A l’occasion du 54e anniversaire du déclenchement de la Révolution le 1er Novembre 1954
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Hommage aux familles de nos valeureux chouhada
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Pendant toute la durée de ma participation au combat libérateur contre l’armée française, dans les maquis de la wilaya IV, j’avais toujours sur moi un petit carnet de route ; j’y écrivais, notais, des noms, des dates, des lieux, tous ces événements qui m’ont marqué à tout jamais . J’y écrivais et relatais nos embuscades et accrochages durant la révolution du 1er Novembre 1954.
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Aujourd’hui je veux écrire les lettres que je voulais adresser aux familles de nos chouhada, aux parents de mes compagnons morts au champ d’honneur, à mes cotés, en héros, en faisant le sacrifice suprême avec la conviction de n’accomplir que leur devoir de patriotes, de combattants de la liberté, en se voulant anonymes. Aujourd’hui, je veux écrire les lettres que je n’ai pas écrites dans les moments difficiles, ces lettres à nos enfants, enfants de notre valeureux peuple, pour qu’ils n’oublient, jamais, nos vaillants chouhada morts au combat, face à l’armée française, qui n’a pas hésité à pratiquer la politique de la terre brûlée ; elle détruisait tout sur son passage, brûlait maisons et forêts, se vengeait sur la population. Notre courageux peuple, qui a consenti tous les sacrifices, par son engagement, était plus qu’un soutien logistique, je n’oublierai à aucun moment, et cela doit rester, à tout jamais, gravé dans la mémoire collective, l’accueil chaleureux, réconfortant et revigorant, que nous réservaient les populations civiles en nous nourrissant et nous logeant, après nos batailles et nos longues marches harassantes, de plus de quatorze (14) heures bien des fois.
Le 20 août 1957 la katiba El Hamdania, de la Wilaya IV, zone II, région III, attaque les villes du littoral et l’école des officiers de Cherchell.
Pour le premier anniversaire du congrès du FLN de 1956, dans la vallée de la Soummam, l’ALN (Armée de Libération Nationale) avait décidé d’organiser une attaque générale contre l’armée française, pour manifester sa présence sur tout notre territoire national. Elle avait décidé d’engager des actions armées simultanées dans toutes les villes, les villages, et ce contre les casernes militaires. Il fallait à l’ALN, par cette action commune, de la frontière tunisienne à la frontière marocaine, du nord au sud, confirmer à l’ennemi français et au monde entier notre existence, que nous pouvions l’attaquer partout où il est, et à tout moment. Par cette action générale, nous avions prouvé à nos adversaires que nous étions là, que nous nous battrions à n’importe quel prix pour la liberté et l’indépendance de notre pays l’ALGERIE.
Notre compagnie a été désignée pour harceler les villes de Cherchell, Novi, Damoud, Gouraya, Hadjret Enous, Menacer, Sidi Amar, Larhat et ce , sur un rayon de quatre vingt (80) kilomètres.
A 19 heures 40 minutes nous étions arrivés à l’endroit d’où on devait attaquer la caserne des officiers, nous étions l’un à coté de l’autre, tous armés de fusils GARAND, et de Mas56, nos doigts sur la gâchette, nous savions que les autres groupes de moudjahidine de notre Katiba EL HAMDANIA étaient dans la même position que nous, prêts à attaquer les objectifs indiqués. A 20 heures, précise, nous avions commencé à tirer tous ensemble à la même seconde. C’était la panique dans la caserne de l’école des officiers de Cherchell ; on entendait les cris de douleurs des soldats, surpris par notre attaque. Les sirènes hurlaient. C’était le branle-bas pendant vingt minutes. Après nous nous sommes repliés, en traversant les mêmes douars. Sur notre passage, les habitants nous applaudissaient, en nous disant : «Dieu est avec vous», les femmes avec leurs «YOUYOU», les enfants sautaient sur nous, pour nous embrasser, je ne pouvais retenir mes larmes en me disant que, nous les moudjahidine, avions attaqué l’ennemi puis nous étions repliés en vitesse et, par la suite, l’armée française allait se venger sur la population civile qui nous a applaudis maintenant, mais qui va le payer de sa vie. Je ne pouvais plus me retenir de pleurer.
Je n’oublierai, jamais, le sacrifice et le courage des habitants du douar Sidi Yahia et celui de la famille de mes frères de combat Lahbouchi ; le sacrifice de se grand peuple qui nous a aidés, secourus, nourris et aimés, doit rester gravé dans les mémoires de nos enfants.
En effet, combien sont ils de nos enfants de vingt ans, universitaires, les forces vives de l’Algérie de demain, à connaître le Commandant Si Zoubir de Soumaa, de son vrai nom Souleiman Tayeb ? Mort héroïquement au champ d’honneur le 22 février 1957 dans le douar de Sbaghnia, dans la wilaya de Blida, pour protéger la vie d’environ quatre cents étudiants et lycéens, qui avaient fui les villes après la grève générale des huit jours, et qui étaient en attente dans cette localité avant d’être envoyés en Tunisie et au Maroc, y terminer leurs études. Mais le nombre important d’étudiants et lycéens, restés trop longtemps à attendre la décision de l’ALN, à attiré l’attention des soldats français et, ainsi, vers trois heures de l’après-midi, se sont retrouvés encerclés par une quinzaine d’hélicoptères «Sikorsky».
