Nul
ne peut douter que nous vivons une ère qui ressemble un peu à l’enfer.
Une époque où les nobles valeurs n’ont plus leur place. Nous avons
troqué nos traditions contre des marchandises venues des pays du froid
et de la glace. En effet, nous ne sommes plus les mêmes et nous
accusons les autres, alors que le mal est ancré en nous. Nous avons
perdu notre fougue et notre ardeur et nous sommes tombés dans le fossé
de l’absurdité. Beaucoup d’entre nous n’ont plus le temps de goûter et
de savourer la vie. On a des fois l’impression qu’au lieu d’avancer
nous reculons. On ne vit pas mais on vivote dans l’attente d’un jour
heureux. Notre quotidien est aussi odieux qu’un jour pluvieux. Notre
vie est aussi banale qu’un film navet en noir et blanc. Rien n’a changé
et nous ne sentons plus l’arrivée de ce changement qui se résume à
quelques blocs plantés dans des terres fertiles. Et ces sols n’ont pas
tardé à donner naissance à une nouvelle génération : insensible,
gourmande et unique au monde. Une génération qui n’a qu’un seul rêve,
celui de quitter le bled pour aller cueillir les roses ailleurs, car
ici tout est noir et laid. Les jeunes Algériens n’ont rien vu et savent
que demain sera fait d’hier et que pour vivre il faut de l’audace, car,
chez nous, on ne valorise plus celui qui détient le savoir et qui
apprivoise les livres, mais celui qui importe les vivres. Les enfants
du béton savent mieux que quiconque, que la vie est un cruel combat et
qu’il ne faut pas s’étonner si la réalité a deux faces comme certains
hommes.
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Les enfants du béton n’ont aucun remords, car ils savent
qu’ils sont les victimes d’une incompréhension née de la folie des
hommes imprudents. Ils savent aussi qu’ils ont perdu la meilleurs étape
de l’Algérie indépendante, celle où tous les Algériens avaient pu
voyager dignement à l’étranger. L’époque où on avait une équipe de foot
qui jouait pour le pays et non pour (combien elle sera payée ?). La
période où notre dinar était sain et pouvait acheter toutes les devises
et non pas maintenant où il a toutes les maladies chroniques et qui ne
pourra reprendre des forces, même si on lui fait changer chaque semaine
une clinique. Les enfants du béton ne connaîtront jamais l’amour de la
patrie, car ils n’ont jamais assisté à l’ère du défunt Houari
Boumediene et ses beaux discours du nationalisme. Ils n’ont pas écouté
les vraies histoires que nous racontaient nos grands-mères sur la lutte
contre la France. Les enfants du béton n’ont jamais connu les vraies
fêtes de l’indépendance où, pendant toute une semaine, les youyous des
femmes comblaient nos oreilles et les défilés semaient la liesse dans
nos coeurs d’enfants. Ces pauvres enfants n’ont vu que le sang de leurs
propres frères et ne savent toujours pas les causes de ce climat froid
plein de vives tensions. Ils n’ont jamais fait du ski et ne pourront
faire du patinage artistique, ni encore de l’équitation, ni de la
natation dans des piscines couvertes. Ces pauvres enfants sont nés dans
l’anarchie et ne connaissent que la cohue des marchés. Ils n’ont pas
écouté Jacques Brel, Aznavour, El- Anka et Ghafour. Ces jeunes n’ont
jamais développé le goût pour le théâtre, ni celui de veiller pour lire
en cachette les oeuvres des grands maîtres. Ces mômes n’ont hélas pas
côtoyé Alloula et Medjoubi et ne pourront apprendre que la vie n’est
qu’un passage et l’homme doit rester honnête et sage. Les enfants du
béton ont perdu tous les repères et préfèrent traverser la mer pour
aller vivre loin du visage de la tendre mère. Les enfants nés dans les
cités sont aussi froids que ces caves-là, où ils ont grandi. Ils n’ont
aucun espoir car toute semble flou et noir. Ils n’ont plus confiance en
leur maîtresse qui est souvent elle-même en détresse. Les enfants du
béton savent par coeur le mensonge.
