A travers
cinquante Belles Histoires, François-Xavier Gauroy revient sur le
destin d'un des plus grands écrivains du XXe siècle. De son enfance
algérienne à sa passion pour le théâtre, en passant par son
engagement, ses œuvres, sa maladie et les femmes qui ont jalonné sa
vie. « On est tous l'étranger de l'autre », disait Camus.
François-Xavier Gauroy nous propose aujourd'hui de nous rendre Camus un
peu plus familier.
M. Ghoul satisfait de la cadence des travaux de la voie Express Bou
Ismaïl Cherchell.
.
Le ministre des travaux publics, M. Amar
Ghoul, s'est félicité jeudi à Tipasa de la cadence des travaux des
projets relevant de son département, notamment le chantier de la voie
express Bou Ismail à El Hamdania (Cherchell).
Les travaux de
réalisation du tronçon de la voie express Bou Ismail-Cherchell, sur 48
km, ont été lancés en août dernier et connaissent une "bonne" cadence
avec l'ouverture d'un couloir de 30 km, de Bou-Ismail à la sortie ouest
de la commune de Nador.
Ce projet dont le coût est estimé à 19
milliards de DA, vient en continuité de la voie express Mazafran - Bou
Ismail, confié à une entreprise de construction chinoise (CSCEC) qui
s'est engagée à le livrer dans un délai de 28 mois.
Le tronçon qui
sera réalisé en deux sections Bou Ismail- Nador et Nador-Cherchell
permettra de désengorger la circulation routière au niveau des villes
côtières de Bou Ismail, Khemisti, Bou Haroun, Ain Tagourait ,Tipasa,
Nador et enfin Cherchell, réduisant ainsi la pression sur les RN 11 et
67 .
Ce projet qui a nécessité l'expropriation de citoyens dont les
habitations sont situées sur le tracé de la voie ainsi que le
déplacement des réseaux (électricité, gaz et téléphone), porte sur la
réalisation de 48 Kms de route, 34 ouvrages d'art, un viaduc de 355
mètres, de 23 trémies (passages inférieurs), de 8 passages supérieurs et
enfin de deux échangeurs avec une liaison avec l'autoroute est-ouest à
travers une pénétrante sur 17,7 km.
La continuation de la voie
express jusqu'à la daïra de Damous a également été retenue et l'étude
déjà lancée, a indiqué le ministre qui a rappelé que, pour l'année 2010,
Tipasa a trois grands projets structurants, à savoir celui de la voie
express qui va aller jusqu'à Damous, une seconde voie express qui
reliera Hadjout à Alger en passant par la RN 67 et enfin la liaison à
l'autoroute est-ouest en cours.
Le ministre a tout au long de sa
tournée, insisté sur la nécessité de réaliser le tracé du nouveau
tronçon Cherchell-Damous tout en évitant les villes de Sidi Ghilés,
Hadjret Ennouss, Larhat, Messelmoune, Gouraya et Damous.
La
réalisation de la voie express devra également s'inscrire, a-t-il dit,
dans la continuité des projets d'envergure nationale telle que
l'autoroute est -ouest ou ceux inscrits au profit des daïras de
Cherchell et Gouraya dont les ports font l'objet actuellement de travaux
d'extension et qui doivent être reliés à la voie express à travers la
mise en place d'un giratoire ou d'un échangeur.
Au port de Gouraya,
le ministre a pris connaissance de l'état d'avancement des travaux
lancés en 2006 et qui visent la transformation de cet abri de pêche en
port avec une triple vocation : commerciale, de loisirs et de
plaisance.
Sur place, il a insisté pour que cette infrastructure
soit intégrée non seulement à la ville à laquelle elle ne doit pas
tourner le dos, mais aussi s'inscrire dans les nouveaux axes routiers en
réalisation afin de créer une harmonie et s'inscrire dans une vision
futuriste de la région qui dispose d'une belle façade maritime.
M.Ghoul
s'est par ailleurs félicité du rythme des travaux d'aménagement
extérieur des ports de Cherchell, Tipasa et Gouraya dont la conception
devra être en harmonie avec la vocation touristique de la wilaya.
1954,
sans le savoir et pour huit ans la France bascule dans la guerre. Une
nouvelle et dramatique page des relations franco-algériennes s'ouvre.
Ses conséquences politiques sont encore insoupçonnées : naissance de la
Ve République et crise de la gauche en France notamment, phagocytose de
la société algérienne par son armée sous couvert d'un parti unique et
totalitaire. Mais cette guerre signe aussi la fin d'une page de la vie
intellectuelle en France. Il y aurait un avant 1962 et un après, marqué
par « l'engagement autonome de l'intellectuel », sa volonté de s'extraire des « mandibules des partis
» pour reprendre l'expression de Mauriac. Avec la fin du conflit sonne
la fin d'une « logique de résistance » et de guerre franco-française,
guerre des mots non dénués d'ambiguïté comme le montre le texte
consacré à « France-Observateur ». Sans doute, François Mauriac le pressent-il, le 8 juillet 1962 qui écrit : « ces
confrères dont le métier est d'écrire et qui ne prennent parti sur
rien, qui ne trace pas un mot dont on ne puisse augurer un
acquiescement ou une réprobation, à quelle distance vivent-ils notre
drame ? Il se peut que cette indifférence apparente recouvre chez
certains un détachement de tout ce qui ne les concerne que par la
bande, si j'ose dire : cette politique sur laquelle ils n'ont pas
pouvoir ».
Dix-sept contributions données dans le cadre
d'un colloque organisé à Malagar, sur les terres de Mauriac donc, en
septembre 2001 sont ici publiées. Elles sont l'occasion de lire (ou de
relire) ces écritures de la guerre mais aussi cette guerre de
l'écriture à travers les plumes de Mauriac, Camus, Sartre Nimier,
Blondin, Laurent, Courrière, mais aussi Feraoun, Assia Djebar et
d'autres. Ces écrivains-journalistes tiennent des chroniques ou signent
des papiers dans les revues (Esprit et Les Temps modernesFrance-Observateur, L'Express, Témoignage Chrétien…)
et autres quotidiens. Ils écrivent aussi des journaux, des romans, des
pièces de théâtre voir des ouvrages inclassables parce que composites
et « polyphoniques ».
Bien évidemment dominent ici la figure de Mauriac, « le plus clairvoyants des écrivains-journalistes» et l'opposition érigée depuis en symbole entre Sartre et Camus. La « radicalité » et la violence sartrienne, dont les soubassements philosophiques sont rappelés, face à « l'honnêteté » camusienne. Comme l'écrit en avant-propos Philippe Baudorre, Camus est « exemplaire », peut-être même « le plus exemplaire
». Ses tragiques illusions, quant à une possible concertation, comme
les doutes et le désarroi de l'enfant de Belcourt, jamais ne
pervertiront son « souci pédagogique ». Oui Camus a été « exemplaire
» comme Mouloud Feraoun, son ami. L'instituteur kabyle, dans sa vie
comme dans ses écrits, frôlerait, si elle était de ce monde,
l'intégrité absolue. Son Journal, écrit entre 1955 et 1962 demeure encore aujourd'hui le plus sûr document sur cette guerre. « Ce texte, écrit Martine Mathieu-Job, montre
l'impossibilité d'un discours de vérité, l'impossibilité surtout d'une
représentation claire et univoque de la guerre, et cela quel que soit
le genre dans lequel on le classe » à savoir « journal personnel, «
chronique » ou « récit sur la guerre ».
Chez Camus, après
1956, l'honnêteté prendra le visage du silence ou plutôt d'un retour en
littérature avec la rédaction du Premier homme qui ne naîtra au monde
que trente-cinq ans après la mort de son auteur. Chez Mouloud Feraoun,
elle prendra la forme « d'une poétique de l'écriture de la guerre »
marquée par le « fractionnement » et « l'éclatement » du texte. « C'est
dans le désordre du texte, dans l'impossibilité pour l'écrivain de s'en
tenir à un projet d'écriture bien codifié ou de développer une analyse
bien univoque, c'est dans l'entrelacs des temporalités et le
télescopage des perceptions et des voix que peut s'entrevoir la vérité
informe de la guerre ».
C'est bien par le Journal de
Feraoun qu'il faudrait toujours commencer l'étude de cette guerre
d'Algérie. Mieux encore, la publication des actes de ce colloque ne
fait que renforcer ce credo : la lecture de ce texte unique offre à son
lecteur la distance nécessaire pour aborder tous les autres textes
écrits sur et autour de ce drame, et tant d'autres d'ailleurs… plus
récents.
