Le FLN ouvrait un second front du combat en France
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Le
25 Août 1958 est une date méconnue de la plupart de nos concitoyens,
et pourtant, ce jour-là devrait être considéré comme une date
historique, parmi tant d’autres à la gloire du peuple algérien. En
effet, elle évoque l’ouverture effective, en France même, d’un second
front du combat libérateur du peuple algérien, faisant suite, quatre
ans après, au déclenchement de la Révolution algérienne du 1er Novembre
1954.
Dès l’année 1957, le Front de libération nationale était parvenu à installer sur le territoire français même une organisation politico-administrative et paramilitaire capable de déclencher les opérations contre l’ennemi sur son propre sol. Pour cela, la Révolution algérienne était sûre de pouvoir compter sur la communauté algérienne dont le nombre dépassait déjà largement 600 000 émigrés.
Omar Boudaoud, coordinateur fédéral de la Fédération du FLN en France (7e Wilaya), à son arrivée à Paris, investi de la mission de diriger cette instance conformément aux directives données par Abane Ramdane, au nom du Comité de coordination et d’exécution (issu du congrès de la Soummam, le 20 août 1956), avait expliqué la nécessité d’ouvrir un second front sur les terres l’ennemi au moment opportun. Cela aura lieu effectivement le 25 août 1958, quelques semaines seulement après le rappel du général de Gaulle aux commandes de l’Etat français suite au putsch organisé par les ultras réactionnaires, à Alger, le 13 mai 1958. On se rappelle que le but principal de cette frange de Français extrémistes était de garder par tous les moyens notre pays arrimé à la France et perpétuer ce qu’on appelait à l’époque «l’Algérie de papa».
Les objectifs du combat libérateur assignés à la Fédération visaient à élargir le champ de la lutte en contraignant le gouvernement colonial à accroître les dépenses militaires, rendant ainsi sa politique menée jusque-là impopulaire davantage au sein des habitants de souche et également sur le plan international. D’autre part, cela amènera aussi les autorités françaises à disperser les formidables forces de répression, ce qui pourrait alléger quelque peu le dispositif militaire mis en place, depuis plusieurs années en Algérie, et sensiblement augmenté après le retour de la «grande Zohra»(surnom donné à de Gaulle par ses adversaires ultras, surtout parmi les Européens d’Algérie).
D’ailleurs, cette politique n’avait pas échappé aux dirigeants de la Révolution, et Ferhat Abbas, au nom de ses pairs, avait déclaré dans la capitale égyptienne, Le Caire, : «Si le général de Gaulle poursuit la politique de ses prédécesseurs sur le problème algérien, le FLN portera la lutte sur le sol français.»
Une réunion avait regroupé les membres du comité fédéral de l’organisation du FLN en France, réunion qui s’est tenue dans la ville de Cologne, en Allemagne, au mois de juillet 1958, pour débattre de cette question si importante à cette étape de la lutte du peuple algérien pour sa libération. Elle a abouti à la décision qui consistait en la préparation de l’action envisagée, c’est-à-dire l’ouverture d’un second front chez l’ennemi, analogue à ce qui avait été accompli au 1er Novembre 1954. On s’en doute que le pouvoir colonial ne s’attendait nullement à cette nouvelle stratégie de la lutte révolutionnaire. Nous renvoyons pour cela le lecteur de la Nouvelle République à la déclaration du célèbre leader et héros vietnamien, le général Giap, citée en exergue de cet article. Au cours de ladite réunion, clôturée le 27 juillet, il fut convenu, et c’était la moindre des précautions, de tenir la date dans le secret le plus absolu, date fixée au 25 août à zéro heure. Cette heure qui devra voir une série d’opérations s’abattre sur plusieurs objectifs choisis pour leur importance et répartis à travers l’Hexagone pour semer l’effroi et le doute au sein des milieux colonialistes. Des groupes de choc constitués de centaines de militants issus de la communauté émigrée étaient prêts à entreprendre ces actions, ayant reçu une formation adéquate au cours de stages dans les bases de la glorieuse ALN en terres marocaines. D’autres groupes, selon l’un des responsables au sein de la Fédération du FLN en France, M. Ghafir Mohamed (surnommé «Moh Clichy», pour son intrépidité et son audace dans cette localité de Paris), était formés par les soins de la Révolution en Allemagne, dans la discrétion absolue au nez et à la barbe des services de sécurité français et même des alliés de la France.
Cet événement historique et grandiose s’est matérialisé par les opérations d’envergure comme : l’attaque des commissariats,des postes de police, des casernes et des bases militaires, sabotage des voies ferrées, incendies des dépôts d’essence et de raffineries des hydrocarbures (exploités dans le sol algérien et exportés en France selon la «logique coloniale»). Ces actions audacieuses avaient provoqué la stupeur, la terreur et une surprise à très grande échelle. Le quotidien du Midi, le Provençal, portait en une dans son édition parue le 26 août 1958 : «C’est une catastrophe nationale.».On trouvera dans l’ouvrage d’Ali Haroun, éminent dirigeant de la Fédération, la liste des lieux et des objectifs ciblés cette nuit-là, la 7e Wilaya (pages 82 à 100). Au total : du 25 août au 27 septembre 1958 (soit un mois), ce sont 56 actions de sabotage, 242 attaques et 181 objectifs qui ont été dénombrés.
