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L’Algérie étaient loin d’être pacifiées dans ses autres parties. Le contrecoup de l’échec éprouvé à la Macta s’y était aussi fait sentir. Le gouverneur général avait essayé de placer les villes de Miliana, de Cherchell et de Médéa sous l’autorité de beys institués par la France. Mohammed Ben Hussein, envoyé à Médéa, après avoir réuni quelques partisans dans les tribus, trouva la ville occupée au nom d’Abd-el-Kader et par un chef de son choix. Mustapha Ben Omar, l’ancien bey de Tittery, ne put se faire reconnaître à Cherchell. Dans la plaine, les Hadjoutes déjà châtiés tant de fois, mais constamment recrutés, recommençaient incessamment leurs incursions; et pourtant, dans cet état si prolongé d’anarchie et de confusion, les commandants choisis par Abd-el-Kader n’étaient pas toujours plus heureux que les nôtres Ali-M’Barak qui tenait pour lui Miliana, se vit attaqué et pillé par la tribu de Soumata, et quand il voulut entrer à Médéa les habitants ne consentirent à le recevoir que sans escorte.
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Dans la province de Bône, la paix continuait de régner, mais on observait attentivement la conduite d’Ahmed Bey, afin de prévenir le retour de ses agressions sur Bône et sur Bougie; des mesures étaient prises pour empêcher l’arrivée d’armes et de munitions de guerre achetées par lui à Livourne, et son impuissance s’accroissait encore de l’état d’hostilité d’un grand nombre de tribus voisines de sa capitale, que ses actes sanguinaires détachaient de sa cause. Le général d’Uzer s’étudiait avec une active persévérance à profiter de ses fautes pour concilier à la France le bon vouloir des Arabes, il encourageait les opprimés à recourir à sa protection, à placer en elle leurs espérances, et préparait ainsi le chemin de Constantine.
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A Bougie, la configuration du sol, les habitudes guerrières des populations, ne permettaient pas à l’occupation de s’étendre. Les Kabyles se disputaient les avantages du marché français, ils contestaient à quelques tribus isolées le droit de conclure des arrangements et ne parvenaient à s’entendre sur aucun point. Ces luttes intestines procuraient à la garnison quelques instants de repos, mais dès qu’elles étaient apaisées les hostilités recommençaient plus ardentes que jamais. Les rapports établis avec l’un des chefs les plus influents firent croire quelque temps à une paix prochaine; mais, soit qu’il y eût de sa part absence de bonne foi, soit qu’on se fût abusé sur l’étendue de son influence, ces espérances ne se réalisèrent pas.
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Les difficultés d’une telle situation amenèrent à examiner de nouveau en France si les causes qui avaient motivé l’occupation de l’Algérie étaient de nature à les faire maintenir, ou si l’on ne pouvait pas désormais la continuer dans un autre système, avec des forces moins considérables et par l’emploi de moyens différents. Le ministère se décida donc à mander le comte Clausel à Paris. Il craignait les dispositions de la chambre des députés sur la question d’Afrique, et pensait que personne ne pouvait mieux la défendre que le gouverneur général.
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Mais, à cette époque, le maréchal préparait une expédition pour l’Atlas; il fut donc obligé d’ajourner son départ. Son but était d’assurer le pouvoir de Mohamed Ben Hussein, le bey à Médéa et qui était parvenu à s’y faire reconnaître. Cette excursion fut sans résultat; l’influence d’Hadj-el-Sghyr prévalait chez toutes les tribus. Pour se maintenir, Mohamed aurait eu besoin d’une garnison française; mais l’armée était trop affaiblie pour en détacher un seul bataillon, et l’on se contenta de lui laisser six cents fusils et soixante mille cartouches. Le corps expéditionnaire se replia ensuite sur Alger après avoir eu trois cents hommes mis hors de combat, soit par la fatigue, soit par les embuscades des Arabes et des Kabyles. Enfin, le comte Clausel quitta l’Afrique le 14 avril, laissant le commandement supérieur de l’armée au lieutenant général Rapatel, homme de guerre intelligent, plein de bravoure, mais un peu trop confiant dans la spontanéité de ses mesures.
