui n'a "aucune haine" espérait aussi quelque chose de la part de Zohra Drif, qui a refusé de la voir en tête à tête, mais a accepté d'être interpellée en public. Danielle Michel-Chich n'a finalement rien obtenu non plus. A peine un vague sourire.
>> Extraits vidéos de l'échange entre BHL, Zohra Drif et Danielle Michel-Chich :
A la sortie du théâtre, dans le couloir de "l'entrée des artistes", les deux femmes se sont croisées, sans doute pour la dernière fois, et Zohra est passée à quelques centimètres de Danielle, la frôlant sans la voir.
" Ce n'est pas la révolte en elle-même qui est noble, mais ce qu'elle exige en retour" Albert Camus, l'homme révolté.
Par pierre boucaud, le 2 avril 2012
Nicolas Domenach, Zohra Drif, Bernard-Henri Lévy
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Par pierre boucaud, le 2 avril 2012
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