Comme prévu, la répression se durcit, la réaction des autorités
françaises ressemblait à celles d’une bête blessée. Un couvre-feu fut
instauré dès le 27 août et ne concernait que les Algériens -- qui,
d’ailleurs, l’ont bravé à plusieurs reprises --, la chasse au faciès
déclenchée à travers toute la France, surveillances des quartiers
arabes, contrôles continus, descentes de police, emprisonnement,
ratonnades, emprisonnement, création de camps de concentration… Un
communiqué du CCE, publié au Caire, le 31 août 1958, pour le Front de
la guerre de libération nationale fustige les autorités coloniales et
leur aveuglément et dénonce la répression sans discernement appliquée à
l’encontre des émigrés algériens. L’instance exécutive du FLN
promettait que la lutte ne cesserait pas quels que soient les hommes à
la tête de l’Etat français, et ce jusqu’à la victoire finale du peuple
algérien et la disparition de l’ordre colonial imposé à notre pays
depuis 1830.
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Voici le communiqué signé du CCE et paru dans l’édition no 29 du journal El Moudjahid du 27 septembre 1958 :
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Dans la nuit du 24 au 25 août 1958, les commandos algériens
de France ont attaqué un certain nombre d’objectifs stratégiques situés
sur le territoire français selon un plan établi qui a surpris
complètement l’adversaire.
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Comme le 1er Novembre, la nuit du 24 août ouvre un chapitre nouveau de la lutte du peuple algérien pour son indépendance. Une force de près d’un demi-million d’hommes valides se mobilise pour l’action sous la direction du FLN. La première offensive des commandos algériens s’est fixée sur un objectif essentiellement pétrolier pour une double raison :
1) Frapper les réserves de carburants destiné à l’aviation ennemie.
2) Prolonger sur le territoire français la même guerre que nos vaillants combattants mènent méthodiquement en Algérie.
Il y a un an, le FLN avait promis de détruire le pétrole en France même. Il a tenu sa promesse. Il réaffirme sa volonté de rendre infructueux tous investissements tendant à l’exploitation des richesses de l’Algérie (y compris le Sahara) sans l’accord de l’Algérie indépendante.
Par suite, toute participation étrangère sous forme d’investissements de capitaux ou autres moyens ne peut être considérée par le FL que comme un acte d’hostilité vis-à-vis de l’Algérie combattante. Le renouvellement des actions de nos commandos en France après la mise en place d’un immense appareil de sécurité militaire et policier démontre notre capacité d’étendre nos attaques à d’autres objectifs militaire ou économique essentiellement. L’offensive de nos commandos en France contribue à renforcer la campagne de démystification que le FLN a entreprise, à l’occasion du référendum. Il est évident que le principe d’élection en Algérie dans le cadre du système colonialiste n’est qu’une nouvelle escroquerie. Les services psychologiques de l’armée française clament un vote massif des Algériens en faveur de la Constitution, mais cela ne signifiera aucunement l’adhésion du peuple algérien à la politique d’intégration.
Après les bulletins de vote des services de police en France et de l’armée française en Algérie, l’action déclenchée le 25 août et l’intensité des combats en Algérie confondent les champions des interminables derniers quarts d’heures. Les nécessités de la défense en surface en France contre nos commandos affaiblissent le potentiel militaire de la France en Algérie et rendent toute solution de force plus illusoire que jamais.
Le CCE attire l’attention de l’opinion publique française sur le caractère strictement stratégique de notre combat. Le choix des objectifs et des méthodes démontre notre désir d’épargner les populations civiles. Nous n’oublions certes pas les massacres de plus de 600 000 Algériens sans armes, dont un grand nombre de femmes et d’enfants. Les criminels de guerre colonialistes recevront un jour leur châtiment. Néanmoins, le CCE dégage d’ores et déjà sa responsabilité dans les atteintes aux populations civiles qui risquent d’avoir lieu. Les nécessités de notre lutte sont impératives.
Il appartient au peuple français de sortir de son indifférence vis-à-vis de la guerre d’Algérie. Cette indifférence, cette apathie laissent le champ libre à la politique néfaste d’une poignée d’ultras colonialistes. Les enfants de France meurent chaque jour sur la terre d’Algérie pour défendre les privilèges et les milliards de quelques criminels dont le refus obstiné de toute solution négociée a causé tant de malheurs. C’est ce refus qui, demain, coûtera des misères et peut-être des morts aux populations de France.
Réduire à l’impuissance les ultras colonialistes est pour un Français un devoir impérieux envers sa patrie.
Quand aux moudjahidine des commandos et à tous les patriotes de la colonie algérienne en France, le CCE salue en eux les dignes fils de la fière Algérie. Leur courage force l’admiration et leur sang le respect. A tous ces héros, le CCE dit : «Combattez farouchement l’ennemi en épargnant ceux qui sont sans défense. Montrez à l’univers que notre cause est juste et qu’elle triomphera, que vous savez mourir en respectant les femmes et les enfants. C’est cet idéal qui est le gage de notre victoire.»
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Mihoubi Rachid
25-08-08
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