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Juba II fut un roi berbère de la Maurétanie (partie occidentale de la Berbérie, à partir de l’actuel Maroc, en passant par tout le nord de l’actuelle Algérie, jusqu’aux frontières de l’actuelle Tunisie). Fils de Juba Ier, né vers 52 av. J.-C. et mort vers 23 ap. J.-C., il régna sous la tutelle romaine à partir de sa capitale Caeserea (Césarée, aujourd’hui Cherchell au centre nord de l’Algérie).
Après la défaite de Juba Ier, César fit une entrée triomphale à Zama. Ce fut dans l’habitation de l’Aguellid défunt (roi berbère) qu’il décida du partage de l’Afrique et du sort de la famille royale. Juba II, alors âgé de cinq ans à peine, fut envoyé en otage à Rome où il figura, par la suite, au triomphe de César derrière Vercingétorix de Gaule et Arsinoé, sœur de Cléopâtre d’Egypte. Que devinrent les autres membres de la famille de Juba ? Les historiens n’en soufflent mot. Se sont-ils retirés dans les montagnes des Aurès ? Ou dans les villes côtières ? Ont-ils été dispersés par les vainqueurs ? Nul n’en parle à l’époque de Juba II et un mystère semblable couvre nombre de familles berbères en général et celles des aguellids en particulier.
Toujours est-il que Juba II fut élevé dans une captivité dorée par Octavie, la sœur d’Octave, le futur empereur Auguste. Juba attira l’amitié de son protecteur qui lui offrit des occasions de se distinguer et de s’élever au rang des autres princes. Octave lui accorda le droit de cité romaine et Juba prit alors les noms et prénoms de son protecteur: «Gaius Iulius» et les transmit plus tard à ses affranchis, mais il s’abstint de les porter dès qu’il reçut le titre de roi.
Il participa probablement à la campagne d’Orient de 31 à 29 contre Cléopâtre et Marc Antoine, et sûrement à celle d’Espagne de 26 à 25 où Octave apprécia sa fidélité et son adresse. Ce fut au retour de cette campagne qu’il reçut en récompense une partie des Etats de Bocchus et Bogud en sus de ce qu’il restait du royaume de son père.
A la 6e année de son règne, en 19 av. J.-C., il épousa Cléopâtre Séléné (la Gréco-égyptienne), fille de Cléopâtre reine d’Egypte et de Marc Antoine, qui fut élevée avec son frère jumeau Alexandre Hélios par la sœur d’Octave. C’est cette même Octavie, épouse répudiée de Marc Antoine, qui avait élevé Juba II. Cléopâtre Séléné fut couronnée à son tour en raison de son ascendance maternelle et fut officiellement associée au pouvoir sans qu’il y ait toutefois partage territorial d’autorité. Ce territoire, malgré certaines amputations au profit des colonies romaines, s’étendait donc de l’Atlantique à l’ouest, à l’embouchure de l’Ampsaga (Oued el Kebir) à l’est et comprenait les régions de Sétif au sud ainsi qu’une partie des territoires des Gétules du Sud-Est algérien et tunisien.
Le rétablissement de ce vaste royaume, supérieur en superficie à celui de Massinissa dans ses grands jours ne constituait pas pour autant un recul dans la politique coloniale romaine. Il marquait seulement une pause.
Auguste abandonnait moins à Juba la propriété que l’usufruit de son
royaume, disposant des territoires, les divisant, les morcelant à sa
guise, sans que le roi numide ne manifestât la moindre résistance,
tellement son esprit, par l’éducation qui lui avait été dispensée,
était obnubilé par l’obédience à Rome.
Mais il est vrai que son fond berbère ne disparut pas, et Juba II
s’intéressa tout de même à ses origines et à l’étude du libyque et du
punique, langues de culture de ses ancêtres. Cet intérêt d’ordre
culturel ne fut pas accompagné de patriotisme et jamais Juba ne
ressentit ce sentiment patriotique pour lequel luttèrent et moururent
tant de Numides et de Maures.
En renonçant à l’annexion de la Maurétanie, l’empereur savait ce qu’il faisait : avec Juba II à la tête de ces vastes territoires où se sont enracinées de nombreuses colonies romaines indépendantes du roi, il pouvait, sans crainte, confier l’administration des indigènes à un chef «indigène» qui, plus habilement que des fonctionnaires romains, saurait maintenir la paix. L’Afrique continua donc à pourvoir Rome de ses produits divers en général et agricoles en particulier.
Les loisirs que lui laissait l’administration de son royaume, Juba II les consacrait à l’étude et bientôt, il acquit dans les sciences et dans les lettres une grande réputation.
Toujours désireux de connaître ses origines, il fit remonter sa généalogie jusqu’à Hercule qui épousa la Libyenne Tingé (Tendja) veuve d’Antée de la légende grecque. Il fit construire de nombreux édifices publics, des places ou forums, des théâtres, des thermes, des temples, des jardins publics… Beaucoup de vestiges confirment la grandeur de Juba II qui possédait une grande puissance de travail et d’assimilation (sculpture, architecture…) Son œuvre était d’une grande valeur mais ne fut pas conservée par le temps bien qu’elle ait permis à plusieurs écrivains grecs et latins d’y puiser leur documentation tant elle était riche.
Il expédiait de nombreux copistes dans les capitales du monde civilisé pour lui rapporter les découvertes des penseurs de l’époque, nonobstant cela, il organisa des expéditions chargées de découvrir les sources du Nil et d’étudier l’archipel des Canaries.
Il écrivit un traité sur son pays natal intitulé Libuca ; en trois volumes, contenant géographie, histoire naturelle, mythologie, croyances de toutes sortes… Il laissa des écrits sur les Assyriens, l’Arabie, les plantes, l’histoire romaine… Sans doute était-il dans cette quête de ses origines et voulait-il laisser ce qu’il lui manquait…
Très connu des Grecs et des Romains en tant que savant, artiste, homme de lettres, auteur de plusieurs traités sur les lettres, la peinture, le théâtre, l’histoire, la géographie et la médecine, il fut à l’origine de la découverte de l’euphorbe (à laquelle il a donné ce nom, qui était celui de son médecin personnel) et son traité sur cette plante inspira, plus tard, plusieurs médecins grecs.
Ses manuscrits furent autant de références pour plusieurs historiens grecs, tels que Tite-Live, Alexandre de Milet, Diodore de Sicile. Pline l’Ancien qui le citait dans ses livres dit de lui «qu’il était encore plus connu pour son savoir que pour son règne».
Les Grecs lui érigèrent une statue auprès de la bibliothèque du gymnase de Ptolémée à Pausanias. Son règne fut marqué par son sens de la démocratie et l’attention qu’il eut pour son peuple. Son épouse Cléopâtre Séléné n’oublia jamais quant à elle ses origines grecques et égyptiennes, elle obtint de Juba qu’ils soient tous deux ensevelis dans un édifice funéraire semblable aux pyramides d’Egypte. Ce qui amena le roi à faire construire ce tombeau proche de Tipasa appelé de nos jours (sans doute à cause de l’inclusion ultérieure de fausses portes ornées de croix) le «Tombeau de la Chrétienne». Il allie le tumulus funéraire berbère à la pyramide égyptienne par sa forme extérieure (forme cylindrique couvrant une base carrée et coiffée d’un cône en gradins).
Son fils et successeur Ptolémée de Maurétanie poursuivit en partie la politique de son père, mais n’hérita pas des vertus de celui-ci.
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C. P.
28-4-08
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