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Il est sans doute vrai que
rien maintenant ne ressemble à hier. Tout a changé et nos enfants
n’arrivent toujours pas à saisir, analyser et comprendre cet
environnement rude, fade et rustique. Ils ont vécu une tragédie et rien
n’a été fait pour leur faciliter la tâche. Trop souvent on les accuse
et on les condamne sans jamais essayer de trouver la faille. On les
charge cognitivement, alors que notre devoir était de les vider de tous
les stress. Il fallait les écouter et les laisser parler afin de leur
permettre de se libérer de toute peur et de toute frustration. Il
fallait que l’école soit un refuge et non pas une prison où
l’enseignant est le procureur et le directeur est le juge. Ces enfants
sont nés au milieu de la violence et ce n’est pas facile de leur ôter
cette habitude de sécher les études, d’écouter le rap et de sombrer
avec un joint dans le vide. Si certains de nos enfants ont perdu la
chance de rejoindre les bancs de l’école, c’est à nous d’agir afin de
sauver le reste de nos bambins d’un suicide collectif. C’est à nous de
créer des associations culturelles et de dire non à la violation des
espaces verts. C’est à nous de nous opposer à tous les projets qui
mettront en péril la bonne croissance de nos villes. C’est à nous de
veiller à la bonne démarche de nos communes et surtout la participation
par des écrits à toutes les autorités. C’est à nous de semer l’espoir
dans les coeurs et d’aider nos jeunes à aimer la vie en leur inculquant
les bonnes manières comme le goût de la lecture, le cinéma, le sport.
C’est à nous de les aider à comprendre le but de leur existence et du
respect et l’amour des autres et de la mère patrie l’Algérie. C’est à
nous aussi de veiller à ce que nos responsables cessent la politique de
construire n’importe comment. On en a ras le bol de ce béton qui a tout
envahi et qui risque d’engloutir nos enfants. Nous voulons que nos
villes gardent leurs visages d’autrefois. Nous voulons que nos enfants
puissent aller comme nous, jadis, à Sidi M’hamed cueillir les roses.
Nous voulons que les enfants d’El-Khemis puissent descendre à Boutane
pour respirer l’air pur et mordre à la betterave qu’on cultivait à
perte de vue. Nous désirons que mômes partent en randonnée à la forêt
et bivouaquent tout près de Zougala ou dans les monts de Manoura ou
Zaccar. Nous voulons que nos enfants connaissent les lieux où se
cachaient les martyrs (Bougara, Bouamrani et les frères Hadji) et les
autres héros de la guerre de libération qui sont en vie comme Bemira
jadermi, Drif Djilali, Belhathat Benmoussa, Guettache,, Ayad Benouda...
etc. Que nos enfants sachent compter sur eux-mêmes pour réussir et
devenir riches par le travail et le sérieux, et l’exemple reste celui
du défunt Boussedi Bahri, que la ville pleure toujours, car il était un
sacré bosseur et surtout un homme très généreux. Nous désirons que nos
enfants aiment l’école et apprennent à respecter l’environnement et que
nos responsables terminent cette campagne de nettoyage qui a laissé une
rasade d’espoir dans nos coeurs noirs par le désespoir. Nous voulons
plus d’arbres et plus de bancs et surtout l’aménagement du petit jardin
qui se trouve près de la Sûreté de daïra et qui reste un lieu de choix
pour les fous, alors que nos respectueux retraités n’ont pas où aller
pour lire les journaux, en guettant la fameuse poste qui reste souvent
sans le sou. Nous voulons voir le changement de nos rues et trottoirs
qui datent depuis les années 1900 et nous voulons une médiathèque pour
les habitants à la place de ce désolant projet de mairie qui reste un
pissoir à l’air libre. Sincèrement, on éprouve de la honte de voir le
centre de notre si adorable ville ainsi. El-Khemis mérite mieux et
aspire à un lendemain meilleur et possède tous les atouts pour son
embellissement. Espérons que la nouvelle assemblée communale trouvera
assez d’argent pour apaiser tout le stress de citadins, qui n’ont rien
pour meubler leur solitude, même le stade de foot est devenu un lieu où
on va pour insulter gratuitement. Les Khemissiens ont confiance en cette
nouvelle équipe qui garde le même meneur de jeu, Monsieur Kebah comme
maire et aussi d’autres très bons élus auxquels nous souhaitons le
succès dans cette rude tâche qui les attend.
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par Boutaraa Farid
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