La comédienne incarne Dora dans Les
Justes d'Albert Camus, mis en scène par Stanislas Nordey. À Rennes
Son
rôle:
Ce matin, je me suis réveillée dans la mélancolie»,
dit-elle dans un de ces sourires désarmants, nimbé d'une tristesse
d'enfant. On est au lendemain de la première représentation publique
des JUSTES à Rennes. Quelque chose s'est mis en route qui n'est plus
le temps enfiévré des répétitions. Cette mélancolie est celle de Dora,
le personnage qu'incarne Emmanuelle Béart. Bonnet de laine protégeant
les cheveux et dégageant ce beau visage qu'illumine un regard intense
et clair, la comédienne a conservé la silhouette fine de la toute jeune
fille qui débuta dans Anouilh et fit si forte impression sur le public
et la critique. Elle est loin, cette petite Lucile de La Répétition ou
l'Amour puni… comme est loin la frémissante et splendide Camille de
Musset qu'elle joua à Nanterre sous la direction de Jean-Pierre Vincent
après avoir abordé Marivaux, Molière, et avant d'affronter Jouer avec
le feu de Strindberg sous la direction de Luc Bondy.
La
veille, dans la stricte robe grise de Dora Doulebov, la femme ardente du
groupe terroriste des Justes d'Albert Camus, elle a retrouvé ce
pincement terrible du trac qui vous noue et vous donne envie de
disparaître face aux neuf cents personnes de la grande salle du
théâtre, et cette force, cette vaillance, cet emportement de tout
l'être qui attise les mots du personnage et vous grise. « Comment ai-je
pu, si longtemps, douze ans, me passer du théâtre ? C'est qu'il me
fallait une raison vraie d'y aller… Un projet qui ait du sens, pas un
rôle de plus, une pièce de plus… Mais quelque chose qui me parle et qui
suppose un engagement sincère. » Et elle est là, après la première
très bien accueillie par le public du Théâtre national de Bretagne,
centre européen dirigé par François Le Pillouër. Elle a retrouvé ce
qu'elle désirait : «Une équipe, des conditions égales, du temps.» Si
elle est la tête d'affiche de ce spectacle très bien mis en scène par
Stanislas Nordey, elle est dans la troupe. Payée comme les autres,
traitée comme les autres.
SON POINT DE VUE SUR CAMUS
«Je
ne connaissais pas vraiment Camus avant d'aborder Les Justes. Bien sûr,
j'ai lu ses grands textes, et lorsque, un jour, mon fils m'avait
demandé conseil pour un exposé sur la peine de mort, je lui avais fait
lire L'Étranger. Mais je ne connaissais pas son théâtre. Ce qui me
touche le plus profondément dans Les Justes, c'est qu'il est question
de fraternité et que cette fraternité est ce que je recherche au
théâtre. »
Elle a toujours eu un côté petit soldat, Emmanuelle
Béart. Une énergie sans agressivité, un frémissement de tout l'être. Le
sens de la justice. Qu'elle exerce dans sa vie quotidienne comme dans
ses engagements personnels, pour l'Unicef notamment.
Dora lui
parle. Elle ne pense pas à Maria Casarès qui créa le rôle en 1949. «Ce
qui est beau, dans la pièce, c'est qu'à chaque pas, ces personnages se
posent la question du sens, de la légitimité du combat. Ces "justes",
Camus les a aussi appelés "les innocents coupables", et c'est cette
contradiction, ce déchirement qu'il faut incarner en respectant chaque
mot, chaque silence comme une partition.»
La belle a beaucoup
tourné ces temps-ci. Trois films seront bientôt à l'affiche. Ma
compagne de nuit, d'Isabelle Rocard, où elle joue une femme qui meurt
d'un cancer, elle y a notamment pour partenaire Hafsia Herzi ; Nous
trois, de Renaud Bertrand, auteur des Irréductibles. Il s'agit du
portrait d'une femme des années 1970 vue au travers du regard aimant et
rêveur de son petit garçon. Avec Audrey Dana, Jacques Gamblin, Stefano
Accorsi et le jeune Nathan Georgelin.
