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C’est le neuvième tome des "Carnets d’Orients" de Jacques Ferrandez. Pour ceux qui auraient l’outrecuidance d’ignorer ces "Carnets D’Orient", qu’ils sachent que Jacques Ferrandez a entamé, il y a quelques années de ça, l’histoire de l’Algérie, depuis le débarquement des troupes Françaises au XIXe siècle. C’est une immense fresque historique ramenée au quotidien de toutes sortes de personnages, Algériens, Kabyles, Juifs ou colons, militaires ou bergers, ouvrier agricoles, commerçants, administrateurs ou combattants, xénophobes ou revolutionnaires.
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Et ce neuvième tome (vous avez le droit de lire les huit précédents) commence en octobre 1958, lors du discours de De Gaulle annonçant la Paix des Braves… Le livre porte en exergue une citation de Camus: "J’ai toujours condamné la terreur. Je dois ainsi condamner un terrorisme qui s’exerce aveuglément dans les rues d’Alger, par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère et ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice." Et la réplique de son ami Jules Roy, après la mort de Camus, en hommage à celui-ci: "Pour moi, j’ignore, Camus, si je suis comme toi capable de placer ma mère au-dessus de la justice. (…) Il ne s’agit pas de préférer sa mère à la justice, il s’agit d’aimer la justice autant que sa propre mère."
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Suit un très beau texte de Fellag, comédien, écrivain, et humoriste, sur le miroir de la mémoire commune qui s’achève ainsi : "Cette partie de ma vie ressemble à l’univers décrit par Jacques Ferrandez dans sa saga algérienne. Dès que j’ouvre l’un des "Carnets d’Orient", je me retrouve dans la lumière, les paysages, les personnages, les atmosphères et les passions qui animaient le décor de mon enfance. Lui et moi nous sommes des frères reliés à la même matrice mémorielle. Face à face, chacun de son côté, nous regardons les mêmes choses aux mêmes moments. Deux frères qui voient l’Histoire se faire au détriment d’eux, sans eux, incapables d’arrêter son cours ou de glisser un grain de sable pour en arrêter les rouages. Alors on dessine, on fait rire, on fait rêver pour mettre du baume sur 'tout ça'."
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J’aime beaucoup Jacques Ferrandez. Il habite, dans le midi, le même village que ma mère et l’on se voit parfois au hasard des années. Quand il n’est pas vissé à sa planche à dessin, Jacques est un grand explorateur de l’Orient et d’ailleurs, et de l’âme humaine dans ses turpitudes, sa grandeur et ses petits riens.
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On retrouve dans cet album des personnages des épisodes précédents. Octave et Samia, exilés au Canada vont devoir revenir pour affronter le destin du pays qui les a vu naître, se rencontrer et s’aimer… Ils vont croiser Bouzid, Sauveur, Marianne et tous les autres, des combattants du FLN, des troufions ou officiers de toutes tendances, Madame Alban et le vieux Casimir, face à la nouvelle donne de l’Histoire. L’amertume, la traîtrise, la violence, le fanatisme de tous bords, la connerie militaire et humaine, mais aussi l’amour et le pardon, les signes de certains changements dont les espoirs seront bientôt déçus.
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Un secret de famille enfin révélé, nous amène finalement à cette "Dernière Demeure", comme un château de rêve bâti sur le servage, un mirage surgi du désert, symbole de plus d’un siècle de colonisation qui s’effondre. C’est une guerre qui n’a finalement que des vaincus, et il faudra attendre que Jacques Ferrandez ait fini le dixième tome pour savoir ce qu’il est advenu de Samia…
(Jacques, s’il te plaît, tu te dépêches?)
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