Le « paradis » de la viande à bas prix ?
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Des escalopes à 300 dinars le kilogramme, une dinde entière à 120 DA la livre, le kilo de viande d'agneau à 430 dinars. A pareils prix, Megtaâ Kheïra, lieu situé à la lisière de la wilaya de Tipasa en partance vers Draria, wilaya d'Alger, est à priori le paradis de la viande sous tous ses goûts et variantes.
Mais, puisqu’il y a toujours un mais, qu'y a-t-il vraiment derrière ce commerce qui, à première vue, profite aux petites bourses ?
Elles qui sont continuellement tenaillées par la cherté de la vie qui les confine fatalement au marasme ? Pour lever un tant soit peu le voile qui enveloppe les dessous de ce négoce, une virée dans ce souk s'impose surtout en cette période de Ramadhan où la demande en viandes de toutes sortes explose.
Il est 15h en ce samedi. La canicule leste lourdement l'atmosphère régnante à Magtaâ Kheïra. Le long des accotements de la route, plus précisément celle en provenance de la rocade sud d'Alger, une succession de voitures encombre le moindre espace.
Munis de gourdins, quelques jeunes à l'allure menaçante s'improvisent en gardiens de parking. Dès qu'un véhicule ralentit, l'un d'eux se presse automatiquement à offrir « de force » son assistance. Une fois sur place, le client est vite accosté par les vendeurs de dindes, qui étalent leurs marchandises à l'air libre, sur des tables de fortune, généralement constituées d'une superposition de pneus ou de chutes de bois surmontés par une plaque plane dont la propreté laisse à désirer. «Koul ya l’guellil (servez-vous, gens de modeste condition) » fuse invariablement de toutes les tables installées au bord de la route.
Agglutinés devant la chair alléchante des dindes ou des carcasses d'agneaux, égorgés et découpés en quartiers sur place, des pères de famille, seuls ou accompagnés, n'hésitent pas à délier l'escarcelle pour s'offrir cette denrée, considérée comme indispensable sur la table du F'tour. «Servez-moi toute la cuisse, SVP», s'impatiente un client, venu spécialement d'Alger, devant le boucher qui ne cesse, histoire d'allécher les passants, d'aiguiser la lame de son couteau.
«A 430 DA le kilo, ma foi, c'est presque gratuit !», justifie son engouement le client. Cela dit, ce qu'il faut savoir, c’est que la viande exposée est celle d'une agnelle. La chère d'agneau, quant à elle, caracole à 550 DA.
C'est dire qu'il n'y a, à ce propos, aucune grande différence de tarif comparativement avec celle écoulée dans des marchés réglementés. Qu'à cela ne tienne, la notoriété de Magtaâ Kheïra, comme repère de la viande à bas prix, est devenue une évidence à tel point qu'il est difficile de dissuader les gens habitués des lieux de faire leurs emplettes ailleurs. «Cela fait plus d'une année que j'ai découvert ce lieu.
Les prix ici sont cléments. D'ailleurs, je n'attends pas uniquement le Ramadhan pour faire mes achats à Magtaâ Kheïra.
En quelque sorte je suis un client fidèle », avoue Rabah, un père de famille de Zéralda. D'après lui, l'affluence des clients atteint son paroxysme durant le mois sacré. «Cependant, on repart toujours avec le sourire et un beau morceau de viande dans le couffin», précise-t-il. DES RELENTS À COUPER LE SOUFFLE Décidément ni l'odeur pestilentielle, encore moins les montagnes de plumes de dindes qui s'entassent à tout bout de champ n'arrivent à détourner les clients.
En effet, dès l'entrée du «Souk», dont l'essentiel est établi sur un terrain vague, sur le bas-côté du carrefour menant vers Zéralda, Tipasa et Draria, des tonnes de plumes blanches mélangées à des excréments des bêtes égorgées, tapissant une plate-forme plus ou moins surélevée, agressent d'emblée les yeux.
A quelques mètres de cet endroit, de grands amas de la même mixture jonchent le sol. Le tout agrémenté d'une odeur nauséabonde. «L'important, c'est de ne pas priver ma famille de viande», se justifie un client.
Pour s'en convaincre il ajoute : «La viande ici est saine, car les bouchers égorgent les dindes et les moutons sous nos yeux. Pour moi, c'est suffisant comme garantie.». Comme pour le contredire, un autre citoyen insiste pour monter au premier, un spectacle qui ébranle ses certitudes.
«Regardez vous-même. On dirait que cette brebis est atteinte de diabète, tellement elle est essoufflée et ne pouvant plus tenir sur ses pattes», remarque-t-il avec une note d'humour. Venant de toutes les localités du centre, les vendeurs de dindes n'hésitent pas à se jeter mutuellement des peaux de bananes. Concurrence oblige, chacun d'entre eux prêche pour ainsi dire sa chapelle.
«Même si ma viande est de 20 dinars plus chère que celle proposée par mon voisin, je peux vous affirmer qu'en achetant chez moi vous ne risquez pas d’attraper une maladie. Car ses dindes sont toutes malades», ainsi un des bouchers tente-t-il de convaincre un client indécis. L'ambiance est foncièrement la même d'une extrémité à l'autre de ce marché.
Fait marquant, si ce souk s'apparente à une aubaine pour la classe moyenne, il n'est pas du tout rare ici de rencontrer des gens aisés qui n'hésitent pas à s'y approvisionner. Pour preuve, des véhicules de luxe côtoient, dans les parkings improvisés à proximité du marché, les mobylettes et autres véhicules du siècle précédent.
«Puisque ce lieu est fortement fréquenté et prisé par les clients, je me demande pourquoi l'Etat n'essaye pas de le réglementer.
Ainsi, de cette façon, toutes les conditions de la pratique de ce négoce seraient réunies pour donner à Magtaâ Kheïra un cadre normalisé et sain, où toute appréhension sur la qualité de la viande vendue serait dissipée», souhaite un citoyen de Aïn Tagouraït. Tout compte fait, en attendant que le rêve de ce citoyen soit exaucé, «Magtaâ Kheïra demeure, par-dessus tout, l'endroit où le client et le vendeur trouvent leurs comptes», conclut un citoyen de Bou-Ismaïl.
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Par Amirouche Lebbal. Le 8 Septembre 2008
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