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L'ex-Premier ministre thaïlandais Thaksin
Shinawatra est finalement rentré au pays ce 28 février 2008 après 17 moisce d'exil.
Accueilli par quelques milliers de supporters à l’aéroport de
Suvarnabhumi, le milliardaire a aussitôt été conduit sous escorte
policière devant les juges de la Cour suprême qui l’ont libéré sous
caution mais lui ont interdit de quitter la Thaïlande
L’ambiance était carnavalesque hier matin à l’aéroport international
Suvarnabhumi alors que l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra
faisait son retour au pays après 17 mois d’exil. Une dizaine de
milliers de personnes s’étaient rassemblées depuis les premières heures
du jour pour être au plus prêt de celui dont ils attendaient le retour
depuis le coup d’état du 19 septembre 2006.
Tout juste sorti de l’aéroport, Thaksin s’est agenouillé pour
embrasser le sol, puis il a salué la foule plusieurs fois avant d’être
conduit par une solide escorte policière vers la Cour suprême où
l’attendaient les juges.
Entendu dans deux affaires puis relâché sous caution
Thaksin Shinawatra et son épouse, Pojaman, sont accusés de plusieurs
violations des lois anticorruption et risquent jusqu'à 13 ans de prison
chacun, et des amendes dans le cadre d'une affaire immobilière.
L'audience a duré 20 minutes, et la caution a été fixée à huit millions
de bahts (250.000 dollars). Mais M. Thaksin a reçu l'ordre de ne pas
quitter le territoire thaïlandais sans l'autorisation de la Cour
suprême. L'ex-Premier ministre "s'est vu également interdire
d'entreprendre la moindre action susceptible de nuire ou de faire
obstruction au processus judiciaire", a indiqué la Cour suprême,
avertissant que la libération sous caution serait aussitôt "annulée" en
cas d'infraction. La première audience du procès a été fixée au 12
mars.
M. Thaksin s'est ensuite rendu, toujours sous escorte policière, au
bureau du procureur général de Thaïlande pour répondre à une autre
accusation, liée à des déclarations frauduleuses faites par lui et son
épouse à la Commission des opérations en bourse en 2003 à propos de
l'enregistrement d'une entreprise immobilière. L'ex-Premier ministre,
qui risque jusqu'à deux ans de prison et des amendes dans cette
affaire, a également bénéficié d'une libération sous caution fixée à un
million de bahts (31.000 dollars). M. Thaksin a reçu l'ordre de se
présenter au même endroit le 3 avril, date à laquelle le procureur
annoncera si des poursuites sont formellement engagées devant un
tribunal.
Dans l'avion qui l'a ramené en Thaïlande depuis Hong Kong, M. Thaksin
avait déclaré à des journalistes que les accusations de corruption
contre lui avaient été "montées de toutes pièces" pour justifier le
coup d'Etat mené par des généraux royalistes en 2006. "Je voudrais dire
à toutes les parties concernées qu'il est temps d'aller de l'avant.
J'ai abandonné la politique. Il n'y aura pas de désordre civil, pas de
coup d'Etat", a-t-il dit.
Un simple citoyen sous haute protection
Bien que l’ancien chef du gouvernement affirme revenir en "simple
citoyen", son retour au pays aura néanmoins mobilisé d’importantes
forces de sécurité. A l’aéroport hier matin, une trentaine de commandos
l’ont escorté de l’avion jusque dans la salle VIP de l’aéroport tandis
que des tireurs d’élites quadrillaient le secteur. La police a
également déployé plusieurs centaines d’agents sur l’aéroport et dans
la capitale, nécessitant des renforts des provinces voisines. Au lieu
de réintégrer sa maison, Thaksin a préféré retenir pour lui et sa
famille tout un étage de l’hôtel Peninsula, réputé pour sa sécurité, et
dont un des principaux actionnaires n’est autre qu'un membre de la
famille du ministre adjoint des Finances Pradit Pataraprasit, selon le
Bangkok Post. Enfin, le même journal rapporte que les bureaux de police
ont reçu comme consigne de garantir la sécurité de Thaksin et son
entourage lors de leurs sorties et de mettre en place un service de
sécurité autour de sa maison de l’avenue Charan Sanit Wong.
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La corruption
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Muang Thaï nii dii. [Que le pays thaï est heureux.]
