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C'est une page ouverte à celles et ceux qui refusent d'oublier que les roses ont des épines, que les victimes ont droit à une pensée, que la mémoire doit être l'histoire des peuples et qu’enfin, le cri du coeur ne peut pas être forcément une douleur!
Nadjet
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Pour le cinquantenaire des accords d'Évian, France 3 retrace l'histoire de Djamila Boupacha, militante FLN torturée par l'armée française.
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Dans cette plaie mal cicatrisée de l'Algérie française, la soirée du 20 mars 2012 sur France 3 remuera un vieux couteau : l'affaire Djamila Boupacha, du nom de cette militante FLN torturée par des parachutistes français pendant 33 jours avant d'être présentée à la justice. La jeune femme était accusée d'avoir posé une bombe à Alger. C'est l'actrice Hafsia Herzi qui prête ses traits à l'héroïne dans ce téléfilm intitulé "Pour Djamila" tandis que Marina Hands interprète l'avocate Gisèle Halimi, qui a médiatisé l'affaire avec l'aide de Simone de Beauvoir.
Sujet sensible que Frédéric Taddéï va accompagner d'un débat après la diffusion. La présence de Djamila Boupacha est ardemment souhaitée par l'animateur de Ce soir ou jamais. Pour l'instant, ce n'est pas encore le cas. Le téléfilm repose sur le livre de Gisèle Halimi qui raconte les démarches entreprises afin que cessent, dans cette Algérie française, la torture et les tribunaux militaires. C'est la question du viol des femmes par l'armée française qui sera évoquée dans cette page pénible de notre histoire.
Pour Djamila n'a pas été tourné en Algérie, mais, partiellement, au Maroc. Condamnée à mort, Djamila Boupacha a été amnistiée en 1962, en application des accords d'Évian.
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Affaire de Djamila BOUPACHA : Gisèle Halimi
Avocate au Barreau de Tunis en 1949 puis à celui de Paris en 1956, Gisèle Halimi a participé à la naissance et au développement de nombreux combats. Créatrice du mouvement féministe Choisir la cause des femmes en 1972, elle s’est engagée aux côtés des indépendantistes algériens, dénonçant la torture pratiquée par l’armée française. Guidée par la dénonciation des injustices, elle présida la Commission d’enquête du tribunal Russel sur les crimes de guerres américains au Vietnam en 1967.
Sa vie, sa carrière, ses engagements, elles les a retracés dans de nombreux livres. Tout au long de ceux-ci, Gisèle Halimi raconte des épisodes douloureux de son enfance et de sa jeunesse, d’amères désillusions concernant la mysoginie pendant son mandat de députée (1981-1984)
Son parcours s’inscrit dans l’histoire des luttes menées en France dans la deuxième partie du siècle. Inlassable, volontariste, exigeante, sûre d’elle, et désireuse de contrôler ce qui la concerne dans le cadre de cette interview, Gisèle Halimi continue son travail d’avocate et, en animant l’Observatoire de la parité, poursuit son engagement féministe...
"Quand j'ai défendu Djamila Boupacha, cela faisait six ans que je défendais des militants du FLN. Avec d'autres avocats, mais nous n'étions pas très nombreux, nous avions instauré un véritable pont aérien entre Paris et l'Algérie, là où il y avait des tribunaux militaires, des tribunaux d'exception.
C'était d'autant plus urgent de le faire que sans nous probablement, il n'y aurait pas eu de défense : tous les avocats algériens avaient été plus ou moins arrêtés, déportés, mis dans des camps. Je l'ai fait pendant huit ans de ma vie.
J'étais seule, j'avais deux enfants de cinq ans et deux ans, et je n'avais pas les moyens de les faire garder. Mais il y avait une urgence absolue, non seulement pour la cause mais pour ce qui s'y passait.
Djamila Boupacha, c'était en 1960. Cela faisait six ans que l'on parlait des tortures. Djamila Boupacha était au secret, torturée et détenue depuis plus de cinq ou six semaines. Militante du FLN, elle avait 21 ans, elle était musulmane, très croyante, elle n'avait pas commis d'attentat mais était sur le point d'en commettre un. Elle allait déposer une bombe, mais elle ne l'a pas fait. Et donc elle a été arrêtée puis abominablement torturée par des parachutistes, jour et nuit. Elle a été violée avec une bouteille d'abord, elle qui était vierge et musulmane ; elle m'écrivait des lettres : "Je ne sers plus à rien, je suis à jeter..."
