Il semble que les Tipaziens soient comme cet ami de Flaubert qui, au moment de mourir, jetant un dernier regard sur cette terre irremplaçable, s'écriait :Fermez la fenêtre, c'est trop beau !
Camus : "Une matinée liquide se leva, éblouissante, sur la mer pure. Du ciel, frais comme un oeil, lavé et relavé par les eaux, réduit par ces lessives successives à sa trame la plus fine et la plus claire, descendait une lumière vibrante qui donnait à chaque maison, à chaque arbre, un dessin sensible, une nouveauté émerveillée."
Restons à Tipasa. Que nous dit Gabriel Teuler dans ses Espaces des étés :
« Tipasa, un certain retrait temporaire de l'esprit : je rencontre de nouveau Camus. Un peu de phrases résume ma modeste confrontation : les mêmes choses nous donnent à tous deux une attitude différente, mais d'à peine, c'est matière de nuances, à quoi je tiens pourtant ; alors que Camus jeune fait son bonheur de cette vie algérienne frugalement riche, je n'accueille pas sans crainte mon désir de me simplifier, y trouvant parfois un bien désiré, mais difficile comme certaines hygiènes efficaces, et parfois un mal puisque impossibilité. C'est peut-être ce que Camus n'a pas trouvé que je cherche encore, mais bien persuadé que c'est introuvable. J'ignore si c'est aussi un visage de l'absurde, mais c'est simplement absurde, comme l'est ce dans quoi on persiste sans espoir, avec clairvoyance. On peut vivre sur une erreur même reconnue quand on veut vivre encore.
.
La Grande Basilique chrétienne de Tipaza
Les mosaïques, les colonnes inégales, la terre rouge. . . Que de fois ai-je mis mes pas dans les pas de Camus?
Mosaïques dans la Basilique
Chez Camus, comme chez tous
les inquiets, il y a un moment où la tension se relâche, où le coeur
l'emporte sur l'esprit, il y a le temps de la "distraction". Alors le
philosophe s'oublie, il oublie de couper les cheveux en quatre. Il
entre nu dans l'eau et sourit au soleil, il chante, il est poète. Son
"appétit de clarté" se satisfait des fleurs, du sable, d'un corps
tiède.Le contrôle des mots s'arrête ou commence la liberté de jouïr. Le
voici "réconcilié". Le "silence déraisonnable du monde" fait place à la
réponse prodigue des routes vers la mer et des lèvres charnues.
"Devant
cette odeur d'amour et ses fruits écrasés et odorants, Mersault
comprit alors que la saison déclinait. Un grand hiver allait se lever.
Mais il était mûr pour l'attendre.De ce chemin on ne voyait pas la mer,
mais on pouvait apercevoir au sommet de la montagne des brumes légères
et rougeâtres qui annonçaient le soir."
Le decumanus :
.
Les commentaires récents