Si Zoubir a donné l’ordre aux étudiants sans armes de sortir des refuges et de se replier, en remontant l’oued. Lui, seul, à commencé l’accrochage, en mitraillant les hélicoptères pour les empêcher de se poser et couvrir, par la sorte, de repli des étudiants ; le feu était nourri, le combat était inégal. Si Zoubir a été mortellement atteint d’une balle de mitrailleuse 12/7, et les parachutistes français se sont acharnés sur les étudiants désarmés. Si Zoubir est mort Chahid le 22 février 1957, ainsi que vingt sept étudiants dont une lycéenne. «Allah Yarham Echouhada.»
Aujourd’hui, combien sont-ils nos adolescents à connaître le nom du Chahid Bouras Mohamed, d’ El-Affroun, mort à l’âge de 17 ans dans la bataille de Tamesguida, le 22 mars 1957. Où le Commando Si Zoubir a anéanti les paras de Bigeard, des éléments d’élite d’Indochine, et expérimenté en guérilla ? Ce commando - qui était dirigé par le lieutenant Guillaume, qui n’était autre que le fils du Général Guillaume, Résident du Maroc - était formé de 58 soldats français, volontaires, à qui le colonel BIGEARD avait promis des promotions de grade, sa mission était de faire une opération servant à démontrer à une délégation de sénateurs américains et français que la région de BLIDA était pacifiée et que seuls quelques rebelles communistes y subsistaient encore.
Après la violente bataille, qui a duré du matin jusqu’au soir, la troupe de Guillaume était décimée et SI ZOUBIR, ainsi que les 27 étudiants tués quelques jours auparavant, ont été ainsi vengés. La population française de BLIDA, la ville des roses, était en deuil ; leurs paras volontaires n’étaient pas revenus ; Ils avaient été abattus par notre Commando, le commando SI ZOUBIR, sous le commandement de SI MOUSSA KELLOUAZ.
Aujourd’hui, qui de nos enfants connaît le nom du Chahid BENMIRA TAYEB, de Théniet el Had, dit el Istiklal, tombé au champ d’honneur le 26 avril 1957, dans la bataille de SIDI MOHAND AKLOUCHE, dans la région de Cherchell ? c’était un vendredi, 27e jour de Sidna Ramadhan, Leilet El Kadr, lui qui, la veille, disait qu’il allait être Chahid dans la bataille du lendemain et nous devancer au paradis, Djenet El Ferdous. Notre frère El Istiklal à été touché par une roquette au ventre. Grièvement blessé, il était heureux et radieux de mourir pour l’Algérie. Ses derniers mots ont été : «Prenez mon arme, transmettez mon salut à mes compagnons et, si un jour vous êtes de passage au douar LIRA, passez le bonjour à ma famille et embrassez ma fille et maintenant laissez moi mourir, partez, vite ! partez, vite !» El-Istiklal nous sommait de partir, car il savait que les troupes françaises nous poursuivaient.
Au cours de ce combat, nous avons perdu notre compagnon El-Istiklal et nous avons eu deux blessés ; l’ennemi a subi de lourdes pertes, qui s’élevaient à plus de soixante-quatre morts, et des centaines de blessés, et nous avons abattu deux avions (T6-Morane).
Beaucoup de mes compagnons de lutte sont morts au champ d’honneur. Je voudrais que leurs noms restent gravés dans les mémoires, qu’ils ne soient jamais oubliés, je voudrais que leurs proches, leurs parents, leurs douars et villages sachent combien ils ont été courageux, braves, bons, valeureux, généreux, héroïques et loyaux envers leur patrie, pleins d’une foi inébranlable en une Algérie libre, débarrassée du joug colonialiste et de l’injustice.
Je voudrais que ne disparaissent pas des mémoires les chouhada :
Takarli Slimane et Si Mahfoud de Khemis El-Khechna, tombés au champ d’honneur le 04 Mai 1957 dans un accrochage de Zaccar contre le 29é BTA (Bataillon de Tirailleurs Algériens). Ils sont morts alors qu’ils s’apprêtaient à prendre position sur la crête quand soudain éclataient des coups de feu ; l’ennemi tirait sur notre premier groupe, les voltigeurs Français nous avaient devancés. TAKARLI Slimane et Si Mahfoud ont été tués par la même rafale de mitrailleuse. Ce jour là, nous étions trente cinq (35) moudjahidines contre huit cent cinquante (850) soldats français, nous avions tué et blessé un grand nombre et fait un prisonnier.
