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Dix-huit personnes ont tuées vendredi soir dans un attentat-suicide à l'entrée de l'académie interarmes de Cherchell, a-t-on appris de source hospitalières
L'attentat, qui a fait également des dizaines de blessés, s'est produit moins de dix minutes après la rupture du jeûne du ramadan, vers 19H30 (18H30 GMT) quand deux kamikazes, dont l'un sur une moto, se sont fait exploser à quelques secondes d'intervalle devant l'entrée du mess des officiers de l'école militaire.
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Les kamikazes visaient un symbole
Avec un premier bilan de 18 morts, les deux kamikazes qui se sont fait exploser hier, vendredi 26, quelques minutes avant la rupture du jeûne, devant l’académie militaire de Cherchell, à 100 km d’Alger, signent un des attentats les plus meurtriers depuis 2007. Mais ils ont aussi frappé un symbole.
Une école de référence dans le monde arabe. En ciblant la plus grande académie militaire d’Afrique et du monde arabe, les terroristes ont touché une institution de référence. Créée en 1942 par les Français qui l’avaient surnommée "Saint-Cyr 2", la West Point algérienne forme aujourd’hui les forces de sécurité –dont des officiers d’état-major- de plusieurs pays arabes et africains. C’est de la prestigieuse "forteresse des lions" comme l’appellent les militaires, que sont par exemple issus les policiers palestiniens. D'après le quotidien arabophone Ennahar, un Syrien et un Nigérien feraient partie des victimes.
Un des centres névralgiques du pouvoir. Frapper la fabrique des militaires algériens revient aussi à frapper directement le pouvoir. Car l’Armée nationale populaire, héritière de la révolution dont elle tire sa puissance, constitue le corps le plus uni, le plus structuré du pays, avec un pôle à la fois politique et purement militaire. "Il faut comprendre ce que représente Cherchell : l’attaquer revient à attaquer le ministère de la Défense !, explique un ancien élève de l’Académie Militaire Interarmes. Il n’y a pas un seul officier ou sous-officier de l’armée algérienne qui ne soit pas passé par cette institution."
Le vivier de la lutte antiterroriste. Difficile de ne pas voir aussi dans cet attentat une attaque directe contre le dispositif de sécurité renforcé depuis le début de l’été et la recrudescence des attentats à l'est d'Alger. "Le dispositif est efficace, confiait pourtant un responsable militaire de la lutte antiterroriste à El Watan Week-end. Grâce au déploiement des forces de sécurité, nous avons épargné des carnages et des attentats spectaculaires." Ce samedi, le quotidien francophone révèle que l’académie était programmée comme troisième cible lors des attentats suicide d’AQMI contre l’ONU et le Conseil constitutionnel à Alger le 11 décembre 2007. "Se faisant passer pour un peintre", un des commanditaires présumés entendu lors de l’instruction avait réussi "à pénétrer à l’intérieur de l’école sans attirer l’attention des gardes et pris le soin de filmer les lieux pour un éventuel attentat." Il faut dire que la configuration particulière du site, imbriqué dans la ville, et la proximité du mess des officiers avec une des portes de sortie de l’école, rendent l'académie particulièrement vulnérable.
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Par Mélanie Matarese le 27 août 2011
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Les terroristes voulaient marquer la «nuit du Destin»
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Le symbole était à la fois militaire et religieux : les terroristes qui ont ciblé vendredi soir un bâtiment externe de l’Académie militaire interarmes de Cherchell (AMIA), voulaient frapper les corps et les esprits. Ils ont alors ciblé le cœur du réacteur nucléaire de la formation militaire algérienne et marqué la «nuit du Destin», celle de la Révélation coranique portée par l’archange Gabriel.
Aqmi revendique le double attentat suicide en Algérie
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Le groupe Al-Qaïda au Maghreb Islamique, dans un communiqué, s'attribue l'attentat qui a fait 18 morts vendredi.
Le groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a revendiqué dimanche dans un communiqué le double attentat suicide qui a fait 18 morts deux jours plus tôt à l'Académie militaire de Cherchell, en Algérie.
Dans un texte parvenu à l'AFP à Rabat via l'internet, Aqmi "revendique les deux opérations martyres" (suicidaires) à travers lesquelles "les combattants ont visé le coeur de l'institution militaire algérienne de Cherchell", à une centaine de kilomètres à l'ouest d'Alger.
Le communiqué qui n'a pas été authentifié formellement est signé de "Salah Abou Mohamed, responsable de l'information de l'organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique".
Aqmi ajoute qu'un autre communiqué sera publié ultérieurement sur les "sites jihadistes".
Deux kamikazes, dont l'un à moto, se sont fait exploser vendredi à quelques instants d'intervalle devant l'entrée du mess des officiers de cette école militaire.
Selon le ministère algérien de la Défense, le double attentat a fait 18 morts, 16 officiers et deux civils.