«
En ce qui concerne l'Algérie, j'ai toujours peur d'appuyer sur cette
corde intérieure qui lui correspond en moi et dont je connais le chant
aveugle et grave. [...] Non, décidément, n'allez pas là-bas si vous
vous sentez le cœur tiède, et si votre âme est une pauvre bête ! Mais,
pour ceux qui connaissent les déchirements du oui et du non, de midi et
des minuits, de la révolte et de l'amour, pour ceux enfin qui aiment
les bûchers devant la mer, il y a, là-bas, une flamme qui les attend.»
(1947)
Qu'a ton besoin de savoir sur lui ? Quand a t'il vécu (s'il est mort)? Qu'a t'il écrit d'autre ?
Albert
Camus était un grand militant, il faisait passer ses idées au travers
de ses romans. Il est né le 7 Novembre 1913 en Algérie française où il
a passé une partie de sa vie et il est mort le 4 janvier 1960, suite à
un accident de voiture, dans l’Yonne. Il a aussi écrit des essais et
des pièces de théâtre ; notamment L’envers et l’endroit, Noces, et Les
Justes.
2/Pourquoi ce titre ?
Quelles significations possibles peut-on donner au titre du roman ?
Le livre s’intitule La peste car tout le livre tourne autour de cette
maladie.
3/Pour quelle composition ?
Comment le récit est il organisé ?
Le
récit est organisé en cinq parties ; tout d’abord la première partie
introduit le fléau et la propagation de l’épidémie, la deuxième partie
décrit comment la maladie s’installe et comment les hommes commencent a
s’organiser pour la combattre. La troisième partie indique son sommet,
la quatrième traite de son essoufflement et la cinquième de sa
disparition. Aussi, le roman est rédigé comme une chronique.
4/ Quelles intrigues ?
Quelles histoires, sont développées ? Sur quoi repose l'intention de l'auteur ?
Le
récit ne contient pas d’intrigue car en somme il est rédigé comme une
chronique ; le narrateur se contente de relater des faits. Celui reste
anonyme tout au long de l’histoire, il n’est dévoilé qu’à la fin du
roman. De même il se dit historien le temps d’une histoire, « Bien
entendu un historien, même s’il est un amateur, a toujours des
documents. Le narrateur de cette histoire a donc les siens [...] »
L’histoire est assez complexe, car elle a un double-sens. L’auteur « compare » les réactions des citoyens par
rapport a la peste à celle de l’occupation des nazis.
Voici un extrait de texte traitant du livre d’Albert Camus : source
http://www.etudes-litteraires.com/camus-la-peste-etude.php
.
La Pestea
souvent été interprétée comme une transposition de l’Occupation
allemande en France ainsi que de l’organisation de la Résistance qui
s’ensuivit. Soit dit en passant, l’écrivain ne le démentait pas, et
paraissait lui-même légitimer cette vision allégorique : « La
Peste,
dont j’ai voulu qu’elle se lise sur plusieurs portées, a cependant
comme contenu évident la lutte de la résistance européenne contre le
nazisme. La preuve en est que cet ennemi qui n’est pas nommé, tout le
monde l’a reconnu, et dans tous les pays d’Europe. […] La Peste,
dans un sens, est plus qu’une chronique de la résistance. Mais
assurément, elle n’est pas moins. » Ainsi peut-on tisser d’innombrables
analogies entre le récit et la réalité historique : l’aveuglement et le
refus des populations à admettre le fléau rappelle inévitablement le
refus de croire en la véridicité du nazisme, qui a plongé les alliés
dans l’insouciance ; la lutte des uns contre la peste et le profit des
autres dans le fléau rappellent l’opposition entre réseaux de la
Résistance et collaboration ; mais le plus flagrant demeure le
traitement des cadavres qui, premièrement entassés dans des fosses,
puis inhumés au paroxysme de l’épidémie, doivent remémorer la
douloureuse réalité des camps de concentration : « Quand les voyages de
l’ambulance étaient terminés, on amenait les brancards en cortège, on
laissait glisser au fond, à peu près les uns à côté des autres, les
corps dénudés et légèrement tordus et, à ce moment, on les recouvrait
de chaux vive, puis de terre, mais jusqu’à une certaine hauteur
seulement, afin de ménager la place des hôtes à venir. […] Un peu plus
tard cependant, on fut obligé de chercher ailleurs et de prendre encore
du large. Un arrêté préfectoral expropria les occupants des concessions
à perpétuité et l’on achemina vers le four crématoire tous les restes
exhumés. Il fallut bientôt conduire les morts de la peste eux-mêmes à
la crémation. »
5/Quels thèmes principaux ?
Quels sont les thèmes abordés dans ce roman ?
Le
thème principal est donc la peste, mais le livre traite aussi de la
« complexité » des hommes, comment ceux-ci réagissent face à l’inconnu,
leurs réactions lorsque les portes de la ville se ferment et qu’ils
soient séparés d’un être cher.
6/Dans quels contextes ?
Quel cadre spacio temporel ? Inscrit dans un lieu un épisode historique précis ?
L’histoire
se passe à Oran, une préfecture française de la côte Algérienne en 194.
Des dates et des heures sont mentionnées dans le livre mais l’histoire
se situe souvent par rapport a une saison. L’histoire se situe dans un
lieu historique et raconte un épisode historique, car Oran a bien été
ravagé par la peste.
7/Quels personnages ?
Y'a t’il un personnage principal ? (narrateur, Point de vue interne ?) Quels sont les autres personnages importants
?
Décrivez l'idée que l'on se fait de lui en fonction des infos qui nous sont fournies a son sujet (caractérisation
directe ou indirecte ? Portrait classique ou éclaté ?
Des détails d'ordre physique ou moral, comportement social...)
Le personnage principal est Rieux, il est aussi le narrateur mais le lecteur ne l’apprend qu’à la fin. Il y a beaucoup
de personnages clés, mais le personnage du docteur Rieux est celui qui revient le plus souvent.
Le
point de vue est externe car le narrateur parle sans s’impliquer dans
l’histoire alors que celui-ci en fait parti mais il a choisi de parler
ainsi de manière a être le plus objectif possible. Bernard Rieux est un
personnage fort, il a des convictions mais le lecteur le voit parfois
troublé par ce monde qu’il trouve injuste, révoltant et cruel. Camus
exprime ses différentes pensés à travers les personnages de son livre ;
et a travers le docteur il exprime sa révolte et son indignation.
Les autres personnages sont Tarrou, qui
était lui aussi médecin et ami de Rieux. Celui-ci n’a pas de chance, il
est atteint de la peste et en succombe lorsque celle-ci commençait a
s’essouffler. Il y a aussi Rambert ; journaliste, Grand ; employé de
marie et Cottard personnage assez complexe qui se réjouit de la peste
car il devait se faire arrêter mais durant l’épidémie les autorités
semble l’oublier, ce qui lui permet de se livrer à ses activités de
trafiques en toute tranquillité. Lorsque la peste disparaît il devient
fou et se fait arrêter.
8/En quoi le roman est réaliste/naturaliste ?
En quoi peut-on dire qu'il a hérité de ces mouvements ?
Le roman est réaliste car il est écrit comme une histoire vécue, avec des lieux, des personnages, des descriptions
détaillées...
9/Quelles visions du monde?
Quelle façon de voir la vie, le monde, la réalité ?
Fournies par l'auteur, le narrateur, les personnages...
Le récit donne une vision injuste du monde, une vision cruelle.
Le
père Paneloux lors d’une messe tint ces propos : « mes frères, vous
êtes dans le malheur, mes frères, vous l’avez mérité. La première fois
que ce fléau apparaît dans l’histoire c’est pour frapper les ennemis de
Dieu. [ … ] Les justes ne peuvent craindre cela, mais les méchants ont
raison de trembler. »
Peu de temps après, un sérum est trouvé pour tenter de vaincre l’épidémie. Il est essayé sur un petit garçon, le fils de
Mr Othon ; le juge.
L’enfant
ne réussit pas à triompher de la peste mais s’est battu plus longtemps
que les autres malades. Le docteur Rieux, le père Paneloux et Tarrou
ont tous suivirent son combat heures et après heures et ont tous
beaucoup soufferts en voyant un si jeune enfant mourir dans d’atroces
souffrances. Après cela le docteur en colère se retourna contre le père
en lui disant « Ah ! Celui-là, au moins, était innocent, vous le savez
bien ! »
Ces dires soulignent l’injustice que subissent les habitants d’Oran et accentue la vision d’indifférence qu’à ce monde
pour les innocents.