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Cette évidence du bonheur frappait avec insistance car elle est le fait de toutes les couches de la population, y compris de celles qui a priori n'était pas les mieux servies dans le partage de la richesse. C'est ailleurs qu'il faut chercher les raisons de l'attitude heureuse. Son fondement repose-t-il sur un postulat politique traditionnel? Nul gouvernement autoritaire [et ils l'avaient tous été peu ou prou] ne pousse l'autoritarisme jusqu'à oser réduire beaucoup les considérables espaces de liberté de la population qui paraissent plus vastes que ceux où s'ébattent les prospères et protégés citoyens des démocraties dites avancées. En tous cas ils contiennent une formidable liberté d'entreprendre et de réussir, de s'adapter et de survivre qui compense les duretés de la vie. Nul salaire du secteur public ou du secteur privé ne permet réellement de faire face aux nécessités d'une vie familiale si ne s'y ajoute le complément [voire le principal] d'un second salaire, d'un petit métier annexe ou d'un investissement voire d'une activité illégale comme la corruption. Ce dispositif rend assez bien compte du développement accéléré du pays où, quelque tristes que soient les données officielles ou celles des Nations Unies, l'argent circule avec un bruit et une densité visible et audible sans pour autant irriguer le réseau statistique.
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N'oublions tout de même pas que de 1979 à 1984 quarante-sept journalistes furent assassinés par des inconnus toujours inconnus à ce jour [en qui des âmes malveillantes auraient cru reconnaître des militaires et des policiers] pour cause d'articles déplaisants sur des "personnalités d'influence".
Le Thai a compris que vingt-cinq, puis treize, puis cinq et finalement un seul puis aucun politicien de l'ancien gouvernement de Chatichaï [c'est toujours l'ancien gouvernement qui pèche] n'était sur la liste, décroissante au fil des mois pour cause de tractations pré-électorales, des fortunes extravagantes curieusement acquises.
Il a souri parce qu'un certain Thirasak, directeur d'une prison du nord, avait transformé son établissement en compagnie privée débitant du bois de teck, dont l'arrachage est par ailleurs formellement prohibé par la loi. Il a pleuré aussi à l'arrestation d'un infâme Thonchaï dont l'usine illégale employait trente enfants banalement torturés et travaillant cent heures par semaine pour un salaire de misère à la confection de fleurs en papier destinées à agrémenter les salons de réception des beaux mariages de la ville.
Il sait que tous les commerces charnels du royaume payent l'impôt de protection et a lu la déclaration d'un très haut responsable de la police métropolitaine niant qu'il y eût un seul de ces établissements à Bangkok. Les taxis, tuk-tuk et camions sont rançonnés par la police de la circulation d'une manière routière, routinière et flagrante en fin de mois.
Le trafic des titres de propriété est notoire. Les permis de construire et de conduire se vendent. La douane est une vigoureuse entreprise où le parking témoigne de l'aisance de ses membres. Le ministère de l'intérieur est régulièrement épinglé pour ses irrégularités comme l'est le port de Bangkok: il nourrit de mystérieuse manière le marché de Khlong Tom où l'arrivée des nouvelles marchandises correspond à celle des conteneurs au terminal de Khlong Toï.
De l'armée de terre, on ne parle qu'avec respect et prudence. Cinquante ans de pouvoir presque ininterrompu lui ont permis d'affiner les mécanismes de survie. Elle dispose de prébendes généreuses, de sinécures dorées dans les entreprises publiques, de ses propres stations de radio et de télévision, d'alliances commerciales avec la Birmanie du bois et le Cambodge des Khmer rouges: les pierres de Païlin inondent le marché de Boraï. Elle prélève sur les commandes de matériel par des procédures rodées, éprouvées et si réglées qu'elles s'identifient à l'Ordre. Le sentiment populaire est fort que la CMP militaire vaut mieux que la corruption exacerbée de politiciens qui n'ont pas la durée
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Les fonctionnaires sont payés, mais si peu que le minimum n'est pas assuré et ne permet certainement pas de faire face à l'éducation des enfants, aux bijoux de l'épouse, à l'appétit des mia noï, aux amortissements pour les vieux jours, au renouvellement du parc automobile et aux exigences de la face!
Alors il faut se débrouiller, avoir un second métier si c'est possible, et des rentrées supplémentaires même si c'est impossible. La loi comprend ces choses, et peu de gens vont en prison pour ces peccadilles et tout finit par s'arranger..
Et puis, à quoi serviraient des fonctionnaires affamés alors que bien nourris ils sont utiles, huilent les mécanismes et aident le public perdu dans les arcanes de l'administration? N'ont-ils pas aussi, comme tout un chacun, les lourdes charges imposées par les relations de clientèle et les impératifs de la promotion? L'application de la loi devient ainsi convergente avec les exigences de la morale.
on, ce qui est gênant et offensant, ce sont les excès et les bavures de quelques-uns; les politiciens sont les archétypes de la mauvaise corruption car ils sont pressés par le temps et la rentabilité. L'important est que tout se passe dans l'ordre, la dignité, la décence, le respect des tarifs et de la face.