J'ai pris l'avion pour aller la défendre. Son procès avait lieu le lendemain. On m'a donné une autorisation, car il fallait ça, pour y aller. Je suis arrivée à Alger et quand je l'ai vue, j'ai été absolument… enfin comme n'importe qui l'aurait été, bouleversée. Elle avait encore les seins brûlés, pleins de trous de cigarettes, les liens, ici (elle montre ses poignets), tellement forts qu'il y avait des sillons noirs. Elle avait des côtes cassées...
Elle ne voulait rien dire, et puis elle a commencé à sangloter et à raconter un petit peu. Je suis rentrée à l'hôtel pour préparer le procès du lendemain et le soir même, la police est venue m'arrêter et m'expulser. Je n'ai donc pas pu plaider le procès. Djamila a refusé de parler.
C'est en rentrant que j'ai déclenché un peu les choses, j'ai vu Simone de Beauvoir, on a créé un comité pour Djamila Boupacha qui a été le comité de défense le plus important pendant la guerre d'Algérie, Il comprenait Aragon, Sartre, Geneviève de Gaulle, Germaine Tillion qui a fait énormément pour Djamila (née en 1907, Germaine Tillion a été résistante, arrêtée et déportée à Ravensbrück. Elle a témoigné au procès de Nüremberg. Grande ethnographe, elle a beaucoup travaillé en Algérie).
Mais il ne comptait pas que des personnes favorables à l'indépendance algérienne,. Il y avait par exemple Gabriel Marcel, le philosophe existentialiste chrétien, qui était plutôt pour l'Algérie française.
Au ministère de la justice, Simone Veil, une petite magistrate déléguée à l'époque, nous a aidés à la faire transférer car on voulait l'abattre, là-bas dans sa cellule, pour qu'elle ne parle pas. On l'a arrachée aux griffes de ses assassins probables, on a fait un grand procès contre les tortures et nous en sommes arrivés aussi loin qu'on pouvait arriver dans une affaire comme celle-ci pendant la guerre, car c'était encore la guerre.
Elle a identifié ses bourreaux en les reconnaissant parmi d'autres militaires sur des photos. Quand on a demandé leur nom, le ministre de la Défense, à l'époque M. Messmer a refusé de les donner en disant que ce serait mauvais pour le moral de l'Armée !
Par ailleurs, un mouvement international est né, avec des manifestations devant les ambassades de France à Washington, à Tokyo, partout, pour elle. Là-dessus, les accords d'Evian ont été signés, c'est-à-dire la fin de la guerre, avec une amnistie pour tous ceux qui, de près ou de loin, étaient poursuivis pour des événements en relation avec la guerre d'Algérie.
Alors, la chose amusante, c'est que, bien entendu, Djamila a été amnistiée pour ce pourquoi on la poursuivait mais en même temps, moi, j'avais fait inculper le général Ailleret pour forfaiture et pour recel de malfaiteurs, et le ministre de la Défense, Messmer, puisqu'il refusait de nous donner les noms de ces soldats. Ils ont "bénéficié", si je puis dire, de la loi d'amnistie. L'instruction pénale a été close.
J'ai aussi écrit un livre. J'ai rendu public tout le dossier d'instruction, ce que je n'avais pas le droit de faire. Il y avait des lettres d'elle et de son père de soixante-dix ans, qu'on avait torturé et qui criait : "Vive la France ! Pourquoi vous me faites ça ?" Sa sœur, qui était enceinte, torturée, qui a fait une fausse couche !
Djamila Boupacha représente un peu symboliquement ce qui est important pour moi : la défense de l'intégrité physique et morale des individus, les droits de l'Homme, la lutte contre la torture, la lutte contre la colonisation. Mais en plus, c'était une jeune fille vierge de vingt ans qui avait été violée abominablement. Elle était un peu devenue le symbole de la lutte contre la torture et de la lutte du peuple algérien. Mais pour moi, si vous voulez, d'avantage, elle était devenue ce pour quoi je m'étais engagée comme avocate depuis toujours".
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Gisèle HALIMI
Gisèle Halimi
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