10/A travers quel style ?
Quelques remarques concernant la façon d'écrire ? Un style original ou classique, ou sans grand intérêt d'âpres vous
?
Le récit est écrit d’un point de vue externe, au discours indirect pour rester le plus objectif possible sur ce que
subissent les habitants comment se déroule l’histoire …
Le
narrateur raconte donc des passages parfois douloureux, effrayant et
révoltant sans y prendre part de même le narrateur soulèvent des points
essentiels, pose des questions pertinentes mais n’y répond pas vraiment
sinon il ne serait plus objectif ce qui est parfois troublant pour le
lecteur.
11/Votre avis (critique)
-3 points que vous avez appréciés (dans le livre)
-3 points que vous n'avez pas appréciés (dans le livre)
-Globalement l’avez-vous apprécié ?
-Selon vous que retient on du livre après l'avoir refermé ?
Je
ne peux pas donner 3 point que j’ai appréciés et 3 autres que je n’ai
pas appréciés car c’est assez compliqué ; j’ai trouvé l’objectivité du
livre intéressant ainsi que l’écriture du livre et le point de vue
externe car cela incite le lecteur à chercher les réponses lui-même et
non à s’appuyer sur l’avis du narrateur. Et en même temps cette
objectivité est des fois troublante car parfois on ne sait trop que
penser et l’on aimerait que le narrateur se prononce.
De même je trouve intéressant l’ambiguïté du livre, car à travers ce qui se passe autour de la peste c’est tout un
message que l’auteur cherche a nous passer ; le fait que ce monde est injuste et cruel …
J’ai tout de même trouvé l’écriture du livre assez complexe et si je n’avais pas fait des recherches sur l’auteur je
n’aurais pas compris le double-sens de l’histoire par rapport à l’occupation allemande.
J’ai eu du mal à accrocher au début mais lorsque l’histoire est assez avancée elle devient intéressante et il est plus
facile de la comprendre.
En refermant le livre, je retiens qu’Albert Casmus était un grand écrivain mais aussi philosophe. Il a bien réussi à
cerner les hommes ; face à l’inconnu l’homme est impuissant.
Aussi
il est intéressant de voir que les temps n’ont pas vraiment changés ;
Casmus a écrit un roman en 1940 traitant d’une histoire qui s’est passé
en 194 à propos d’une grande maladie ; la peste. Les gens sont effrayés
ne savent pas comment réagir face à celle-ci et il faut du temps avant
de trouver un sérum qui n’est pas vraiment efficace.
De nos jours ce n’est pas très différent, il y a toujours de grandes épidémies et les hommes ne savent pas toujours
comment réagir face à ça.
Ministre
algérienne de la Culture, Khalida Toumi évoque les priorités de son
action. Elle insiste surtout sur le rôle primordial du livre. « Le livre est le fondement de tous les systèmes de formation »
Quelles sont vos priorités au ministère de la Culture ?
Khalida Toumi :
En Algérie, tout est prioritaire dans la culture. Nous sommes dans un
pays qui a souffert de 132 ans de colonisation de peuplement,
c'est-à-dire 132 ans de génocide physique et culturel. Cela ne fait pas
longtemps que l'on est indépendant, 47 ans. Quand vous savez que la
culture c'est la façon particulière qu'a un peuple d'être au monde, à
ses autres et d'être dans le monde, d'habiter le monde. C'est cela la
culture, et vous connaissez l'histoire de l'Algérie, alors, le
patrimoine devient fondamental. Celui qui n'a pas de mémoire ne peut
pas avoir de clef pour l'avenir. Donc, le patrimoine, sa conservation,
sa préservation, sa restauration, qu'il soit matériel ou immatériel,
tangible ou intangible, est une priorité. Je reviens à ma définition de
la culture « façon d'être au monde dans le monde », c'est-à-dire qu'il
n'y a que le patrimoine, il y a aussi les créateurs. Les créations que
vous devez promouvoir, que vous devez accompagner, que vous devez
encourager dans tous les domaines, et à travers tous les canaux, tout
est prioritaire. Ajouter à cela une complication : une trentaine
d'années après l'indépendance, l'Algérie a vécu une crise horrible, le
terrorisme qui s'est attaqué aux êtres, aux choses, au pays et à la
culture. C'est commun à tous les totalitaires du monde, ce n'est pas
une spécialité des intégristes islamistes.
— C'est la phrase de Goebbels qui disait que, dès que j'entends le mot culture, je dégaine ...
—
Oui, pour moi, j'essaye de comprendre pourquoi ils sont comme ça, et
j'ai fini par me dire qu'ils ont compris que la culture est la campagne
fidèle de la vérité et de la diversité, et la vérité est la base de la
démocratie. Les totalitaires ne peuvent pas vivre dans une démocratie,
il y a des microbes anaérobiques, c'est-à-dire si vous leur mettez de
l'oxygène, ils meurent. Vous ajoutez ces complications, tout devient
prioritaire et c'est pour cela que le ministère était obligé de
s'occuper de tout en même temps et aucun domaine de la culture ne
devait être délaissé. De ce fait, le livre est fondamental, et qui dit
livre, dit lecture publique, bibliothèques, système éducatif. J'ai la
faiblesse de croire que nous n'arriverons jamais à nous développer si
nous ne développons pas la lecture publique et si nous ne faisons pas
rentrer le livre dans le système éducatif. Je ne parle pas de livre
parascolaire, technique ou scientifique, je parle de la littérature.
C'est pour cela que le ministère de la Culture a entamé avec le
ministère de l'Intérieur une opération colossale de construction d'au
moins une bibliothèque publique par commune. En Algérie, il y a 1 541
communes. Au terme de la programmation de 2005, on a prévu 1 800
bibliothèques, nous avons réceptionné entre 2005 et aujourd'hui à peu
près la moitié. C'est colossal mais c'est nécessaire. Vous ne pouvez
pas développer le livre sans le réseau de bibliothèques de lecture et
sans le soutien direct de l'Etat. Sur une base simple, puisque nous
construisons des bibliothèques de lecture publique, il faut les équiper
en livres d'abord, donc l'Etat devient client auprès des éditeurs
nationaux des livres qu'ils vont éditer. Et comme la mine ne s'arrête
pas, pour ne pas attendre que les 1 800 bibliothèques se terminent, et
parce que nous savons que dans une commune il y a plusieurs villages,
je pense notamment aux communes de montagnes, des hauts-plateaux. Nous
avons acheté 34 bibliothèques ambulantes. Je vous prends un exemple,
une commune dans la wilaya des Aurès, à Batna, dans la montagne, vous
allez trouver 10 villages, même si je mets ma bibliothèque de lecture
publique sur le lieu de la commune, il y a 10 villages qui vont s'en
servir.
Ce
qui compte pour moi, pour le moment, c'est de terminer mon programme de
bibliothèques. Ce que je vous disais sur la politique de soutien direct
aux éditeurs par l'Etat-client qui achète par l'intermédiaire de
spécialistes, il faut que cela devienne une politique, c'est pour cela
que l'on a créé le Centre National du Livre (CNL) qui doit également
travailler pour encourager la traduction vers l'arabe et de l'arabe
vers d'autres langues, il doit encourager la création. Il faut laisser
les choses pérennes continuer. On attend que l'Etat désigne le
directeur du CNL. La première chose qu'il faut attaquer c'est la
distribution. Au-delà des bibliothèques qui vont être partout dans le
pays, il faut qu'il y ait des librairies où l'Algérien, qu'il soit à
Tamanrasset ou à Batna, doit avoir la possibilité d'acheter le livre,
c'est ça qui va développer l'industrie du livre. En Algérie, le livre
n'est pas taxé comme le reste des choses. Il faut aussi développer la
création, même si pour nous, nous savons que le livre est roi. Que ce
soit dans la formation, l'éducation, la culture, le livre est roi, et
tous les systèmes de formation en dépendent. Il n'y a que pour se
cultiver, il faut aussi s'occuper du cinéma, du théâtre et de la
musique. Il y a toute une politique de soutien à la création.
— Justement, est-ce que l'Etat soutient la création pour le cinéma et la musique ?
—
Oui bien sûr, nous avons un fonds d'aide à la création artistique et
littéraire qui nous permet d'aider le livre, le théâtre et la musique.