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Un peu d'histoire
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Quand la Thaïlande émergea à l'état plein et entier de nation au treizième siècle avec la capitale à Sukhotaï, les pionniers de l'indépendance choisirent d'élever le plus sage et le plus capable d'entre eux au trône, ce dernier devenant ainsi le double symbole de l'indépendance et de l'unité. Le Roi, en retour, ayant été choisi non par droit divin mais par le consentement de ses pairs, était dans l'obligation morale de gouverner avec "justice", non pour sa propre gloire et celle de sa famille, mais pour le "bénéfice et le bonheur" du peuple qui lui avait été confié. Depuis les débuts, le Roi de Thaïlande est jugé sur le seul critère du bénéfice et du bonheur qu'il apporte à son peuple.
Avec le déplacement de la capitale de Sukhotaï à Ayutthaya, le concept khmer de royauté divine influença l'institution royale et les Rois d'Ayutthaya incorporèrent nombre d'attributs divins dans les fonctions du trône. Une telle intégration fut peut-être aussi une réponse à la nécessité d'accroître le pouvoir symbolique du trône qui faisait face à l'extension des frontières et à l'éloignement d'une population qui avait été jusqu'alors en contact constant avec la capitale et avec le Roi. La conception du Roi "primus inter pares" régnant par consentement des populations ne disparut cependant pas, et les Rois divins d'Ayutthaya s'élevèrent et s'abîmèrent en fonction de la justice et du bonheur qu'ils apportèrent au peuple siamois.
Après la destruction d'Ayutthaya en 1767 et le règne bref du Roi Taksin à Thonburi, la présente dynastie des Chakri de Bangkok s'établit à Bangkok en 1782 et poursuivit la tradition monarchique telle que transmise par Ayutthaya. Au fur et à mesure que les influences occidentales se renforçaient pendant les quatrième et cinquième règne de la dynastie, les Rois furent assez sages pour concevoir qu'une certaine adaptation aux standards occidentaux deviendrait nécessaire si la Thaïlande devait conserver son indépendance. Des princes et des courtisans furent envoyés en Occident pour étudier dans des pays où la démocratie était la règle. En Thaïlande même, le pouvoir fut décentralisé et distribué à des sujets capables hors du cercle royal immédiat. Cependant, en 1932, un groupe accéléra le processus en organisant une révolution sans effusion de sang qui transforma le pays en une monarchie constitutionnelle sur le modèle européen. Le Roi Prajadhipok, ou Rama VII, alors sur le trône, continua à régner jusqu'à son abdication pour cause de mauvaise santé. Le Roi Ananda Mahidol fut choisi comme successeur en dépit de son jeune âge, et passa la plus grande partie de sa vie à l'étranger pour faire ses études. Sa mort malheureuse à l'âge de vingt ans entraîna l'accession au trône de son frère cadet, Bhumibol Adulyadej, et laissa à ce dernier, pour les quarante et un ans passés, la charge de définir et de mettre en pratique le rôle du Roi de Thaïlande dans un cadre démocratique.>>>
Le passage fondamental de ce texte, éclairant dans ses élisions, est l'indication que "la présente dynastie Chakri a continué la tradition des Rois thaï telle que transmise par Ayutthaya". Et de fait, le pouvoir monarchique, constitutionnel depuis le coup d'état de 1932 mettant un terme à l'absolutisme, conserve des attributs qui, sans être nommément divins, relèvent néanmoins de la transcendance et du sacré.
Le respect exalté, absolu et proche de l'adoration que commandent le roi et la famille royale, soutenu par l'utilisation à leur endroit d'une langue particulière, le ratchasap [la langue royale] est peut-être moins dû à la position qu'ils occupent au sommet de la très stricte hiérarchie qu'à la croyance populaire faisant de la personne du roi une réincarnation de Vishnu. Le roi, s'il n'est pas totalement divin [et encore?], est certainement sacré. Dépositaire de la confiance du peuple, il n'a pas de pouvoir constitutionnel mais reste la constante au dessus des inconstances de la politique, le "garant de l'unité et de l'indépendance".