Aqmi donne un bilan supérieur aux chiffres algériens. Le groupe affime que la double attaque a fait "pas moins de 36 morts (pour la plupart des officiers de l'armée algérienne) et plus de 35 blessés, pour la plupart grièvement atteints"
Aqmi a été formée en 2006 par des islamistes algériens, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) dans le sud de l'Algérie. Le GSPC avait prêté allégeance à Oussama ben Laden et annonce début 2007 avoir changé son nom pour Mouvement d'Al-Qaïda au pays du Maghreb islamique.
Le communiqué publié dimanche au nom d'Aqmi est intilulé "le cadeau de l'Aid (la fin du ramadan), la razzia de Cherchell - le coeur de l'establishement militaire algérien visé par deux attentats suicide".
Le texte explique que l'académie militaire constituait "le plus important symbole du régime algérien" a qui Aqmi reproche notamment son "soutien au régime de (Mouammar) Kadhafi" en Libye.
Il affirme que l'attaque suicide a été menée par deux jihadistes, identifiés comme Abou Anas et Abou Nouh.
"Abou Nouh a investi la caféteria fréquentée par les apostats, portant une ceinture explosive et armée d'une grenade. Il a d'abord jeté sa grenade avant d'actionner la ceinture explosive au milieux d'eux, faisant des morts et des blessés".
"Deux minutes plus tard, Abou Anas a foncé dans la cours du restaurant au bord d'une moto piégée, qu'il a fait exploser au milieu de ceux qui fuyaient le restaurant et ceux qui sortaient des autres batiments, faisant des morts et blessés".
Depuis le début du ramadan, début août, des islamistes ont multiplié les attentats à l'est d'Alger, particulièrement en Kabylie, ciblant à chaque fois les forces de l'ordre.
Avant vendredi, l'attaque la plus meurtrière enregistrée cette année avait tué 14 militaires le 16 avril à un poste de l'armée à Azazga (140 km à l'est d'Alger).
Ces attentats avaient été attribués à des groupes islamistes, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique qui opère à partir de la région du Sahel.
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(source AFP)
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Pourquoi l’académie militaire était facilement ciblée
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Mais comment les criminels sont-ils arrivés à s’attaquer à un symbole national dont la notoriété est reconnue à l’échelle planétaire ? Les commanditaires, qui avaient judicieusement planifié leur besogne macabre depuis longtemps, bénéficiaient sans aucun doute de l’aide de réseaux locaux de soutien dormants. L’objectif, le jour, l’heure et les moyens utilisés constituent des «paramètres» dans les paramètres des concepteurs de cette action criminelle spectaculaire. Les forces du mal avaient manifestement étudié les moyens d’exécuter leur crime dans les moindres détails.
Comment l’AMIA, une institution si prestigieuse, aura été victime de ce double attentat-suicide, alors que durant la décennie noire, les criminels n’ont jamais pu l’atteindre. Le climat d’insécurité dans la ville de Cherchell et les localités environnantes s’est installé discrètement depuis 2002. Le civisme et la citoyenneté avaient cédé graduellement leur place à la passivité et l’insouciance. L’ex-Césarée enregistre alors un exode rural et les arrivées par vagues de personnes inconnues. Une troublante inculture s’impose. L’arrivée d’une caste de commerçants venus essentiellement des wilayas secouées par d’intenses activités terroristes, notamment Jijel, Aïn Defla, Médéa, Blida et d’autres localités de la wilaya de Tipasa, a battu son plein.
Manque de vigilance…
La ville de Cherchell et ses alentours sont devenus une planque pour les criminels, de surcroît favorable à des «cures de repos et des soins pour tangos», mais aussi un carrefour de rencontres et d’échanges pour les terroristes qui passaient vraisemblablement inaperçus. Les maquis de l’ouest de la wilaya forment un sanctuaire stratégique (Tipasa, Aïn Defla, Chlef) dans le dispositif des hordes criminelles qui activent dans le centre du pays. Leurs mouvements sont signalés à chaque fois. La vigilance chez les éléments des services de sécurité a totalement disparu. Les affaires des «commerçants »venus de nulle part prospèrent. Personne ne s’était inquiété de la provenance de ces fonds importants qui avaient permis de louer ou d’acheter à des prix dépassant tout entendement les locaux et les bâtisses de la ville.
Des actes de violence sont signalés un peu partout. Les délinquants sont arrêtés puis relaxés. Les espaces publics sont accaparés illicitement par des inconnus et douteux en toute impunité. Le renseignement sur tous les mouvements suspects dans la ville et dans les localités environnantes échappait totalement aux éléments des services de sécurité. Pendant ces années, l’AMIA s’était projetée dans des objectifs lointains, inhérents à la qualité de la formation. Ces derniers mois, les hordes criminelles avaient mené des actions autour de la ville de Cherchell. Nonobstant les opérations coup-de-poing menées sporadiquement par les policiers et les gendarmes, en présence de représentants des médias, les mesures de sécurité rigoureuses qui devaient dissuader les criminels n’ont pas été prises.
