Reflet fidèle du riche passé local
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A 70 kilomètres à l’ouest d’Alger la capitale, et à une dizaine
d’autres avant d’arriver au mont Chenoua, s’étale cette coquette ville,
chef-lieu de même nom d’une wilaya riche de ses terres, de ses plages,
de son patrimoine archéologique et de ses vestiges historiques, à l’air
libre ou demeurant encore enfouis sous terre.
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Une cité au passé riche et glorieux
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Cette ville maritime, avant d’être phénicienne (tipasa signifie «lieu de passage»), était certainement l’emplacement d’un village berbère dans une région de terres fertiles et de forêts denses qui attira les convoitises de ce peuple venu d’Orient dans la haute Antiquité.
Brièvement, rappelons que les Phéniciens, originaires de la Palestine et du Liban actuels, furent amenés à sillonner tous les rivages de la mer Méditerranée – et même au-delà – à la recherche de débouchés commerciaux, de métaux (or, fer, cuivre, étain), de produits agricoles et d’objets manufacturés. Habiles navigateurs et bons géographes (et surtout excellents commerçants qui ont inventé l’alphabet actuel qu’ils ont simplifié à l’extrême), ils ont fondé, d’après les historiens, quelque 300 comptoirs commerciaux sur les côtes méditerranéennes, en Afrique du Nord, en particulier. Citons, entre autres, la fameuse Carthage, sans doute la plus grande et la plus riche capitale à cette période, et qui fut détruite par sa rivale, Rome, à l’issue des guerres Puniques – entre 264 et 146 avant l’ère chrétienne (voir la Nouvelle République n° 3025 du 03/02/2008). Il est certain que Tipasa a vu s’établir ces marins commerçants à partir du VIe siècle avant J-.C., ce qui correspond grosso modo à la période de l’essor et de la puissance carthaginoise dans le Bassin méditerranéen.
Il existe très peu de repères historiques et archéologiques concernant cette ville maritime pour les périodes numide ou mauritanienne, néanmoins, on sait qu’elle faisait partie du royaume de Mauritanie. Celui-ci s’étendait des côtes atlantiques au Maroc jusqu’aux monts des Babors (Sétif) et avait pour capitale Caesarea (Cherchell). A la fin du Ier siècle av. J-.C., elle passa sous la domination des Romains qui avaient vaincu l’aguellid Juba I grâce à leur célèbre général, Jules César, à la bataille de Thapsus (-46).
Le fils de l’aguellid déchu, Juba II, élevé à Rome par les soins de l’empereur Auguste Octavius, qui lui fit épouser Cléopâtre Séléné, la fille de la fameuse dernière reine d’Egypte, la non moins célèbre Cléopâtre (qui avait épousé Jules César lorsque ce dernier a pris possession de son pays) devint monarque du pays en -25. Il avait pour capitale Iol (ou Cherchell) et tout indique qu’il fut le bâtisseur de l’admirable et imposant Tombeau royal mauritanien, improprement appelé le Tombeau de la chrétienne. Ce monument imposant domine toute la région et est visible à plusieurs dizaines de lieues, suscitant la curiosité de tous les passagers, en particulier des navigateurs qui passaient tout près du rivage. Le fils de Juba II, Ptolémée II, qui lui succéda, fut assassiné en 39 sur l’ordre de l’empereur Caligula qui entreprit de prendre possession de tout le royaume mauritanien qui resta sous la domination des Romains durant cinq siècles. La ville connut son apogée vers le IVe siècle où sa population atteignit vingt mille habitants environ et s’étendait sur une grande superficie comme le prouvent ses ruines de part et d’autre du port. Un siècle plus tard, les Vandales l’occupèrent, en 430, pour un siècle, avant de céder la place aux Byzantins, vers 534, qui furent eux-mêmes délogés par les Arabes musulmans à partir du dernier quart du VIIe inaugurant, ainsi, une nouvelle ère pour toute la région du nord de l’Afrique.
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Le musée, reflet du passé de la ville et des environs
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La ville de Tipasa s’enorgueillit d’abriter un musée peu spacieux mais bien conçu, et érigé, en 1955, sur une placette ouverte sur le petit port dont il n’est éloigné que de quelques mètres seulement. Il se compose d’un patio et d’une salle d’exposition et donne sur un petit jardin mitoyen. Tous les objets qui y sont exposés proviennent des fouilles effectuées sur les deux principaux sites de la ville, dont l’un est situé à l’est, autour de la basilique de la Sainte Salsa. L’autre ensemble, à l’ouest, d’une grande superficie, contient les principaux vestiges relatifs à la vie civile et religieuse de toute métropole de l’époque en Afrique romaine.