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La relation de la monarchie avec le bouddhisme est infiniment plus complexe, car elle participe de l'ambiguïté sur la nature même de ce dernier. Ce n'est pas une religion, dit le roi lui-même, mais "une philosophie et une science de la connaissance". Nonobstant l'aspect altier et difficilement accessible de cette philosophie, elle est aussi une religion populaire mélangée à des adhérences bhramaniques et animistes qui permettent à tout un chacun de faire face aux problèmes du jour et d'accumuler des mérites. Là encore, le roi "parfait bienfaiteur de toutes les fois" [dixit le prince Patriarche suprême Paramanuchit], donc du bouddhisme, bouddhiste lui même, est à la fois un défenseur des dhamma, les vérités bouddhiques, et un participant des traditions [par exemple il officie le changement de robe du bouddha d'émeraude] qui ont fait de la Loi une religion avec ses rites, ses superstitions, ses croyances et ses dieux. Les emblèmes transcendantaux entretenus par la tradition des cérémonies et des cultes officiels et l'éducation des enfants [les Trois Piliers de la Thaïlande, apprennent-ils, sont le Roi, le Bouddhisme et la Nation] donnent au roi un poids sans commune mesure avec les pouvoirs qui lui ont été dévolus par les textes constitutionnels successifs depuis 1932. Les tentatives de diminution du rôle royal, mises en oeuvre par le Maréchal Phibul Songkhram, deux fois premier ministre entre 1938 et 1944 [hanté, croit-on, par les visions d'un maréchal-président], firent long feu et furent compensées, et au-delà, par la pleine restauration de la présence royale, dans les médias notamment, effectuée par le général Sarit Thanarat, premier ministre de 1959 à 1963. Ce mouvement aurait bénéficié du plein appui des autorités américaines instruites par les vertus de la consolidation impériale de Mac Arthur au Japon et inquiètes des développements politiques thaïlandais de l'époque et de la montée du communisme dans la région.
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Bangkok est le pilier, l'âme et le centre du pays mais elle n'est pas toute la Thaïlande, même si elle se prépare à rassembler vers la fin du siècle peut-être le cinquième de sa population. Comme la capitale, le royaume offre les visages d'une prodigieuse variété, d'un sud équatorial et musulman aux montagnes d'un nord tribal et quelquefois frisquet, du riche ouest des confins birmans à l'aridité cruelle des plateaux de l'est. Une vraie leçon de géographie!
Un noble mélange de modernité et de tradition est tout entier inscrit dans le nom siamois de Bangkok, géante capitale grosse d'un cinquième dragon asiatique en gestation, dont le nom transcrit se lit tout simplement "Krungthep Mahanakorn Amorn Ratanakosin Mahintara Yuttaya Mahadilok Pobnopparat Rajathanee Burirom Udom Rajanivat Mahasatan Amornpiman Awathan Sathit Sakathattiya Witssanukamprasit" [les adresses postales se simplifient heureusement en "Krungthep etc"...] et qui abrite en son milieu celui dont les livres disent "l'eau qu'il répand est l'eau sacrée du ciel; elle lave le malheur et conforte l'âme".
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A Patthaya, ce n'est pas l'architecture raffinée de l'hôtel Royal Cliff sur son site hors du commun qui frappe, non plus que l'intensité des commerces charnels du Golden Mile dont la densité est olympique. Non, c'est la fonction hospitalière, au sens premier et propre du terme, qui apparaît, avec quelque irénisme il faut l'avouer. Des messieurs âgés, caucasiens et anglo-saxons pour beaucoup, dûment munis d'un déficit de tendresse et d'un léger excédent de devises, des filles jeunes [encore que ?] non moins pourvues des qualités inverses et donc complémentaires naît une réunion qui, si elle n'est pas forcément esthétique, reste peut-être morale. Un peu-beaucoup de tendresse coûte beaucoup-un peu d'argent et le mariage, éphémère dans sa brièveté, est émouvant. Et le soir sur le front de mer, les veufs, les laids, les déçus, les retraités au petit pied, petit talent et petite pension se promènent la main dans la main, heureux [et quel prix à cela?] avec des jeunes femmes que les illuminations du soir embellissent; elles leur consacrent fugitivement, mais avec intensité, ce qui leur manque à l'évidence le plus, la construction d'un ultime rêve, la restauration d'une dignité dernière avec un soin et une tendresse qui, tout stipendiés qu'ils soient, valent les injustes solitudes du troisième âge dans les banlieues de Hambourg ou de Sydney. A ce titre, Patthaya la dissipée est un lieu géométrique équidistant de vies différentes, et ses égéries de simples infirmières justement salariées. Il n'y a plus de honte mais des nécessités de l'ordre de l'économique, et un bel et bon service rendu et rétribué. Quoi de moins immoral en des terres écartées du péché originel.
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Voilà pourquoi le pays fascine si fort les étrangers qui ont grand peine à s'y retrouver et préfèrent les certitudes du modèle officiel, où tout le monde est beau et gentil. C'est certainement vrai, mais il serait dangereux de s'en tenir là tant le sourire vide des bouddhas de compassion cache de terribles grimaces.
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Muang Thaï nii dii. [Que le pays thaï est heureux.]
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