Le recoupement de nos sources d’information nous avait permis d’imaginer le scénario ayant abouti à l’exécution de ce double attentat. D’abord, le choix du lieu et du timing : les responsables de l’AMIA avaient l’habitude de célébrer Leïlat El Kadr, en présence de l’ensemble des officiers supérieurs de l’AMIA, de la 1re Région militaire et du MDN, des diplomates et des autorités civiles. Cette cérémonie avait eu lieu, exceptionnellement pour cette fois-ci, jeudi au lieu de vendredi. A-t-on pris la peine d’analyser quotidiennement les films des caméras de surveillance pour déceler les anomalies ? Les terroristes bien renseignés avaient profité de la période de l’arrivée des nouveaux officiers cadres.
La plupart ne portaient pas de tenue militaire. Le criminel s’est donc glissé à l’intérieur tel un habitué, très discrètement… Il pénètre à l’intérieur sans s’arrêter, avec son téléphone portable à l’oreille… Il s’installe à table et c’est la rupture du jeûne. Et… il se fait exploser. L’acolyte, lui, marchait en faisant croire qu’il était en panne. Le criminel fait soudain fonctionner le moteur de la mobylette pour se faire exploser. Les enquêteurs venus en force d’Alger avaient sans aucun doute décelé les défaillances.
…Et des actions criminelles
Ce double attentat-suicide au niveau du mess de l’AMIA avait été précédé de diverses actions des hordes criminelles qui se sont déroulées autour de la ville. Il y avait eu d’abord l’enlèvement d’un citoyen, Chawki K. Les ravisseurs épiaient tous les mouvements de leur victime à partir du sommet d’une montagne boisée, qui se trouve en face du champ agricole superbement mis en valeur. «Ils sont très bien renseignés», nous dira Chawki K. après sa libération, qui s’est déroulée après de difficiles tractations et le versement d’une rançon. Puis un lieutenant de l’ANP et 4 militaires sont tués lors d’une opération dans les zones rurales de la daïra de Gouraya. Quelques jours seulement, après la visite du président Bouteflika à l’AMIA de Cherchell, deux bombes avaient explosé sur la RN11. Une situation qui facilite la tâche aux hordes criminelles.
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M'hamed Houaoura
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D'anciens éléments de katibat Essahel de retourLes éléments du groupe salafiste pour la prédication et le combat(GSPC) ou Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), ont prouvé encore une fois, avec le double attentat suicide ayant ciblé, au cours du mois dernier, l'Académie militaire interarmes de Cherchell, contrairement à la déclaration faite lors de la création de l'organisation terroriste, qu'il n'existe pas de grande différence entre la nébuleuse et le groupe islamique armé (GIA) dont elle est issue.
Les habitants de la wilaya de Tipasa, y compris les passants se souviennent des exactions commises au cours des années 1990 par la fameuse katibat Essahel (phalange du littoral), dirigée à l'époque par un certain Khaled El Fermache, l'un des plus importants «émirs» du GIA.
La phalange du GIA, qui disposait de casemates dans plusieurs maquis de la wilaya, notamment à Hattatba et même près du féerique Tombeau de la Chrétienne, ciblait cimetières, plages, villages et populations, dont le massacre perpétré à Bouharoun et un autre à Haouch Gharbi, sur les hauteurs de Bou Ismaïl, et dressait de faux barrages, ayant fait de nombreuses victimes, parmi les estivants, avant que l'Armée nationale populaire (ANP) et les forces de sécurité ne réussissent à mettre hors d'état de nuire nombre d'éléments de la phalange et détruire leurs casemates.
Le GSPC, ou AQMI, semble, selon des informations en possession des services de sécurité, avoir réinvesti, ou tenterait d'investir les anciens maquis du GIA, dans la région, aidé, en cela, par d'anciens éléments de katibat Essahel, rescapés de la phalange.
C'est ainsi que les deux derniers faux barrages, annoncés, dans la région, auraient été dressés par des terroristes se déplaçant en petits groupes, à travers des chaînes montagneuses, donnant jusqu'à une partie de l'ouest du pays, passant par différentes autres wilayas du pays, dont Aïn Defla. Circuler en petits groupes est une «ruse» à laquelle recourait le GIA pour éviter que ses éléments ne soient repérés par l'ANP et les forces de sécurité.
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Djamaât houmate daâwa salafia tente de remplacer katibat Essahel
Katibat Essahel anéantie par l'ANP et les forces de sécurité, une autre organisation terroriste, djamaât houmate daâwa salafia(DHDS), dirigée par Salim El Afghani, avait tenté de s'installer dans la région. La DHDS, qui comptait environ une centaine d'éléments, guetterait l'anéantissement total du GSPC, ou AQMI, pour tenter de réoccuper le terrain. Il semble, aujourd'hui, que le terrorisme tente de récupérer les maquis de la wilaya de Tipasa où des caches pourraient avoir été aménagées et les retraits, après chaque attentat terroriste, soigneusement préparés.
Ce qui dénote l'importance de la vigilance, à l'approche de la saison hivernale, surtout que les terroristes ont, pendant longtemps, profité des temps de pluie et de l'absence d'éclairage public, sur certains tronçons routiers et autres lieux, pour dresser de faux barrages, souvent meurtriers.
Ce qui est également à retenir est que le recours par le GSPC à d'anciens éléments de katibat Essahel signifie que l'organisation, dirigée par Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mossaâb Abdelouadoud, suit la même conduite que celle du GIA.
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