Et nous avons un deuxième fonds d'aide à la création cinématographique.
Bien sûr, aucun film ne se fait depuis les années 2000 si l'Etat ne le
soutient pas à travers ce fonds. L'aide à la production et à la
réalisation se fait, mais il y a deux graves problèmes qui sont celui
de l'exploitation et celui de la distribution qui ne pourront être
réglés que le jour où le ministère de la Culture pourra récupérer les
salles de cinéma existant et qui sont fermées et qui sont entre les
mains des mairies qui n'ont pas les moyens de les gérer. On veut les
récupérer non pas pour les gérer, mais on veut en faire comme pour le
livre, c'est-à-dire mettre en place un cahier des charges et former des
jeunes, nous savons le faire. Notre objectif est d'arriver d'ici 3 à 4
ans à ouvrir au moins une centaine de salles dans notre pays et
permettre au cinéma de ne plus dépendre exclusivement du fonds d'aide
cinématographique où l'Etat met de l'argent à fond perdu et
s'autofinancer par les ventes créées dans les salles. Nous développons
une très grande politique de formation, nous avons l'Institut supérieur
des métiers de l'audiovisuel et des arts de spectacle où l'on forme des
jeunes, que ce soit pour le théâtre ou pour le cinéma. Malheureusement,
à cause des conditions difficiles que nous avons vécues pendant la
décennie noire, beaucoup de réalisateurs sont partis, et pendant ce
temps, les Algériens étaient en train de résister pour défendre leur
pays. Tout est à faire, il y a un très grand programme de formation
avec nos cinéastes qui sont à l'étranger. Je parle de cinéastes
confirmés et qui ont 50 ans, de grands réalisateurs et qui reviennent
en Algérie pour faire un film et le ministère fait avec eux des
conventions, on vous aide à condition que vous produisiez. Pour le
théâtre, nous avons ouvert, depuis que je suis au ministère, en plus du
Théâtre national, une dizaine de théâtres régionaux à travers le pays,
et il y a une autre dizaine qui va être encore ouverte. La formation
pour le théâtre est bien assurée dans notre Institut. Il n'y a pas de
développement culturel si l'Etat ne soutient pas financièrement, ce
n'est pas du perdu, car c'est un investissement dans l'être humain,
c'est lui qui va construire et non pas détruire. On ne peut pas nous
demander de faire ce que font les Américains, car nous avons une
histoire différente.
Nous
développons la formation dans tous les domaines : le théâtre, le
cinéma, les beaux-arts, la musique, le métier du patrimoine bien sûr.
Pour le patrimoine, il a fallu le prendre en charge. La première chose
qu'il fallait faire était de mettre en place certains dispositifs, des
lois et des règlements. C'est une tâche énorme. Le patrimoine est la
chose qui n'a pas de prix et est tellement fragile. Il fallait agir
dans un cadre très réglementé et entamer l'inventaire qui ne se termine
jamais, il y a tous les jours des découvertes. Par exemple, à la place
des Martyrs, on a découvert une ville sous la ville. La France a
bétonné 2 000 ans d'histoire. Une fois que l'on a mis les textes en
place, aujourd'hui, notre travail c'est inventorier, classer,
restaurer. Cela coûte très cher et prend énormément de temps. L'Etat
doit assurer un cycle culturel à la grande majorité des Algériens, car
si vous ne leur donnez pas la culture ...
— Ils sont récupérés par les autres …
—
Merci de le dire. Au-delà du droit constitutionnel, il y a la culture
qui n'a pas de prix, il y a aussi l'objectif fondamental de construire
un ciment national, autour du ciment sacré qui est l'histoire de la
guerre de la libération algérienne qui fonctionne. Ce ciment commun ne
peut être donné que par la culture, ce ne sont ni les routes, ni les
immeubles, ni les usines qui nous le donnent. Seule la culture donne un
ciment national, un minimum commun culturel qui sera à la portée de
tous les Algériens. On n'a pas besoin d'avoir un père ministre ou grand
propriétaire pour accéder à la culture. Si nous ne faisons pas cela,
comme vous l'avez dit, il y aura d'autres qui vont venir remplir ce
vide. A côté de cela, il faut s'occuper des artistes qui ont été
touchés par le terrorisme et qui ont été d'une dignité, d'une grandeur,
d'un courage exemplaires.
— Ils étaient les premières victimes ?
—
L'artiste n'est pas un fonctionnaire. Il a fallu créer des événements
pour permettre à la fois au créateur d'exprimer sa création des
événements qui permettent d'encourager cette création, notamment chez
les jeunes, et pourquoi pas mettre en valeur notre patrimoine. Tout est
lié, c'est pour cela qu'il y a une politique d'institutionnalisation
des Festivals en Algérie. On est au 110e festival institutionnalisé et
d'autres vont arriver. Cela ne veut pas dire que c'est l'Etat qui
organise. L'Etat prône un commissariat où il y a des gens d'horizons
divers et des gens du domaine qui sont conventionnés avec l'Etat sur la
base d'un cahier des charges. On dit voilà le financement, et voilà ce
que nous voulons.
Ecrivaine, juriste et ancienne première dame d’Algérie,
Anissa Boumédiennea appris à vivre auprès de son conjoint, mort il y a
plus de 30 ans. Elle a été témoin de plusieurs incidents
politiques.
C’est en
étudiant les archives de la Révolution algérienne qu’elle
découvre d’autres aspects de la personnalité de son mari
décédé il y a plus de 30 ans. Ecrivaine, juriste et ancienne
première dame d’Algérie, Anissa Boumédienne ne manque pas
souvent de jeter un pavé dans la mare, en revenant sur
l’Histoire pour la relire différemment. Il y a deux ans
environ, elle a accusé Chadli Benjedid et d’autres
responsables d’avoir décidé de débrancher les appareils de
réanimation, lorsque Boumédienne se trouvait dans le coma.
Elle a enfoncé le clou, affirmant dans la presse : «
J’assiste à des diatribes de part et d’autre de certaines
personnalités ». Et d’ajouter également : « Je ne peux pas
savoir si mon mari a été assassiné. Dieu seul le sait. Il y
avait beaucoup d’intérêts dans le monde, et sa maladie était
subite ».
Maintenant, ayant atteint un âge mûr, elle avoue que si elle
n’avait été la veuve de Boumédienne, elle aurait sacrifié de
bon gré sa vie pour ce leader hors pair. Issue d’une famille
de dignitaires, elle a appris la modestie des grands et
l’ascétisme auprès de Houari Boumédienne. En fait, elle
n’arrête pas d’énumérer les qualités de cet homme qu’elle a
vivement aimé. « C’était quelqu’un de très simple, de très
cultivé, qui détestait la vantardise ». Pourtant, c’était le
père légitime de l’armée quand Alger était La Mecque des
révolutionnaires. Il n’a jamais manqué à soutenir, « sans
réserves », l’autodétermination des peuples en lutte pour le
recouvrement de leur liberté. Sa veuve en est tout à fait
consciente et fière. En tant qu’historienne, ce qu’elle
découvre avec le temps ne fait qu’agrandir son amour pour
l’ancien chef d’Etat. Sans lui, elle n’allait pas être dans
les coulisses d’une époque politique ayant comme héros Ben
Bella, Bourguiba, Nasser ou autres ... Et c’est peut-être la
raison d’avoir un penchant pour l’Histoire qu’elle a étudiée
consciencieusement. Quelque part, elle en fait partie et en
est témoin. Et à elle de rappeler à maintes reprises que son
mari a été victime de tentatives d’attentat, comme en 1968,
mais il n’a jamais condamné à mort les auteurs de ces
tentatives. Car il était pragmatique dans ses positions et
privilégiait « les faits aux paroles ».
Partout,
là où elle va dans le monde, les journalistes l’interpellent,
lui posant les mêmes questions : Est-ce vrai que Boumédienne
s’est tourné contre Ben Bella ? Pourquoi n’a-t-il pas, dès
le début, tenu les rênes du pouvoir ? Est-il le vrai héros
de la Révolution algérienne ? Et c’est à la veuve du
président défunt Boumédienne de répondre à ce qu’elle veut,
ignorant les spéculations ou les soupçons du sensationnel.
Sur un ton posé, elle se contente de dire : « Le jour où il
a signé les accords d’Evian, il répétait que le vrai jour de
l’indépendance est celui où le pays aura son indépendance
économique ». Et d’ajouter : « Avant de conclure un accord
avec De Gaulle, il avait tout un projet pour construire
l’armée, confirmant qu’elle doit être au service du peuple,
participant à la création d’écoles, d’universités, etc. ».
