Une
exposition archéologique frappante a réuni pour la première fois la reine
légendaire de l'antiquité, Cléopâtre et ses quatre enfants dont la plus
connue, Cléopâtre Selene, la reine de Cherchell.
L'exposition
tourne autour de la thèse que Julius César étant séduit par l'esprit et
la beauté de cette reine africaine mythique, envisageait de créer un
véritable culte autour de ce personnage en la présentant comme la
déesse vénus. Cet acte portait atteinte aux valeurs républicains de
Rome et était une des raisons de son assassinat.
Cléopâtre
Selene, reine de Cherchell, joue un rôle important dans cette histoire
: «Elle avait sans doute hérité la beauté, la fierté et la
détermination de sa mère, de créer un empire réunissant les meilleures
traditions du bassin méditerranéen, la philosophie grecque, la
tradition du commerce des phéniciens et la riche culture égypto
africaine ». Cette personnalité enterrée á Tipaza dans le « Tombeau de
la Maurétanie »- pas si sûr- était la légitime fille de Cléopâtre et de Marc
Antoine. Après la défaite militaire de son père et le suicide de sa
mère, elle grandira à Rome dans le palais de l´empereur Auguste. A l'âge de 20 ans elle épousa le roi Juba de Maurétanie et devient une reine mythique de son époque.
.
Juba II et Cléôpatre Séléné
Couples célèbres d’Algérie
|
S’ils
avaient été nos contemporains, Juba II et Cléôpatre Séléné auraient eu
tout pour plaire aux médias people les plus exigeants en matière de
jet-set : des parents couronnés qui ont eux-mêmes largement défrayé la
chronique mondaine et politique ; ils ont été élevés ensemble dans le
palais de l’empereur Auguste et enfin, tous deux étaient de grands
amateurs d’art. | |
Ce
Youva sin aujourd’hui très populaire, est le fils de Juba Ier roi de
Numidie vaincu par Rome à Thapsus en 46 avant J-C. Lui et Cléôpatre
Séléné, fille de Cléôpatre VII et du triumvir Marc Antoine, se
connaissent en fait depuis leur plus tendre enfance, lorsqu’ils sont
adoptés par Octavie, sœur du futur empereur romain Auguste. Leur
destinée les rassemble sur tant de choses que leur union, téléguidée
pourtant par Rome, semble inévitable mais néanmoins harmonieuse.
Ce
sont deux princes déchus et orphelins de parents combattus et vaincus
par Rome à une époque charnière, quand son pouvoir est contesté, et
pourquoi pas disputé par des royaumes naissants ou re-naissant sur
d’autres rivages de la mer Blanche. Juba I combat César en prenant
partie pour les Pompéens. Vaincu avec eux, il se tue après sa défaite.
Cléôpatre et Marc-Antoine, parents de Cléôpatre Séléné, se sont
également donné la mort lorsque leur tentative de régner sur l’Egypte
en se désolidarisant de Rome fut vouée à l’échec. L’empire, pas
rancunier, épargne leurs rejetons et prend même en charge leur
éducation. Pour assurer sa pérennité, il comprend qu’il est nécessaire
de préparer des rois vassaux. Leur mariage, en l’an 19 avant J-C, les
rapproche davantage du fait qu’ils partagent en commun l’attrait pour
les arts et les lettres, de même qu’ils sont sensibles bien plus à
l’héritage hellénique que latin. La culture grecque est très courue
dans l’empire romain, elle est synonyme de raffinement et d’élégance.
Pour
Cléôpatre Séléné, il signifie sans doute plus que cela, c’est le
patrimoine familial, puisque descendante d’un général d’Alexandre le
Grand, elle fait partie de la dynastie lagide qui donne à l’Egypte les
derniers pharaons d’origine gréco-égyptienne, les Ptolémées. Sa célèbre
Cléôpatre de mère, installée à Rome avant sa prise de pouvoir sur le
pays des pharaons, était déjà réputée pour savoir s’entourer d’une cour
brillante, où philosophes, poètes et artistes participent de ce
rayonnement hellénique. La future reine d’Egypte caressait alors un
rêve, celui de créer un empire réunissant les meilleures traditions du
bassin méditerranéen, la philosophie grecque, la tradition du commerce
des Phéniciens et la riche culture égypto-africaine.
