Illustre philosophe du monde musulman
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Le mot illustre lui va à merveille tant ses idées ont rayonné partout dans le monde et pour sa philosophie fondée sur les syllogismes et l’effort de réflexion. Né en 1126 à Cordoue dans une grande famille qui faisait du droit, un domaine de prédilection, Ibn Rochd a vécu à la confluence de deux âges politiques : celui des Almoravides suivis des Almohades, après un renversement.
Tout d’abord il avait connu une Espagne musulmane vivant sous l’influence de l’empire almoravide. Cela a, peut être été déterminant pour son avenir autant que l’ont été les siens ; à l’exemple de son grand-père qui fut un notable à Cordoue en sa qualité de grand cadi. Le renversement d’un régime et son remplacement par un autre, entre pour lui dans la logique de l’universelle de l’évolution qu’Ibn Khaldoun n’a jamais perdu de vue dans sa méthode scientifique. Commentateur d’Aristote autour duquel gravitent d’autres philosophes considérés de nos jours comme des contemporains, Ibn Rochd a très tôt opté pour la vie du progrès, de la logique, de l’effort de réflexion ou idjtihad au point de mettre au point une méthode d’analyse devenue en Andalousie une tradition rationaliste dont se sont largement servis les penseurs occidentaux et les juifs. Ceci parce qu’il a su concilier dans le discours philosophique, foi et raison qui, pour lui, ne s’excluent pas. Philosophie et théologie vont de pair pour le triomphe de la rationalité, chez Ibn Rochd qui a été le fondateur de la vision occidentale basée sur la raison. C’est la meilleure vision qui élève l’esprit bien au-dessus des banalités du quotidien, stimule considérablement le cerveau pour l’aider à produire de la matière grise. Ceux qui l’ont lu intelligemment, parmi les plus grands de l’intelligentsia, classent le Coran dans la catégorie des livres scientifiques. Ce qui montre une fois de plus qu’en Islam, il n’y a pas de contradiction entre religion et science. Et jusqu’à nos jour, on n’a pas su interpréter à sa juste valeur la parole si célèbre de notre prophète (que le salut soit sur lui) qui dit : «recherchez la science, même s’il faut aller en Chine». Et que de passages dans le Coran font allusion au discours moderniste qui puise son essence de l’esprit scientifique et de l’effort de réflexion si cher à Ibn Rochd. A titre indicatif, nous vous rapportons, de la sourate El Moudjadala (Discussion) ce passage (verset 11) : «Ô vous qui croyez ! Lorsque l’on vous dit : «Faites place aux autres dans les assemblées», exécutez-vous et Dieu nous ménagera une place. Quand on vous dit : «Levez-vous !» faites-le ! Dieu placera sur des degrés élevés ceux d’entre vous qui croient et ceux qui auront reçu la science. Dieu est parfaitement informé de ce que vous faites.» On ne voit donc pas de contradiction entre la religion et la vision rationnelle telle que prônée chez Ibn Rochd, contrairement à ceux qui s’obstinent à croire que la philosophie est interdite par la révélation.
Quel sens donnerait-on alors à cette partie du verset ci-dessus rapporté : «Dieu placera sur des degrés élevés ceux d’entre vous qui croient et ceux qui auront reçu la science» ? Le Coran est un miracle de Dieu, s’adressant à tous les hommes pour leur faire entendre la parole sacrée.
La voix de la connaissance comme du commentateur à l’esprit scientifique installe le discours qui n’a de valeur que dans la diversité. Elargissez le débat, dit la parole de Dieu, pour atteindre la vérité. «Interdire la lecture dit Ibn Rochd, c’est ne pas donner un verre d’eau à quelqu’un qui a soif.» Ou encore ici une parenthèse pour redire les propos d’un homme de religion, très objectif dans ses discours, et qui dit à une assemblée qui ne donnait pas l’impression de l’avoir bien compris que : «La science sans religion est aveugle, la religion sans science est boiteuse.»
Profondément imprégné des principes de religion musulmane, inventeur du raisonnement par syllogisme et de l’effort de réflexion ou idjtihad, Ibn Rochd s’est taillé une place honorable chez les Occidentaux qui, très tôt en ont fait une source d’inspiration unique.
Tous les auteurs latins ont eu les appoints nécessaires à leur savoir en lisant Ibn Rochd et tous les professeurs d’expression latine, du XIIIe au XVe, XVIe siècle se réclameront de lui. Qui peut prouver aujourd’hui que la philosophie de Descartes, mathématicien, ne s’inspire pas d’Ibn Rochd ?
Mais hélas ! Déjà de son temps, le grand philosophe a eu des différends graves avec les radicaux, au point même d’être attaqué, pour avoir dit que la révélation doit être discutée. C’est pourquoi ses œuvres ont disparu des originaux, mais continuent d’exister en traduction plurilingue.
Peu importe ! Ceux qui se sont libérés de la pensée unique fondée sur un dogmatisme pur et dur, se réclament de lui en tant que figure de l’Islam des lumières.
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01-10-2007
Boumediene Abed
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