L' OEUVRE DE
CAMUS: " Les Justes "
Réflexion sur l'engagement
politique et ses implications : Comment percevoir l'idéologie qui, en
menant au terrorisme, recèle un caractère destructeur
Février 1905, à Moscou, un groupe de terroristes, appartenant au
parti socialiste révolutionnaire, organisait un attentat à la bombe
contre le grand-duc Serge, oncle du tsar. Cet attentat et les
circonstances singulières qui l'ont précédé et suivi font le sujet des
Justes." écrit Camus dans la préface des justes.
Cette
pièce en 5 actes démontent tous les clichés révolutionnaires. On
imagine sans peine la quantité de vécu que met Camus dans ce genre de
dénonciation. Les 3 premiers actes se passent avant l'attentat et l'on
voit les différentes sensibilités des révolutionnaires se croiser et se
confronter. Les deux derniers actes se passent après et l'on quitte le
discours révolutionnaire théorique pour un discours pratique et
humaniste.
On mesure dans cette pièce à quel point Camus peut
être loin d'un Sartre par exemple ("Tous les non communistes sont
des chiens !") et l'on sent son engagement pour la vie et
l'humanité.
De plus le personnage féminin des Justes a un rôle
très important : sorte d'hégérie socialiste traditionnelle au début
elle termine dans une déclaration d'amour folle pour le narrateur...
Enfin on notera cette citation très belle : "La liberté est un
bagne aussi longtemps qu'un seul homme est asservi sur la terre."
.
Por Abel
Carballiño
http://francofolies.over-blog.es/article-c...t-47339234.html
.
Février 1905, à Moscou, un groupe de terroristes,
appartenant au parti socialiste révolutionnaire, se prépare à commettre un
attentat à la bombe contre le grand-duc Serge, oncle du tsar.
Cette action
terroriste et les évènements tragiques qui l’ont précédé sont le sujet de cette
pièce où les protagonistes s’interrogent sur l’acte qu’ils sont en train de
faire .
Camus livre, avec « Les Justes », une pensée profonde sur l’engagement politique et les choix qu’il implique. La révolution contre la tyrannie du tsar n’engendre-t-elle pas la naissance d’un nouveau despotisme où le justicier deviendrait assassin ? Quelle est la grandeur de la vie dans cette problématique ? telles sont les questions posées par l’écrivain.
Le metteur en scène, Stanislas
Nordey, s’attache admirablement à travers cinq actes poignants et
didactiques à faire résonner la puissance tragique des mots des révolutionnaires
qui provoquent une vraie réflexion sur les limites et les contradictions de
l’engagement idéologique.
Il installe une scénographie épurée (un mur, une
passerelle permettant l’entrée et la sortie des personnages entre les scènes )
au décor proche d’un espace contemporain où, si les comédiens en costumes gris
d’époque soulignent la référence à 1905, le cadre intemporel permet quant à lui
progressivement de s’en détacher, à l’instar de leur mentaux-uniformes dont ils
se délestent, et d’inscrire cette mise à nu dans une réalité universelle.
Au
cœur de ce dispositif, les acteurs déclament, sans se regarder, dans une
interprétation grave, tendue et solennelle qui exprime pleinement leur solitude
intérieure et leur exigence de radicalité. La profondeur de l’œuvre prend alors
toute sa dimension où chaque syllabe, accompagnée d’une gestuelle sobre et d’une
direction d’acteurs très maîtrisée, concentre la force et la précision du texte
où s’expriment les états d’âme et la sensibilité des révolutionnaires
tourmentés.
