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Quelque soin qu’ait pris le général Berthézène pour atténuer ses pertes matérielles, cette seconde expédition de Médéa fut fatale à la France. « La première expédition, disait-il dans ses bulletins, a coûté cent soixante-deux tués et trois cent neuf blessés, je n’ai eu que soixante-trois morts et cent quatre-vingt-douze blessés, donc j’ai mieux réussi que mon prédécesseur. » Les avantages d’une bataille ne se mesurent pas d’après le plus ou moins grand nombre d’hommes tués, mais bien par les résultats obtenus. Or, dans la première expédition, nous avions renversé un bey influent et substitué à sa place un chef dévoué à nos intérêts; cette fois, au lieu de consolider le pouvoir du représentant de la France à Médéa, le général Berthézène le ramenait au milieu de ses colonnes, et nous rebroussions chemin comme des vaincus. Notre ascendant était donc ruiné. Aussi, dès ce moment, les Arabes et les Kabyles s’excitèrent les uns les autres à une nouvelle insurrection, et leurs émissaires vinrent jusqu’aux environs d’Alger recruter des combattants. Les Beni-Arib et toutes les tribus qui boivent les eaux de la Zeitoun furent les premiers à se soulever; le fils de Bou-Mezrag entra dans la coalition avec ses partisans; Blida, Koleah, fournirent leurs contingents; les habitants seuls de Médéa refusèrent de livrer les canons, les fusils et les munitions que nous leur avions confiés.
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Le principal instigateur de ce mouvement était un Maure algérien, nommé Sidi-Sadi, récemment arrivé de la Mecque. Il avait vu à Livourne Hussein Dey, et ils avaient arrêté ensemble un plan de soulèvement général qui devait, selon eux, amener l’expulsion complète des Français de l’Algérie. Sidi-Sadi associa à ses projets Ben-Aïssa et Ben-Zamoun, chefs principaux des tribus de l’est ; il promit même à ce dernier la charge d’aga de la plaine.
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Cependant ce mouvement, qui paraissait devoir être formidable, se réduisit, par le défaut d’ensemble, à quelques vaines démonstrations les contingents, qui devaient être réunis du 15 au 20 juillet pour attaquer tous à la fois, n’arrivèrent que l’un après l’autre, et Ben-Zamoun, impatient d’en venir aux mains, commença les hostilités avant d’avoir tout son monde. Le 17, il établit son camp à Sidi-Jederzin, marabout vénéré, situé sur la rive droite de l’Harrach, et le lendemain il fit attaquer la Ferme modèle, qui n’était défendue que par deux cent cinquante soldats; quelques coups de canon à mitraille suffirent pour disperser l’ennemi et le décider à venir reprendre ses anciennes positions. Le 18, le général Berthézène, à la tête d’une division de trois mille hommes, sortit d’Alger et se dirigea sur l’Harrach. Quand il eut atteint le plateau qui domine le gué de cette rivière, l’ennemi s’ébranla; alors le général fit former ses troupes par bataillon, de manière à présenter six têtes de colonne solidement appuyées. A la vue de ces dispositions, Ben-Zamoun renonça à défendre le passage de l’Harrach, plia ses tentes et opéra sa retraite nos fantassins, lancés au pas de course, ne purent même le rejoindre.
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A la suite de cette heureuse journée, l’armée, de retour à Alger, eut l’honneur d’être passée en revue par le prince de Joinville. Des cinq fils du roi, c’était le premier qui visitait nos possessions d’Afrique; mais à cette époque, les destinées de notre conquête étaient si incertaines, que le jeune marin n’apporta qu’une médiocre attention à ce qui s’y passait il ne se doutait pas alors que ce pays à demi barbare serait le principal théâtre de la carrière militaire de trois de ses frères. Le prince de Joinville ne resta que deux jours à Alger, d’où il se rendit de là à Mahon.
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La retraite de Ben-Zamoun n’était pourtant pas définitive; dès qu’il sut nos troupes rentrées dans leurs cantonnements, il reprit la campagne, s’approcha d’Alger, attaqua les blockhaus et tous les postes vulnérables, manœuvre qu’il ne cessa de renouveler pendant toute la belle saison ; « car à cette époque, disait le général Berthézène dans son rapport, les Arabes n’ont rien à faire, et ils trouvent à manger partout, tandis que pour nous cette même époque est la plus défavorable. Nous avons alors beaucoup de malades et nous sommes accablés par la chaleur » Voilà le secret de ces luttes incessantes que nous voyons se reproduire depuis treize ans, et qui amènent toujours les mêmes résultats la dispersion de l’ennemi et jamais sa soumission.
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