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I
Introduction
L’oeuvre originale ou considérée comme telle se
trouve sous la forme d’un manuscrit arabe, à la Bibliothèque
Nationale d’El Djazaïer. Elle s’intitule « Gazawat Arudj wa
Khaïred-dine ». Une traduction française pouvant dater des
années 1778 - 1780 en a été effectuée par J. M. Venture de
Paradis. Cette dernière fi gure en manuscrit parmi les documents
en dépôt à la Bibliothèque Nationale de Paris, sous
le titre : «Les Pieux Exploits d’Aroudj et de Kraïreddine».
Ce n’est qu’en l’an de grâce 1837 que fut publiée à Paris,
pour la première fois la traduction dont il s’agit, sous un
titre remanié : «Fondation de la Régence d’Alger, Histoire
des Barberousse, chronique arabe du XVIe siècle». Les
éditeurs, Sander Rang et Ferdinand Denis, Offi ciers Supérieurs
de Marine, de leur état, l’avaient assortie de deux
annexes et de notes dont «l’Expédition de Charles Quint»
et un « Aperçu historique et statistique du Port d’Alger ».
En qualité, l’un de Directeur du port, l’autre d’Intendant
civil de cette même ville, ce faisant, ils entendaient
donner plus d’envergure à leur activité et d’étendue à leur
autorité. Par leur geste ils voulaient documenter le public de
France sur la fondation de la Régence par les turcs et surtout
le rallier à leur thèse soutenant la nécessité de construire un
grand port et d’édifi er un service maritime algérois, afi n de
consolider l’occupation de la côte algérienne et dominer
la mer. C’est alors qu’auprès des algériens ils répandent le
slogan : « La mer aux français, la terre aux indigènes ».
II
Mais c’est pour d’autres raisons, bien différentes qu’en
1984, l’éditeur tunisien exhume l’oeuvre rare et entreprend
la réimpression à l’usage du public maghrébin des textes
essentiels soit la «Fondation de la Régence d’Alger, histoire
des Barberousse» suivi de «Expédition de Charles Quint
contre Alger». La seconde annexe citée «Aperçu historique,»
ainsi qu’une introduction, considérées l’une sans intérêt et la
seconde outrageante ont été délaissées.
Mais, dirait-on, quel est l’intérêt de cet ouvrage ou en
d’autres termes, quelles sont les raisons qui ont motivé une
nouvelle publication, après un siècle et demi d’oubli.
En fait, les raisons sont nombreuses, limitons nous
cependant à en évoquer les plus importantes.
La conquête de l’Algérie par les turcs, au XVIe siècle
marque un tournant décisif dans l’histoire du Grand Maghreb
entier. Néanmoins cette période de l’histoire des trois pays,
Algérie – Tunisie – Tripolitaine, est généralement peu connue
des nationaux eux-mêmes du fait qu’elle se trouve passée sous
silence par les historiens européens et négligée par les arabes.
A l’époque, l’Algérie traversait une période d’anarchie,
car divisée en petits États disparates gouvernés par des princes
ou des cheikhs autonomes. Leur antagonisme permanent
les poussait à des guerres continuelles. Le vaincu appelait à
son secours, tantôt le sultan du Maroc, parfois le roi de Tunis
et plus souvent le roi d’Espagne. D’ailleurs la situation en
Tunisie si l’on songe à la fi n de la dynastie hafside n’était
guère enviable.
Les espagnols, vainqueurs en Andalousie, étendent leurs
conquêtes aux côtes maghrébines et occupent tour à tour
Melilla, Oran le Penon d’Alger, Bougie et Bône. En colonisant
les ports, leur politique visait à isoler de l’Europe, les
pays nord africains et ce, dans le but de vouer ces pays à une
asphyxie économique et une anarchie sociale.
La conquête de l’Algérie par les turcs, au XVIe siècle
marque un tournant décisif dans l’histoire du Grand Maghreb
entier. Néanmoins cette période de l’histoire des trois pays,
Algérie – Tunisie – Tripolitaine, est généralement peu connue
des nationaux eux-mêmes du fait qu’elle se trouve passée sous
silence par les historiens européens et négligée par les arabes.
A l’époque, l’Algérie traversait une période d’anarchie,
car divisée en petits États disparates gouvernés par des princes
ou des cheikhs autonomes. Leur antagonisme permanent
les poussait à des guerres continuelles. Le vaincu appelait à
son secours, tantôt le sultan du Maroc, parfois le roi de Tunis
et plus souvent le roi d’Espagne. D’ailleurs la situation en
Tunisie si l’on songe à la fi n de la dynastie hafside n’était
guère enviable.