Engagés corps et âme, leur but est d’exécuter le
grand-duc par une bombe fabriquée par Dora (Emmanuelle
Béart) et jetée sur la calèche du grand-duc par
Kaliayev (Vincent Dissez). Par ce geste, ils
visent tout simplement à atteindre le symbole suprême de la tyrannie qui règne
en Russie. Toutefois, la première tentative d’attentat échoue : la présence
d’enfants dans la calèche empêche Kaliayev de jeter la bombe.
Cet événement met à vif les divers points de vue au sein du groupe où il est
pourtant sans cesse question de fraternité : « Nous sommes tous
frères confondus les uns aux autres tournés vers l’exécution des tyrans pour la
libération du pays. Nous tuons ensemble et rien ne peut nous
séparer » répète leur chef Annenkov
(Frédéric Leidgens excellent ). La situation
permet alors d’exposer deux types d’engagement bien distincts.
Il y a tout
d’abord l’engagement de Stepan (Wajdi
Mouawad), qui après un séjour au bagne, s’est vu retiré la force
d’aimer et ne possède plus que celle de haïr.
Stepan perçoit
la révolution comme un déchainement de terreur sans limites. Il est un
personnage obtus, dépourvu d’amour pour ses semblables, ne comprenant pas le
refus de Kaliayev de tuer des enfants pour la juste cause, il
prononce cette phrase terrifiante : « Je n’ai pas assez de coeur
pour toutes ces niaiseries. Quand nous déciderons à oublier les enfants ce
jour-là, nous serons les maîtres du monde et la révolution
triomphera ». Wajdi Mouawad est poignant dans son
interprétation de l’extrémiste où son jeu magnétique et emporté traduit son
absolutisme idéologique.
Kaliayev, surnommé Le Poète, n’est
pas d’accord avec les convictions de Stepan. Il représente
l’autre forme d’engagement. Spontané, Kaliayev n’a pas oublié,
contrairement à certains de ses camarades, la simple idée du bonheur, il s’y
refuse. « Comme eux je crois à l’idée. Comme eux je veux me
sacrifier. Moi aussi je voudrais être adroit, taciturne et efficace. Seulement
la vie continue de me paraître merveilleuse » confesse t-il à
Dora.
Vincent Dissez est magnifique
dans son incarnation de celui qui, par delà l’engagement, voulait
« donner une chance à la vie ». Seule présence
féminine, Emmanuelle Béart, qui joue la conscience de
l’organisation terroriste sachant soulever les passions mais aussi recadrer les
esprits, est convaincante, vibrante et fait corps énergiquement avec
ses complices de jeu.
Le débat d’idées auquel se livrent tous les héros est
captivant grâce à la mise en scène rigoureuse de Stanislas
Nordey où chaque placement géométrique rend palpable la cohésion sous
haute tension du groupe.
Le metteur en scène donne à entendre et à ressentir
leur part d’humanité, de violence, de fêlures, face à leurs contradictions par
rapport à la notion d’engagement, de meurtre, de justice, de responsabilité,
d’amour, et de pardon où le texte servi par une théâtralité dépouillée de tout
artifice vibre et circule implacablement entre les acteurs. Avec leur quête d’un
monde plus juste où le combat se fait nécessité et le doute cornélien qui les
assaille sur les moyens de le livrer, on est au coeur d’une actualité pleine de
résonance.
Le dernier acte dans une scène qui tient du rituel sacrificiel, où
Kaliayev emprisonné est confronté à son destin, offre à
Laurent Sauvage (Skouratov), en chef de la
police, caustique en diable, et à Véronique Nordez (La
grande-duchesse), en veuve rédemptrice, un grand moment théâtral.
En
écoutant la pensée en mouvement de Camus qui ne vise pas à
comprendre mais à s’interroger en ouvrant sans cesse les questions, ce théâtre
exigeant donne vie et intensité à une réflexion étonnamment moderne pour
l’inscrire dans la plus pure tragédie, un instant suspendu…
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Les
justes Part 1
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