On peut voir dans le premier espace, à côté du comptoir réservé à la réception des visiteurs, plusieurs objets dont on citera, à titre d’exemple, des stèles portant l’effigie de personnages, des ustensiles en verre, en céramique ou en poterie. Figurent, également, plusieurs gravures funéraires, des pans de mosaïques et des symboles puniques comme les étoiles ou le croissant.
En pénétrant dans la salle d’exposition, une grande et très belle
mosaïque attire le regard du visiteur par les scènes qu’elle évoque
avec un réalisme frappant. Cette belle fresque, datant du IIIe siècle,
est appelée la «Mosaïque des captifs» et montre, en son centre et bien
en évidence, des prisonniers berbères au temps de l’occupation romaine
: un homme et sa femme enchaînés en compagnie de leur fils. Une
douzaine de carrés représentent des personnes autour du trio,
symbolisant tous des habitants de la ville qui s’opposaient à la
politique de romanisation imposée par les conquérants latins. Cette
merveilleuse pièce archéologique ornait, à l’époque, le sol du tribunal
de la ville et constitue un document de premier ordre sur la résistance
farouche qui animait les Numides face à l’acharnement des légions
romaines pour imposer leur domination en Afrique du Nord. D’ailleurs, à
côté de cette admirable œuvre, trônent des stèles à la mémoire de
chevaliers romains tués lors des batailles qu’ils eurent à livrer aux
Berbères révoltés aux IIe et aux IIIe siècles de l’ère chrétienne.
Dans ce chapitre, on sait que les Imazighènes ont défendu farouchement
leur pays contre l’impérialisme romain et qu’ils se soulevèrent de
façon constante, durant les cinq siècles de présence des descendants de
Jules César et leur politique tendant à «diviser pour régner», ou la
construction du fameux limes d’ouest en est pour contenir les tribus
autochtones dans les contrées sahariennes, après les avoir chassées des
riches terres du nord. On ne peut s’empêcher, ici, d’évoquer
quelques-unes de ces grandes révoltes qu’a vécues le pays, au cours des
premiers siècles de notre ère, comme celle du célèbre Tacfarinas, de
Firmus, des Circoncellions ou des donatistes chrétiens. D’ailleurs, la
propagation de la religion chrétienne, à cette époque-là, était une
forme de résistance aux Romains païens et la patrie des Numides a eu sa
part de martyrs pour la cause de cette religion monothéiste. Saint
Augustin, le fils de Souk Ahras, n’était-il pas considéré comme l’un
des plus grands penseurs de la chrétienté, en particulier, et de
l’humanité,
en général !
Pour revenir un peu au musée de Tipasa, mentionnons ce qui constitue l’une de ses fiertés : l’exceptionnelle collection de verre antique qui figure parmi les plus belles et les plus représentatives qu’on puisse voir dans tous les pays du Maghreb. Elle réunit des ustensiles admirables, en verre simple ou coloré, conçus pour contenir des parfums ou les cendres des morts des Ier et IIe siècles. Aux angles extrêmes de cette salle, sont exposés des sarcophages de marbre contant l’histoire légendaire des héros mythologiques du Péloponnèse (Grèce), le prince Pélops et la princesse Hippodamie, ou des Néréides et des figures allégoriques du monde marin.
Dans les quatre armoires de la salle, on peut admirer plusieurs objets comme les pièces de numismatique frappées en argent datant de différentes époques (Ier s. av. J-.C.—IIe siècle ap. J-.C.), ainsi que de nombreux objets en bronze, en or, en argent, de céramique ou de poterie, de diverses dimensions (jarres, chandeliers, bouteilles, assiettes, plats, etc.) et périodes (y compris chrétienne, car l’influence du christianisme était très forte en ces temps-là), et de fabrications locale, romaine, grecque ou punique (phénicienne).
En définitive, ce modeste article ne saurait énumérer ou décrire -avec fidélité et de façon exhaustive-les trésors archéologiques qui se trouvent dans l’enceinte de cet admirable musée et qui s’offrent à la curiosité et au besoin de savoir du visiteur, invité à se transporter vers les époques lointaines de notre glorieux passé.
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Avant de clore cet écrit, il est utile de signaler la disponibilité, le
professionnalisme et la gentillesse du personnel de ce lieu d’art et
d’histoire et qui mérite tous les encouragements et l’entier respect.
Voilà qui est fait !
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N.B. : Le musée est ouvert tous les jours, de 9 h à 12 h et de 14 h à
17 h,
(sauf le samedi et les jours fériés).
Droits
d’entrée : 20 DA (adultes) et 10 DA (étudiants).
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Rachid Mihoubi, 27-03-2008.
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