Les espagnols, vainqueurs en Andalousie, étendent leurs
conquêtes aux côtes maghrébines et occupent tour à tour
Melilla, Oran le Penon d’Alger, Bougie et Bône. En colonisant
les ports, leur politique visait à isoler de l’Europe, les
pays nord africains et ce, dans le but de vouer ces pays à une
asphyxie économique et une anarchie sociale.
III
Surviennent les frères Barberousse, Baba Aroudj et son
cadet Kheder, plus tard prénommé Khaïer-ed-dine, petit nom
symbolique. A leur début ces Rais turcs sillonnaient la mer
d’Afrique en pirates. Tunis adoptée comme port d’attache,
leur procurait une base de ravitaillement et un centre d’hivernage
sûrs ainsi qu’un marché intéressant pour l’écoulement
de leurs prises.
Les grands succès de la course, la fortune et l’audace
de ces pirates leur faisaient courir, en contre partie, d’énormes
risques. Ils devaient en conséquence se couvrir et user de
méfi ance et de prudence, à la fois à l’égard de la Chrétienté
voisine, (catalans, génois, vénitiens, sardes et Chevaliers de
Malte) qui rendait le port de La Goulette très vulnérable et
vis à vis du sultan hafside de Tunis dont les liens de dépendance
pouvaient s’avérer un jour, dangereux et même fatals.
Contre les Puissances de la Chrétienté les Barberousse
comptaient opposer la Puissance Ottomane en se mettant
sous l’égide de la Sublime Porte. Quand à acquérir une
autonomie propre satisfaisant leurs besoins de logistique et
de sécurité il suffi sait de conquérir par les armes un petit
port d’attache sur la côte kabyle. Il en résulta la mission
de Mohiéddine Raïs à Istambul (premier acte d’allégeance
envers le sultan Ottoman,) et la prise de Djidjelli sur les
génois par Baba-Aroudj en 1514.
La bonne fortune aidant, au cours d’une descente à
Bougie, Baba Aroudj reçoit un appel au secours lancé par
la population Algéroise en lutte contre Tlemcen. Alors la
grande, épopée commence, les turcs rentrent à Alger par
voie de terre et de mer en alliés (1516) Baba Aroudj en
devient le roi. Quelques années plus tard, après sa mort, son
frère Khaïer-ed-Din se fera désigner Beylerbey des provinces
d’Afrique par Soliman le Magnifi que. Tour à tour l’Algérie,
la Tripolitaine et la Tunisie auront intégré l’Empire Ottoman.
Sous la domination du Beylerbey, la Méditerranée occidentale
sera une mer turque sillonnée par les raïs Barbaresques,
Corsaires terribles au service de la Sublime Porte.
IV
Au sein du Maghreb Central et Oriental, les Beylerbeys,
les Deys délimitent les frontières et organisent les États,
les dotent d’administrations centrales et régionales et font
régner l’ordre sinon la paix. La fl otte des corsaires déverse en
quelques années 70.000 familles mauresques dans les ports
d’Oran, Alger, Bougie, Annaba, Bizerte et Tunis pour ne citer
que les principaux. Cet apport de sang nouveau à la population
indigène aura de grandes conséquences économiques,
culturelles et sociales.
L’agriculture bénéfi cie d’un grand essor, l’artisanat
d’une activité jamais égalée; la stagnation sociale et la sclérose
des techniques cèdent la place au progrès et à l’épanouissement
des sciences et des arts.
Alger doit son premier véritable port aux frères Barberousse,
artisans de sa prodigieuse carrière.
En Tunisie, les turcs s’installent tard, sous Sélim II et
Mourad III à l’apogée de l’Empire. Ils abordent une population
policée, se confondent aux maures (andalous) et aux
autochtones, raniment les acquis hafsides et fondent une
dynastie beylicale.
En somme, ces Corsaires dits Barbaresques, en réalité
Ghazis Ottomans, brisent la puissance des Conquistadors
et rétablissent le contact entre un Maghreb rénové et l’Europe
contenue. Il s’agit là d’un fait capital dû à cette marine
Barbaresque qui amène le Maghreb à jouer un rôle d’intermédiaire,
de charnière entre le Moyen-Orient, l’Afrique et l’Europe.
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