Les chouhada Cherfaoui Ahmed, de Cherchell, et Ahmed Abbas, de Mouzaia, sont morts dans la bataille de Sidi Simiane, le 20 Mai 1957. Pendant toute la durée de l’accrochage, alors que l’ennemi, sachant qu’on était dans la forêt, y a mis le feu pour nous brûler, les «you-you» de joie et d’encouragement des femmes et les cris des hommes «Allah yansorkoum ya el Moudjahdine» nous parvenaient de partout ; nous nous en sommes sortis miraculeusement, en infligeant de lourdes pertes à l’ennemi.
A la fin de la bataille, l’armée française avait tout brûlé ; la population accourut vers nous avec des bols de lait et de la nourriture, en faisant fi de leurs maisons qui brûlaient !
Je voudrais que nos enfants sachent combien notre peuple et nos Chouhada ont été superbes.
NOUFI Abdelhak, mort dans la grande embuscade de LALA OUDA DAMOUS, le 28 février 1957. L’embuscade a été faite par la section de SI NOUFI et le bataillon de commando de la Wilaya IV, sous le commandement de SI SLIMANE et SI YAHIA, contre un nombre impressionnant de soldats français. Cette embuscade a été menée avec brio par les moudjahiddine. Etait un véritable succès. Plusieurs dizaines de véhicules et de camions ont été détruits ; un important arsenal d’armes automatiques a été récupéré ; un avion abattu et des centaines de soldats français tués. SI NOUFI est mort ce jour du 22 février 1957, en essayant de s’emparer d’une mitrailleuse 12/7 qui, habituellement, était juste boulonnée, comme c’était le cas des mitrailleuses, héroïquement récupérées le 09 Janvier 1957, lors de la bataille de TIZI FRANCO, menée par SI HAMDANE et SI ZOUBIR . Mais celle-ci était soudée, et difficile à démonter. SI NOUFI à été atteint par une balle tirée du seul half-track qui avait échappé à l’embuscade, car il était resté en retrait.
Mon compagnon BRAKNI Braham, la perle de l’USM BLIDA – du commando de la zone 2, de la Wilaya IV, sous le commandement de SI ALI BENDIFALLAH de Cherchell - est mort au champ d’honneur en faisant l’assaut pour récupérer un fusil mitrailleur lors d’un grand accrochage dans le douar de BRAKNI, près de Cherchell. Il le voulait, ce fusil, coûte que coûte, parce que quelques jours auparavant, en quittant notre commando, il avait laissé son arme. C’était la coutume. Armé d’un petit 6.35, il était déterminé à récupérer ce fusil mitrailleur. Cet assaut lui a été fatal. ALLAH YERHAM ECHOUHADA.
Sans oublier mes autres compagnons, et tant d‘autres moudjahidines, qui sont morts pour l’amour de l’Algérie. Je salue les parents de nos glorieux et valeureux chouhada. Je souhaite, au risque de me répéter, que leurs noms soient, à jamais, gravés dans les mémoires de notre peuple Algérien.
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Mes compagnons chouhada
- Le commandant EL BAGHDADI, de son nom ALLILI AHMED, de Boufarik.
- SI MOUSSA, de son vrai nom KELLOUZ MOUSSA, de BOURACHED
-M’BAREK AHMED,dit ZENDARI – KELASSI AHMED – CHAMOUNI ABDELKADER
-BESKRI FATIHA, dite YAMINA, de AIN DEFLA
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Mes compagnons chouhada
de HADJOUT ex-MARENGO
- Les frères HOCINE ALI , NOUREDDINE, ZOUBIR et leur père
- REKAIZI MOHAMED dit DAHDOUH
-DOUDOU MOHAND SAID dit LYES - FETAKA ALI
- ALOUANE MOHAMED
- GENDOUZ ABDELKADER
- ABDESSLAM AKHA et tant d’autres.
Il convient d’évoquer, également, la mémoire de :
- KHODJA BRAHIM
- BARSALI ATHMANE et ZOURAGUI ZOUBIR, de Blida
- MOUAZ M’HAMED dit BILLEL, de KOLEA
- SI MAAMAR MAAMAR de OUED DJER
- SAHNOUN ADDERAHMANE d’EL BIAR
- NACIBA MALKI dite CHAFIKA D’EL BIAR
Et tant d’autres ALLAH YERHAM ECHOUHADA.
Ainsi, je participe d’une façon, ou une autre, à travers les récits de lutte de notre peuple pendant la révolution du 1er Novembre 1954, à l’écriture de l’histoire et à retrouver les sentiments qui ont animé le peuple Algérien, à savoir l’amour de la patrie, l’abnégation et le sens du sacrifice. Aujourd’hui, plus que jamais, je reste convaincu que l’enseignement objectif de l’histoire de notre pays et du combat libérateur de notre peuple contribuera à maintenir, vivace, la mémoire de nos martyrs, qui ont donné leur vie pour que l’Algérie vive libre, indépendante, juste, fraternelle et unie. Quant à mon témoignage, vivant, de la révolution du 1er Novembre 1954, je n’ai fait que mon devoir et je rends hommage aux chouhada et au peuple Algérien.
Gloire à nos martyrs
Ould El-Hocine Mohamed Chérif
Moudjahid Ancien Officier de l’ ALN
02-11-2008
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