Avec
elle, les histoires ne finissent jamais, évoquant un
patriotisme qui va souvent beaucoup loin que les chansons
emphatiques, truffées de nationalisme, et les drapeaux. Du
coup, les derniers événements dressant Egyptiens et
Algériens, les uns contre les autres, l’ont vivement étonnée.
« Je me suis rendue trois fois en Egypte. La dernière visite
était en 2003, afin de recevoir le prix de l’Association des
écrivains asiatiques et africains. Et mon mari, qui est
diplômé d’Al-Azhar, connaissait très bien le pays,
appréciait beaucoup son peuple et son armée. D’ailleurs, il
a souvent dit que les soldats égyptiens sont les meilleurs
de la terre ». Et d’ajouter : « Le 5 juin 1967 était un jour
de deuil pour le président Boumédienne ; la défaite a porté
atteinte à l’honneur de toute la nation arabe. Et les
dernières retouches de la guerre de 1973 ont été parachevées
dans notre villa d’Alger, lors d’une rencontre ayant
regroupé secrètement Assad, Sadate, Kadhafi et Boumédienne
». C’était durant le Ramadan de l’année 1973, Boumédienne
s’est tout de suite rendu (selon son épouse) à Moscou pour
voir Brejnev, alors furieux contre Sadate qui a renvoyé les
experts russes. L’ancienne première dame nous met dans la
confidence, rappelant la réplique de son mari, plaidant la
cause de l’Egypte. Il avait lancé à Brejnev : « Vous
prétendez souvent être les amis des Arabes, mais quand on
demande votre aide, vous nous la refusez ». Ce genre de
reproches n’a pas manqué de faire de l’effet sur Brejnev
lequel a fini par accepter d’envoyer les armes requises par
Sadate, à condition de payer cash 200 millions de dollars.
Chose que Boumédienne a exécutée d’office. En outre, ce
dernier a fourni du pétrole à l’Egypte et à la Syrie et a
envoyé des soldats algériens au Canal de Suez. « On en a
même parlé dans la presse française, notamment de Abderrazeq
Bouhara, qui a fait preuve de courage et a été blessé sur le
front ».
Madame
Boumédienne nous plonge dans les coulisses d’un monde révolu.
Elle ne manque pas d’ailleurs de faire un parallélisme
Egypte-Algérie, disant : « Boumédienne n’a pas voulu refaire
le même scénario de Nasser et Mohamad Naguib ». Et de
poursuivre : « Ben Bella s’est contenté de nationaliser les
petits commerces ou activités économiques : épiceries,
salons de coiffure, hammams ... La sécurité faisait défaut
en Algérie, les enlèvements étaient très courants. Ce, sans
compter les tribus rebelles et les grèves multiples d’Oran
». De nouveau, Anissa Boumédienne nous fait vivre dans le
passé, très frais dans sa mémoire. En fait, elle vit avec
lui en quelque sorte. Elle raconte le chaos régnant sur le
pays à cette époque : dévaluation de la monnaie,
détérioration économique ... et dans tout cela, une lueur
d’espoir que l’on s’accordait à appeler le panarabisme. Elle
aussi, elle y croit. « Boumédienne répétait souvent que nos
ennemis adoptaient le principe de diviser pour régner ».
Elle rappelle le bon vieux temps lorsque Kadhafi est
intervenu afin d’assainir les relations entre l’Egypte et
l’Algérie ou encore lorsque Sadate a déployé des efforts de
médiation entre Boumédienne et le colonel libyen. C’était
l’heure de la réconciliation. « Les fanatiques doivent
surmonter leur colère, favorisant le bien des peuples. Cela
vaut beaucoup plus qu’un match de football ; le sport doit
rapprocher les gens et non pas le contraire ».
Tous ces
événements, dont elle a été témoin, ne signifient guère
qu’Anissa Boumédienne vit dans le passé. Des années se sont
écoulées depuis la mort de son mari et président, et la
première dame s’est imposée en tant qu’une intellectuelle
qui touche à tout. Tantôt l’on retrouve son nom parmi les
conviées des dîners et rencontres de la résistance iranienne.
Tantôt elle présente un exposé académique pour démontrer, à
travers une analyse lexicale du Coran, que l’islam est une
religion de paix, d’amour et de tolérance. Ce, aux antipodes
de l’image qui en est donnée par les intégristes de tout
poil. Une conférence par-ci, une soirée de dédicace par-là,
elle écrit en français sur une histoire dont elle a fait
partie.
À l’époque des transatlantiques et de la marine à vapeur, quand apercevoir la Skyline
de New York depuis le pont supérieur de votre paquebot définissait
votre rapport primesautier au monde, émerveillé par la découverte
inopinée de cette côte sauvage luisant dans le ciel américain – avec en
toile de fond l’orgueil des nations émancipées dans le rêve des
sentences, de celles qui proclament « le droit au bonheur » – Albert
Camus débarque à New-York pour la première fois de sa vie, au lendemain
de la guerre.
Au contact vivifiant du vent de
l’Hudson il arbore son personnage avec gourmandise. Sûr de son charme,
de son élégance et de sa démarche il apparaît aux yeux des jeunes
étudiants de NYC et de Columbia comme l’incarnation
du modèle absolu du héros de la liberté. Écrivain célèbre, résistant,
journaliste lucide et respecté, Albert Camus en impose à ses auditeurs.
De plus il y a cette voix chaleureuse, cette façon de prononcer les
mots et de les amener à exprimer votre sentiment le plus profond, votre
pensée la plus émancipée. Toutes bouches tues, tous regards
énigmatiquement posés sur l’orateur, on entend ce discours prononcé à
la tribune des universités, préfiguration de ce que sera le fameux
discours de réception du Prix Nobel en 1957.
Albert Camus a rédigé le texte de son
intervention, en anglais, pendant la traversée atlantique. Il y est
essentiellement question de la condition humaine bafouée par les six
années de conflit armé qui plongèrent le monde dans les flammes et la
stupéfaction. Ce terreau formateur sur lequel naît et croît la pensée
d’Albert Camus est condensé dans ce texte de circonstance,
redéfinissant le modus operandi avec lequel il affûte son rôle de
médiateur en cette époque nihiliste. Ces bornes réflexives permettent
de comprendre les mécanismes de l’écriture, de la méditation et du
déchiffrement des données de l’expérience. Et c’est aussi une vue
d’ensemble sur la construction de la personnalité, loin des tonalités
d’un être au monde qui ne serait pas avant tout une pensée en actes et
en discordes.
À travers le récit circonstancié de
différentes expériences au coeur de la tourmente Albert Camus offre à
ses auditeurs un aperçu de ce que peut la littérature face aux
monstruosités qui se profilent : le cataclysme nucléaire, la peine de
mort, le danger permanent de la rancoeur et du ressentiment à l’heure
de la reconstruction européenne.
Dans la variété des références
convoqués l’homme met en lumière sa sensibilité du moment, celle de
l’élaboration d’un pacte solidaire avec les victimes de la furie
mondialisée. Ainsi ce qui se dévoile c’est avant tout la générosité
avec laquelle Albert Camus propose une alternative aux jeunes gens de
la nation américaine : abandonner les vieilles habitudes qui ménent au
désastre, laisser de côté une bonne fois pour toutes tout sentiment de
servitude, d’hostilité et de découragement, sans quoi nous ne
ressemblerons plus qu’à ces vieilles écorces figés et creuses,
contenant en leur sein la sève sèche qu’on entrepose dans le Panthéon…
de nos défaites les plus cuisantes.
L’information a
fait grand bruit, il y a quelques semaines de cela : le Président de la
République, Nicolas Sarkozy, a émis l’hypothèse d’un transfert de la
dépouille de l’écrivain Albert Camus (1913-1960) au Panthéon, au
fronton duquel il est inscrit « Aux Grands hommes, la Patrie
reconnaissante ». L’ancienne église dédiée à Sainte-Geneviève,
transformée en « Temple républicain » au moment de la Révolution
française, pourrait donc recevoir prochainement les restes mortuaires
de l’auteur de l’Etranger, qui rejoindrait ainsi les quelques
grands écrivains français déjà « panthéonisés » au fil des siècles :
Alexandre Dumas, André Malraux, Émile Zola, Victor Hugo, Rousseau et
Voltaire... C’est dans le contexte de la célébration des 50 ans du
décès de Camus que Nicolas Sarkozy a émis cette idée ; le président
déclarait récemment « La décision n’est pas encore prise mais ce serait
un symbole extraordinaire de faire entrer Albert Camus au Panthéon. (…)
J’ai pensé que ce serait un choix particulièrement pertinent. (…) Dans
cet esprit, j’ai déjà pris contact avec les membres de sa famille, j’ai
besoin de leur accord ». Un symbole de quoi ? Qui entrerait au
Panthéon ? L’écrivain humaniste de gauche ? Le résistant ? L’algérien
pied noir ? Le journaliste ? L’anticolonialiste farouche ? L’artiste ?
