du 6-11-1837 au 28-12-1840
.
.
Different au sujet du traité de la Tafna
.
.
Le maréchal Valée arriva à Alger dans les premiers jours de novembre 1837, ramenant avec lui les troupes excédant les besoins de la nouvelle occupation. Ce retour était bien nécessaire; car les forces avaient été tellement diminuées dans cette province que de toutes parts, à l’instigation d’Abd-el-Kader, les tribus se soulevaient contre nous. Le frère de l’émir, El-Hadji Mustapha, s’était emparé de Blida et y levait des contributions; les Hadjoutes recommençaient à commettre des escarmourches sur le territoire. En l’absence du gouverneur général, l’administration civile et militaire avait bien été confiée à des chefs expérimentés: au général Bro d’abord, puis au général Négrier; mais que pouvait contre tant d’ennemis toute leur habileté, avec le faible effectif dont ils disposaient ? Ils n’avaient guère que quinze cents hommes en état de tenir la campagne. On adressa des remontrances au bey de Miliana, qui était l’un des principaux fauteurs de ces troubles; mais ce chef, qui sentait alors toute sa force, n’y répondit que par l’ironie. « Si les Français, dit-il à nos envoyés, veulent assurer la tranquillité du pays, qu’ils en confient la police à mon maître, et qu’ils se bornent à occuper Alger. » Ainsi, la victoire venait à peine d’inaugurer la souveraineté dans la province de Constantine que de nouveaux troubles germaient dans celle d’Alger.
.
.
La convention signée le 30 mai sur la plage de la Tafna, avait interdit à l’émir de sortir du pays placé sous son commandement. Mais son caractère ambitieux et inquiet faisait craindre que, sous prétexte de poursuivre hors de son territoire des ennemis qu’il ne pouvait autrement atteindre, il ne tentât de pénétrer au delà des montagnes qui servent de limite aux provinces d’Alger et de Tittery. Le maréchal Valée fut donc autorisé à prendre les mesures propres à rendre impuissantes toutes tentatives de ce genre; tandis que d’un autre côté, on cherchait à éclaircir ce que la lettre du traité de la Tafna pouvait offrir d’équivoque au sujet des limites à l’est d’Alger. Le dissentiment qui existait entre nous et Abd-el-Kader portait principalement sur l’article 2. L’émir prétendait qu’il nous bornait à l’Oued-Kaddara, et que le mot arabe au delà qui s’y trouve, mis après le nom de cette rivière, était tout à fait sans valeur. Nous disions, nous, au contraire, qu’il en avait une très grande et signifiait que nous n’avions pas voulu nous limiter dans la direction de l’est. En conséquence, il fut décidé qu’on n’admettrait d’autre interprétation que celle qui, en assurant au profit de l’administration française la contiguïté des deux provinces d’Alger et de Constantine, et la possession facultative du littoral tout entier, depuis Alger jusqu’à la frontière tunisienne, lui laisserait également tout le territoire au nord d’une ligne tracée d’Alger aux Portes de Fer, y compris ce défilé et le fort de Hamza. Malgré cela, Abd-el-Kader, ne tenant aucun compte de ces décisions, opérait des razzias dans la partie contestée et y instituait des fonctionnaires dévoués à sa personne.
.
.
A cette époque, l’émir envoya à Paris son secrétaire intime, Sidi-Mouloud-Ben-Arrach, avec la mission ostensible d’offrir au roi des présents, mais, au fond, pour obtenir une solution favorable à l’interprétation qu’il voulait donner au traité du 30 mai. Fort heureusement les ministres se récusèrent, et l’émissaire d’Abd-el-Kader reçut l’invitation de s’entendre directement, à Alger, avec le gouverneur général. Cette réponse coupa court à tous les atermoiements ; Mouloud Ben-Arrach quitta la France, et quelques jours après son arrivée en Algérie (4 juillet), il signait la convention suivante :
.
ARTICLE 1er. — Dans la province d’Alger, les limites du territoire que la France s’est réservé au delà de l’Oued-Kaddara sont fixées de la manière suivante le cours de l’Oued-Kaddara, jusqu’à sa source, au mont Thibiarin; de ce point jusqu’à l’Isser, au-dessus du pont de Ben-Hini; la ligne actuelle de délimitation entre l’outhan de Khachna et celui de Beni-Djaah, et au delà de l’Isser jusqu’aux Bibans, la route d’Alger à Constantine, de manière à ce que le fort de Hamza, la route royale, et tout le territoire au nord et à l’est des limites indiquées restent à la France, et que la partie du territoire de Beni-Djaad, de l’Hamza et de l’Ouannougha, au sud et à l’ouest de ces mêmes limites, soit administrée par l’émir. Dans la province d’Oran, la France conserve le droit de passage sur la route qui conduit actuellement du territoire d’Arzew à celui de Mostaganem; elle pourra, si elle le juge convenable, réparer et entretenir la partie de cette route à l’est de la Macta, qui n’est pas sur le territoire de Mostaganem; mais les réparations seront faites à ses frais et sans préjudice des droits de l’émir sur le pays.
ARTICLE 2.— L’émir, en remplacement des 30,000 fanègues de blé et des 30,000 fanègues d’orge qu’il aurait dû donner à la France avant le 15 janvier 1838, versera chaque année, pendant dix ans, 2,000 fanègues de blé et 2,000 fanègues d’orge. Ces denrées seront livrées à Oran le 1er janvier de chaque année, à dater de 1839. Toutefois, dans le cas où la récolte aurait été mauvaise, l’époque de la fourniture serait retardée.
ARTICLE 3. — Les armes, la poudre, le soufre et le plomb dont l’émir aura besoin seront demandés par lui au gouverneur général, qui les lui fera livrer à Alger, au prix de fabrication, et sans aucune augmentation pour le transport par mer de Toulon en Algérie.
ARTICLE 4. — Toutes les dispositions du traité du 30 mai 1837, qui ne sont pas modifiées par la présente convention, continueront à recevoir pleine et entière exécution, tant dans l’est que dans l’ouest.
.
Cet acte réglait donc les seuls points sur lesquels des stipulations écrites fussent indispensables; les autres ne pouvaient fournir matière à aucune autre contestation.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
Les commentaires récents