Célébré en France, le cinquantenaire de la mort d'Albert Camus fait un "flop" en Algérie.
Les initiatives rendant hommage à l'écrivain Prix Nobel de littérature, né sur la côte est algérienne, près d'Annaba, sont rares et divisent les intellectuels. Un texte, baptisé "Alerte aux consciences anticolonialistes" circule auprès des éditeurs, universitaires et journalistes pour dénoncer la "fête camusienne", synonyme, aux yeux de ses auteurs, d'une "réhabilitation du discours de l'Algérie française".
Diffusée par Mustapha Madi, directeur de collection aux éditions Casbah, la pétition dénonce la Caravane Camus, un projet de Sabah M'Rakach, psychologue et fondatrice de la société Sab Solutions, en association avec le français Guillaume Luchelli.
Sept villes, dont Alger, Annaba, Tlemcen ou encore Oran, devraient accueillir des manifestations autour de Camus. Sollicité pour son patronage, le ministère de la culture algérien n'a pas encore donné sa réponse. Et les centres culturels français d'Algérie font profil bas, avec une discrète programmation de conférences en avril. " On reste "underground"", concède un diplomate.
L'auteur de L'Homme révolté réveille les passions toujours promptes à s'enflammer sur les questions de mémoire. Les uns célèbrent un grand auteur humaniste témoignant notamment de la Misère de la Kabylie ; les autres voient un écrivain colonialiste, pied-noir, silencieux lors de la guerre d'indépendance. "Sartre aurait posé moins de problèmes", soupire Sabah M'Rakach.
Le débat supplante les clivages arabophones- francophones. "Si vous voulez vraiment lire L'Etranger, Le Mythe de Sisyphe (...) alors faites preuve de discrétion, allez les lire à l'abri des regards", a ironisé, vendredi 19 février, le quotidien arabophone El Khabar, en condamnant les "objecteurs de conscience et les gardiens du temple qui font en ce moment la chasse à tous ceux qui lisent Camus". "C'est une bataille de la génération des plus de 50 ans, les jeunes ne connaissent pas Camus", souligne le sociologue Abdenasser Djabi. Destinataire de la pétition, cet universitaire a refusé de la signer. "Ce n'est pas facile de défendre Albert Camus en 2010, du fait de l'arabisation de la culture et des petites guéguerres avec les Français", ajoute-t-il.
Isabelle Mandraud
http://reflets-mag.blogspot.com/2010/02/alger-il-nest-pas-facile-de-defendre.html
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