Le dramaturge ? Celui qui a eu raison de Sartre à propos du communisme ?
Est-ce là un symbole profond ou un vulgaire signal politique,
destiné à relancer – par les morts - la politique d’ouverture, et à
effacer l’image anti-intellectualiste du Président ? Camus, en somme,
serait plus « utile » que Madame de Lafayette, auteur de la Princesse de Clèves...
L’intérêt passionné de Nicolas Sarkozy pour Camus n’est cependant pas
nouveau. En 2007, le président avait déjà réuni la famille et les amis
de l’écrivain pour célébrer le cinquantième anniversaire du Prix Nobel
de littérature que l’auteur de La Peste avait reçu en 1957, et
accepté de bonne grâce (à la différence de son ami, puis « moins ami »,
Jean-Paul Sartre). La panthéonisation (ou « panthéonade » selon le mot
de Régis Debray) serait donc d’abord une étape supplémentaire dans ce
culte que Sarkozy voue à l’écrivain et philosophe existentialiste. Un
culte qui étonne, compte-tenu de la « distance » intellectuelle et
politique qui sépare les deux hommes, qui se retrouvent peut-être
uniquement – diront les moqueurs – sur la passion du foot, dont Camus
disait : « Ce que je sais de plus sûr sur la moralité et les
obligations des hommes, c’est au football que je le dois ».
Le Figaro évoque « l’honneur fait à Camus », et salue l’initiative de Sarkozy
Avant de nous pencher sur les diverses réactions suscitées dans les
médias par cette entrée éventuelle d’un philosophe contemporain dans le
Temple républicain des « grands hommes », voyons la portée politique
d’une telle décision. Car il n’y a pas plus politique que
l’acte de faire entrer un nouveau résident au Panthéon. Si la procédure
prévoit formellement que la proposition vienne du Premier Ministre, et
sur rapport du Ministère de la Culture, il s’agit en réalité d’une
prérogative forte du Président de la République, et chaque
panthéonisation a été l’occasion de marquer un jalon symbolique fort
dans un septennat, qui est maintenant un quinquennat, c’est dire si le
rythme infernal des entrées au Panthéon risque de s’accélérer, au
risque de la banalisation. D’autant que, tel le caveau de famille de la
chanson Supplique pour être enterré sur la plage de Sète de Georges Brassens le Panthéon sera bientôt « plein comme un œuf » [1].
Pour n’évoquer que le passé récent, l’entrée de Jean Moulin au
Panthéon, en 1964, avait permis au Général de Gaulle, avec l’appui
d’André Malraux (qui avait écrit et prononcé à cette occasion un
anthologique discours), de marquer son attachement aux Résistants, et
de réactiver son image de sauveur de la France, engoncée depuis 1958
dans les habits confortables de la V ème République. Dans le contexte
du bicentenaire de la Révolution française, en 1989, la panthéonisation
de L’Abbé Grégoire, de Gaspard Monge et surtout de Condorcet, avait
permis à François Mitterrand d’ancrer la gauche socialiste des années
80, dans la perspective historique de la grande Révolution de 1789, des
sans culottes et du refus de la France d’ancien régime. Cela avait été
l’occasion de l’une de ces ridicules envolées lyriques dont Jack Lang a
le secret : « Révolutionnaires en votre temps vous l’étiez.
Révolutionnaires en notre temps vous le demeurez... Alors Salut et
Fraternité. Bienvenue chez vous dans le temple de la République, dans
le Parlement fantôme des hommes libres, égaux et fraternels. » Un
transfert encore plus symbolique que symbolique, dans le cas de
Condorcet, puisque sa dépouille a été perdue depuis des siècles, et
qu’il s’agit d’un cercueil vide qui repose au Panthéon.
Le transfert des cendres de Pierre et Marie Curie avait été
l’occasion, pour François Mitterrand, en 1995, de réparer l’injustice
sexiste qui faisait qu’il n’y avait encore aucune femme au Panthéon (au
fronton duquel on ne lit toujours pas « Aux grandes femmes la Patrie
reconnaissante » - alors qu’il est parfois bien plus agréable de passer
un moment avec une femme grande plutôt qu’avec un « Grand homme »).
Le quotidien régional Sud-Ouest signale que Camus est déjà dans le panthéon littéraire des français
Très peu de temps après son arrivée au pouvoir, Jacques Chirac avait
annoncé le transfert des cendres de l’écrivain André Malraux. En
novembre 1996, à travers une grande cérémonie lyrique, au côté de
Maurice Schumann et de Pierre Messmer, le nouveau Président de la
République ne rendit pas seulement hommage au Résistant, à
l’anti-fasciste et au tout premier Ministre de la Culture français, il
s’inscrivit dans la tradition du gaullisme, dont Malraux est l’un des
plus ardents représentants.
Et lorsque le même Chirac envoya Alexandre Dumas au Panthéon, en
2002, il rendit d’abord hommage au génie littéraire de l’auteur des Trois Mousquetaires
« Avec ce geste, la République donnera toute sa place à l’un de ses
enfants les plus turbulents et les plus talentueux, dont toute la vie
fut au service de notre idéal républicain », mais tout le monde salua
surtout bruyamment l’entrée dans le « Temple Républicain » d’un grand
homme à la peau foncée, puisque – et tout le monde l’a découvert à
cette occasion – Dumas était métisse. Pour se remettre dans l’ambiance
de cette célébration du métissage on peut citer ce fragment de dépêche
AFP rendant compte de la cérémonie : « Montée sur un cheval blanc, une
Marianne métisse —rappelant les origines du quarteron Alexandre Dumas,
petit-fils d’une esclave— est venue au devant du cercueil quand
celui-ci a atteint le parvis. Pour la toute petite histoire, le cheval
était celui utilisé par l’acteur Christian Clavier dans son film,
Napoléon. » Quand les Bronzés font du ski rencontrent Dumas, nous entrons vraiment dans le show...
Bref, si chaque transfert au Panthéon est un spectacle, scénarisé
pour la télévision (qui ne manque pas de retransmettre l’événement en
direct), chacune de ces opérations lyriques et théâtrales est aussi un
numéro de haute-voltige politique, si ce n’est même de claquettes. Le
projet de faire entrer Albert Camus au Panthéon ne fait pas exception à
la règle.
Revenons à Camus. Est-ce vraiment l’amateur de sports que Sarkozy
veut faire entrer au Panthéon – comme le disent les mauvaises langues ?
Un Camus sincèrement amateur de sport, d’ailleurs, et de l’exaltation
du corps, comme l’illustre ce reportage burlesque des années 50...
Dans cette séquence des « Actualités françaises » du 23/10/1957,
Albert Camus, qui vient juste de recevoir son Prix Nobel de littérature
assiste, au Parc des Princes, à un match de foot entre Monaco et le
Racing Club de Paris (les « culottes noires »)... l’occasion pour le
journaliste de questionner l’écrivain sur son rapport au sport. Et l’on
découvre incidemment que Camus a été goal dans l’équipe
universitaire d’Alger... Même s’il existe une internationale des
footeux, et que l’amour du sport est plus fort que la mort, on peut
douter que la motivation du jogger Sarkozy s’arrête à ce « Camus » là.
Alors lequel ? Et qu’est-ce qui a pu provoquer une telle hostilité à ce
projet parmi les habituels commentateurs de la presse ?
Cette irritation vient naturellement du fait que Nicolas Sarkozy
cherche à célébrer la mémoire d’un intellectuel qui ne fait pas partie
de sa famille de pensée, de sa famille politique, et de ce que tout le
monde pensait être son horizon familier. C’est l’universitaire
Jean-Yves Guérin [2],
qui a résumé avec le plus de force ce décalage présumé qui ressemble
furieusement à une annexion de l’écrivain de gauche par le Président :
« (la récupération) de Camus par Sarkozy est idiote et scandaleuse. La
politique sarkozyste est anti-camusienne au possible, du bouclier
fiscal aux copinages du Fouquet’s, en passant par la fréquentation de
tous les tyrans de la planète. Camus, qui n’a jamais appelé à voter que
pour Mendès-France, n’aimait pas fréquenter les hommes politiques,
qu’il considérait comme "des hommes sans idéal et sans grandeur" »
L’incompatibilité serait donc totale...
