Dans les circonstances les plus officielles comme dans les plus intimes , Camus a toujours souligné l'indéfectible lien qui l'attachait à sa terre natale.
Sa sensibilité trouve son fondement dans sa naissance au sein d'une famille pauvre de la communauté française d'Algérie compensée par une proximité avec la nature méditerranéenne.
Il l'évoque souvent dans la fulgurance de symboles poétiques :
" J'ai grandi dans la mer et la pauvreté m' a été fastueuse , puis j'ai perdu la mer , tous les luxes m'ont alors paru gris , la misère intolérable " ( La Mer au plus près ).
Dans leur saisissante concision , de telles images montrent une tendance constante à éluder ou diluer le rapport à l'histoire dans un élan lyrique.
Tout au long de son oeuvre , la terre algérienne le porte à de constantes professions d'amour.
Eloigné de cette terre , aucune autre nature n'arrêtera plus vraiment ses regards et ses mots.
A l'inverse de l'écriture littéraire , son écriture journalistique vise à la clarté et à l'efficacité.
Nulle ambiguïté dans le discours. Une fermeté , une audace inouïe même se font jour dans les grands reportages que , jeune journaliste , Camus rédige pour Alger Républicain , en 1939.
Les onze articles qu'il regroupe sous l'intitulé général " Misère de la Kabylie " dévoilent sans fards la famine , le dénuement , le scandale des bas salaires , le coup d'éclat de la construction d'un bâtiment de prestige masquant le manque cruel des écoles attendues pour tous les enfants ( y compris les filles ) , bref l'incurie et l'iniquité dont l'administration coloniale fait preuve à l'égard de ces populations.
Non seulement les papiers dénoncent , chiffres , exemples à l'appui , mais ils proposent des solutions , des progrès à mettre en oeuvre et somment les responsables politiques de prendre leurs responsabilités.
Son intérêt se porte aussi sur le sort des ouvriers nord - africains de Paris ( article du 4 avril 1939 ).
Plus tard , ce sont les évênements de 1945 ( manifestations et répressions de Sétif et Guelma ) que le journaliste de Combat qu'il est devenu vient couvrir en cherchant à les éclairer par une enquête de terrain.
Il faut , écrit-il " rendre toute justice au peuple arabe d'Algérie et le libérer du système colonial ( ... ) L'ère du colonialisme ".
Voilà qui ne laisse aucun doute sur son engagement en faveur de la justice , même s'il se rallie non à l'idée d'une nation indépendante , mais à celle d'une " Algérie nouvelle " , qui offrirait " l'exemple rarissime de populations différentes imbriquées sur le même territoire ".
L'attitude anticolonialiste est manifeste , mais le propos politique est à la recherche d'un équilibre improbable , qui s'avérera au fil du temps de plus en plus difficile à tenir.
Dans une lettre adressée , en octobre 1955 , à Aziz Kessous , il se rattache toujours à la possibilité de voir " Arabes et Français réconciliés dans la liberté et la justice " pour fonder ensemble une patrie.
La guerre d'indépendance est pourtant déjà engagée , qui provoque son déchirement et bien des incompréhensions quand il s'obstine à condamner , fût - ce au nom d'une justice supérieure , tout terrorisme frappant des victimes civiles.
En 1958 , lorsqu'il constate que sa voix n'est audible ni pour les uns ni pour les autres ou qu'elle ne fait qu'attiser les haines au lieu de les dissiper , il prend la décision de ne plus s'exprimer publiquement sur la question.
( Source Hors-Série Le Monde spécial Camus )
Par FABIENNE -
http://bonheurdelire.over-blog.com/article-l-algerie-vue-par-albert-camus-46516447.html
Les commentaires récents