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Dans la province d’Oran, où le maréchal avait laissé le général Perrégaux à la tête d’un corps mobile chargé de surveiller les tribus ennemies et de protéger celles qui avaient fait leur soumission, les Douers et les Zmélas, attaqués par les Garabas, plus nombreux, s’étaient vus obligés de se réfugier sous les murs de la place. Le général Perrégaux en sortit avec cinq mille hommes, surprit les Garabas dans leurs tentes, leur infligea un sévère châtiment, puis se porta sur l’Habrah et dans la vallée du Chélif. Pendant le cours de cette longue reconnaissance, il reçut la soumission passagère des tribus, hommage rarement refusé à la force. Le prompt rappel d’une grande partie des troupes de la division d’Oran ne permit pas de retirer une utilité réelle de cette course si facile en pays ennemi : on en fut bientôt réduit à se tenir sur la défensive.
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Le gouverneur général avait jugé nécessaire l’établissement d’un camp à l’embouchure de la Tafna, afin de procurer à la garnison française de Tlemcen une communication plus prompte avec la mer. Le général d’Arlanges, qui s’y rendit avec trois mille hommes pour protéger les ouvrages eut à soutenir, pendant sa marche, un combat dans lequel l’ennemi essuya des pertes considérables. Les travaux, commencés avec ardeur, firent de rapides progrès. Au moment de reprendre la route de Tlemcen, dont la garnison attendait impatiemment son retour, le général fut informé qu’un rassemblement considérable, composé en partie de Marocains, sous les ordres d’Abd-el-Kader, se disposait à lui disputer le passage, et jugea prudent d’aller reconnaître l’ennemi. Il le rencontra à deux lieues du camp, au nombre d’au moins dix mille hommes. Assaillies avec une fureur peu commune, les troupes françaises opposèrent une résistance héroïque : le général, le lieutenant-colonel Maussion son chef d’état-major, le capitaine Lagondie son aide de camp, furent blessés; l’arrière-garde, un instant séparée de la colonne principale, ne se tira d’affaire que par des prodiges; de valeur; enfin, à une heure, la division fut assez heureuse pour rentrer dans le camp, mais après avoir perdu plus de trois cents hommes.
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Les pertes de l’émir furent également considérables; il n’avait pas moins obtenu un succès incontestable, puisqu’il refoula l'armée française dans ses retranchements, où il parvint à la tenir étroitement bloquée. Dans cette fâcheuse situation, le général français ne pouvait ni communiquer avec Tlemcen, ni retourner par terre à Oran: les soldats manquaient de vivres, les chevaux de fourrages, et de nulle part on ne pouvait espérer des secours immédiats. On écrivit à Alger; mais là la situation n’était pas meilleure. Les Hadjoutes, profitant de l’affaiblissement des forces françaises, se montraient partout ils surprennent les colons de Dely-Ibrahim, en tuent plusieurs et enlèvent leurs bestiaux; ils s’emparent du troupeau de l’administration à Douera, et pénètrent jusqu’à Bouzaréah; enfin des militaires tombent sous leurs coups entre le fort de l’Empereur et Dely-Ibrahim; un troupeau est même enlevé à la pointe Pescade. Jamais, depuis les premiers temps de l’occupation, les Arabes n’avaient poussé leurs incursions aussi près d’Alger. Hors d’état de secourir efficacement la division d’Oran, le général Rapatel ne put lui envoyer qu un bataillon du 63e.
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Lorsqu’on apprit en France la position critique de troupes sur la Tafna, on ne négligea rien pour les en tirer promptement. Les 23e 24e et 62e de ligne furent chargés de cette honorable mission sous le commandement du général Bugeaud, et s’embarquèrent à Port-Vendres sur le Nestor, la Ville de Marseille et le Scipion.
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