Le Camus nouveau symbole de l’ouverture sarkozyste a
également fait bondir l’essayiste Olivier Todd, auteur d’une biographie
de référence sur l’auteur de La Peste : « Ça ne colle pas du tout avec
sa personnalité. Camus n’a rien à faire dans ce monument qui est l’un
des plus laids de Paris avec le Sacré-Cœur ». Il est vrai que le petit
village de Lourmarin, aux portes du Lubéron, où repose actuellement
l’écrivain a plus de charme que le fameux temple républicain, dont
l’esthétique et la pompe épaisse frôlent toujours le kitch écœurant...
Todd dénonce avec véhémence : « les prétoriens intellectuels
récupérateurs de l’Élysée » qui sont à l’origine de ce qu’il voit comme
un coup politicien, indifférent à la vérité de l’œuvre de
Camus. M. Guaino serait-il un véritable prétorien ? Première nouvelle.
M. Todd tient là une idée qu’il développera largement devant les
caméras de télévision dans le cadre de cette polémique médiatique.
Michel Onfray, comique troupier de l’alter-philo anti-universitaire,
a adressé pour sa part une pénible et interminable « lettre » ouverte à
Nicolas Sarkozy, dans les colonnes du Monde (25 novembre dernier) ; et
comme la modestie ne l’étouffe pas, Onfray a commencé sa missive par
une référence à demi-voilée à la chanson Le déserteur de Boris
Vian : « Monsieur le Président, je vous fais une lettre, que vous lirez
peut-être, si vous avez le temps »... dans cette lettre intitulée
« Monsieur le Président, devenez camusien », le philosophe invite
Sarkozy à « partager la philosophie » de l’auteur de La Peste.
Onfray n’est pas contre l’idée d’un transfert au Panthéon de celui
qu’il réduit scandaleusement à l’identité d’un « boursier de
l’éducation nationale », mais voudrait que le Président se conforme à
son humanisme, et aussi à son amour-passion des luttes syndicales...
« Et puis, Monsieur le Président, comment expliquerez-vous que vous
puissiez déclarer (...) que, " désormais, quand il y a une grève en
France, plus personne ne s’en aperçoit ", et, en même temps, vouloir
honorer un penseur qui n’a cessé de célébrer le pouvoir syndical, la
force du génie colérique ouvrier, la puissance de la revendication
populaire ? »... Le génie colérique ouvrier... face à la flegmatique
morgue patronale ? Et Onfray de terminer sur un ton désagréable et un
peu menaçant... « Si vous aimez autant Camus que ça, devenez camusien.
Je vous certifie, Monsieur le Président, qu’en agissant de la sorte
vous vous trouveriez à l’origine d’une authentique révolution qui nous
dispenserait d’en souhaiter une autre. » C’est : ou tu te convertis à
la morale camusienne (réduite par Onfray en un fatras grossier fait
d’éloge du syndicalisme et d’apologie de la culture ouvrière), ou c’est
la révolution dans le pays ! Les Renseignements Généraux sont sur les
dents ! Les bourgeois tremblent ! Les capitaux prennent l’avion pour la
Suisse ! Par pitié, Nicolas, devient vraiment camusien... au risque du
chaos total.
La violence de ces points de vue farouchement opposés au projet
sarkozyste va faire réagir, sur le site web du Monde, un autre
spécialiste d’Albert Camus, Franck Planeille, qui vient d’éditer pour
Gallimard la correspondance entre René Char et l’écrivain
panthéonisable. Dans une tribune vengeresse titrée « Albert Camus et
l’opinion des silencieux », Planeille va s’interroger sur la légitimité
douteuse de ces voix se croyant « autorisées » à condamner brutalement
ce projet de célébration républicaine. « La nouvelle de l’entrée
possible d’Albert Camus au Panthéon a suscité depuis quelques jours,
dès son annonce, des réactions courroucées, des "charges" d’une
violence insoutenable » écrit le camusien émérite, avant de poursuivre
par cette interrogation agacée : « Mais qui sont Guérin, Todd ou Bergé
pour aussitôt sauter sur l’actualité comme la misère sur les
pauvres ? » [3]
Critiquant longuement leur posture de procureurs du bon goût, Planeille
défend les « silencieux », ceux qui apprécieraient qu’un auteur aussi
populaire que Camus – si lu dans le secondaire et tellement ignoré par
l’Université – entre au Panthéon et soit honoré par la République :
« Et ces gens-là (les « silencieux ») n’acceptent pas qu’on leur fasse
la leçon comme à des illettrés, quand ils portent dans leur cœur
l’œuvre d’un homme semblable à eux et qui ne fut jamais, lui, un
donneur de leçons » Dont acte.
Dans un genre différent, le philosophe Raphaël Enthoven s’interroge,
dans une chronique du 26 novembre dernier intitulée « Pour Camus », sur
le sens de cette panthéonisation imminente : « A première vue, l’entrée
de Camus au Panthéon serait un contresens : qu’importe à la mémoire de
"l’homme révolté" l’hommage de la patrie reconnaissante ? N’est-ce pas
le tuer deux fois que d’enfermer l’esprit libre dans les murs de
l’institution ? Au contraire... ». Rappelant que Camus n’avait jamais
refusé les honneurs de son vivant (et le Prix Nobel n’en est pas un
petit), il en déduit qu’il n’est pas absurde de l’enfermer – avec les
honneurs et la pompe sarkozyste - entre les quatre murs de ce temple
républicain dans lequel il rejoindra les siens. Répondant aux
spécialistes de Camus qui ont crié au scandale et se sont érigés en
Fouquier Tinville de la littérature, Enthoven écrit : « Camus n’est à
personne ? Certainement. A ce titre, le faire entrer au Panthéon, c’est
le soustraire à la mainmise de ses biographes et des gardiens de son
Temple : un tombeau lui va mieux qu’une chapelle. » L’ex-compagnon de
Carla Bruni conclut en rappelant que Camus – politiquement inclassable
(dit-il) - n’a jamais été récupéré, et ne le sera certainement pas non
plus par le Sarko-système : « Réactionnaire aux yeux des communistes,
communiste aux yeux des réactionnaires, chrétien pour les athées, athée
pour les chrétiens, Camus n’était que l’homme d’une "foi difficile",
qui cherchait "une règle de conduite loin du sacré et des valeurs
absolues" » Un Camus, un peu rêvé, évoluant hors des « systèmes »
philosophiques et des idéologies politiques... Vision légèrement naïve
– et assez récurrente – d’un franc-tireur qui ne craignait pas de se
faire haïr pour ses idées inorthodoxes et ses positions inattendues. Un
moraliste dont il émanait aussi une légère impression de « tiédeur »
intellectuelle diront ses ennemis.
Au delà des pages « Débats » des grands quotidiens parisiens,
l’ensemble des médias de masse se sont jetés dans l’arène de cette
dispute. Voici un exemple avec un reportage de la chaîne d’information
continue BFM TV, qui revient – après un petit portrait biographique de
Camus – sur les enjeux de cette polémique qui restera comme l’un des
sommets de bavardage médiatique les plus amusants de la Sarkodyssée.
La chaîne d’info va chercher une figure médiatique assez connue,
l’inévitable François Busnel directeur de la rédaction du mensuel Lire,
afin de lui faire dire : « Aujourd’hui Nicolas Sarkozy n’apparait pas
nécessairement comme celui qui, dans sa politique, incarne le mieux les
valeurs humanistes, les valeurs de gauche, d’Albert Camus ».... Comme
si le président de la République devait « incarner » les valeurs de
celui ou ceux qu’il panthéonise... Comme si Chirac avait été à la
hauteur de Malraux ou Mitterrand était arrivé à la cheville de
Condorcet. Spécialiste du marketing littéraire, Busnel assène son
slogan longuement pensé : « On se rend compte qu’il s’agit plus d’une
OPA sur Albert Camus... » Une « OPA » présidentielle, pas moins. Le
décor, constitué d’une bibliothèque fournie termine de donner sa
respectabilité au personnage. Dans ce jeu de massacre l’anti-Sarkozysme
est élevé au rang d’humanisme. Défendre Camus contre les assauts du
Président devient presque un devoir antifasciste élémentaire.