Ce
rêve, sa fille Cléôpatre Séléné en devient en quelque sorte l’exécuteur
testamentaire, lorsque, aux côtés de son mari, elle règne dès l’âge de
20 ans sur la province de Maurétanie qui fut remise par Auguste à Juba
II en l’an 25 avant J-C en lui donnant pour mission « d’assouplir »
ses sujets réputés turbulents, pour répandre les mœurs latines.
Cléôpatre Séléné fit frapper sur les monnaies des symboles religieux
égyptiens et des animaux que vénéraient les sujets de Pharaon. La
capitale de la province est établie à Iol, actuelle Cherchell, que son
époux baptise Césarée en l’honneur de son bienfaiteur. Il a appelé
auprès de lui des savants, des artistes, des acteurs renommés et a pour
médecin le grec Euphorbe. La cité est peuplée de statues (une des plus
belles collections qu’abrite aujourd’hui le musée de Cherchell), et y
construit de beaux édifices d’architecture classique, certains sont
même représentés sur ses monnaies.
Juba
II taquine lui-même la plume et devient l’auteur d’un ensemble d’écrits
les uns encyclopédiques, les autres anecdotiques. Il est abondamment
cité par certains auteurs grecs ou latins, mais aucun de ses ouvrages
n’a été retrouvé. Pline l’Ancien y a puisé une large part de ses
connaissances en botanique, zoologie et géographie, de même que
Plutarque y a prélevé une somme d’informations sur les antiquités
romaines. Ecrivant en grec et montrant un attachement sans limite à la
culture de ce pays, les Athéniens le récompensent en lui élevant une
statue auprès d’une bibliothèque de leur ville. Le règne de Juba dure
presque un demi-siècle. Le couple engendre un fils, Ptolémée, qui n’a
nullement retenu l’attention des historiens. Si ce n’est qu’il a été
mis à mort par son neveu Caligula à Rome en l’an 40 suscitant sa
jalousie par son sens de l’apparat et sa vanité. La Maurétanie est
alors franchement annexée par Rome.
Cléôpatre
Sélénée meurt vers l’an 5 ou 6 de notre ère. Juba II lui survit pendant
dix-huit longues années. Et même si en accompagnant César le petit-fils
d’Auguste en Orient, il se remarie avec Glaphyra, fille d’un roi de
Cappadoce et veuve d’un fils d’Hérode, roi de Judée, il ne juge pas à
propos de la ramener avec lui à Iol-Césarée. Sans doute que son amour
pour Cléôpatre Sélénée ne supportait pas la présence d’une rivale sur
un territoire que sa première femme avait totalement marqué de son
influence. Jusqu’à cette dernière demeure que l’on attribue au célèbre
couple royal, le mausolée qui coiffe une colline au sud de la ville sur
la route de Tipasa. Ce monument de style africain, agrémenté d’éléments
décoratifs appartenant au monde hellénistique n’a toujours pas livré
ses secrets au sujet de la famille royale maure ou numide qui s’y est
fait enterrer. Mais on se prend à rêver encore qu’il a été élevé par
Juba II en hommage à sa Cléôpatre, fille de la lune*…
.
* Séléné est la déesse de la lune dans la mythologie grecque
Sources :
Cherchel, antique Iol-Caesarea, Stéphane Gsell, Alger 1952.
Le mausolée royal de Maurétanie, Mounir Bouchenaki, Alger 1979.
.
Par Samia Khorsi
La Reine Cléopâtre Séléné et son époux le Roi Juba II dans leurs jardins à Césarée (Cherchell)
.
.
Les commentaires récents