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Dans son édition papier du 1er Mai 2011, Michel Onfray écrit dans le Monde un article très intéressant, il rappelle la force de l'oeuvre de Camus et les attaques dont cet auteur aura été la victime, à droite comme à gauche.
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Pour Michel Onfray, on reprochait à Marcel Camus de porter une vérité qui dérangeait. Cette vérité semble avoir très bien résisté à l'usure du temps.
Vous trouverez ci dessous quelques extraits de cet article :
Albert Camus, « fauché par la mort à l'âge de 47 ans,(...) a passé un temps considérable à répondre à la haine répandue par les journaux qui se déchaînaient contre ses livres, coupables de dire la vérité en un temps où l'on préférait le mensonge avec Sartre que la vérité avec lui.
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Je suis atterré par la bassesse des attaques venues de toute part : chrétiens qui le trouvent athée, athées qui l'estiment trop chrétien, gens de gauche qui l'imaginent à droite, gens de droite qui le savent de gauche, ratés qui n'en peuvent plus de sa réussite, plumitifs minables qui carburent au ressentiment, habituels médiocres lanceurs de polémiques dont l'écho dû à la renommée de celui qu'ils attaquent leur laisse croire qu'ils sont quelque chose. Camus a accumulé contre lui, à la manière d'un fétiche vaudou, toute la médiocrité de l'époque, mais peut-être aussi toute la médiocrité de la nature humaine...
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La version de Sartre et des sartriens fait encore la loi concernant l'oeuvre d'Albert Camus dont beaucoup parlent sans l'avoir lue - ou alors, au lycée par prescription scolaire, comme l'on parle d'une prescription de médicament. Si Camus avait écrit un livre entier en défense du socialisme libertaire qu'il incarne de façon impressionniste dans son oeuvre au lieu de répondre à ses contradicteurs lors de la parution de L'Homme révolté, nous disposerions aujourd'hui du grand livre politique positif qu'il n'a pas eu le temps d'écrire.
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Qui se souvient d'Aimé Patri, de Marcel Moré, de Pierre Hervé, de Pierre Lebar, de Gaston Leval, aux basses attaques desquels Camus consacre un précieux temps à répondre point par point ? Attardons-nous sur un texte intitulé Le Temps des meurtriers (1949), dans lequel le philosophe s'interroge : sur l'avenir de l'Europe après les camps nazis et marxistes-léninistes, sur le nihilisme et la fin des valeurs, sur ces penseurs de Saint-Germain-des-Prés va-t-en-guerre jamais avares du sang des autres, mais incapables d'offrir le leur pour telle ou telle cause transformée en fonds de commerce...
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A plus d'un demi-siècle de distance, Camus pense un monde qui semble être encore le nôtre ! Il se révèle également juste dans ses analyses, quand il diagnostique que la polémique a remplacé le dialogue : "Le XXe siècle est, chez nous, le siècle de la polémique et de l'insulte." Qu'est-ce que la polémique ? "Elle consiste à considérer l'adversaire en ennemi, à le simplifier par conséquent et à refuser de le voir. Celui que j'insulte, je ne connais plus la couleur de son regard. Grâce à la polémique, nous ne vivons plus dans un monde d'hommes, mais dans un monde de silhouettes."
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On ne cherche plus à persuader, on intimide ; on ne veut pas dialoguer, on terrorise ; on ne souhaite plus échanger, on lance l'anathème, on recouvre sous des flots de haine et d'insultes, de mépris et de calomnies. Dans cette perspective, Camus propose une "morale du dialogue" et en appelle à Socrate - auquel il associe Montaigne et Nietzsche.
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Arrêtons donc la haine, le mépris, l'insulte, l'anathème, la guillotine, les autodafés, les bûchers qui, pour l'instant, ne sont que de papier. Si d'aventure le débat véritable prenait la place de la polémique, nul doute que reculerait un peu le spectre des échafauds concrets. (Michel Onfray, "Camus, Sartre et les nouveaux réacs" Le Monde 01.05.11 p.26)
Quand Camus écrit « nous ne vivons plus dans un monde d’hommes mais dans un monde se silhouettes », son constat reste d'actualité. Pour échapper à cette logique, il faudrait faire taire les polémiques stériles afin d’isoler, un à un, ceux qui empêchent par leur comportement l’émergence d’une « morale du dialogue ».
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