Le journal du week-end de Claire Chazal du 20 novembre dernier
donnait également un écho non négligeable à cette polémique. Un
reportage de 1’30 (une éternité en temps télévisé...) de Marion
Gaultier proposait également un retour sur le parcours biographique de
l’écrivain, avant d’entrer dans le vif du débat. Cette fois-ci c’est
Olivier Todd en personne qui est convoqué. Lui ne parle pas d’ « Opa »
comme Olivier Busnel, mais d’une « opération de recyclage politique »,
et s’interroge ironiquement sur l’éventuelle entrée prochaine de Sartre
himself – tant que l’on y est ! - dans le temple républicain des
grands hommes. Il voit à nouveau cette volonté présidentielle comme un
« contre-sens » et soupçonne Nicolas Sarkozy de ne pas avoir lu
Camus... Le Président, rattrapé par son image d’anti-intellectuel
impénitent voit condamnées ses moindres velléités culturelles.
La journaliste de TF1 qualifie l’auteur d’ « écrivain, philosophe,
humaniste engagé »... C’est Roger-Pol Droit, dans les colonnes du Point
du 10 décembre dernier, qui met les pieds dans le plat, avec une « mise
au point » titrée « Albert Camus est-il un philosophe ? » La question
se pose car on reproche moins au président Sarkozy d’aimer la
littérature de Camus, que d’annexer sa « morale » ou même sa
philosophie.
Entre les années quarante et les années cinquante Albert Camus va publier deux ouvrages de philosophie Le mythe de Sisyphe
(1942), au sein duquel il entreprend de dénoncer l’absurdité de la
condition humaine dans une perspective existentialiste (faisant
intervenir de longues réflexions sur le suicide) ; et L’homme révolté
(1957) dans lequel il dénonce – à quelques années de la mort de Staline
– les dérives possibles des révolutions, tout en faisant de la
« révolte » (fût-ce à la révolution) une attitude fondamentale et
naturelle de défense, de résistance, face au monde. Allant même jusqu’à
développer ce cogito vite oublié : « Je me révolte, donc nous sommes ». L’homme révolté marquera sa rupture avec Sartre et la chapelle existentialiste.
Pour autant, ainsi que le rappelle Roger-Pol Droit, Camus ne s’est jamais perçu lui-même comme un philosophe. L’auteur de La chute
déclarait notamment « Pourquoi suis-je un artiste et non un
philosophe ? C’est que je pense selon les mots et non selon les
idées... » Au-delà des essais philosophiques – qui n’ont pas marqué
véritablement l’histoire de la pensée contemporaine et que l’on
n’étudie plus guère à l’Université – il faut donc chercher ailleurs la
morale camusienne... dans ses romans, son théâtre, ses écrits privés,
etc. Roger-Pol Droit résume ainsi cette sagesse : « (un) balancement
sans pareil entre le constat que le monde ne permet aucun espoir, et la
décision d’agir... », et le journaliste de rappeler la réponse de Camus
à la question d’un reporter lui demandant quelle était sa position
politique : « la position d’un solitaire ». Une attitude de
bande-à-part, ancrée à gauche, humaniste, mais animée aussi d’un
certain désespoir lyrique face à l’absurdité de la vie. Une posture en
effet difficilement récupérable, comme le disait Enthoven, car elle
relève davantage d’une psychologie personnelle, d’un état d’âme, que
d’une philosophie ou d’une sagesse... Mais il y a toujours matière à
piller le cadavre d’un écrivain...
Le quotidien régional La Montagne rappelle que l’écrivain humaniste est un classique du programme de français au lycée
Au-delà du « sage humaniste » et du moraliste littéraire, c’est
naturellement l’Algérois que Nicolas Sarkozy veut panthéoniser, afin de
faire un « symbole extraordinaire », et ce en plein débat sur
l’identité nationale... On le voit venir de loin, avec ses chaussettes
à clous, ce « choix pertinent »... l’écrivain restera à Lourmarin dans
son premier tombeau, le « sage » continuera à se prélasser sous le
soleil d’Alger, tandis que l’entité ectoplasmique qui entrera au
Panthéon sera le symbole lourdeau d’un modèle de réussite républicaine.
La réussite d’un petit garçon né en Algérie, d’une famille pauvre,
et qui deviendra l’un des plus grands écrivains contemporains, couronné
par un Nobel. C’est le Camus fantasmé par Michel Onfray qui va
l’emporter sur le styliste extraordinaire de La Chute. Dés
lors, on entend d’ici le discours de Nicolas Sarkozy, qui sera écrit
par Henri Guaino... « Entre ici, Albert Camus... » Entre ici sous ta
forme de symbole républicain fantomatique, dépouillé de ta carapace
aristocratique d’artiste. On imagine la cérémonie télévisée, les
références à l’immigration, à l’Algérie, à l’intégration, au modèle
égalitaire français laissant sa chance à-tous-et-à-chacun... On
devine d’ici les contours de cette orgie de symboles et d’images
caricaturales. Et c’est déjà la nausée. Non parce que Sarkozy va faire
de Camus un outil politicien du sarkozysme, mais un accessoire de la logorrhée moderniste ambiante. Une vulgate grossière de self-made-man
comme le grand roman républicain en produit régulièrement à la chaîne.
Un symbole de la réussite, qui est en effet accessible à tous ;
négligeant – au delà du brillant parcours de l’élève « boursier » -
l’écrivain qui a toujours cultivé le trésor de son talent (son génie ?)
individuel.
.
Notes
[1]
Voici l’extrait que j’évoque : « Mon caveau de famille, hélas ! n’est
pas tout neuf, Vulgairement parlant, il est plein comme un œuf, Et
d’ici que quelqu’un n’en sorte, Il risque de se faire tard et je ne
peux, Dire à ces braves gens : poussez-vous donc un peu, Place aux
jeunes en quelque sorte. »
[2] Il vient de diriger un « Dictionnaire Albert Camus » (chez Robert Laffont)
[3] Le triste Pierre Bergé ayant accusé Albert Camus de faire de la « littérature pour instituteurs »...
Récupérer Albert Camus ? Le poing levé l'Albert Camus.
La volonté qu'ont exprimée certains à vouloir récupérer Albert Camus
m'a interpellé. Non pas que je considère qu'un auteur, quel qu'il soit,
puisse être "intouchable", mais que je pense qu'il ne convient jamais
de distordre les idées d'un homme.
Il faut donc bien en
revenir au texte même, aux propres mots de l'auteur, et ne pas essayer
de leur faire dire ce qu'ils ne disent pas, et ce qu'il n'ont jamais
voulu dire.
=> "La
société de l'argent et de l'exploitation n'a jamais été chargée, que je
sache, de faire régner la liberté et la justice. Les états policiers
n'ont jamais été suspectés d'ouvrir des écoles de droit dans les
sous-sols où ils interrogent leurs patients. Alors, quand ils oppriment
et qu'ils exploitent, ils font leur métier, et quiconque leur remet
sans contrôle la disposition de la liberté n'a pas le droit de
s'étonner que la liberté soit immédiatement déshonorée."
Sans tout mélanger, on peut quand même rapprocher ces propos datés de
1953 à l'époque actuelle. Pour faire quoi de ce rapprochement ?
Probablement pour dire que si Albert Camus est un immense auteur, et un
penseur incontestable, c'est qu'il y a une universalité de ces propos,
et que la situation actuelle de la France et de certains Français
aurait choqué le grand homme.
=> "La
libération sera économique ou elle ne sera rien. Les opprimés ne
veulent pas seulement être libérés de leur faim, ils veulent l'être
aussi de leurs maîtres". "La propriété c'est le meurtre".
Décidément, si j'ose m'exprimer vertement, Albert Camus n'y allait pas
"avec le dos de la cuiller". Et surtout, il n'était pas l'homme
consensuel que d'aucuns ont essayé de nous "vendre" très récemment.
C'est très probablement parce que j'aime et que je ressens vivement
Albert Camus (ami de Jean Senac) et son oeuvre que j'ai perçu ces
tentatives d'appropriation, de récupération, et pire, de
travestissement, mais j'imagine que les exemples sont hélas multiples.
Par son parcours, ses idées, son humanisme, Albert Camus aura été,
aussi, le porte-parole des opprimés et des démunis. Il est indécent de
transformer son poing levé en une poignée de main servile.
Les commentaires récents